BE SMART - L'interview de Marie-Caroline Heydenreich (Mi Casa Es tu Casa) par Aurélie Planeix

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Vendredi 7 juillet 2023, BE SMART reçoit Marie-Caroline Heydenreich (Fondatrice et présidente, Mi Casa Es tu Casa)
Transcript
00:00 Et puisque on aborde la période des vacances, je vous propose tout de suite de louer ou d'échanger sa maison, pourquoi pas en compagnie de Marie-Caroline Hedenreich.
00:12 Bonjour. Bonjour. Vous êtes la fondatrice et la présidente de Mikasa est Stukasa. C'est donc un site de mise en relation pour louer ou échanger sa maison, si j'ai bien compris.
00:20 Absolument. Et d'abord, j'aimerais comprendre quelle est l'origine de ce projet ? Comment vous êtes venue à l'idée de monter ce site de mise en relation ?
00:26 Alors au départ, c'est pas du tout un projet pro. C'est un projet perso. En fait, il se trouve que je suis expatriée depuis 15 ans. Et on a acheté une maison avec mon mari il y a 7 ans.
00:36 On a voulu la mettre en location parce qu'on n'était pas là. Vous n'étiez pas en France ? On n'était pas en France une grosse partie de l'année.
00:42 Et on s'est rendu compte qu'on n'avait vraiment pas confiance dans les acteurs existants, que c'était quand même notre petite maison de famille, qu'on avait envie de ne pas faire rentrer n'importe qui dedans.
00:52 Et donc j'ai commencé juste par créer un groupe Facebook fermé dans lequel j'ai invité mes amis, qui ont invité leurs amis. Et puis en fait, ça a pris de l'ampleur.
01:00 Très très vite, on s'est retrouvés 5 000, 10 000, 20 000. Et là, je me suis dit que j'étais peut-être pas la seule à constater ce problème de confiance dans les locations.
01:08 Et donc, j'ai créé Mikasa Estukasa en tant que site professionnel à ce moment-là.
01:13 Non mais en fait, c'est très très vrai ce que vous dites. Moi, personnellement, je sais qu'on me pousse régulièrement à louer ma maison ou à l'échanger.
01:21 Et je ne le fais pas parce que je n'ai pas envie que n'importe qui vienne. C'est très intime, une maison, ses pièces, ses meubles, les choses qu'on a choisis.
01:30 Et c'est vrai que passer le cap est un peu compliqué. Et c'est à ça que vous voulez répondre en fait ?
01:34 Exactement. En fait, moi, je veux ouvrir les volets des maisons fermées. Typiquement, moi, quand je l'ai fait, ma maison qui avait été fermée pendant plusieurs mois, je me suis retrouvée avec des souris dans ma maison.
01:44 Je me suis quand même dit que c'est vraiment dommage de laisser cette maison fermée, de me retrouver, moi, avec des souris.
01:49 Donc en fait, c'est aussi des maisons qui vivent beaucoup plus, des maisons qui sont mieux entretenues.
01:53 Et puis, il ne faut pas se mentir, c'est quand même aussi un petit complément de revenu qui n'est pas négligeable quand on veut refaire sa toiture, refaire une peinture, etc.
02:01 Donc moi, mon but, c'est de dire aux gens qui ont peur justement, comme moi, de louer leur maison, allez-y, on va y arriver et on peut faire ça sereinement.
02:09 Quelle est la différence avec les autres acteurs du secteur ? Parce qu'effectivement, les locations de maisons, ça existe déjà, que ce soit Airbnb ou Abritel ou Home Exchange ou autre.
02:20 Nous, la différence, c'est qu'il faut rentrer par cooptation. On ne peut pas rentrer si on n'a pas quelqu'un déjà dans le groupe qui nous parraine.
02:26 Donc il faut un par un. L'idée, ce n'est pas du tout de faire de l'entre-soi, mais c'est juste d'avoir un garant de confiance.
02:32 Et puis, il faut... En fait, nous, on contrôle les identités, on contrôle les paiements, etc.
02:39 Donc il y a vraiment ce cercle de confiance. On n'a pas pour vocation à être un million de millions.
02:45 L'idée, c'est quand même de rester dans un groupe où nous, on peut surveiller que ce n'est pas des fausses maisons, ce n'est pas des gens qui vont justement venir ravager votre maison.
02:53 Donc voilà, nous, on a vraiment un positionnement maison de vacances. On fait très peu de locations, mais d'ailleurs pas de locations de biens qui ont été achetés exprès pour la location.
03:02 On ne fait pas du tout ça, des appart' sans âme, qui sont là vraiment que pour être loués.
03:08 Encore une fois, notre vraie valeur ajoutée, c'est ce côté maison de famille. On est chez les gens, on se sent bien, on part en vacances, on a l'impression d'être chez soi.
03:16 Et par exemple, la différence avec Jean de Confiance qui fonctionne aussi sur le même principe, c'est juste que vous, vous êtes vraiment ciblée uniquement sur ça, sur les maisons.
03:26 Nous, on a décidé de rester que sur de la location de maison. Jean de Confiance, c'est un acteur plus large, effectivement, qui font à peu près les mêmes choses que nous sur la location de vacances.
03:34 Après eux, ils ont décidé d'étendre leur offre à beaucoup d'autres choses. Et puis nous, c'est vrai qu'on a des maisons un peu plus haut de gamme.
03:42 Pourquoi ? C'est assez naturellement. - Oui, j'allais vous demander, vous avez des critères ? - On n'a pas de critères, on n'a jamais refusé une seule maison.
03:50 C'est vraiment une croissance organique, donc c'est vraiment du bouche à oreille. Et nous, on a une génération de propriétaires qui souvent est un peu plus âgés que nous,
03:59 qui sont des gens justement qui ont attendu d'avoir 60 ans pour mettre en location leur maison. Donc on a souvent des grosses maisons de famille, en fait.
04:07 Donc c'est super pour partir en tribu, entre copains, entre cousins. Donc c'est vraiment un peu notre spécialité.
04:14 - Mais vous dites que c'est de la croissance organique, vous n'avez jamais fait ni de publicité, ni rien ? - Non, on a fait un tout petit peu de communication.
04:22 Mais non, le truc, c'est vraiment fait de bouche à oreille. C'est la magie de Mikasa. - Et vous êtes aujourd'hui à combien, là, sur la communauté ?
04:29 - Alors aujourd'hui, on est 45 000 membres et on a 3 000 maisons. - Et vous fixez une limite ? Vous disiez, il ne faut pas évidemment être 1 million, 2 millions,
04:37 et plus pouvoir vraiment avoir ce lien de confiance ? - Oui, en fait, on ne veut vraiment pas perdre notre ADN. Et ce lien de confiance et aussi la convivialité que ça engendre, tout ça.
04:48 On aimerait bien arriver à 100 000, mais surtout, pour le développement, on aimerait bien réussir à faire la même chose en Espagne, en Italie, en Grèce.
04:55 Voilà, on pense que le développement, il peut se faire aussi à l'étranger. On ne va pas s'arrêter de grandir, c'est pas l'idée.
05:01 Ce n'est pas s'arrêter de grandir, mais c'est vraiment continuer à contrôler, renforcer le contrôle, parce qu'il y a trop d'histoires qui se passent mal
05:08 et que c'est l'enfer quand on retrouve sa maison complètement ravagée après un passage de cathère. Donc non, nous, on veut rester tranquille, serein et grandir petit à petit.
05:16 - Ça veut dire qu'aujourd'hui, vous êtes concentrée sur des biens qui sont en France ? - Alors on a 85 % de biens qui sont en France, 15 % à l'étranger, un peu partout,
05:24 parce que ça va de l'Espagne à la Thaïlande, en passant par les États-Unis. Donc on a un peu de biens partout, mais effectivement avec 85 % en France.
05:34 Et puis c'est vrai qu'on pousse pas mal les gens à voyager responsable, en fait, et ça va aussi avec nos valeurs. Et donc, par exemple, je reviens d'Auvergne,
05:42 c'est une région incroyable à découvrir. Voilà, pourquoi aller si loin quand en fait il y a des choses si jolies en France ?
05:50 - C'est quoi le business model ? Alors j'imagine que c'est assez classique, vous prenez des commissions, ce genre de choses ? - Alors on vient de changer de business model,
05:57 donc la question est intéressante, on va changer en février. Jusqu'à présent, on proposait des options de visibilité aux propriétaires, qui payaient pour mettre en avant leur maison
06:06 et qui devaient payer pour mettre leur maison sur le site. On a changé de fonctionnement, tout simplement parce qu'on ne voulait pas que les propriétaires aient à payer
06:12 sans savoir s'ils allaient louer ou pas leur maison. On est effectivement passé à la commission, on offre en plus maintenant une assurance très haut de gamme
06:20 qui vient encore renforcer cet aspect de sérénité et de confiance, qui est une des meilleures assurances sur le marché, qu'on a essayé de rendre le moins cher possible,
06:29 mais bon, ça fait partie du jeu. Donc aujourd'hui, on se rémunère sur des commissions sur les locations. - Vous pourriez envisager, vous parlez de l'assurance,
06:36 mais de développer d'autres services que vous pourriez proposer aux membres qui ont leur maison ? - On l'a fait. À vrai dire, on avait développé pas mal de partenariats
06:45 avec des conciergeries, avec des locations de linge, de vélo, etc. On s'est rendu compte, on a dû changer, on a dû pivoter, on s'est rendu compte que c'est pas ce que les gens
06:54 venaient chercher chez nous. Et en fait, les services qu'on proposait, c'est des services qu'on réserve quelques jours, quelques semaines à peine avant de partir en vacances,
07:02 alors que nous, on est bien en amont, les gens, ils réservent plusieurs mois en avance leur maison. Et donc, ils ont un peu oublié de passer par Mikasa pour les trucs de dernière minute.
07:13 Donc on a essayé, ça n'a pas marché. C'est la vie d'une start-up. Il faut faire des essais pour trouver le bon business model. Finalement, a priori, c'est les commissions
07:22 qui fonctionnent. – Vous avez initialement, vous le racontez très bien, fait cette démarche parce que vous étiez expat et que vous aviez besoin, quand vous retourniez en France,
07:32 ou par exemple de trouver un autre lieu si votre maison était louée ou de mettre en location votre maison quand vous étiez ailleurs. Il y a combien d'expats qui ont les mêmes problématiques
07:41 que vous, qui sont sur le site aujourd'hui ? – Alors, il y a pas mal d'expats parce qu'en plus, c'est mon réseau. Après 6 pays et 14 ans d'expat, j'ai commencé à en connaître un peu.
07:50 Mais c'est pas du tout un site dédié aux expats. C'est pas du tout le but. Encore une fois, c'est super. Il y en a plein parce qu'il y en a plein qui sont comme moi
07:57 dans cette situation, à se dire « vraiment, je veux pas laisser ma maison fermée 9 mois de l'année ». On doit avoir à peu près 3 000, je pense, expats sur les 45 000 membres.
08:06 – Ah oui ? – Oui, c'est quand même pas mal. Mais surtout, ce qui est sympa, c'est que ça nous ouvre des maisons aussi à l'étranger. Donc ça nous permet d'aller chercher
08:14 justement ces maisons en Italie, à New York, etc. Donc c'est assez sympa. C'est des échanges de gens qui habitent à New York, qui reviennent en France pour les vacances
08:22 et qui vont laisser leur appart à New York en échange. Donc c'est sympa aussi. – En termes de communauté, comment est-ce que la communauté interagit entre elles ?
08:29 Est-ce que c'est des choses que vous poussez ou est-ce que pas du tout, finalement, vous laissez ça entre chacun ? – Alors, nous, on a créé une messagerie interne
08:38 pour que les gens puissent se parler. On encourage les gens à se parler le plus longtemps possible avant d'acter la location, dans le sens où je pense qu'il vaut mieux tout dire
08:45 plutôt que d'être déçu. Donc s'il y a un escalier un peu pentu dans votre maison, il vaut mieux le dire s'il y a des petits-enfants ou au contraire des personnes âgées.
08:52 Donc on les encourage à parler énormément entre eux. L'idée, c'est aussi que ça soit convivial, qu'on soit content de recevoir les locataires chez soi,
08:59 que quand les locataires arrivent, ils disent « Ah, ben je vais faire attention à cette maison parce que la propriétaire était hyper sympa, ils nous ont laissé leur vélo, etc. »
09:07 Donc c'est ce truc de convivialité qui rend aussi possible la confiance. Moi, je pense que la confiance, elle passe intégralement par l'échange, en fait.
09:15 Donc oui, on les encourage à fond à se parler, c'est quand même le but.
09:19 – Quels sont vos perspectives de développement ?
09:23 – Eh ben, nos perspectives de développement, c'est quand même d'attendre ces 100 000 membres.
09:27 Et puis, effectivement, on aimerait bien que ça fasse des petits à l'étranger, c'est vraiment notre but.
09:33 On se dit que si ce modèle-là existe et fonctionne ici, qu'on arrive à le faire déjà dans les pays proches.
09:40 Mais surtout, on a envie de montrer qu'il y a un modèle différent, qui est plus fondé sur des vraies relations humaines, etc.
09:47 Le côté très froid de l'allocation, où on arrive dans des endroits très blancs, très épurés, et où on n'a jamais parlé avec le propriétaire,
09:55 on veut juste montrer qu'il y a un autre modèle plus humain qui existe.
09:58 Et voilà, donc on espère pouvoir continuer à garder notre ADN et nos valeurs.
10:02 – Vous êtes, on l'avait dit, expatriée, donc les trois quarts de l'année, si ce n'est plus.
10:07 Comment on entreprend quand on est…
10:10 Voilà, on entreprend à un site français, dédié à une communauté jusque-là plutôt française.
10:14 Comment est-ce qu'on entreprend quand on est à l'étranger ?
10:16 Est-ce que le digital, finalement, fait fi de toutes les barrières ?
10:19 – Franchement, depuis le Covid, il y a eu un avant et un après.
10:22 C'est vrai que Mikasa, il est né quand j'étais en Colombie.
10:25 Entre-temps, je suis partie à Londres, au Gabon, et maintenant, je suis au Vietnam.
10:28 – Ah oui ! [Rires]
10:30 – J'ai rencontré mon associé au Gabon.
10:32 En fait, on est effectivement des travailleurs nomades, comme on dit.
10:37 C'est faisable, c'est faisable parce que tout est digital, parce qu'on fait du service,
10:41 parce qu'on est énormément porté sur le service client,
10:44 mais tout ça, on le fait en ligne, en tchat.
10:47 On a des équipes, on a une personne qui s'occupe de la communication,
10:49 qui habite en Afrique du Sud, une autre en Espagne.
10:53 Notre idée, c'est aussi de se dire, ne nous mettons pas de barrières.
10:56 Et puis ça, c'est un peu un combat perso.
10:58 Moi, j'ai envie que les gens qui partent en expat puissent quand même réussir à s'épanouir.
11:02 Et c'est vrai que c'est un truc fort pour moi.
11:06 J'ai d'ailleurs créé un incubateur pour femmes expats, avec un incubateur parisien.
11:11 L'idée, c'est de se dire qu'il n'y a plus de frontières, et c'est ça qui est génial.
11:16 – Quelle est la problématique quand on est conjoint d'expat ?
11:20 Parce que j'entends que c'est ça derrière, c'est de rester à la maison et finalement…
11:24 Parce que ce n'est pas pour toi qu'on part, c'est pour le conjoint.
11:27 – Alors, moi j'ai quand même l'impression qu'on est parti pour les deux.
11:30 Moi, quand je suis partie, c'était vraiment un projet de couple.
11:33 La problématique, c'est effectivement qu'il faut se reconstruire à chaque fois qu'on déménage.
11:38 Donc comme dans mon cas, je déménage tous les deux ans.
11:41 À un moment, j'ai compris qu'il ne fallait que que je compte sur moi-même pour bosser.
11:45 Donc j'ai monté plusieurs boîtes, la Micassa et la 3ème.
11:48 Et l'idée, c'est de continuer à s'épanouir.
11:51 C'est comme quand on reste en France, l'équilibre vie-perso-vie-pro.
11:55 Mais maintenant, c'est possible.
11:57 Je pense qu'il y a 20 ans, c'était beaucoup plus compliqué.
12:00 Donc aujourd'hui, je pense que tous les conjoints d'expat peuvent monter leurs projets,
12:05 peuvent essayer des choses en tout cas.
12:07 Et c'est une bonne opportunité pour se remettre un peu en question
12:09 et tenter des choses qu'on n'aurait peut-être pas fait si on était resté en France.
12:12 – Eh bien, le message est passé.
12:13 Merci beaucoup Marie-Caroline Édenray.
12:15 Je rappelle que vous êtes la fondatrice et présidente de Micassa est Stoukassa.

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