BE SMART - Emission du samedi 9 mars

  • il y a 6 mois
Samedi 9 mars 2024, BE SMART reçoit Emmanuelle Barbara (avocate associée en droit du travail) et Cécile Maisonneuve (Présidente, Decysive)

Category

🗞
News
Transcript
00:00 [Générique]
00:08 Salut à tous, c'est Bismarck. On est reparti, une demi-heure de discussion, débat autour des thèmes clés de l'actualité économique du moment.
00:17 On va parler du travail. Alors on va parler du travail sous deux formes.
00:21 D'abord avec un slogan formidable, je vous le donne comme ça, et puis ensuite on va l'expliquer avec Cécile Maisonneuve.
00:26 "L'ouvrier qualifié, voilà le débat". Slogan formidable.
00:31 Et puis ensuite, vous savez qu'il y a une loi de simplification en préparation.
00:35 Alors il y a notamment pas mal de propositions qui touchent autour du travail, autour du code du travail, pas vraiment, mais de tout ce qui entoure le travail.
00:43 Bref. Et on en discutera évidemment avec Emmanuelle Barbara qui sera avec nous dans la deuxième partie de cette émission.
00:48 C'est parti, c'est Bismarck.
00:50 [Générique]
00:55 Et donc on démarre avec Cécile Maisonneuve. Bonjour Cécile.
00:58 Bonjour.
00:59 Présidente du cabinet décisive. Et je vais vous lire, Cécile, une formidable tribune que vous avez écrite dans les échos.
01:05 Alors. La France a besoin... Donc en fait ce qui vous énerve c'est les activistes qui mettent de la soupe sur les tableaux de maîtres, etc. Ok.
01:11 Mais c'est derrière que c'est super intéressant.
01:14 La France a besoin non de jeunes qui anonnent sur TikTok des éléments de langage laborieux sur la désobéissance civile, mais d'une jeunesse qui s'engage dans les métiers de la transition,
01:24 du soudeur à l'ingénieur, en passant par le fraiseur, le chaudronnier, etc.
01:28 L'ouvrier qualifié, voilà le véritable allié du climat.
01:33 Le débat public sur la transition énergétique fait la part belle aux gigantesques besoins en capitaux qu'elle requiert, mais reste trop discret sur ce volet travail.
01:43 Tout est dit. C'est même pas "reste trop discret", c'est... Il n'existe pas. On n'en parle pas.
01:53 Non, on n'en parle pas. Alors que l'industrie, c'est des capitaux et du travail. Comment est-ce qu'on a pu l'oublier ?
02:00 Et à la limite, si on en parle du travail, on va parler que de l'ingénieur. Parce qu'on est en France, tradition élitiste, pays d'ingénieurs, superbes écoles d'ingénieurs, on est d'accord.
02:09 Mais où est l'ouvrier qualifié ? Et moi, ce qui m'intéressait, c'est que finalement, il a ressurgi dans le débat à un moment crucial.
02:17 Vous vous rappelez 2022, l'histoire des soudeurs, des soudures à faire sur les réacteurs nucléaires d'EDF ? Et où étaient les soudeurs ?
02:26 Et le voilà, l'ouvrier qualifié, là, c'est de lui dont on avait besoin. L'ingénieur avait identifié le problème, on savait ce qu'il fallait faire.
02:33 Mais où étaient ceux qui allaient le résoudre ? C'est ça le sujet.
02:36 Et ils étaient aux Etats-Unis. Et ils sont venus des Etats-Unis, ce qui a permis de rappeler l'origine de Framatome. France, Amérique, Atome.
02:46 Cécile, c'est au cœur, par exemple, parce que tu parles de l'industrie et tu as parfaitement raison des soudeurs, mais le sujet MaPrimeRéNoVe,
03:00 et j'en ai déjà parlé ici, le bug considérable de MaPrimeRéNoVe, et c'est exactement au cœur de ce que tu dis, c'est une question d'argent, c'est pas une question d'argent.
03:13 Le gouvernement a retiré, je sais pas quoi, un milliard à MaPrimeRéNoVe, mais nous, en fait, on augmente.
03:18 Y'a pas les gars pour le faire de toute façon, voilà, de toute façon, vous pouvez mettre 4, 5, 6, 10 milliards, y'aurait pas une maison de plus qui serait isolée,
03:26 parce qu'on est au taquet en ce qui concerne la main d'oeuvre.
03:30 En fait, c'est très intéressant l'exemple de MaPrimeRéNoVe, derrière, on parle de chauffage, on parle de repose d'émissions de gaz à effet de serre, on parle de gaz et tout.
03:37 Et aujourd'hui, un des métiers qui manque, parce qu'on peut parler de pénurie, faut employer le mot, et bien c'est frigoriste, c'est-à-dire ceux qui gèrent les réseaux de chaleur et de froid.
03:45 Ça paraît incroyable, à un moment où on se dit que c'est absolument déterminant pour réduire nos consommations de gaz. Et bien non.
03:51 Donc en fait, les exemples, on peut les prendre dans tous les domaines clés de la transition, de la réduction des émissions, de la réindustrialisation, à chaque fois, ce sont des compétences, des savoir-faire, des expériences qui ne sont pas là et qu'il faut reconstruire.
04:04 Alors, tu avances un chiffre, l'industrie en France devra créer 1,5 million d'emplois, c'est ça ? Dans les, j'ai pas noté, dans les, quoi, 10, 20 ans qui viennent ?
04:15 Alors ça, c'était un chiffre qui a été sorti en 2019, jusqu'à 2030, en fait, c'est demain.
04:20 Ouais, jusqu'à 2030, voilà, c'est ça.
04:21 C'est demain. Donc c'est, on est dans des ordres de grandeur gigantesques, et la pénurie, elle est déjà là, hein. Un rapport, c'est la Fabrique de l'Industrie qui a beaucoup travaillé sur le sujet, et ils expliquaient que, entre 2019 et 2022, déjà, il y a 60 000 emplois vacants dans l'industrie.
04:36 On n'a jamais vu des taux pareils. Donc en fait, on n'en parle pas, c'est une crise à bas bruit, cette crise de pénurie de main-d'oeuvre, mais elle est déjà extrêmement présente.
04:44 Alors, tu descends dans cette tribune, tu vas aux racines de cette crise, et c'est là où on peut commencer à sérieusement s'inquiéter, parce qu'on se dit "tiens, après tout, prise de conscience, etc."
04:53 Étude très intéressante, j'avais noté leur nom, voilà, Guillaume Basset, Olivier Louansi, c'est toi qui... Je ne connaissais pas cette étude, j'ai été la lire. Donc, je le dis très très rapidement, moins de la moitié des jeunes gens qui sont formés au métier industriel, et là on parle CAP, Bac+2, c'est ça, moins de la moitié ira, en fait, dans une usine.
05:22 C'est ce qu'ils appellent le paradoxe, en fait.
05:25 L'évaporation, ils disent, c'est toi qui écris une forme d'évaporation, même de la jeunesse qui serait formée aujourd'hui est capable d'aller occuper ses métiers industriels.
05:34 Parce qu'en volume, quand on regarde, on forme le nombre de jeunes suffisant pour les besoins de l'industrie, et puis, 50% qui disparaissent, comme ça.
05:42 Et alors, les causes, effectivement, qui sont très bien expliquées dans ce rapport, dont je recommande la lecture, moi, qui m'a absolument fascinée, bon, il y a des causes qu'on connaît très très bien, hein, le problème de coïncidence entre la nature des formations et les besoins.
05:55 Le fait aussi que ces jeunes, ben, ça a été des choix par défaut, s'ils sont dans ces formations techniques, c'est pas une vocation, on les a pas poussés, on leur a pas dit "écoute, tu vas avoir un super job", non, on leur a dit "tu vas faire ça parce que tu peux pas faire autre chose", donc ça, on connaît tout ça.
06:08 Mais ce qui est très intéressant aussi dans ce qu'elle a expliqué, il y a aussi des problèmes... En fait, il faut descendre à hauteur de territoire pour comprendre ce qui se passe.
06:15 Et à hauteur de territoire, qu'est-ce qu'on voit ? On voit des entreprises. Et alors, quel territoire ? Ça, c'est intéressant. C'est pas la France métropole, là, dont on parle.
06:22 La France de l'industrie, c'est la France des villes moyennes. C'est elle qui a la carte, vous regardez, la carte de l'industrie, 19e siècle, début 20e, c'est une carte des villes moyennes.
06:32 Cette France-là, on sait qu'elle va pas très bien, elle est très variée d'ailleurs, et c'est là qu'il faut aller où les entreprises s'implantent.
06:39 Il faut en fait rapprocher, c'est de la proximité. Moi, j'appelle ça de l'innovation partenariale de proximité. Il faut que les gens, les formateurs, les élus et ceux qui ont les emplois, les industriels, se mettent ensemble.
06:52 Et ce qui est intéressant de voir, c'est que c'est souvent à l'initiative des collectivités publiques, à ce qui se passe dans le Grand Châlon, là, il y a beaucoup de sidérurgies, c'est eux qui ont suscité ces rapprochements pour que les jeunes, non seulement soient formés, mais partent pas dans la nature entre la fin de leur formation et leur entrée dans l'emploi.
07:09 Tu vois, Cécile, c'est là où quand tu tires cette pelote, enfin quand tu tires ce fil, c'est toute la pelote qui vient. C'était, maintenant elle fait autre chose, mais la logique d'Agnès Pannier-Ruynacher, très intéressante, où elle disait "on ne peut refaire de l'industrie que sur les anciens territoires industriels".
07:24 Elle avait parfaitement raison. Il y a énormément de prévention contre l'industrie dans d'autres territoires qu'il n'y aurait pas dans les anciens territoires.
07:31 Sauf que, et tu l'expliques très bien, ce sont aussi des problèmes de formation, d'infrastructure, de logement.
07:38 La crise du logement, moi j'appelle ça une bombe à fragmentation, d'autres l'ont dit, elle irrigue beaucoup de pans de notre avenir, en fait, et sur ce sujet c'est clé.
07:49 Il y a quand même aujourd'hui des entreprises, l'exemple d'une entreprise dans le Loiret, mon département d'origine, dans le Gatinet, quand même une région industrielle qui a pu être sinistrée.
07:59 Aujourd'hui, un chef d'entreprise construit des programmes de logement pour embaucher des apprentis.
08:04 Oui, c'est très bien, mais il faut qu'ils puissent le faire. Visiblement, c'est ce qui se passe aussi autour des nouvelles usines de batteries près de Dunkerque.
08:10 Ils sont parfaitement conscients de la question du logement, mais la question du logement, je vais presque en dire, du logement le plus simple possible.
08:17 Parce qu'on parle de ces étudiants, de ces apprentis, etc. Il faut bien qu'ils se trouvent à se loger là où ils doivent apprendre et près de l'usine dans ce cluster que tu décris.
08:26 Exactement, c'est tout de suite maintenant. Donc ça veut dire beaucoup de recyclage de l'existence parce qu'il y a du logement vacant. Mais ce sont des investissements, c'est-à-dire porter les projets.
08:34 Bref, c'est toute une logistique qui doit se mettre en place. On pourrait ajouter dans le genre au chiffre un blocant, le permis de conduire.
08:39 Aujourd'hui, la maintenance d'éoliennes dans le Nord, ils ont du mal à trouver des gens pour la faire parce que c'est dans des régions où il faut pouvoir aller se déplacer.
08:48 Et ils ne trouvent pas les jeunes pour le faire.
08:50 Le permis de conduire, c'était, on s'en souvient, Macron 2015. Donc les tout débuts, le déverrouillage de l'économie, c'est les bus et le permis de conduire.
09:01 Il avait quelque chose là. Et visiblement, il s'est arrêté au milieu du guet sur ces histoires là quand même.
09:07 Oui, alors que ça reste un sujet quand on regarde les statistiques des jeunes pour aller en formation, en emploi, qu'ils ne peuvent pas y aller parce qu'ils ne peuvent pas se déplacer.
09:16 On est sur des chiffres impressionnants.
09:18 Alors, et puis il faut poser la question des filles. Et tu poses la question des filles.
09:23 C'est-à-dire, alors je ne sais plus, tu as les chiffres en tête sur aujourd'hui les emplois industriels. Combien sont occupés par des jeunes filles ?
09:32 Alors, on peut citer plein plein de chiffres qui convergent tous dans le même sens.
09:36 Je vais citer par exemple aujourd'hui dans les écoles d'ingénieurs, il y a 29% de filles.
09:41 Les écoles d'informatique, on est à 9%. Il y a 86% de filles dans les études paramédicales ou de services.
09:48 Donc, on a un énorme problème. Et le problème, c'est qu'il a été aggravé par la fameuse réforme blancaire du bac.
09:55 Il y a eu ces options qui ont été créées. Et les filles ne choisissent pas les maths.
09:59 Et moins encore l'option maths renforcée, plus de 6 heures de maths.
10:02 Là, l'effondrement en deux ans, parce que tout ça, ça va très vite, c'est -68% de filles.
10:07 - Oui, mais Cécile, c'est là où... Tu ne peux pas dire que c'est la réforme qui a provoqué ça ?
10:12 - Non, c'est pas... - Parce que cette question, j'en parle depuis 15 ans.
10:17 Je me souviens d'Anne Lauvergeon à l'époque où c'était Anne Lauvergeon-Regnanté.
10:21 À l'époque où vraiment, elle rayonnait sur l'industrie. Elle en avait fait un de ses combats prioritaires.
10:26 Je me souviens, alors à l'époque où j'étais à BFM Business, il y a, alors j'espère qu'il existe toujours, un concours du meilleur soudeur de France.
10:34 Et en l'occurrence, c'est une jeune femme qui avait gagné ce concours du meilleur soudeur de France.
10:40 Et les gars avaient été suffisamment intelligents pour se dire "Il faut absolument qu'on l'envoie partout pour montrer que c'est possible".
10:47 Elle était formidable. Une jeune femme absolument formidable, qui nous expliquait le plaisir et la dimension artistique
10:53 qu'il pouvait y avoir dans un soudage et dans cette idée qu'on allait, comme ça, faire naître des objets industriels.
10:59 Ça n'avance pas. Il ne se passe rien de ce côté-là dans la tête des jeunes filles.
11:06 - On peut pas le faire rentrer au burin dans leur tête, tu vois ?
11:10 - Non, on peut pas le faire rentrer au burin dans leur tête. Alors, moi j'ai eu la chance de travailler avec Anne Lauvergeon.
11:14 Effectivement, c'était une de ses grandes causes. Moi-même, je suis une pure littéraire, mais je suis totalement tombée amoureuse de l'industrie.
11:19 Justement, de cette capacité à faire des belles choses. Visiter une entreprise industrielle, c'est magnifique.
11:24 Des processus industriels, moi je trouve ça très beau. Et aujourd'hui, ce que tu décris, c'est ce qu'on appelle les rôles modèles.
11:31 Il faut montrer. Et c'est intéressant parce qu'à la suite de cette tribune...
11:35 - Ça fait 20 ans qu'on dit ça ! Les rôles modèles, ils sont à la retraite aujourd'hui !
11:38 - Oui, mais à la suite de cette tribune, j'ai des responsables d'établissement. Par exemple, une responsable d'un collège de jeunes filles
11:44 qui m'a dit "Venez parler à nos 3e, venez leur parler parce que quand elles lisent une tribune, c'est pas parlant, mais venez leur expliquer pourquoi vous écrivez ça".
11:52 Et je pense qu'il faut y aller. Il faut aller se déplacer. C'est un travail de titan, de fourmi, on peut dire ce qu'on veut.
11:59 Mais c'est vrai que les croyances autolimitantes... Enfin, on va pas refaire le débat. Il y a tout un tas de facteurs qui expliquent qu'aujourd'hui,
12:06 les filles ne se sentent pas ou ne sont pas poussées, enfin bref, sont bloquées de tous les côtés pour aller vers ces carrières-là.
12:13 Et ce qui est terrible, moi, ce qui m'anime aussi, c'est que derrière... Parce qu'être ouvrier qualifié, c'est quoi ?
12:19 C'est la capacité de progresser dans la carrière, de progresser dans le salaire, c'est un parcours professionnel, un parcours résidentiel,
12:25 c'est de la liberté, de la progression, de l'indépendance. Donc c'est ça le sujet de mon boulot.
12:29 C'est pour ça d'ailleurs, il faut le dire d'un mot, mais je vais arrêter parce que c'est un de mes grands combats,
12:32 cette idée qu'on pourrait supprimer les allègements de charges au-dessus de 2,5, 3 SMIC parce que soi-disant ça ne crée pas d'emplois,
12:40 mais bon Dieu, ce sont les salaires en fait auxquels aspirent et auxquels arrivent assez vite les ouvriers qualifiés.
12:46 C'est certainement pas le moment de supprimer la moindre incitation qui soit autour de...
12:53 - Être ouvrier qualifié, c'est choisir une dynamique, il ne faut pas casser cette dynamique.
12:56 - Exactement. Bon, mais je reviens aux filles, il y a un point quand même, c'est vrai qu'il est revenu régulièrement,
13:00 notamment sur l'apprentissage, c'est tout con, c'est tout bête, mais dans l'usine, on n'a pas prévu de vestiaire par exemple pour les filles,
13:06 il n'y a pas de casier particulier pour les filles, ça c'est quelque chose évidemment à mettre en place,
13:10 mais je ne pense pas que ce soit la racine du malaise.
13:13 - Ce n'est pas la racine, mais en fait c'est comme tous ces sujets très compliqués à traiter,
13:17 parce que les causes sont multiples, il y a des choses aussi qui se jouent dans les représentations,
13:20 et ça a changé les représentations, c'est très très dur,
13:23 mais moi je pense que ce n'est pas pour autant effectivement qu'il faille renoncer,
13:27 parce que aussi, ne serait-ce que pour le bien du pays, ou de l'aide du bien-être de chacune des personnes,
13:32 c'est que c'est se priver quand même de la moitié du vivier de recrutement,
13:37 à un moment où d'ores et déjà la pénurie est là, donc on ne peut juste pas se le permettre.
13:41 - Alors Framatome, j'ai appris ça hier et ils m'ont donné l'autorisation de le raconter,
13:45 Framatome est en train d'utiliser l'intelligence artificielle pour essayer de dégenrer ses offres d'emploi,
13:53 notamment soudeur, chaudronnier, enfin bref, c'est l'industrie lourde évidemment Framatome.
13:58 Donc la machine, on sait comment elle fonctionne, générative évidemment,
14:02 qui va puiser dans tout ce que les jeunes femmes ou les femmes qui travaillent chez Framatome,
14:06 parce qu'il y en a, disent sur l'entreprise, pour essayer de trouver des arguments
14:11 qui parlent aux jeunes filles et qui parlent aux jeunes femmes.
14:14 Je ne sais pas ce que tu penses de cette démarche, mais...
14:16 - Pour le littéraire que je suis, même si je suis en mathématiques et l'industrie,
14:20 je trouve que travailler sur les mots c'est très important,
14:22 pour attaquer précisément ce sujet des représentations et des messages sous-jacents qui sont passés
14:29 quand on parle à une jeune fille de son avenir, de sa carrière et de ses carrières scientifiques.
14:34 Donc je pense que c'est une très bonne solution, et puis après tout, on n'a pas encore essayé,
14:39 donc ne nous en privons pas, surtout pas !
14:41 - C'est ce qu'il se dit dans beaucoup d'entreprises autour de l'IA,
14:46 "tiens, nous on n'y arrive pas, vas-y alors, montre-nous ce que tu sais faire !"
14:49 Merci Cécile ! L'ouvrier qualifié, donc, voilà le débat,
14:53 et je suis ravi de l'avoir posé avec vous, aujourd'hui sur Bismarck.
14:58 Allez, on parle simplification maintenant.
15:01 [Générique]
15:05 - Et donc on repart avec l'avocat Emmanuel Barbara.
15:07 Bonjour Emmanuel, spécialiste du droit du travail, avec qui on discute régulièrement,
15:13 et donc tu t'es penché, tu te penches sur ce qui pourrait être la loi Pacte 2,
15:18 la future loi de simplification, d'ailleurs au jour où on enregistre,
15:22 tu vas voir, ça ne va pas te rassurer, Bruno Le Maire donne une interview au quotidien Le Monde,
15:29 et il parle de Perspective 2032.
15:31 Le quotidien Le Monde lui rappelle quand même, innocemment,
15:34 "mais vous ne serez plus là en 2032, Monsieur Le Maire !"
15:38 "C'est pas grave, je suis volontariste !"
15:40 Bon, ce chiffre, il est, tu me... alors j'imagine qu'il est évidemment certifié,
15:44 le nombre de mots par loi entre 2002 et 2021 est passé de 322 000 à 591 000.
15:52 - Je dois avouer que je ne me suis pas livrée à ce contrôle,
15:56 mais c'est une donnée qui figure en bonne place dans ce fameux rapport de l'Assemblée Nationale,
16:01 et s'il... désormais il y a des mécaniques pour le faire, mais je suis certaine que c'est vrai,
16:07 parce que le ressenti façon météo que je suis en tant qu'usager des règles de droit,
16:11 c'est qu'on est incapable d'écrire des lois autrement que bavardes.
16:15 - Oui, oui. Bruno Le Maire dit dans cette interview au Monde, le Code du Commerce,
16:19 "personne, personne n'est en mesure de le connaître."
16:22 Tu es d'accord avec ça ? Et donc il dit tout le monde ignore la loi.
16:24 - Voilà, c'est une manière de dire très joliment ce point,
16:28 que j'aurais tendance à appliquer également à mon code à moi, mon hub du travail, en fait.
16:34 - C'est pareil ? - Mais oui, comment veux-tu...
16:36 - 4 800 pages, c'est ça ? J'ai regardé récemment, parce que j'ai fait un petit truc, je crois que c'est 4 800,
16:40 quelque chose comme ça, oui. - Oui, ça dépend des éditions, mais enfin...
16:43 - Non mais le Dallas qui fait autorité, quoi. - Non, non, c'est absurde.
16:46 - Bon. Qu'est-ce que tu mets en avant ? Qu'est-ce qui, pour toi, aujourd'hui, serait le plus intéressant ?
16:51 Donc, je liste, dérogation aux accords de branches pour les entreprises de moins de 5 ans et de moins de 5 ans de salariés.
16:58 - Oui, c'est très bien, mais... - Mais le problème, c'est que tu crées un autre seuil.
17:01 Si tu fais ça, tu renforces le seuil de 5 ans. - Oui, et puis je rajoute le critère du délai.
17:06 Est-ce qu'il faut 5 ans ? Parce que tout ça, c'est conditionnel.
17:08 C'est-à-dire qu'au bout de 5 ans, tu dois te conformer à nouveau à ta convention collective.
17:11 Donc, il va falloir pister les dates, en fonction de qui, puisqu'il faut recueillir l'accord de l'individu.
17:16 Ensuite, à tous les coups, il va y avoir des mentions qui seraient plus, comment dirais-je, d'ordre public que d'autres.
17:22 Donc, bon, ça, c'est sous bénéfice d'inventaire, cette idée-là.
17:26 - Je vois la moindre mal en oeuvre. - C'est-à-dire que toi, avec ton expérience,
17:30 tu réalises que cette simplification, en fait, recèle une masse de complexité invraisemblable.
17:36 - J'appellerais même ça, un peu brutalement, et pardon, mais nous sommes en pleine digestion, une chose trap judiciaire, en fait.
17:44 Parce que c'est à ce moment-là que tu vas te faire avoir. C'est qu'à un moment donné, on va t'expliquer que c'était pas fait comme il fallait,
17:49 que, ah, à propos, c'était pas 5 ans, mais là, en l'espèce, c'est 6 ans et une semaine, donc, hélas, ça marche plus.
17:55 Enfin, des choses trap. Donc, il va falloir mettre en place des systèmes pour prendre cet exemple-là de simplification
18:00 que je trouve pas être la plus pertinente. Mais, voilà, de pister chaque Kazakh avec,
18:05 est-ce que d'abord, je suis toujours moins de 50, et ensuite, est-ce que le bonhomme de 5 ans...
18:10 Je veux dire, dit autrement, ce passage à 5 ans...
18:14 - Non, mais c'est un piège, on l'a bien compris, mais Emmanuel...
18:16 - Je sens que c'est piégeux, je sais toujours...
18:17 - Emmanuel, j'ai l'impression que tu vas me dire ça sur toutes les... sur les 14 propositions, c'est-à-dire qu'en fait,
18:21 l'idée, il faudrait presque ne plus rien toucher tellement notre administration est incapable de simplifier sans complexifier.
18:28 - La difficulté de l'exercice, elle est multiple, mais au titre des caractéristiques saillantes, il y a d'abord cette forme,
18:36 et c'est comme ça, cette forme de suspicion qui est toujours attenante à une loi, quelle qu'elle soit.
18:43 Deuxième sujet, chaque loi qui est prise dans ce... cet immense bavardage impose une forme de rite,
18:51 pour pas dire procédure ou de procédé, qui sert un seul objectif, un seul, à l'exclusion de tous les autres objectifs.
18:58 Exemple, je dois déclarer les honoraires que je verse à des travailleurs indépendants, ça s'appelle la DAS2.
19:06 Je dois la fournir à l'administration de la Sécurité sociale, logique, au travers du dispositif que j'applique pour mes salariés, la DSN,
19:15 et je ne dois pas oublier de déposer cette déclaration, donc pas la DSN, mais celle-ci, la DAS2, à l'administration fiscale.
19:23 On voit bien que l'objectif, s'agissant de l'administration fiscale, c'est de vérifier que...
19:27 - De contrôler les indépendants. - Voilà, mais c'est donc un objectif à l'exclusion des autres.
19:31 Donc je fais une opération à l'exclusion des autres.
19:33 - Alors là-dessus, ils ont l'air de dire... - Rassemblons...
19:35 - Vous envoyez une fois une information et l'administration se débrouille pour l'envoyer partout.
19:39 - À l'heure de la technologie telle que développée, sauf erreur, où il faudrait que ce soit à l'exclusion des administrations,
19:44 les tuyaux doivent pouvoir se parler.
19:46 - Ce qui marche, moi, en tant que travailleur indépendant, j'avoue, je ne fais plus qu'une seule déclaration de revenu aujourd'hui.
19:52 - C'est vrai que, de ce point de vue-là, les choses ont tendance à s'améliorer, s'agissant de l'individu.
19:57 De même que le France Connect ou le France... Enfin, ton numéro de sécu... Enfin, plutôt de fiscal, etc., te permet d'atteindre la mairie du coin...
20:05 - On est d'accord. - Ben oui, mais ça, c'est formidable.
20:07 - Oui. - Les entreprises, à l'évidence, en sont exclues. Donc, pour le moment.
20:11 - Oui, c'est ça. - Et donc, au titre des choses pénibles, ce sont les obligations légales qui incombent aux entreprises
20:19 de bien vouloir répondre à des obligations d'enquête diverse administrative, à défaut de quoi ? Sanctions pénales et autres amendements.
20:28 Donc, tu dois répondre à des tas de critères que l'administration, quelque part, sait.
20:33 Le nombre de salariés, je sais pas quoi, l'évolution de telle ou telle chose, mais il y a énormément d'informations qui est connue dans les tuyaux.
20:40 Donc, l'idée, c'est qu'ils vont parvenir, sans doute, à améliorer le dispositif, au point, d'ailleurs, que pour les déclarations fiscales individuelles, elles sont pré-remplies.
20:48 Donc, cette idée de pré-replissage, là, c'est une excellente nouvelle. Mais, dans le fond, c'est un allégement, j'allais dire, naturel. Enfin, on va pas tomber dans les pommes d'ébahissement.
20:57 - On est d'accord. - Enfin, je veux dire, je peux pas. Et là, je n'y arrive pas. - On est d'accord. Attends. Dans cette histoire-là, il y a un truc, moi, qui me terrifie.
21:03 En tant que chef d'entreprise, je le dis, le petit patron, là, comme ça, c'est cette histoire de silence-votre autorisation.
21:09 Mais je suis désolé. Moi, je veux que l'administration me réponde. Et si elle n'est pas foutue de me répondre alors qu'elle supprime le décret qui m'impose de lui poser cette question ?
21:16 Ce silence-votre autorisation, moi, je crois... Enfin, je sais pas comment vous le ressentez, vous. Mais moi, ça me terrifie. Je veux pas que l'administration reste silencieuse quand je sais le pouvoir qu'elle a de me détruire.
21:26 - Oui, j'entends bien. Mais ça a été un dispositif que de transformer l'adage selon lequel le silence vaut refus, l'avoir transformé... Dans certains cas et pas dans tous.
21:37 C'est dans cela qu'il faut suivre l'actualité. Et là, l'idée qui a l'air d'être en lice, portée par ce fameux rapport, ça serait de commuer ces autorisations adossées à un silence valant acceptation sous court délai
21:53 par un dispositif de déclaration à charge de contrôler. Donc là, on se rapproche de ta crainte à toi. - Une déclaration qui est faite par l'administration ?
22:00 - Une déclaration de l'entreprise, par exemple, au titre du temps de travail, les dépassements horaires, le journalier que sais-je, ou autre dispositif qui nécessite des autorisations.
22:10 Ça serait désormais plus une autorisation, mais une forme de déclaration sous bénéfice du contrôle. Et voilà. Je sais. Je sais que c'est là que le bas blesse.
22:24 - Réduire à 6 mois le délai de contestation de la rupture du contrat de travail. On est là sur un sujet qui a l'air d'être un sujet irritant. En tout cas, les syndicats sont vends-debout sur cette histoire.
22:37 - Oui. Ils expliquent que la réduction des délais se traduit par un sentiment, là encore, d'empêchement d'accéder à un juge, si je puis dire. Bon, je trouve pas que l'argument soit très pertinent,
22:52 parce que si j'ai besoin de contester ce qui s'est arrivé... - Oui, c'est la contestation. Voilà. - ...à priori d'attendre 10 mois, une semaine... Enfin, je vois pas ce que cela change que de dire
23:05 « Bon, vous avez 6 mois pour le faire », ce qui permet pour l'entreprise simplement d'avoir une forme de mise en tension, dans le fond. On reste sur un sujet qu'on connaît, dans la limite de 6 mois.
23:16 Après, au-delà de ce délai-là, moi, ça me paraît pas un crime d'atteinte à l'accès de la juridiction. Et par surcroît, il y a des pays, sauf l'Allemagne, qui me sentent que le délai est de 2 mois.
23:32 - Et on est bien d'accord. Il s'agit juste de saisir. - De saisir. - Voilà. - D'aller prendre un papier, d'aller trouver un avocat ou pas, parce qu'on n'est pas obligés d'avoir un avocat pour être un prud'homme.
23:40 - En plus. - Bon, bah de saisir. - Voilà. - Je ne vois pas que ça pose comme difficulté. Donc ça, c'est pas... Voilà.
23:48 - La question des effets de seuil, elle revient éternellement, la question des effets de seuil. - Oui, mais ça, c'est drôlement intéressant, parce que moi, qui avais suivi de près
23:55 ce point qui m'avait... Enfin, passionné, il faut bien utiliser des termes aux enthousiasmes, mais du moins, qui m'avait beaucoup intéressée en son temps. Je parlais de 2019.
24:04 - Oui. - Loi Pacte. - Oui, la première. - C'est ça, du mois de mai 2019, qui est venue en effet faire un vrai nettoyage de tout... Alors là, les seuils, ils étaient partout.
24:12 Et on avait considéré que dans le fond... - Il y a un vrai gros seuil à 50, quoi. - Voilà, il y a 11, 50... - Maintenant, il y en a un vrai gros à 50. - Voilà.
24:19 - Et qu'on avait en quelque sorte simplifié ce que voulait dire l'atteinte du seuil, puisque certains seuils, lorsqu'ils déclenchent une obligation, eh bien ça peut être un empêchement de passer le seuil.
24:30 Donc on avait donné 5 ans de franchise en quelque sorte. - Tout à fait. - Bon. Ce sujet des seuils, 5 ans plus tard, enfin oui, 5 ans plus tard, pose à nouveau un problème.
24:41 Et c'est drôlement intéressant. Et c'est probablement à l'aune de l'alourdissement des obligations que chaque loi qui, encore une fois, poursuit un but particulier, que ce soit dans l'environnement,
24:53 que ce soit dans la santé, que ce soit dans l'égalité... Enfin dans les lois sociétales, impose une suggestion supplémentaire à qui est à 50 ou à 250, etc.
25:03 Et donc cette idée de dire "mais là, c'est pas possible, c'est trop lourd", c'est qu'on finit aujourd'hui par considérer qu'une entreprise de 50 salariés,
25:13 étant précisé que 50 ne se calcule pas pareil dans le code de commerce, dans le code de la sécu, dans le code du travail, même si on a déjà fait déjà...
25:19 - Donc une entreprise de 50 salariés ? - Une entreprise de 50 salariés se trouve face à des obligations absolument hallucinantes.
25:26 - C'est dingue. J'en avais pas conscience en fait, je dois avouer. - Ah non non, mais je dois reconnaître que j'ai regardé avec intérêt le point qu'ils font sur la BDSE,
25:32 toujours dans ce rapport, et dans ce point-là, je suis allé regarder par exemple... - La BDSE d'un mot, c'est, envoyez l'administration, l'état exact de vos effectifs.
25:38 - Non, c'est pas l'administration, ce sont des informations qui sont dues 2 ans plus tôt et 3 ans à venir, 3 ans à venir, on sait pas déjà ce qu'on va faire dans 3 mois,
25:45 que l'entreprise soit... - Sur les effectifs ? - Non, sur le domaine économique, financier, d'investissement environnemental, d'accidentologie, d'égalité homme-femme,
25:57 de licenciement et de nombre de licenciements opérés, je dis de tête, c'est atroce, je suis en train d'en rater encore... - Vas-y, vas-y, parce que le temps se compte.
26:05 - Tu as quelque chose comme 4 pages en papier bible, écrits tout petit, comme tu le sais, chez Dallas, pour une entreprise de 50, et à 250, on passe à 9 pages de ce même traitement,
26:16 de liste d'informations qui, tiens-toi bien, 2 ans plus tôt, et avec une projection sur 3 ans, sur les effectifs, sur combien de CDD, sur combien d'handicapés, sur combien...
26:27 C'est atroce, c'est atroce. Et alors, l'objectif de cette loi, c'était, à l'époque, pour permettre que les négociations et les consultations récurrentes du genre politique de l'emploi,
26:37 enfin les 3 blocs, comme on dit, politique de l'emploi, situation économique et orientation stratégique, soient adossées à ces informations. Et c'est tout. Je ne connais pas de sociétés et d'entreprises
26:48 qui vont faire cette consultation sur l'égalité homme-femme, sur la politique de l'emploi ou encore sur les orientations stratégiques, qui se contentent de dire, bon ben,
26:56 on a la BDSE, donc on va discuter, on va se consulter comme ça. Donc le but est raté. Mais par surcroît, c'est impossible d'avoir la documentation en question, c'est absolument impossible.
27:05 Il est question de le faire sauter, en tout cas pour les entreprises de 5 ans.
27:08 Il reste une minute, on a oublié un truc important, Emmanuel.
27:11 Non, mais il ne faut pas toujours grincher. Donc, voilà. Soyons contents, déchaînons-nous, comme j'avais pu le dire quelque part. C'est une occasion magnifique et ça nous fait du bien de respirer en dehors de nos corsets.
27:24 Bon, parfait. Voilà une magnifique chute. Merci Emmanuel. Je rappelle, mais vous pouvez aller la retrouver d'ailleurs, l'interview qu'on avait faite de Guillaume Poitrinal, qui avait été, en son temps,
27:34 essayé de faire un choc de simplification. Lui, il nous avait dit, c'est très simple, soit le président de la République prend le truc en direct et ça fonctionne, sinon vous pouvez jouer de la flûte.
27:48 Emmanuel Barbara, donc, nous accompagnait et nous, on se retrouve la semaine prochaine pour continuer cette discussion sur les grands débats économiques du moment.
27:56 [Musique]

Recommandée