Cette année-là : Pourquoi la France

  • l’année dernière
Pour cette nouvelle édition, "Cette année-là" remonte au printemps 1981 et au dossier qu’Éléments a consacré à la France. Car Éléments n’est pas seulement "pour la civilisation européenne", c’est aussi le magazine de la civilisation française. Pas d’identité sans souveraineté, pas se souveraineté sans identité. Avec Patrick Lusinchi, directeur artistique, Pascal Eysseric, directeur de la rédaction, François Bousquet, rédacteur en chef, Daoud Boughezala et Rodolphe Cart.
Au menu du jour : Qu’est-ce qui fait la singularité de la France, son génie propre ? Vaste question. L’occasion de remonter le fil d’une histoire depuis les Gaulois, forcément réfractaires, et de balayer une histoire plurimillénaire.
Le rendez-vous musclé et impertinent du magazine des idées.

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Transcript
00:00 Je n'avais pas prévu de m'adresser à nouveau à vous, mais la situation l'exige.
00:04 En effet, la situation financière de TVL reste totalement préoccupante
00:09 si nous ne bouclons pas notre budget avant la mi-juillet,
00:13 et ce n'est actuellement pas le cas.
00:16 Concrètement, malgré votre mobilisation, il nous manque quoi ?
00:19 300 personnes qui envoient un don de 100 euros.
00:23 300 personnes qui envoient un don de 100 euros.
00:25 Voilà l'enjeu. Il n'est pas mince, j'en suis conscient.
00:28 Et pourtant, cela représente 22 minutes de propagande de France Télévisions avec nos impôts.
00:36 Je compte sur vous pour répondre à cet appel à l'aide pour votre télévision, celle de vos idées.
00:41 Retirez-nous cette épine du pied pour nous permettre de repartir d'un bon pas
00:46 pour les prochains mois à l'avance. Merci.
00:49 [Générique]
01:05 Bonjour à tous et content de vous retrouver pour ce nouveau numéro de cette année-là.
01:09 Et aujourd'hui, j'ai le plaisir d'avoir sur le plateau, on va aller assez vite,
01:12 comme ça on va avoir beaucoup à dire,
01:15 j'ai le plaisir d'avoir François Bousquet, qui est le rédacteur en chef de la Revue Éléments.
01:19 Bonjour François. Bonjour Patrick.
01:21 Rodolphe Carte, notre ami de la Nouvelle Librairie, mais aussi de la rédaction d'Éléments.
01:26 On a aussi, et c'est rare, mais notre directeur, Pascal Hesseric. Bonjour Pascal.
01:33 Bonjour.
01:34 Et Daoud Bokzala, qu'on avait eu le mois dernier pour le dossier que vous pouvez retrouver,
01:40 le dossier qui est en ce moment en kiosque et qui est sur les trans.
01:44 Je vous laisse cette magnifique couverture que j'ai faite il y a un mois.
01:48 Alors nous, on va se retrouver pour cette année-là en 1981.
01:53 C'est une année importante, l'année 80, parce que c'est l'arrivée de la gauche française au pouvoir,
01:59 pour la première fois sous la Vème République.
02:01 La gauche va arriver aux affaires, les chars soviétiques ne défileront pas sur les Champs-Élysées.
02:08 Mais cette prise de pouvoir, elle n'intéresse pas beaucoup la Nouvelle Droite.
02:11 Par contre, en cette année 1981, elle se pose la question, et une question importante,
02:17 et je prends un titre de Janco, c'est "Pourquoi la France ?"
02:20 Vous voyez, avec ce magnifique coq gaulois.
02:23 Et ils ont repris ce titre parce que Janco, en 1975, avait dit exactement la même chose.
02:31 Il avait dit "Pourquoi la France ?"
02:32 Alors je vais commencer par ce petit livre de Janco.
02:35 Juste, je vais lire la quatrième de couverture, vous allez voir, ça va aller vite.
02:39 Mais vous allez comprendre qu'en 1975, Janco va faire un peu scandale,
02:42 celui qui venait de la gauche, car il nous dit
02:47 "Je ne vois qu'une tranchée capable en même temps de nous abriter,
02:50 de nous vomir vers l'assaut et le salut.
02:53 Dans l'urgence de nos jours, en attendant plus vaste abri et plus vaste espérance déployée,
02:58 notre tranchée s'appelle la France,
03:00 et notre premier bouclier et notre première épée s'appelle le nationalisme.
03:04 Plus tard, nous verrons, en attendant dans la mêlée,
03:07 ici un nationalisme français et le premier salut."
03:10 Je m'en explique, et il s'expliquera dans ce petit livre.
03:13 François, on est en 1981,
03:16 cette nouvelle droite, on nous avait raconté qu'elle était européenne, germanophile,
03:22 à ne penser qu'à ça, en fait, elle pense aussi à la France.
03:25 Oui, elle est aussi franco-centrée,
03:27 ce numéro-là est un numéro décisif, très important, sur la psychologie des peuples
03:32 et sur la constitution de l'âme française.
03:35 Il est fait par la nouvelle droite,
03:37 sur laquelle pêche un péché d'un tropisme européen.
03:41 En effet, on aurait tendance à regarder au-delà du Rhin.
03:44 Ben non, on est européen, naturellement,
03:47 gréco-latin, gréco-romain, mais aussi français.
03:51 Et c'est leur deux Benoits dans un édito magistral,
03:54 à l'époque c'était Robert de Herte, mais c'est Alain de Benoit,
03:57 répond à l'idéologie française, répond à Bernard-Henri Dévy,
03:59 répond aux gens qui attaquent la patrie, qui attaquent la France.
04:02 En janvier 1981, sort l'idéologie française de BHL,
04:07 qui va être son livre le plus important.
04:09 Avec le testament de Dieu, c'est les deux à l'époque, BHL vant,
04:12 le testament de Dieu c'est BHL qui confesse Dieu,
04:14 et l'idéologie française, c'est à un siècle de distance, un tout petit peu moins,
04:18 une réponse à la France juive, en réalité, de Drummond.
04:22 L'anti-Drummond c'est BHL, sauf que Drummond avait du style.
04:26 Mais c'est la même logique,
04:28 pour Drummond c'était les juifs qui dominaient la France,
04:32 et pour BHL c'est les racistes, et c'est les antisémites.
04:34 Il reprend tous les travaux, il s'appuie sur deux philosophes,
04:37 Lévinas, de Benoît en parle dans l'édito,
04:40 Lévinas c'est le grand philosophe français d'après-guerre,
04:44 un des grands philosophes, mais c'est aussi un philosophe juif,
04:47 et c'est aussi un philosophe qui a attaqué de manière très très virulente
04:51 l'enracinement, le principe d'enracinement, la terre elle est morte.
04:54 Donc il s'appuie là-dessus, et sur Sternell,
04:56 sur l'idée qu'il y a le fascisme, en réalité, qui est une invention française.
04:59 Donc tout est la faute des français.
05:01 Donc nous on prend le contre-pied, nous éléments,
05:04 il y a de cela 40 ans, on prend le contre-pied de cette idéologie française,
05:08 pour montrer qu'au contraire, il y a une permanence française,
05:11 il y a une mentalité collective française,
05:14 moi j'ai même au-delà, étant très attaché aux tiers-états,
05:17 je pense qu'on a une vision de la France qui repose sur un certain nombre de clichés,
05:20 on voit la France depuis un bateau-mouche,
05:22 en particulier beaucoup de souverainistes voient la France depuis un bateau-mouche,
05:25 ils voient Versailles, l'État, les légistes de Philippe Lebel, etc.
05:28 Mais il y a une antériorité française qui est fascinante à travers l'histoire,
05:31 vraiment fascinante, les premiers ethnologues et visiteurs grecs de la France,
05:35 en -200, vous vous rendez compte, en -200,
05:38 fixent des traits qu'on va retrouver chez Goscinny et Uderzo,
05:41 2200 ans plus tard, dans Assyrix et Obélix.
05:44 Donc il y a une permanence française surprenante.
05:47 On répond à beaucoup d'objections dans ce numéro,
05:50 puisqu'il y a un procès, moi qui me semble abusif,
05:54 fait par une école souverainiste, parfois un tout petit peu trop...
05:59 qui se braque sur un souverainisme, qui est un souverainisme désincarné.
06:04 C'est une France sans français.
06:06 Donc on veut... nous on a voulu montrer, déjà,
06:09 c'était avant que les souverainismes apparaissent,
06:12 que ça nous vient du Canada, tout ça,
06:14 montrer que non, il y avait une âme française,
06:17 une chair française, une profondeur française.
06:20 Donc tout ce procès ne tient pas, il suffit de lire
06:23 ce qu'on produit à l'époque Alain de Benoist,
06:25 Michel Marmin, Jean-Claude Vallat,
06:28 autant de gens que Pascal et Céric.
06:32 On va donner la parole à Rodolphe Carte,
06:35 parce que Rodolphe Carte, avant l'émission,
06:37 vous m'avez dit, là j'ai découvert, vous aviez qu'un peu,
06:40 on peut le dire, vous êtes un peu souverainiste quand même,
06:42 un peu beaucoup, voilà.
06:44 Et vous aviez cette image quand même
06:46 de cette nouvelle droite très pro-européenne
06:49 et qui ne s'occupait pas de la France.
06:51 Et là vous avez découvert, et on peut le voir
06:53 dans l'article de Michel Marmin, de Jean-Claude Vallat,
06:55 les premières lignes, c'est les mémoires du général de Gaulle.
06:58 Et c'est Bernanot, c'est Peggy qui sont citées.
07:01 Vous, comment vous l'avez perçue ? Surprise ?
07:05 – Oui, un petit peu, oui, il faut l'avouer.
07:07 Mais par contre, dès l'édito, en fait,
07:09 j'ai choisi aussi mon côté, entre Alain de Benoist,
07:13 pour le coup, justement, qui revient sur le livre de BHL,
07:17 mais BHL qui dépeint la France d'aujourd'hui en fait.
07:20 Une France désincarnée, complètement sans racines,
07:24 déconstruite absolument, je veux dire,
07:25 là pareil, j'ai fait mon choix.
07:27 Je suis derrière Alain de Benoist, contre BHL.
07:29 – Oui, ça c'est facile.
07:30 – Aucun problème, ça c'est facile.
07:32 Et ensuite, oui, mais ce que j'ai bien apprécié,
07:35 justement dans l'article, comme vous l'évoquiez, de Michel Marmin,
07:38 c'est qu'il est revenu aussi, à mon avis,
07:41 ce qui fait la particularité de la France,
07:43 c'est qu'au-delà d'être un pays géographique,
07:46 bien évidemment avec un front ethnique assez propre,
07:49 c'est avant tout ce mélange de trois races européennes,
07:52 la race alpine, la race militaire hannéenne et la race germanique.
07:56 Et justement, la particularité, ce qui a fait la personne de la France,
07:59 comme le dit si bien Jules Michelet,
08:01 c'est la primauté du politique.
08:04 C'est justement ça, à mon avis, qui fait la particularité de la France
08:07 et qui est très bien défini dans l'article, que j'ai très bien retrouvé,
08:11 et ce qui nous différencie par exemple d'une Angleterre
08:13 qui va avant tout acquérir son identité par sa géographie
08:17 ou alors par rapport à l'Allemagne qui va acquérir son identité
08:20 par un mélange de langues et de races.
08:22 On connaît bien sûr les discours de Fichte à la nation allemande
08:24 et ce genre de choses.
08:26 – Pascal, vous qui connaissez bien l'histoire du Grèce et de la Nouvelle-Droite,
08:30 c'est aussi un faux procès qu'on a fait,
08:32 parce que des gens comme Michel Marmin, Jean-Claude Vallat et Jean Caux,
08:35 bien sûr, la France était importante.
08:37 – Bien sûr, ça a toujours été,
08:41 pas une ligne de fracture mais un enrichissement mutuel, j'allais dire.
08:50 C'est qu'il y a à l'intérieur, il y a eu et il y a toujours d'ailleurs,
08:55 à l'intérieur d'éléments, une géopolitique propre.
08:58 Avec effectivement, aujourd'hui on pourrait dire que Rodolphe Carte et David Lepay
09:05 ne produisent pas exactement la même chose que François Bousquet et Daoud Bourzala.
09:16 Et ce qui est tout à fait dommageable,
09:22 c'est que bien évidemment nos adversaires projettent énormément de leurs fantasmes
09:31 sur notre courant de pensée et ne peuvent pas concevoir que effectivement,
09:41 Michel Marmin, pour prendre son cas, ou Jean-Claude Vallat,
09:44 avaient, comment dire, sur la France,
09:51 même une vision qui était non pas différente,
09:59 mais qui était à la fois différente complémentaire que celle d'Alain de Benoît.
10:08 Et c'est ce que montre en fait quand on se plonge dans les archives,
10:14 et là ce que vous venez de faire en ressortant ce numéro le montre à merveille.
10:23 Pour Michel Marmin par exemple, la francophonie c'est une chose très importante,
10:26 la littérature française c'est une chose très importante, etc.
10:30 Donc je crois que c'est ce qui fait toute la richesse de l'élément.
10:37 C'est qu'il y a comme ça des lignes idéologiques,
10:46 des sensibilités qui non pas s'affrontent, enfin on pourrait dire qu'ils s'affrontent.
10:52 – Oui mais sur de Benoît pas tant que ça,
10:54 sur de Benoît aussi il y a une projection de fantasme sur Alain de Benoît,
10:57 parce qu'il a travaillé sur l'Empire,
10:59 mais le dernier édito de de Benoît dans le numéro d'élément qui est en kiosque,
11:03 sur la question de l'état du peuple et de la nation,
11:06 fait entendre un discours qu'il a toujours fait entendre,
11:08 simplement on ne peut pas l'écouter,
11:09 puisqu'il a écrit des livres qui s'appellent "L'Empire intérieur", etc.
11:13 Mais même chez de Benoît il se retrouve dans cette ligne d'élément,
11:16 il y a une continuité, moi qui me frappe.
11:19 – Oui, le fait que par exemple l'article s'ouvre,
11:25 à l'époque on le faisait, aujourd'hui on ne le fait plus,
11:28 ils ont pris un article, un extrait du livre de Gaston Rupnel,
11:35 le grand historien de la paysannerie française,
11:38 pouf, ils ont pris…
11:41 – On ne pourrait plus aujourd'hui, on aurait terre humaine sur les fesses.
11:45 – Exactement, plomb, etc.
11:47 – Et chez Rupnel on est au cœur de la richesse française,
11:53 mon nom est diversité, c'est ce que dit Brodel,
11:55 on peut le dire de beaucoup de pays, mais plus encore d'une autre,
11:58 si on s'en tient au distinct Rappel et Rodolphe,
12:01 on peut le faire de manière géologique pour la France en plus,
12:04 et Marc Bloch l'a fait dans ses livres.
12:06 Rupnel c'est la Bourgogne, c'est le grand Bourguignon,
12:10 comme Vincenot, et qui a chanté et célébré les Gaulois comme nul autre,
12:16 c'est Vincenot et Rupnel.
12:18 – Tout à fait, deux auteurs, enfin pas Rupnel,
12:21 mais, enfin si d'ailleurs, puisque Rupnel est cité là,
12:24 enfin il l'écrit, mais Vincenot a été intervenu dans "Illémant" d'ailleurs.
12:30 – D'ailleurs, on est en 80, alors je sais que vous n'avez pas bien connu cette période-là,
12:36 le nationalisme, on en parle à l'époque, on n'en parle pas de souverainisme,
12:40 ce n'est pas vraiment un mot à la mode, on n'en parle pas,
12:43 à l'époque les deux principaux candidats et adversaires qui sont Mitterrand et Giscard,
12:47 ils sont tous les deux pro-européens,
12:49 Chirac s'est un peu débarrassé de Marie-France Garraud et de Pierre Juillet,
12:53 donc il n'y a plus vraiment… la France est un peu ringarde à l'époque.
12:58 – Oui et non.
12:59 – Et ce début de 80, BHL en remet une couche pour dire "mais non, on ne peut pas".
13:04 – Oui, alors du point de vue de l'histoire des idées,
13:06 si on se place d'un point de vue un petit peu plus charnel,
13:09 bon certes il y a le numéro de claquette de Giscard à Chamalières,
13:13 Daniel Gilbert, etc.
13:15 mais quelqu'un comme Mitterrand jusqu'au bout, jusqu'en 95, sa mort en 96,
13:20 je vous invite à regarder une vieille émission de Bouillon de culture,
13:23 je crois avec Bernard Pivot, où presque des trémolos dans la voix,
13:28 Mitterrand évoque les écriments de son enfance du Massif central,
13:33 à la fois côté poitou et côté limousin,
13:37 qui ont été à l'école communale, qui étaient souvent en fait
13:40 des purs produits de la République,
13:43 mais en même temps vraiment de manière très enracinée.
13:47 Et lorsque Mitterrand sur des sujets sensibles,
13:50 plus que sensibles sur une période très trouble,
13:53 à la fin de son second septéma disait "ces gens ne comprennent pas la France,
13:59 ils veulent faire relancer une guerre civile
14:03 au sujet de toutes les demandes d'excuses officielles pour le VDIV, etc."
14:08 C'était quelqu'un de profondément incarné,
14:10 qui n'avait pas besoin de surjouer l'incarnation,
14:13 puisqu'il était profondément racinaire.
14:14 L'ironie de l'histoire, vu que ce soit le même président,
14:16 qui en même temps, par de multiples expériences,
14:20 favorisait la déconstruction, que ce soit Maastricht,
14:24 la dilution de la France dans un ensemble européen, SOS racisme, etc.
14:29 Donc à l'époque, on n'était pas au point où notre dirigeant s'exprimait
14:36 comme un cadre de chez Yoplait à tête de la Startup Nation.
14:40 François, la grande idée de l'époque, c'était de dire que la France n'était pas,
14:47 et c'est ce qu'ils expliquent,
14:49 c'était la fameuse seconde patrie de tous les hommes,
14:52 on adorait dire ça, cette France des Lumières.
14:55 Et Michel Marmin et Jean-Claude Vallat disent,
14:58 elle n'a pas été construite ex nihilo,
15:00 ils expliquent qu'on le veuille ou non,
15:02 entre les habitants de l'Hexagone, une parenté psychique et comportementale.
15:07 Ici, Jacques Manol qui disait très justement,
15:09 la Gaule n'a pas été une nation, mais elle a préparé la France.
15:12 En fait, il parle d'une France enracinée.
15:14 J'ai l'impression qu'aujourd'hui, quand on parle d'un côté
15:18 des souverainistes et des identitaires,
15:21 ça c'est un numéro qui devrait les ramener tous les deux.
15:24 C'est la bonne position, le bon curseur, c'est souverainisme, identité,
15:28 jamais l'un sans l'autre.
15:30 Zemmour a fait une critique très légitime du souverainisme sans l'identité,
15:33 disant qu'on pouvait très bien concevoir une France souverainiste
15:36 avec un président musulman,
15:38 ce qui est concevable comme exercice de style, bien sûr,
15:41 mais à contrario, on peut imaginer des identitaires,
15:45 d'une poche identitaire sans aucune souveraineté,
15:47 mais protégée ethniquement, religieusement, culturellement.
15:50 Donc c'est l'un avec l'autre, il ne faut pas les opposer,
15:54 il faut les réunir.
15:55 Sur la profondeur de chants françaises, je l'ai parlé tout à l'heure,
15:58 moi je pense que c'est un point sur lequel nous devons insister.
16:01 Alors la naissance des Gaulois est très tardive.
16:04 On invente les Gaulois, le mythe gaulois, on l'invente au XVIIIe siècle.
16:07 C'est l'avènement du tiers État, c'est l'avènement des pauvres,
16:09 du nombre, de la démocratie, ou de la proto-démocratie.
16:12 Jusque là, les filiations françaises, les genouilles françaises,
16:15 c'est une généalogie franque, aristocratique, etc.
16:18 Mais je le redis, quand Taine s'intéresse à la littérature française,
16:22 il fait un énorme saut dans le passé.
16:25 Qu'est-ce qu'il se rend compte ?
16:26 Que même dans la littérature, dès le XIIe siècle,
16:28 c'est-à-dire qu'on est en 1100, se mettent en place des traits spécifiquement français,
16:32 qu'on ne retrouvera pas en Espagne, en Italie, en Allemagne, en Angleterre.
16:36 Se met en place une littérature bourgeoise.
16:38 On est le premier pays qui a une littérature bourgeoise.
16:40 On donne souvent l'exemple de Chrétien de Troyes,
16:43 parce que c'est la matière bretonne, et c'est tout l'imaginaire,
16:46 et le merveilleux celte, c'est évident.
16:48 Pour le coup, c'est l'imaginaire européen.
16:50 Mais Chrétien de Troyes est un écrivain de cour.
16:53 C'est la cour de Champagne.
16:54 C'est déjà presque l'hôtel de Rambouillet.
16:57 Taine montre que, en tout cas de 1200 jusqu'à aujourd'hui,
17:01 en France, il n'y a pas de Dante, il n'y a pas de Shakespeare, il n'y a pas de Saga.
17:06 En revanche, on a des Fablio.
17:08 En revanche, on a le roman de Renard.
17:10 En revanche, on a les farces de Maître Patelin.
17:13 Il annonce déjà Rabelais.
17:14 Qu'est-ce que fait Rabelais ?
17:15 Il monte son cul, Rabelais.
17:16 Il ne cherche pas les étoiles.
17:18 Qu'est-ce que fait Molière ?
17:19 Molière s'éplote.
17:20 C'est un petit bourgeois qui fait Manceyne des Vallées, ce qu'il n'y a pas.
17:24 Donc se met en place une mentalité française qu'on va retrouver chez Georges Brassens,
17:28 chez Michel Audiard.
17:29 Moi, ce que je reproche à BHL, par exemple, ou à d'autres,
17:34 c'est qu'ils nous interdisent d'essentialiser un peuple.
17:36 Alors, je ne veux pas seulement l'essentialiser,
17:38 il faut l'essentialiser et l'historiciser.
17:40 Et je vais citer le cas de Strabon, des historiens grecs.
17:45 Vous vous rendez compte ?
17:46 Quand -100, -200, ces traits-là sont déjà fixés.
17:51 C'est-à-dire que quand César, la guerre des Gaules de César,
17:54 est une compilation des archétypes français,
17:57 ce n'est pas lui qui les invente.
17:58 C'est les ethnologues grecs qui l'inventent en -100, -200.
18:02 Tous les traits…
18:03 Moi, j'ai toujours en tête un Cérix Obélix,
18:05 parce que Gossemi a essayé de synthétiser ça.
18:07 Il se trouve que c'est un juif polonais
18:10 qui est devenu plus français, comme Romain Garry.
18:13 Romain Garry, il dit au passage que chaque homme a deux pays.
18:16 Et Dieu sait s'il a des textes phénoménaux sur la France, Romain Garry.
18:20 Lui aussi, juif, donc il n'y a pas que la race.
18:23 On le voit.
18:24 Mais quand Gossemi, rappelez-vous, dans "La Grande Traversée",
18:27 quand Cérix Obélix, il ne vieillit jamais,
18:30 quand il va en Perse, il parle le persan, machin,
18:33 mais quand il va en Amérique, sur les Amérindiens,
18:35 qu'est-ce qu'ils font devant les Indiens ?
18:37 Ils miment les très gaulois.
18:38 Querelleurs, indisciplinés, buveurs.
18:41 Ce sont des clichés.
18:43 Mais vous les trouvez chez César,
18:44 chez Strabon et chez d'autres visiteurs grecs.
18:46 Et après, Tène les repère au XIIe siècle.
18:50 Donc oui, il y a une profondeur de chant française qui…
18:53 Même les gaulois, je ne veux pas…
18:55 Même sur l'idée gauloise,
18:57 on lui dit que la Gaule est séparée.
18:59 C'est ce que dit César.
19:01 Mais ce n'est pas vrai.
19:02 La réunion annuelle dans la forêt des Carnutes,
19:05 vous vous rendez compte qu'il y a un arbitrage religieux,
19:07 mais juridique de la part des druides.
19:09 C'est-à-dire que toutes les Gaules,
19:10 la Gaule celtique, la Gaule bordelaise romanisée,
19:14 vous avez déjà quelque chose
19:17 qui ressemble à une unification,
19:19 à travers le droit et la spiritualité.
19:21 Donc on arrête de nous dire que…
19:23 - C'est ce que dit Jacques Madel,
19:26 que cite Michel Marmain,
19:28 et qui dit que le plus important,
19:30 c'est le vieux fond gaulois,
19:31 où se sont unis pour la première fois,
19:33 d'un bout à l'autre du territoire,
19:34 les peuples antérieurs.
19:35 C'est tout à fait ça.
19:37 Rodolphe, ce qui est aussi intéressant,
19:40 c'est qu'Alain de Benoît,
19:42 il dit que la France pourrait être
19:43 presque un exemple pour une Europe.
19:45 Est-ce que ça vous réconcilie un peu avec l'Europe ?
19:47 C'est vrai que la France par elle-même,
19:49 la France par elle-même,
19:51 aurait dû être un modèle
19:54 pour la construction européenne.
19:56 - Pour rebondir sur ce que vient de dire François,
19:58 évidemment qu'on ne veut pas d'une république
20:00 islamiste à la type soumission d'Huelbeck.
20:02 Donc là, on est dans le côté souverainiste,
20:05 mais sans français.
20:06 Par contre, on ne veut pas non plus
20:07 devenir Géronimo et des Indiens.
20:09 Là, c'est le côté identitaire,
20:11 mais sans souveraineté.
20:12 Donc, non, par contre,
20:13 et moi, ce qui peut ouvrir un peu la focale,
20:15 et comment dire,
20:16 ouvrir un peu sur le côté
20:17 trop franco-centré du souverainisme,
20:19 c'est évidemment ce côté où la France
20:21 pourrait prendre entre guillemets
20:23 le devant, comme nation,
20:25 comme état détonateur,
20:27 qui justement, par le fait
20:29 de retrouver sa souveraineté,
20:31 sa puissance, sa quête d'identité,
20:33 son affirmation, justement,
20:35 pourrait emmener derrière elle,
20:36 dans un peut-être un nouveau...
20:37 - C'est tel titre, la France détonateur.
20:39 - Voilà, le titre est très bon,
20:41 parce qu'évidemment, peut-être un renouveau
20:43 et un nouveau printemps des peuples,
20:44 justement, européens,
20:45 autour de, justement,
20:46 cette affirmation identitaire,
20:47 mais aussi qui s'accompagne
20:48 avec un regain de puissance.
20:49 Parce que, justement,
20:51 là, on vient juste de mentionner
20:53 la menace islamiste,
20:54 mais pour moi,
20:55 la menace américaine et atlantiste
20:57 n'est pas du tout à éluder.
20:58 Justement, je pense qu'Elleman
21:00 a toujours conservé la bonne ligne là-dessus.
21:02 - Les deux, ouais, je suis d'accord.
21:04 - Et chose intéressante,
21:05 alors que Benoît cite,
21:07 alors là, on va citer un Allemand,
21:08 excusez-moi,
21:09 il cite Carl Schmitt,
21:10 déjà en 81.
21:11 - Très francophile.
21:12 - Il explique que Carl Schmitt
21:13 a montré que l'idéologie nationale française
21:15 a su créer au cours de l'histoire
21:17 une instance étatique,
21:18 éminemment politique,
21:19 seule capable de mettre le peuple
21:21 en mouvement et de la doter d'un destin.
21:23 On oublie trop souvent
21:24 que Carl Schmitt, en fait,
21:25 en Allemagne, son discours,
21:27 on n'était pas du tout à écouter
21:28 et qu'il était très admirateur
21:30 du système français.
21:31 - Moi, je pense qu'il pointe néanmoins
21:32 ce que Marcel Gaucher appelle
21:33 un malheur français.
21:35 Moi, à la différence de Rodolphe,
21:37 pas d'hostilité à l'encontre de l'État,
21:40 mais l'État a fait le vide
21:41 quand même autour de lui.
21:42 L'État a détruit les corps intermédiaires,
21:45 l'État a détruit les langues régionales,
21:47 relisez les rapports à la Convention en 689,
21:51 la superstition par le bas breton, etc.
21:54 Ce qui fait qu'entre le citoyen
21:55 et l'État, il n'y a plus rien.
21:56 Il n'y a plus de tampons,
21:58 il n'y a plus de langue,
21:59 il n'y a plus d'incarnation, précisément.
22:01 Et c'est pas de moi.
22:05 Les Allemands ont l'énorme avantage
22:08 de la Bible de Luther.
22:09 Dans la Bible de Luther,
22:10 ils réunissent la race, la langue,
22:12 la communauté de destin.
22:14 Les Anglais, ils ont une monarchie.
22:16 Nous, on a coupé la tête du roi.
22:17 Les Espagnols, en dépit des hérédentismes basques
22:20 et catalans, il y a une monarchie.
22:23 L'Italie, il n'y en a plus,
22:25 mais c'est tout récent.
22:26 Et puis, il y a le Vatican
22:27 qui a empêché la constitution
22:28 de l'État italien.
22:29 Nous, il n'y a que l'État.
22:30 Ce qui fait que l'État est devenu
22:32 hyper trophié en France.
22:34 Et s'il n'y a rien entre l'État
22:36 et le citoyen,
22:37 nous sommes un peu orphelins.
22:39 Comment se défendre face
22:41 au monstre le plus froid,
22:43 on parle le Nietzsche.
22:44 Moi, c'est la réserve que je fais
22:46 sur le culte gaullien de l'État.
22:48 Il se fait à l'encontre
22:50 du peuple des Français, en l'occurrence.
22:52 - Pascal, est-ce que les Français,
22:55 en fait, ils n'ont pas été déçus
22:57 de l'Europe parce que la France
22:59 est aux abonnés absents en Europe
23:02 depuis Mitterrand, facilement ?
23:05 - L'ironie du sort, je crois savoir
23:08 que c'est la France de Mitterrand
23:10 qui a poussé l'Allemagne
23:11 à adopter l'euro.
23:12 Donc, finalement, la France
23:14 a bu la ciguë toute seule.
23:16 Et là où les souverainistes
23:18 joueraient défendre, quand même,
23:20 faire l'avocat, non pas du diable,
23:21 mais des gens qui nous crachent dessus.
23:23 C'est-à-dire que, certes,
23:24 ils ont tendance à aller vers l'artificialisme,
23:26 à défendre une France abstraite,
23:28 incontenant, sans contenu.
23:29 Mais là où ils marquent un point,
23:30 c'est que lorsqu'on regarde
23:31 les expériences ou les tentatives
23:33 d'alternatives à l'intérieur de l'Europe,
23:35 aujourd'hui, le gouvernement Meloni,
23:36 par exemple, en Italie,
23:37 totalement aligné sur la politique
23:39 étrangère atlantiste.
23:40 Sur l'immigration, ils ont le plus grand mal
23:42 à tenter de faire passer
23:46 la moindre réforme.
23:47 Et donc là, on se dit,
23:49 sans souveraineté politique,
23:52 difficile de défendre l'identité.
23:55 - D'Aoude, on est d'accord.
23:56 Il ne faut pas tirer que vers là.
23:59 - D'ailleurs, pour terminer,
24:01 si il y a 40 ans, on ne parlait
24:03 ni de mouvement identitaire
24:05 ni de mouvement souverainiste,
24:06 c'est peut-être parce qu'on avait
24:07 à la fois l'identité et la souveraineté.
24:09 - Oui, oui.
24:10 - Pascal, un mot sur l'Europe, la France ?
24:14 - Il y en a plein sur la France et l'Europe.
24:18 L'Europe, elle ne se fera pas...
24:23 Le détonateur est un peu ambigu.
24:26 Parce que ça peut déclencher une bombe.
24:29 Affragmentation, adhérence...
24:32 Non, non, il faut que l'Europe...
24:34 Ce n'est pas la France qui va faire l'Europe.
24:35 Je veux dire, il ne faut pas...
24:36 On ne va pas dire de la France
24:37 ce que de gros le disaient les Européens.
24:39 C'est l'Europe, l'Europe comme un cabri.
24:40 Je veux dire, il y a des gens
24:41 qui sont à la France, la France comme un cabri.
24:42 Non, non.
24:43 Il y a une Europe carolingienne.
24:45 Il y a un noyau européen, franco-italien,
24:47 allemand, belge.
24:49 C'est peut-être ça qu'il faut retrouver.
24:51 C'est peut-être un axe.
24:53 Et puis en l'élargissant jusqu'à Moscou.
24:55 Ça, ça...
24:57 - Vous allez loin.
24:59 - Je pense qu'on va être coupés, là.
25:01 - Non, non. Pas à TV Liberté.
25:03 - Non, c'est vrai.
25:05 - Mais non, non.
25:06 Il faut que la France essaye
25:07 de nouer d'autres partenariats avec ses voisins.
25:09 On ne fera pas tout tout seul.
25:11 - Et pour faire le lien avec Jean-Cau,
25:15 et le lien de la France et de l'axe,
25:21 finalement, Paris, Berlin, Moscou.
25:24 Jean-Cau, le fait, dans le hors-série qu'on publie,
25:29 on reprend un texte...
25:31 - Non, là, c'est le hors-série qui est en kiosque.
25:33 Vous verrez.
25:34 - Sur la Russie.
25:35 - Sur la Russie.
25:36 - Que fait Jean-Cau ?
25:37 Il est à la fois le nationaliste français
25:41 que vous citiez, là.
25:42 Eh bien, il est pour...
25:44 On est en 78, et il est pour une alliance avec Moscou.
25:50 Alors qu'on est en pleine guerre froide,
25:52 il sent ce renouveau russe.
25:56 Donc, François, là, a tout à fait raison.
26:01 - Bon, on va terminer.
26:02 Il reste une minute.
26:03 Je vais citer justement Jean-Cau.
26:04 Alors, ça, c'est le petit livre.
26:06 Vous pouvez le trouver d'occasion, je pense.
26:08 Je ne sais pas, la Nouvelle Librairie, peut-être.
26:10 - Oui, peut-être qu'on arrive à le rééditer, je pense.
26:13 Mais c'était à table ronde.
26:14 Ça ne va pas être révélé.
26:15 - Oui, il faut voir.
26:16 - Et Jean-Cau disait,
26:17 "Et je pense que la France est d'abord une identité.
26:20 Loter, la pervertir, c'est, à la lettre, l'aliéner,
26:24 car les peuples qui ne savent plus qui ils sont
26:26 deviennent fous et sont dès lors prêts à se ruer derrière,
26:30 l'homme ou dans le système qui leur redonnera,
26:32 même dans le sang et le feu, cette identité.
26:35 Celle-ci est forcément composite,
26:37 s'agissant d'un pays comme la France,
26:38 qui s'est constitué au fil des siècles
26:40 par une sorte de travail amoureux, des bénisteries,
26:43 avec agrégat, ajout, finition, accord, emboîtage, soudure.
26:47 Lentement s'est constitué le peulze,
26:50 lentement est né le visage, lentement a surgi la forme.
26:52 Des peuples divers sont devenus un peuple,
26:54 des ethnies divers ont modelé une personnalité française.
26:57 L'Occitan, le Gascon, le Breton, le Verniat,
26:59 tous ont peu à peu été liés par une histoire et une langue commune."
27:03 On pourrait citer ça pendant des heures, c'est magnifique.
27:06 Nous, on se retrouve dans deux mois.
27:08 Bonjour chez vous !
27:10 Sous-titrage Société Radio-Canada
27:12 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org

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