Accord céréalier ukrainien : faute de prolongation, les prix pourront "grimper" en France, selon le ministre de l'Agriculture

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Marc Fesneau, ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, était lundi 17 juillet l'invité de franceinfo. Il répondait aux questions de Lorrain Sénéchal.

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00:00 - Bonjour Jean-Marc Fesneau, ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire.
00:03 On parlait donc tout à l'heure de cette vigilance orange canicule qui se poursuit dans le sud-est,
00:08 dans les Alpes-Maritimes, ça fait déjà plusieurs jours et ça va même être étendu demain.
00:12 Est-ce qu'il faut prendre des restrictions, notamment pour les agriculteurs de ce département ?
00:18 - Il y a deux sujets. Il y a le sujet de la canicule qui impose de prendre des mesures de précaution
00:21 pour les êtres humains et pour les activités humaines en général, c'est pour ça d'ailleurs qu'il y a la vigilance.
00:27 Puis deuxièmement, la canicule plus la faible précipitation peuvent poser des problèmes en termes de prélèvements
00:34 dans la nappe ou dans les cours d'eau. Alors les restrictions sont déjà en cours dans ces départements
00:37 depuis plusieurs semaines, c'est d'ailleurs pour ça qu'il faut anticiper, pour faire en sorte qu'on prélève
00:41 le minimum nécessaire pour un certain nombre d'activités agricoles, mais pour que ce prélèvement
00:45 ne vienne pas obérer, soit dans l'été, soit dans l'année, les prélèvements pour d'autres activités agricoles
00:51 ou industrielles ou les activités humaines évidemment, la réalimentation en eau potable, on pense à ça.
00:55 - Sinon jusqu'ici, si j'ose dire, les agriculteurs étaient passés entre les gouttes.
00:59 L'année de récolte française sera plutôt bonne ?
01:03 - Oui, alors ça peut faire l'objet de polémiques, mais on a une année qui est assez atypique,
01:07 avec une inversion un peu, sans doute le produit du dérèglement climatique,
01:11 on a eu plutôt des précipitations au sud au mois de mai, et un peu au mois de juin d'ailleurs aussi,
01:16 qui ont inversé une tendance, en tout cas stabilisé une tendance qui était inquiétante,
01:20 liée à des précipitations qui avaient été très faibles en janvier et février.
01:24 Et donc ça a permis de stabiliser les choses et de faire en sorte que la végétation puisse pousser,
01:28 sans qu'il y ait besoin de prélèvements, ou en cours d'eau ou en apes,
01:32 et donc les premières tendances, sans me l'indiquer, au nord ça a été pareil, un peu inversé ou décalé si je peux dire.
01:36 Et donc tout ça donne le sentiment pour cette année, alors on est vraiment sur l'année agricole,
01:41 et on est vraiment sur cette météorologie là, que l'année est moins catastrophique
01:45 que celle qu'on avait connu en 2022, où l'épisode de sécheresse avait commencé très tôt,
01:49 et où nous avions eu à la date où je vous parle, nous étions déjà au troisième épisode de canicule,
01:53 non pas sur un département, mais sur plusieurs départements.
01:56 - Les températures pour autant s'envolent, aux Etats-Unis, en Chine, elles ont même dépassé les 50 degrés,
02:00 40 dans le sud de l'Europe, on est un peu cerné par cette chaleur.
02:04 Qu'est-ce que vous avez voulu dire quand ce week-end vous avez parlé d'été normal ?
02:08 - J'ai voulu vous dire ce que je viens de vous dire, c'est-à-dire qu'en termes...
02:11 - Vous parliez de sécheresse, de précipitation. - Oui, de précipitation, et du fait que l'impact sur l'agriculture
02:15 avait été plus faible cette année que l'année précédente.
02:19 Alors tout de suite naissent des polémiques, et je le regrette au fond, parce que je trouve que ça n'a pas de sens.
02:24 J'ai écouté Mme Masson-Delmotte, avec qui je suis en parfait accord, à la fois sur le diagnostic...
02:28 - Oui, elle vous a repris sur les réseaux sociaux d'abord, avec un smiley qui se cache les yeux,
02:33 et ce matin justement on va l'écouter sur France Info.
02:35 - Je pense qu'il y a une responsabilité importante pour ceux qui sont élus,
02:39 qui ont une représentation, un rôle important au niveau du gouvernement,
02:43 parce que finalement il y a les aspects aigus du changement climatique,
02:47 les records, les choses qui marquent les esprits,
02:50 mais il y a aussi ces aspects chroniques insidieux.
02:52 Une chaleur intense, sans record, la montée graduelle du niveau de la mer qui accélère,
02:57 on a actuellement une fonte record au Groenland,
03:00 c'est important de montrer là où il est possible d'agir,
03:04 pour anticiper ces conditions climatiques inédites.
03:08 - Marc Fesneau, je vous voyais approuvé pendant l'écoute de ce que dit Mme Masson-Delmotte,
03:13 que j'avais vu au CNR et dont j'apprécie, je ne dis pas pour...
03:16 - Le CNR c'est le Conseil National de la Refondation.
03:19 - La Refondation, où nous avions évoqué ces questions de dérèglement climatique.
03:22 La vérité c'est qu'il ne faut pas être trop balotté entre ce que sont les records de température,
03:28 qui progressivement, malheureusement du fait du dérèglement climatique, vont être sous nos yeux.
03:32 Mais d'un point de vue structurel, ce n'est pas le record qui va être le plus grave,
03:36 encore que les records peuvent être des symptômes, le plus grave c'est la tendance.
03:39 Et la tendance c'est une tendance globale au réchauffement,
03:42 non seulement terrestre, mais maritime, et en particulier cette année maritime.
03:45 Donc c'est là-dessus qu'il faut agir.
03:47 Je n'ai pas envie de rentrer dans une polémique, je ne crois pas que Mme Masson-Delmotte n'ait envie.
03:50 Ce n'est pas le sujet de la polémique.
03:52 Personne, j'espère que plus personne, ne vient remettre en cause les choses.
03:55 Après quand il fait 20°C, il fait 20°C, il ne fait pas 45°C.
03:58 - La question c'est qu'est-ce qu'on fait ?
04:00 - La question c'est plutôt ce qu'on fait.
04:02 - Le premier poste de consommation d'eau en France, c'est l'agriculture.
04:05 - Pour nous nourrir. Quand on dit c'est l'agriculture, c'est l'alimentation en fait.
04:08 Puisque quand c'est l'agriculture, c'est l'alimentation.
04:10 - Mais comment on fait ? On adapte l'agriculture ?
04:12 - D'une année sur l'autre, quand on est sur le court terme, c'est ce qu'on a dit tout à l'heure,
04:16 c'est-à-dire comment il faut en sorte de réduire les prélèvements quand on est sur une tension de nappe.
04:19 Puis deuxième élément, il faut qu'on adapte notre agriculture.
04:22 Ça veut dire des variétés qui sont plus économes en eau,
04:25 ça veut dire des systèmes d'irrigation qui sont plus économes en eau,
04:27 ça veut dire, parce que comme on a une erraticité, si je peux dire, de la pluviométrie,
04:31 il y a des périodes où il ne tombe rien, puis il va tomber 100, 200, 300 mm.
04:34 - C'est-à-dire qu'il y a autant d'eau sur l'année, mais en fait parfois concentrée sur quelques semaines.
04:38 - Oui, il y a des zones où il y a un peu moins d'eau. Si on veut être un peu rigoureux d'un point de vue scientifique,
04:40 il y a des zones où manifestement on aura un peu moins d'eau.
04:42 Mais il y a des zones où on aura au moins autant d'eau.
04:44 Et donc comme il y a autant d'eau, ça veut dire qu'on va avoir des périodes avec beaucoup d'eau.
04:47 Et donc avec des risques d'inondation.
04:48 Et donc qu'est-ce qu'on fait pour réserver cette eau ?
04:50 Faire par des réserves, garder de l'eau qui sinon irait directement à la mer,
04:54 et c'est pas le sujet qui est principal pour nous.
04:56 Le sujet principal c'est de garder cette eau pour qu'elle puisse être utilisée dans les périodes de sécheresse.
05:00 - Ça veut dire des bassines agricoles ?
05:01 - C'est des réserves de substitution.
05:03 La réserve de substitution c'est quoi ?
05:05 C'est au lieu de prélever dans la nappe les cours d'eau, je prends l'eau de pluie qui ruisselle.
05:08 C'est quand même, me semble-t-il, plus intelligent.
05:10 Vous en avez une sous les yeux qui est très connue en France,
05:13 on pourrait l'appeler méga-bassine, ça s'appelle Serre-Ponçon.
05:16 Serre-Ponçon c'est 4000 hectares.
05:18 Personne ne reviendrait aujourd'hui sur Serre-Ponçon parce que ça permet d'irriguer,
05:22 d'amener l'eau potable, plus les activités touristiques qui est autour,
05:26 mais c'est pas le sujet central.
05:28 Tout ça a été fait parce qu'un jour, il y a 60 ans, des gens ont décidé de faire quelque chose
05:31 qui aujourd'hui sans doute ferait l'objet de beaucoup de polémiques.
05:34 Donc on a besoin, et pourquoi ? Parce que ça vient prélever de l'eau de ruissellement.
05:37 - Pour vous il n'y a pas de débat sur les bassines agricoles ?
05:40 - Non, il peut y avoir des débats sur qu'est-ce qu'on prélève, quelle nature d'eau on prélève,
05:43 est-ce qu'on fait évoluer le modèle agricole, c'est pas le sujet.
05:45 - Alors faire évoluer le modèle agricole, ça veut dire par exemple,
05:47 essayer de se priver du maïs et passer à d'autres types de cultures ?
05:51 - Oui mais il y a des régions déjà où il y a une évolution sur les assolements de maïs,
05:56 que les agriculteurs ils constatent le dérèglement climatique.
05:59 Moi je suis ministre sans doute, qu'il y a des agriculteurs qui connaissent le plus le dérèglement.
06:03 Les moissons sont beaucoup plus tôt, les événements climatiques sont beaucoup plus graves,
06:07 c'est un des éléments de cette année.
06:09 Moins d'épisodes caniculaires, mais par contre des épisodes de grêle et de tornades qui sont plus élevés.
06:13 - Alors on remplace par quoi par exemple le maïs ?
06:15 - Il faut qu'on essaye d'en remplacer par d'autres plantes.
06:18 Alors soit pour l'alimentation animale, c'est principalement ce à quoi sert le maïs.
06:22 Par ailleurs le maïs aujourd'hui il est 30% plus économe en eau.
06:25 Donc il faut aussi qu'on se dise ça, qu'on ait des variétés qui soient plus économes.
06:29 - Mais il demande de l'eau au pire moment en été.
06:31 - Oui c'est ça, le maïs il consomme moins d'eau que le blé,
06:33 mais il en demande au moment où il y a le moins d'eau disponible.
06:36 Et le moment où il fait le plus chaud sans doute.
06:37 Et donc on a besoin de fer et voler, on peut mettre du sorgho, enfin bref.
06:40 On a un tas de plantes qu'on peut essayer, on peut mettre du soja.
06:43 Mais on a besoin d'alimentation.
06:45 Mais ce qu'il faut s'éviter c'est qu'on importe du soja du Brésil.
06:48 - On peut aussi avoir moins de bovins.
06:49 C'est ce que réclame même la Cour des Comptes en disant
06:51 "ça coûte trop cher maintenant les bovins, il faut arrêter".
06:53 - Oui, la Cour des Comptes dit ce qu'elle entend,
06:56 et moi je respecte, vous ne m'avez pas entendu critiquer.
06:58 Mais on peut être d'accord avec la Cour des Comptes.
07:00 Il faut lire ce rapport qui est intéressant d'ailleurs,
07:02 en disant qu'il y a des zones où il faudrait plus d'élevage.
07:05 Il y a deux recommandations avec lesquelles on n'est pas d'accord.
07:07 Parce que si la seule trajectoire dans un pays qui n'est pas autosuffisant,
07:11 c'est de continuer à décapitaliser,
07:13 alors ça veut dire qu'on va importer de la viande d'ailleurs.
07:15 Et importer de la viande d'ailleurs, ça veut dire qu'on va importer de la viande
07:18 du Brésil, d'Australie, de Nouvelle-Zélande.
07:20 Est-ce que c'est ça le modèle agricole qu'on veut ?
07:22 Je pense que la trajectoire qui consiste à dire
07:24 par l'alimentation on peut réduire,
07:26 par le développement des prairies qui stockent du carbone,
07:29 on peut avoir un bilan carbone qui soit meilleur par l'élevage.
07:31 Par les haies d'ailleurs aussi on peut avoir un meilleur bilan.
07:33 Et par ailleurs on rend conforme la trajectoire de baisse de consommation de viande
07:37 avec la baisse de production.
07:40 Et par l'inverse, il me semble que là il y a une logique économique et écologique qui se tient.
07:44 Sinon on déclame et en fait on n'est pas au rendez-vous du défi qui est le nôtre.
07:48 Marc Fesneau, l'accord sur le blé ukrainien prend fin ce soir.
07:50 La Russie refuse pour l'instant de le prolonger.
07:52 Quelle serait la conséquence s'il devait être interrompu ?
07:55 Alors ce n'est pas une conséquence sur le continent européen,
07:57 la conséquence c'est pour les pays qui ont besoin de blé et de céréales.
07:59 Ça prouve d'ailleurs que beaucoup sont dépendants et interdépendants des échanges de céréales.
08:03 Et donc ça peut avoir une conséquence sur le marché méditerranéen en particulier,
08:07 au sud du bassin méditerranéen.
08:09 Ça ne peut pas faire grimper les prix chez nous ?
08:11 Ça peut faire grimper les prix chez nous, mais principalement c'est plutôt une question de disponibilité.
08:14 Alors après par effet rebond ça peut faire grimper les prix.
08:17 À date ils sont plutôt stables, voire en légère diminution.
08:20 Mais j'espère que les partis prenants trouveront un accord.
08:23 C'est sous l'égide des turcs que les négociations se font.
08:26 Nous en serions au troisième ou quatrième épisode de négociations abouties.
08:29 Et c'est une nécessité parce que c'est une responsabilité, même pour monsieur Poutine,
08:33 que de faire en sorte que les gens dans le monde puissent se nourrir.
08:36 C'est une question de stabilité mondiale.
08:38 C'est une question géopolitique. L'alimentation c'est une affaire géopolitique.
08:40 Merci Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire,
08:43 invité de France Info ce matin.

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