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00:00 Je suis Jean-Marc Lanéri, maire de Ponsona, une petite commune du sud du plateau matheysin,
00:13 de 306 habitants, et également vice-président de la communauté de communes de la mathésine,
00:19 qui regroupe sur ce territoire 43 communes. Nous avons été à Ponsona impacté pour la
00:27 première fois par les attaques de loups, par la prédation en 2019, c'était au mois de juin. On a
00:34 déploré 24 victimes. Il y a eu une nouvelle attaque au mois de juillet, une troisième en décembre,
00:42 tout près du village. Au total 65 covins ont été tués, quelques-uns dévorés. J'ai sous les yeux
00:51 le bilan Constaloup-Isère 2019, publié par la Direction départementale des territoires de l'État,
00:58 donc par l'administration. On se rend compte qu'en 2019, il y a eu 330 attaques en Isère,
01:07 qui ont causé 1171 victimes, donc une forte augmentation par rapport à 2018, puisqu'en 2018,
01:15 on avait 755 victimes. Je précise que ces victimes officielles ne tiennent pas compte des victimes
01:24 causées sur des troupeaux de particuliers. Je peux citer un exemple sur la commune voisine de
01:30 Suisville, dans le parc de la centrale photovoltaïque, pèsait un troupeau de brebis,
01:38 ce qu'on appelle un troupeau d'agréments. Le loup a été très malin, alors que cette clôture
01:45 électrique de 2 mètres de hauteur était conçue pour prévenir les intrusions. Le loup, lui,
01:52 l'a creusé sous la clôture, il est rentré dans le parc et il a tué 34 moutons. Si j'en crois la
01:58 flèche, Jean-Michel Bertrand est passé vraiment tout près de chez nous, sur notre commune ou à
02:04 proximité immédiate. Je vois aussi qu'il est passé sur les communes de Mercevel, qui sont
02:12 concernées, qui est concernée également par la prédation. Je suis Yann Souriau, maire de Chichiliane,
02:18 je représente les maires de l'Isère au comité loup. Je suis venu aujourd'hui avec Jean-Marc
02:25 pour l'aider, l'assister, bref pour que nous travaillions ensemble sur la question de la
02:31 prédation puisque Chichiliane se trouve à cet endroit en fait. Donc nous nous trouvons sur le
02:38 plateau du Trièvre et nous nous trouvons à mi-chemin, la flèche plutôt, passe exactement à mi-chemin
02:47 entre les deux communes et les loups aussi puisque nous avons notre lot de massacres,
02:53 alors depuis plus longtemps, ça fait 20 ans que nous avons des attaques dans le Trièvre et
03:00 il y a trois ans ça a pris des proportions absolument dramatiques qui m'ont obligé de
03:07 fermer des espaces à la randonnée, d'interdire des alpages à cause des attaques récurrentes qui
03:16 avaient lieu chez nous. Et donc aujourd'hui nous arrivons à peu près à contenir en pleine sur la
03:25 commune les attaques parce qu'il y a une présence de chasseurs constantes qui les tiennent à
03:31 distance et du coup tous les massacres remontent dans les massifs dans le parc du Vercors où sur
03:40 ma commune cette année je n'ai eu que 45 brebis mais également des attaques sur des chevaux,
03:47 des attaques sur des porcs dans un camping et des attaques sur des vaches, vaches mises en panique
03:55 qui ont produit des accidents de la route puisqu'ils sont allés percuter des motards qui
04:01 étaient en déplacement. Quand je vois les présentations par Jean-Michel Bertrand de son
04:07 film, on a l'impression qu'il n'y a pas d'attaque de loup sur les troupeaux et que ma foi les
04:14 éleveurs qui râlent sont des arriérés violents. Donc il y a un déni de la réalité qui est
04:21 absolument inacceptable, qui peut convenir à des personnes qui n'ont rien à voir avec cette réalité
04:28 mais dans tous les cas en tant que responsable territorial nous ne pouvons pas admettre. Ce
04:35 déni de la réalité produit une colère extrêmement forte de la part des personnes qui en subissent la
04:42 violence. Donc on ne peut pas prétendre d'un côté défendre la nature et de l'autre côté valider
04:50 des massacres qui se déploient comme vous le disait Jean-Marc, 100% d'attaques en plus,
04:58 50% de victimes en plus, 58% d'attaques en plus, c'est inacceptable. Nous voyons une situation non
05:06 maîtrisée et ce n'est pas le déni de cette réalité qui va nous permettre de sortir de cette
05:12 situation, c'est le déni de la réalité qui produit une révolte. Évidemment des éleveurs qui en sont
05:20 les premières victimes, les animaux ne peuvent pas se plaindre mais que nous soutenons en tant
05:30 que maires, en tant que responsables territoriaux et donc il va falloir que ces personnes rendent
05:35 compte de leur responsabilité dans le déploiement de ces massacres et dans leur déni, c'est du
05:40 négationnisme. Jean-Michel Bertrand s'adresse aux élus en disant "les élus sortent le fusil pour
05:47 épauler les éleveurs". Donc je vois qu'il le dit mais il n'est pas venu nous le demander. Je vois
05:54 qu'il ne tient pas tellement à interroger les éleveurs, il ne tient pas tellement à interroger
05:58 les élus parce qu'il ne tient pas tellement à entendre la réalité des territoires. Et cette
06:04 réalité d'une manière ou d'une autre il va falloir qu'ils l'assument et qu'ils en rendent compte.
06:11 Oui si les alpages ne sont plus pâturés, ça veut dire qu'au lieu d'avoir des pelouses rases qui
06:18 sont d'ailleurs très esthétiques en altitude, on aura des hautes herbes et les hautes herbes,
06:25 une fois qu'elles se couchent en hiver, facilitent les départs d'avalanches. Donc le développement de
06:32 la prédation va se traduire par un accroissement de ce phénomène et donc une maximisation du risque
06:39 avalanche dans nos contrées montagneuses. Alors Jean-Michel Bertrand prétend que les élus sortent
06:46 le fusil pour épauler les éleveurs. Non moi je ne suis pas chasseur, je n'ai pas de fusil, je ne
06:51 sors pas de fusil. Par contre je soutiens les éleveurs. L'équilibre économique de nos territoires
06:57 repose largement sur le tourisme et aussi bien sûr sur l'économie agricole. Et ces deux facettes
07:06 de notre économie sont menacées par la prédation. C'est bien évident puisque les attaques de loups
07:12 déstabilisent économiquement les exploitations, découragent les éleveurs, les incitent à dissuader
07:20 leurs enfants de prendre leur succession. Donc c'est tout un pan de notre économie agricole
07:24 qui est en danger. Et puis il y a un effet pervers au niveau du tourisme parce que pour pouvoir être
07:31 indemnisé correctement, par exemple il faut disposer, il faut prendre des chiens de protection.
07:39 Les chiens de protection, on le sait, peuvent s'en prendre aux randonneurs, aux touristes,
07:44 aux amateurs de sport plein air. Et ça c'est un effet pervers très pernicieux puisque ça peut
07:50 déstabiliser également notre économie touristique. Donc si le tourisme empathie, si l'agriculture
07:57 empathie, qu'est ce qui nous reste ? Donc bien sûr le côté économique est essentiel parce que nous on
08:04 a besoin de territoires qui vivent. Mais il y a tout le côté également produits de qualité. Les gens
08:11 qui rêvent des loups sont très contents de manger de la viande de qualité, de manger des yaourts
08:16 bio, de manger tout ce que nous produisons et n'imaginent pas que la disparition de l'élevage
08:22 va faire disparaître ces produits de qualité. Et puis enfin il y a quand même un argument écologique
08:27 qui est majeur. C'est à dire que nos territoires ensauvagés dans lesquels il n'y a plus de sentiers,
08:33 dans lequel il n'y a plus d'alpage, dans lequel il n'y a plus d'entretien, c'est tout simplement
08:42 nous préparer à un incendie comme il vient d'avoir en Australie. C'est à dire qu'en sauvagement +
08:51 canicule = incendie majeur. Donc il faut arrêter avec une vision d'un pays sauvage qui serait
09:01 retourné au paléolithique dans lequel il y aurait des bisons, des loups et des ours en croyant qu'on
09:09 va s'en sortir comme ça. La seule chose qu'on va produire c'est la liquidation totale comme ont
09:17 été flambées les kangourous et les koalas. On ne veut pas que nos montagnes soient détruites par
09:23 des incendies liés à l'abandon de ces territoires. On voit ça en Corse, on voit ça dans les pays
09:30 méditerranéens où il n'y a plus d'activité humaine. On ne veut pas que nos territoires disparaissent.
09:38 Nous ne sommes pas dans un Jurassic Park, nous sommes dans des territoires vivants avec des
09:44 habitants et il n'est pas question de laisser les fantasmes supplanter la réalité. Jean-Michel
09:50 Bertrand prétend qu'il n'y a pas d'impact sur la faune sauvage. Nous ici on a vu disparaître,
09:55 on voit disparaître successivement les bouctins, les mouflons dans le Trièvre et les animaux qu'on
10:04 venait voir précédemment sont devenus furtifs. C'est ce que les éthologues appellent le paysage
10:08 de la peur et donc on ne voit plus les animaux qui était quand même une des principales attraits de
10:16 nos communes. On voit successivement disparaître les chevreuils, les cerfs. Par contre on voit
10:23 arriver des meutes de sangliers qui ravagent absolument tout avec les risques sanitaires
10:27 qui vont avec. Croire que les loups sont des super héros qui vont réguler la faune sauvage
10:35 est un fantasme comme les autres. Évidemment Jean-Michel Bertrand ne veut pas en entendre
10:41 parler. Donc ce film là comme le précédent de Jean-Michel Bertrand véhicule une image esthétique
10:48 hors sol. On comprend qu'elle séduise mais elle recouvre une réalité qui est toute différente.
10:57 Si Jean-Michel Bertrand m'entend, qu'il sache qu'il est invité à Chichyliane, qu'il est invité
11:03 dans les territoires pour que nous ayons une discussion avec lui. Beaucoup de maires seront
11:09 là et on pourra ensemble regarder en face la réalité.
11:13 [Musique]