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Brice Hortefeux, député LR et ancien ministre de l'Intérieur, était l'invité du "8h30 franceinfo" le 3 août 2023.

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Transcription
00:00 La cour d'appel d'Aix-en-Provence, ce matin, examine la demande de remise en liberté du policier de la BAC placée en détention provisoire à Marseille.
00:07 Le parquet général, lui, requiert son maintien en détention.
00:11 Est-ce que les policiers sont des justiciables comme les autres, Brice Hortefeux ?
00:15 Tout d'abord, par expérience et par conviction, moi, je partage et comprends le malaise exprimé par les policiers.
00:23 Chaque Français, vous-même, vous avez le droit à la présomption d'innocence.
00:29 Et j'ai le sentiment que depuis déjà quelque temps – ce n'est pas simplement dans ce cas précis –
00:36 ceux qui doivent assurer notre sécurité au quotidien sont plutôt victimes de présomption de culpabilité.
00:45 Et la présomption de culpabilité, ça n'existe pas. Et donc ça, c'est la première réflexion.
00:51 Mais ça veut dire, il faut dire aussi immédiatement, simultanément, que ce n'est pas une remise en cause de l'autorité judiciaire.
01:00 Pour l'autorité judiciaire, il ne doit pas y avoir de citoyens au-dessus des lois, pas plus les policiers que les autres,
01:09 mais il ne doit pas y en avoir non plus en-dessous des lois.
01:12 Mais dans ces conditions, Brice Hortefeux, est-ce que Gérald Darmanin a raison d'accepter d'engager une réflexion sur un statut spécifique pour les policiers ?
01:21 Il a raison en tout cas de prendre en compte un certain nombre de revendications qui sont exprimées par les syndicats de policiers.
01:28 Vous savez que la particularité dans la police, c'est que le taux de syndicalisation est très élevé, de l'ordre de 80%.
01:34 Alors que pour la population, c'est entre 5 et 8%. Ce sont le public, le privé.
01:38 Donc ce sont des interlocuteurs qui sont des interlocuteurs représentatifs et responsables.
01:43 Il y a un certain nombre de demandes qui sont avancées par ces organisations.
01:47 Vous avez notamment l'amélioration de la protection fonctionnelle.
01:52 C'est une bonne chose. C'est-à-dire que quand un policier, dans l'exercice de ses fonctions, est poursuivi,
01:57 eh bien il est accompagné, aidé matériellement par l'État.
02:02 Et donc ça, ce sont des choses, ce sont des pistes qu'il faut effectivement creuser.
02:05 Mais si vous me permettez, je comprends bien que c'est un sujet important,
02:08 parce qu'il y a une décision qui est aujourd'hui, je vous ai dit ce que j'en pensais.
02:11 Je comprends et partage le malaise.
02:13 Mais en même temps, je rappelle simultanément que l'autorité judiciaire n'a pas à être remise en cause.
02:19 Mais je voudrais vous dire aussi que ça va un peu au-delà, parce qu'il faut s'interroger.
02:24 – Vous estimez qu'elle l'est, aujourd'hui, remise en cause, l'autorité judiciaire ?
02:27 – Je dis qu'elle ne doit pas l'être, ni aujourd'hui, ni demain, et elle ne l'était pas hier.
02:32 – Donc les policiers devront accepter la cour d'appel, la décision de la cour d'appel, sans broucher ?
02:37 – La décision de justice, elle s'applique à tous.
02:40 Et là-dessus, ils ne demandent pas d'exemption, je n'ai pas entendu de responsable policier
02:44 qui demande une exonération de responsabilité.
02:47 – Le patron de la police nationale dit que ce policier n'a pas sa place en détention provisoire.
02:51 – Le directeur général de la police soutient ces hommes, ce en quoi il a raison,
02:57 et il a regretté la prison préventive, avec un argument qui n'est pas à écarter d'un verre de main,
03:07 c'est que quand on place en détention provisoire, c'est généralement pour éviter une fuite à l'étranger,
03:13 des connivences et ainsi de suite.
03:14 A priori, ce n'était pas le cas.
03:15 Pourquoi ? Mais simplement, j'insiste sur un point,
03:18 c'est qu'il faut bien comprendre que la police, la gendarmerie,
03:22 dans une certaine mesure d'ailleurs les pompiers, ont pour mission de lutter contre la délinquance,
03:27 de protéger notre société, de combattre le terrorisme, bref tout cela.
03:32 Et que c'est une responsabilité qui est une responsabilité écrasante.
03:36 Et si je vous dis ça, ce sont des mots, mais il y a des réalités.
03:40 Et la réalité c'est que nous avions dans la police aujourd'hui de notre pays,
03:45 un taux de suicide qui est incroyablement élevé.
03:48 La moyenne c'est 44 policiers qui se suicident par an, si on prend les 10 dernières années.
03:53 C'est 50% de plus que dans la société, c'est vous dire combien la pression est forte.
03:58 – Mais pour répondre clairement à la question, est-ce qu'il faut déroger ou pas ?
04:02 – Je donne juste un autre exemple.
04:03 Vous avez dans la police, c'est la cour des comptes qui l'a rappelé il y a quelques jours,
04:08 10 840 policiers qui sont partis en un an.
04:12 C'est une augmentation de 33% par rapport à l'année dernière.
04:16 Le problème est aussi dans la gendarmerie, c'est 25% de plus d'une année sur…
04:20 Donc c'est vous dire combien la pression est forte, combien la tension est grande,
04:24 combien dans un certain nombre de cas il y a l'angoisse
04:28 de ceux qui sont chargés d'assurer notre sécurité et qu'il faut aussi tenir compte de cela.
04:32 – On répond comment à ce malaise-là ?
04:35 – Bien, précisément par les mots qui comptent, c'est-à-dire dire qu'on les soutient,
04:42 qu'on les accompagne, qu'on sait qu'on a besoin d'eux.
04:45 Deuxième élément, on les accompagne bien sûr avec des moyens,
04:48 on y reviendra peut-être d'ailleurs dans quelques instants.
04:51 – Non, non, quel moyen ? Quel moyen en plus faut-il ?
04:54 – Je vous ai donné l'exemple de la protection,
04:56 s'agissant des cas individuels, la protection fonctionnelle.
04:58 – Ce dossier-là a l'air d'avancer.
05:00 Le plan de relance a permis l'équipement de la police et de la gendarmerie,
05:05 d'ailleurs en matière de véhicules et ainsi de suite, en matière scientifique.
05:08 Moi je crois beaucoup, l'expérience m'a montré,
05:10 que c'est par naturellement les moyens humains,
05:13 mais aussi par les moyens techniques et scientifiques.
05:15 Parce que vous avez raison, il y a un deuxième volet,
05:18 c'est qu'il ne faut pas que l'arbre cache la forêt.
05:21 Aujourd'hui, la situation de la délinquance se dégrade dans notre pays.
05:25 Tous les indicateurs de la délinquance sont à la hausse.
05:29 Si je vous donne quelques exemples, les homicides c'est +8%,
05:32 les vols avec violence c'est +15%, les vols de voiture,
05:38 ce qui touche beaucoup certainement de nos auditeurs qui s'interrogent,
05:42 eh bien c'est +9%, c'est-à-dire qu'il y a 133 000 véhicules chaque année,
05:47 cette année, qui sont dérobés, qui sont volés.
05:50 Et donc tous ces indicateurs de la délinquance à la hausse,
05:54 s'accompagnent d'un taux d'élucidation qui est à la baisse.
05:57 Qu'est-ce que c'est le taux d'élucidation ?
05:59 Ça veut dire que quand on résout une affaire,
06:01 eh bien si je prends les exemples de cambriolage qui était...
06:04 - Mais c'est par manque d'effectifs Brice Antofo, pourquoi ?
06:07 - Attendez, je termine juste pour que vous compreniez la situation,
06:09 parce que pour commenter, il faut connaître la situation.
06:12 Les cambriolages c'est +11%, je vous ai donné les voitures.
06:15 Le taux d'élucidation, aussi bien pour les vols de voiture que pour les cambriolages,
06:19 c'est de l'ordre de 8%, c'est-à-dire vous êtes cambriolé,
06:22 vous quittez ce studio, vous rentrez chez vous.
06:24 En réalité, aujourd'hui, vous avez 9 chances sur 10 qu'on n'identifie pas,
06:28 en tout cas sur un an, parce que c'est la durée statistique,
06:32 qu'on n'identifie pas les responsables.
06:34 Les homicides, par exemple, les meurtres, c'est 74% de taux d'élucidation.
06:39 À mon époque, c'était 92%.
06:42 Donc il y a une dégradation.
06:45 Il y a une dégradation.
06:46 Alors l'explication, elle est...
06:49 Moi je ne fais pas porter la responsabilité, le chapeau, le sombrero,
06:52 ce que vous voulez au ministre de l'Intérieur,
06:54 dont je ne doute pas de la bonne volonté.
06:57 Mais il y a une explication, c'est tout simplement un fait de société.
07:01 Dans nos sociétés développées, il y a une évolution de la délinquance.
07:05 Il y a la pression des délinquants qui s'adaptent, qui réagissent,
07:09 qui s'équipent et ainsi de suite.
07:11 Et puis il y a sans doute une question aussi d'organisation des services publics.
07:15 Quand j'étais en fonction, j'avais décidé que pour chaque cambriolage,
07:19 il y aurait un déplacement de la police technique et scientifique.
07:21 C'était un effort considérable, vous imaginez bien,
07:23 en termes de moyens, en termes de déplacements.
07:26 Mais ça donnait des résultats un peu différents.
07:29 C'était de l'ordre de 20 à 22 % de taux d'élucidation.

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