Le coup d'Etat au Niger qui a vu le président démocratiquement élu Mohamed Bazoum renversé par l'armée risque d'affaiblir un peu plus l'influence française au Sahel. Entretien avec le spécialiste Antoine Glaser.
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00:00 On avait l'impression que le président Basu
00:02 contrôlait totalement le pays,
00:04 en particulier les militaires.
00:06 Ce qui est réel, c'est qu'il y a une volonté d'intervention de Nigeria.
00:15 Nigeria a toujours considéré quasiment le Niger comme sa banlieue.
00:23 Pendant très longtemps, le Niger était totalement dépendant du Grand Nigeria,
00:26 qui est la plus grande puissance économique d'Afrique,
00:29 sa deuxième puissance après l'Afrique du Sud,
00:31 150 000 militaires.
00:33 Donc, elle considère toujours que, finalement,
00:35 le Niger est un peu le petit frère de la région.
00:38 Et donc, il y a une vraie volonté du Nigeria d'intervenir.
00:41 Ceci dit, on a vu ces derniers jours une montée de boucliers
00:45 des autres pays de la communauté des Etats d'Afrique de l'Ouest,
00:49 en particulier, bien sûr, les poutchistes du Mali et du Burkina Faso,
00:53 qui ont fait une déclaration très forte en disant que si les Niger étaient attaqués,
00:57 ils peuvent même se considérer en guerre
01:00 contre les gens qui interviendraient, en particulier le Nigeria.
01:03 Et vous avez aussi des pays à la surprise quand même général,
01:06 comme la Mauritanie ou l'Algérie,
01:09 enfin, des gens qui, finalement, ont dénoncé le poutch,
01:13 mais ils sont totalement hostiles à une intervention militaire de la CEDEAO au Niger.
01:18 Donc, le scénario le plus probable à l'heure actuelle,
01:21 c'est qu'il y a le Nigeria qui vraiment veut intervenir.
01:24 Mercredi, il y a les chefs d'État-major de la CEDEAO qui se réunissent.
01:29 Le chef d'État-major nigérien a déjà dit qu'ils allaient intervenir,
01:32 mais encore une fois, vu la montée de l'hostilité
01:36 de quand même un certain nombre de pays d'Afrique de l'Ouest,
01:39 et de l'Algérie et d'autres pays de la région, ça va être assez compliqué.
01:42 C'est une sorte d'anachronisme historique.
01:50 La France, l'ancienne puissance coloniale, dans l'esprit de cette jeunesse africaine
01:55 qui est souverainiste, panafricaine, qui maintenant, c'est l'Afrique aux Africains.
01:59 C'est vrai que quand on regardera au regard de l'histoire,
02:02 on s'apercevra que finalement, l'opération Barkhane en opéra aurait été une erreur.
02:08 Même les généraux qui ont participé à Barkhane reconnaissent eux-mêmes
02:11 que finalement, ils se sont restés beaucoup trop longtemps,
02:13 et que c'était une opération hors sol et qui ne correspondait absolument pas
02:18 à la réalité sociale et économique.
02:20 Et que les États de la région, donc je veux dire, c'est vrai que
02:23 cette opération Barkhane aura servi finalement un petit peu de cache-misère
02:27 à une présence française globalement en déshérence,
02:30 avec toute une jeunesse africaine qui, contrairement à ce que Emmanuel Macron espérait,
02:35 aurait envie de parler de ce passé, de cette période post-coloniale
02:39 qui va des indépendances en 1960 jusqu'à la chute du remer de Berlin en 1990.
02:45 Et c'est vrai que la France a continué un peu à faire comme si elle était chez elle,
02:48 en Afrique et en particulier dans ses anciennes colonies.
02:52 Elle est toujours apparue aux yeux de cette jeunesse africaine
02:55 comme vraiment le gendarme de l'Afrique, pendant que finalement,
02:57 ses propres partenaires européens et autres faisaient du business.
03:01 Les intérêts économiques de la France en Afrique ont vraiment chuté
03:04 parce qu'on est plus dans la période de la guerre froide 60 à 90,
03:07 où la France contrôlait totalement ses pays à 50-60% des marchés.
03:11 Maintenant, sur l'ensemble de l'Afrique, la France ne doit même pas être à 7%,
03:14 alors que la Chine fait 18%, vous avez la Turquie.
03:17 La France n'a pas vu l'Afrique se mondialiser, c'est le problème de fond.
03:20 Et là, l'erreur aurait été vraiment cette présence militaire
03:24 qui, aux yeux de la jeunesse africaine, rappelait la période post-coloniale.
03:27 Cette perte d'influence de la France sur le plan sécuritaire,
03:34 elle profite à l'évidence à la Russie,
03:37 qui en fait surfe sur des situations qu'elle n'a pas initiées.
03:40 Le putsch du Niger, c'est vraiment un putsch corporatiste,
03:43 c'est pas la Russie, contrairement au Mali,
03:46 où vous aviez quand même une coopération militaire ancienne avec la Russie.
03:50 Vous avez des officiers maliens qui ont été en Russie, formés à Moscou.
03:53 Ce qui n'est pas le cas du Niger, c'est vraiment à partir d'une situation locale
03:57 et sur l'ensemble du continent, sur le plan du business,
04:00 encore une fois, la Chine, la Turquie,
04:02 même les propres partenaires européens de la France.
04:05 L'Allemagne est devenue le premier exportateur européen vers l'Afrique.
04:09 C'est pour ça que je parle toujours d'anachronisme historique,
04:10 il y a un tel déphasage entre les intérêts économiques de la France dans cette région.
04:15 Par contre, au niveau de sa diplomatie d'influence,
04:18 c'est très compliqué parce que c'est vrai que la France était la seule puissance extérieure au continent
04:22 à avoir encore des bases en ce qui concerne l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique centrale,
04:26 c'était les bases françaises.
04:28 Et donc c'est un peu un anachronisme.
04:29 C'est-à-dire que la France, au niveau de sa diplomatie d'influence,
04:31 a toujours le contrôle quelque part aux Nations unies.
04:35 Il y a un secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix
04:37 qui est depuis 40 ans toujours un diplomate français.
04:40 C'est la France qui prépare toutes les résolutions sur l'Afrique.
04:44 Et donc, dans le cadre de cette diplomatie d'influence,
04:46 c'est une perte importante pour la France.
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