L'inaction climatique des Etats, un crime sans nom?

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Et si les plus grands criminels de ce monde n’étaient pas Jeffrey Dahmer, Ted Bundy ou Charlie Bronson? Et si les Etats méritaient aussi de passer au tribunal, pour payer leur inaction climatique?

Pour ça, il faudrait encore définir leurs crimes. C'est le sujet de ce PopScience réalisé en collaboration avec Ma Thèse en 180 secondes. Dans cet épisode, Gaspard Lemaire, de l'Université de Fribourg, nous détaille ses recherches.
Transcript
00:00 Et si les plus grands criminels de ce monde n'étaient pas Jeffrey Dahmer, Ted Bundy ou Charlie Branson ?
00:04 Et si les États méritaient eux aussi d'aller devant les tribunaux pour leur inaction climatique ?
00:08 Pour ça, il faudrait encore définir le crime dont ils pourraient être coupables.
00:11 C'est le sujet de ma thèse que je vous explique en deux minutes pour PopScience.
00:13 PopScience !
00:15 En 1992, plus de 150 États se sont engagés devant les Nations Unies à agir
00:20 pour éviter un dérèglement du climat qui soit dangereux pour notre espèce.
00:23 30 ans plus tard, on ne peut pas dire qu'ils aient rempli le contrat.
00:25 En fait, on se dirige plutôt vers un scénario de film catastrophe.
00:28 Les émissions annuelles de CO2 ont augmenté de 80% au niveau mondial.
00:32 Le niveau de la mer s'élève à un rythme qui a doublé depuis 1993.
00:37 Plus généralement, le monde se dirige vers un réchauffement de plus de 3°C à horizon 2100.
00:41 Si ces trajectoires devaient se confirmer, une partie de notre planète risque de devenir inhabitable.
00:45 Le problème, c'est que les États font beaucoup de promesses,
00:47 mais qu'ils ne risquent pas grand-chose sur le plan légal.
00:49 Il y a bien des procès qui ont été intentés contre certains États pour inaction climatique,
00:53 aux Pays-Bas, en Suède, en Finlande, en France, peut-être bientôt en Suisse.
00:56 J'ai pris le Code civil suisse.
00:58 Où le pays pourrait être condamné pour inaction climatique
01:00 dans le cadre du procès des aînés suisses pour la protection du climat.
01:03 Mais la difficulté, c'est qu'une condamnation pour inaction climatique,
01:06 ça ne suffit pas et puis c'est un peu vague.
01:08 Ce qu'il faudrait reconnaître, c'est le caractère proprement criminel
01:11 et pas seulement illégal de cette inaction.
01:12 Alors, à quel crime on peut avoir affaire ?
01:15 Vous avez peut-être entendu parler de la notion d'écocide.
01:17 L'écocide, c'est la destruction criminelle d'un écosystème.
01:20 Seulement, l'inaction climatique, ça dépasse très largement les écosystèmes,
01:23 puisqu'on parle de destruction d'infrastructures, de patrimoine culturel, d'habitation.
01:27 Bref, c'est bien aussi de nous, les êtres humains, qu'il est question.
01:29 Alors, est-ce qu'on a affaire plutôt à un génocide ?
01:32 L'inaction climatique, ce n'est pas du tout un génocide,
01:34 puisqu'elle ne repose pas sur une logique d'extermination d'un peuple donné.
01:37 Et par ailleurs, les destructions climatiques concernent tous les êtres humains,
01:40 pas un groupe en particulier.
01:42 Même si c'est vrai que certains groupes vont souffrir beaucoup plus que d'autres.
01:44 Alors, est-ce qu'il faut plutôt concevoir l'inaction climatique
01:47 comme un crime contre les générations futures ?
01:49 Ce n'est pas le cas, parce que le changement climatique, il a déjà commencé.
01:52 Il va s'intensifier dans les décennies à venir,
01:54 et nous qui sommes déjà nés, nous allons donc être confrontés à ses conséquences.
01:57 En somme, l'inaction climatique, c'est un crime sans nom.
01:59 Ce que je propose, c'est de donner un nom à ce crime.
02:02 C'est de l'appeler anthropocyde.
02:03 Anthropos, en grec, c'est l'être humain.
02:05 Et kaideré en latin, ça veut dire tuer.
02:07 L'anthropocyde, c'est l'ensemble des actions et des omissions
02:10 qui contribuent de façon significative au dérèglement du système climatique
02:14 et qui implique par conséquent la destruction des fondements essentiels
02:17 de la vie humaine sur Terre.
02:18 Plus concrètement, l'anthropocyde, c'est un crime qui implique
02:21 des destructions physiques, des pertes économiques,
02:23 des dégâts culturels, la désorganisation des systèmes sociaux,
02:26 des systèmes politiques, et à terme, une déstabilisation géopolitique généralisée.
02:32 Le but de ma thèse, c'est de définir les conditions
02:35 auxquelles un État peut être considéré comme coupable du crime d'anthropocyde.
02:39 On ne se dirige pas simplement vers une injustice climatique,
02:41 vers une catastrophe climatique, mais vers une véritable atrocité de masse.
02:44 Et pour prévenir cette atrocité de masse, il ne nous reste plus beaucoup de temps.
02:49 Ne choisissez pas l'extinction.
02:50 [Musique]
02:53 [SILENCE]

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