Arnaud Delbard : «Nous créons tous les ans 70000 nouvelles variétés de roses».

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Tous les samedis et dimanches à 19h18, Arthur Meuriot reçoit un invité décalé pour apporter un éclairage inédit sur l'actualité. Ce soir Arnaud Delbard, pépiniériste.
Retrouvez "Les invités d'Europe Soir week-end" sur : http://www.europe1.fr/emissions/l-invite-europe1-week-end
Transcript
00:00 Les bouquets de fleurs et les fruits que l'on aime déguster l'été se cachent le travail de ceux que l'on ne connaît pas très bien.
00:06 Les pépiniéristes, ils cherchent à créer des espèces d'arbres et de plantes plus résistantes aux aléas climatiques,
00:12 avec des couleurs plus chatoyantes. Parmi eux, Arnaud Delbar. Bonsoir.
00:17 - Bonsoir.
00:19 - Vous êtes le dirigeant de Pépinières et Roserais, Georges Delbar. Votre entreprise est avant tout, avant tout, une histoire familiale.
00:26 Est-ce que vous pouvez nous raconter son histoire déjà ?
00:28 - Oui, écoutez, avec joie. C'est une entreprise qui a aujourd'hui 83 ans. C'est mon grand-père qui l'a créée en 1935, dans l'Allier, à côté de Moulins-Vichy, dans le centre de la France, en Auvergne.
00:43 Et ensuite, mon grand-père a fait cette entreprise. Ensuite, mon père et ses frères ont repris la suite. Et moi, je suis à la tête de cette entreprise depuis maintenant 15 ans de l'année.
00:56 - Les travaux de Georges Delbar, votre grand-père, sur la recherche de nouvelles variétés de roses, elles sont un succès. Combien de variétés a-t-il créées ?
01:05 - Bah écoutez, il en a créé, je pense... Alors on en crée tous les ans à peu près 70 000, d'accord ?
01:13 Nous créons tous les ans 70 000 nouvelles variétés de roses, nous créons tous les ans à peu près 10 000 variétés de fruits.
01:19 Alors créer, ça veut dire quoi ? Ça veut dire croiser deux variétés et faire naître des enfants, comme nous.
01:27 Alors de ces 70 000, ne vont finalement passer tous les tests de résistance aux maladies, de résistance à la sécheresse, de qualité gustative, de parfums, de couleurs, que deux ou trois tous les ans.
01:42 Donc c'est un travail très important. Donc au commerce, je pense que depuis que nous avons commencé, que l'entreprise a commencé, on a à peu près 300 variétés de rosiers qui ont été mis au commerce,
01:53 à peu près une cinquantaine de variétés de fruitiers qui ont été mis au commerce. Mais créer vraiment et faire naître vraiment, c'est plusieurs millions que nous avons fait.
02:02 - Donc c'est-à-dire que vous en créez des millions et à la fin il n'en reste que quelques-unes ? Comment ça se fait qu'il y en ait autant qui ne passent pas les tests ?
02:10 - Parce qu'on les veut plus belles, on les veut plus odorantes, les rosiers on les veut plus résistants, les fruits on les veut plus juteux, plus sucrés, plus aromatiques,
02:24 et plus résistants aussi, et plus productifs. Donc on sélectionne à chaque fois la meilleure variété qui sera meilleure que celle qui précédait.
02:36 Donc c'est pour ça qu'il y a un travail très très important de sélection avec toute une équipe ici, d'une quinzaine de personnes, qui ne font que ça.
02:44 Les spécialistes du fruit, les spécialistes des roses et qui connaissent sur le bout des doigts toutes ces variétés, pour être sûr que les variétés que nous allons mettre au commerce,
02:54 à la disposition des jardiniers, soient meilleures que celles qui existaient déjà.
02:59 - Mais Arnaud Delbar, moi la question que je pose c'est comment est-ce qu'on fait pour créer par exemple un nouveau rosier ? Comment vous y prenez ?
03:06 - Alors on s'y prend, c'est très simple en fait, on est des abeilles, donc on va prendre le pollen d'une rose et qu'on va poser sur le pistil d'une autre variété,
03:18 que ce soit une rose ou... voilà. Et pour un fruitier ce sera la même chose, donc le pollen d'un pommier, d'une variété comme Tentation par exemple,
03:27 que nous allons poser sur une autre variété qui va s'appeler Delbar Jubilé. Et là il va naître un fruit,
03:33 et dans ce fruit vous aurez des graines, donc les pépins des pommes seront les nouvelles graines, et chaque graine va générer un individu unique,
03:45 puisqu'il y a eu le croisement de deux variétés différentes, donc un mix du génome naturel, et il va créer quelque chose de spécifique,
03:56 comme vous avec vos enfants, vous pouvez en avoir 5 ou 10, ils ont des particularités un petit peu identiques, mais ils sont tous très différents.
04:05 - C'est-à-dire, moi par exemple, quand je lis juste que votre grand-père a constitué le plus grand verger conservatoire de variétés fruitières en France,
04:12 on parle de 1516 pommiers, 528 poiriers, 1178 pêchés, etc. etc. Chaque fruit aura un goût différent ou... ?
04:20 - Chaque fruit aura un goût différent, chaque fruit aura une couleur différente, chaque fruit a une forme différente,
04:28 chaque arbre aura un port différent, plus ou moins vigoureux, qui va s'étaler, qui sera plutôt irrigé.
04:34 Certaines plantes seront plus propices à être cultivées dans le sud de la France, d'autres plus dans le nord de la France,
04:45 certaines supporteront plus des terrains calcaires, d'autres supporteront plus des terrains plus riches,
04:54 donc chaque chose a sa spécificité, comme vous et moi, on supporte la chaleur, on supporte le froid ou pas,
05:00 on a chacun nos petites choses qui nous rendent un petit peu complètement uniques.
05:08 - Et Arnaud Delbar, quand on voit les conditions extrêmes que l'on traverse à cause du réchauffement climatique,
05:13 est-ce que vous, votre travail de création de nouvelles espèces,
05:17 ont se porté à créer des espèces plus résistantes aux très fortes chaleurs ?
05:21 Est-ce qu'il y a eu un changement dans votre métier, une recherche plus poussée, plus extrême plutôt, dans votre création ?
05:29 - Oui, alors, complètement. Aujourd'hui on est bien sûr au fait de ces choses-là,
05:35 et on en est au fait puisque nous travaillons dans la nature, nous multiplions ensuite ces variétés,
05:40 donc il faut faire pousser ces plantes, donc on sait exactement ce que ça veut dire que le réchauffement climatique,
05:45 que ça veut dire d'avoir beaucoup plus de précipitations à un certain moment, de ne pas en avoir à d'autres,
05:50 d'avoir des gels qu'on n'avait pas prévus, donc on subit ça de plein fouet avant l'utilisateur final,
05:58 donc bien sûr qu'on cherche, alors on cherche de différentes manières,
06:01 par cette sélection dont je vous ai expliqué, 70 000 variétés 2 ou 3 à la fin de la sélection,
06:09 une variété nous prend généralement pour un rosier entre 7 et 9 ans de sélection,
06:15 avant de pouvoir dire "ben voilà, ça c'est une variété qui est intéressante",
06:19 le fruitier c'est entre 20 et 25 ans, donc c'est vraiment, on est dans le temps long, très très long,
06:25 parce qu'on a besoin de connaître comment les plantes, la variété, va réagir à toutes les différences climatiques possibles.
06:34 Donc on a mis des choses en place, et puis aussi il n'y a pas simplement que la création variétale,
06:40 mais il y a aussi l'adaptation du jardinier par rapport à ces conditions-là.
06:45 On arrose simplement le soir, le matin très tôt, on n'arrose pas en pleine canicule.
06:51 - Donc c'est quoi, c'est chercher des plantes qui vont être moins gourmandes en eau par exemple ?
06:56 - Oui, c'est chercher des plantes qui seront peut-être moins gourmandes en eau,
07:00 mais c'est surtout des plantes qui vont résister plus à des différences de température importantes.
07:05 Par exemple, vous avez des rosiers, s'il fait très très chaud, les fleurs vont complètement sécher.
07:11 Donc on va chercher des variétés et avoir un programme spécifique pour faire en sorte que,
07:16 si vous avez des températures extrêmes à 35, 40 ou plus pendant plusieurs jours,
07:23 malgré ça les pétales ne dessécheront pas et la fleur pourra s'épanouir pleinement,
07:29 et apporter sa couleur, son parfum, sa beauté et son romantisme.
07:34 - On a dit créer des nouvelles espèces pour faire face au réchauffement climatique,
07:39 mais est-ce qu'à contrario, il y a des espèces que vous avez développées il y a des dizaines d'années en arrière,
07:43 qui maintenant vous ne pouvez plus les vendre parce qu'au vu des conditions climatiques,
07:46 elles ne sont plus viables, elles ne pourront plus se développer correctement ?
07:50 - Alors, c'est une question un petit peu trop "oui/non", c'est toujours...
07:59 Donc c'est un petit peu difficile pour moi de vous dire "oui, vraiment".
08:03 Je pense que c'est multifactoriel, vous avez le réchauffement climatique,
08:08 vous avez des périodes de froid ou de chaud et de gel qui ne sont pas à la même période qu'il y a 20 ou 30 ans.
08:18 C'est aussi un travail très important que l'on fait sur les résistances aux maladies,
08:23 puisque plus de produits phytosanitaires, donc on ne peut plus lutter contre les champignons
08:29 ou les petites bêtes avec des produits chimiques, donc il faut que ce soit la plante, elle,
08:33 qui ait cette capacité de résister et de vivre avec ses agresseurs.
08:44 Donc c'est vraiment un mélange de plein de composants qui font qu'on arrive à apporter
08:50 une amélioration très importante vis-à-vis de nos plantes.
08:54 Pour exemple, on a des rosiers aujourd'hui, des variétés de rosiers qui résistent
09:03 et qui vont avoir des feuilles et des fleurs tout au long de l'année.
09:08 Moi j'ai des variétés que mon grand-père a créées qui sont très très belles,
09:11 mais qui au 15 juillet n'ont plus aucune feuille parce qu'elles ont été mangées par les bio-agresseurs.
09:21 Maintenant aujourd'hui, ce n'est plus le cas, ces rosiers sont en pleine fleur et avec beaucoup de feuilles
09:27 jusqu'au début de l'automne.
09:30 Donc on essaie, on améliore à chaque fois l'existant.
09:35 Une dernière question Arnaud Delbar, on l'a dit dans le journal, les températures vont frôler les 40 degrés.
09:41 Comment pour ceux qui ont un jardin bien protéger ces rosiers, ces arbres fruitiers en cette période de canicule ?
09:46 Est-ce que vous avez des conseils à leur donner ?
09:48 Bon bah écoutez, là je pense qu'il faut être patient, il faut arroser bien sûr,
09:56 et puis il faut arroser le matin, le soir, pas pendant les fortes chaleurs.
10:03 Une chose très importante c'est garder de l'humidité au sol, donc on peut utiliser un paillage.
10:08 On paille, on met de l'écorce, on met de la paille, et on va arroser,
10:15 donc ça va servir un petit peu d'isolant, comme une laine de verre dans votre maison en fait.
10:20 L'eau va rester dessous et puis elle va s'évaporer moins vite, donc elle va pouvoir rester là et apporter de l'eau aux plantes.
10:29 Merci Arnaud Delbar, dirigeant de Pépinières et Roseraie.
10:33 Georges Delbar d'avoir été mon invité.

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