"Le film est très troublant, il est très dur" : Laetitia Casta à propos du film "Le Consentement"

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L’actrice est la présidente du jury du festival du film d’Angoulême. Elle sera à l’affiche en octobre du film "Le Consentement", adapté du témoignage de Vanessa Springora.

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00:00 Le 6/9, Alexis Morel sur France Inter.
00:08 Bonjour Laetitia Casta.
00:09 Bonjour.
00:10 Et merci de répondre ce matin à l'invitation de France Inter, à quelques heures de l'ouverture
00:15 du festival du film francophone d'Angoulême, 16ème édition, dont vous êtes la présidente
00:20 du jury, aux côtés notamment de Monia Chokri, de Raphaël Kenard ou encore du dessinateur
00:25 Zep.
00:26 Présidente de jury, c'est un rôle qui n'arrive pas souvent dans la carrière d'une actrice.
00:31 Vous allez juger, vous allez commenter, vous allez choisir pendant cinq jours, plutôt
00:34 que d'être jugée.
00:35 Est-ce que ça vous plaît ça ?
00:37 Alors le mot "juger", je l'aime pas trop.
00:40 Je trouve ça justement au contraire.
00:43 Je trouve qu'il faut regarder ses films avec bienveillance.
00:48 On sait très bien à quel point c'est difficile de faire un film.
00:51 La construction, l'aboutissement, entre l'écriture, trouver le budget pour pouvoir le faire et
00:58 ensuite tout ce qu'un metteur en scène et une équipe peut traverser pour arriver au
01:04 résultat.
01:05 Donc il faut regarder ça avec bienveillance, avec humilité et voir toutes les qualités
01:13 de chacun de ses films.
01:15 Oui parce que vous avez été de l'autre côté aussi.
01:17 Donc vous êtes bien placée pour savoir que c'est dur un palmarès.
01:20 Bien sûr c'est dur et puis ensuite c'est amener tout le monde à s'entendre, à pouvoir
01:26 partager, être dans l'écoute, à la générosité.
01:28 C'est comme si vous faisiez un dîner et vous assuriez que tout le monde se sente bien et
01:37 que tout le monde puisse avoir sa place.
01:40 Mais à la fin du dîner, certains repartent avec un prix et pas d'autres.
01:46 Il y a onze films en compétition.
01:48 Je ne vais pas tous les citer.
01:49 On a un film de Yolande Moreau, La fiancée du poète sur un amour de jeunesse, Iris et
01:53 les hommes de Caroline Vignal avec L'or qu'elle a mis, Le temps d'aimer avec Vincent Lacoste
01:58 et Annalise de Moustier.
01:59 Qu'est-ce qui va justement compter pour vous pour établir ce palmarès ? Il faut quoi
02:03 pour qu'un film vous touche, vous en tant que spectatrice ?
02:05 Que j'en ressorte bouleversée, émue ou pas forcément mais qu'il se passe quelque chose.
02:12 Pour moi un film c'est la possibilité de mieux comprendre la vie.
02:17 Le cinéma peut nous permettre parfois d'avoir un tel recul, de comprendre des choses à
02:23 la fois de soi, de la vie et ce que la vie n'est pas toujours capable de faire.
02:27 L'idée c'est ça, c'est de dire que l'existence est géniale.
02:31 Angoulême c'est un peu le mini festival de Cannes de la fin d'été.
02:35 Vous le connaissez ce festival, qu'est-ce qu'il a de particulier ?
02:38 Alors je ne le connais pas du tout mais je suis très curieuse puisque toutes les personnes
02:44 qui ont été au festival d'Angoulême et qui m'en parlent, d'abord c'est un festival
02:47 qui a une très très belle réputation, tout le monde se dit c'est génial, c'est tellement
02:51 sympa, l'ambiance est super, il y a tellement de gens qui y vont et beaucoup de salles
02:57 et les salles sont remplies, enfin je trouve que c'est joyeux, ça a l'air très joyeux.
03:01 Oui parce que c'est un festival avec du public aussi qui peut librement accéder, réserver
03:06 sa place.
03:07 C'est aussi un test, un premier test populaire pour les films qui vont sortir après cet
03:12 automne, d'ailleurs il y a beaucoup d'avant-premières hors compétition.
03:14 Oui et puis aussi pas que ça, je pense qu'il y a beaucoup de journalistes qui viennent,
03:18 qui vont découvrir des films, peut-être qu'ils ne découvriraient pas s'il n'y avait pas
03:21 le festival d'Angoulême.
03:22 Je trouve que c'est une très belle plateforme pour les films, pour le cinéma, c'est un
03:29 très très beau festival.
03:30 Et au programme, pour ceux qui seraient intéressés et qui passeraient dans la région, en avant-première
03:34 on a le procès Goldman de Cédric Kahn, l'abbé Pierre de Frédéric Tellier ou encore Flo,
03:39 le documentaire sur la navigatrice Florence Artaud, à partir d'aujourd'hui à Angoulême.
03:45 Laetitia Casta, vous serez vous à l'affiche cet automne du dernier film de Vanessa Filho,
03:49 Le consentement, tiré du livre de Vanessa Springora sur l'affaire Mads Neff, le livre
03:55 dans lequel elle a raconté l'emprise dont elle a été victime depuis une enquête du
03:59 parquet vise Gabrielle Mads Neff pour viol sur mineurs.
04:02 Vous jouez dans ce film la mère de Vanessa Springora, c'est un rôle que vous avez accepté
04:07 facilement ?
04:08 D'abord le scénario était extrêmement bien écrit, souvent quand il y a une oeuvre
04:12 littéraire et un film qui se suit, c'est pas toujours évident.
04:16 La question de la mère était compliquée, c'est très sensible, mais c'est ce qui
04:21 m'a intéressée, c'est cette ambivalence, la complexité et ça m'a attirée et je
04:28 me suis dit il y a quelque chose à dire là-dessus.
04:30 Puisqu'au moment des faits, la mère a été extrêmement, durement jugée je trouve.
04:36 Le père quasi inexistant, donc il y avait quelque chose à dire.
04:40 Le livre de Vanessa Springora a vraiment contribué à nourrir le débat sur Me Too en France
04:47 et plus globalement, vous espérez la même chose de ce film ?
04:50 Ah mais pour moi c'est la raison pour laquelle aussi j'ai fait le film, c'est un engagement
04:56 politique presque, c'est-à-dire que la jeunesse aille voir ce film.
05:01 Et par rapport au livre, est-ce que vous pensez qu'un film peut toucher encore plus de monde
05:05 ? Je trouve que le film par rapport à ça,
05:08 il est très troublant, il est très dur, c'est pas évident.
05:13 On ressort de là, pourtant je l'ai tourné, je l'ai lu le scénario, je l'ai tourné.
05:18 Lorsque j'ai vu le film, j'étais remuée, vraiment remuée.
05:22 Mais parce que ça va toucher à quelque chose de très profond et de très difficile et
05:28 il faut aller voir ce film.
05:30 Et ce sera le 11 octobre en salle avec notamment aussi, dans ce qu'on en voit en tout cas
05:34 dans la bande-annonce qui vient d'être diffusée, un Jean-Paul Rouve dans la peau de Gabrielle
05:40 Maznev, assez impressionnant selon les premières images.
05:43 Après la pause forcée du Covid, on se rend compte que les spectateurs reviennent justement
05:49 dans les salles, même si on n'a pas encore atteint la fréquentation d'avant Covid.
05:53 Est-ce que vous vous êtes confiante là-dessus, malgré ce qu'on a dit sur la concurrence
05:57 notamment des plateformes, sur la fréquentation des cinémas en particulier en France ? Est-ce
06:01 qu'il y a une exception française là-dessus ?
06:03 Est-ce qu'on aime encore notre cinéma et s'y rendre ?
06:07 Oui, quand même.
06:08 C'est marrant, je reviens de Corse, je reviens de vacances et puis c'est assez beau parce
06:14 que je discutais avec une dame dans une boutique qui me disait qu'elle devait faire deux heures
06:17 de route pour aller au cinéma, parce que là-bas il n'y a pas beaucoup de cinéma.
06:22 Je trouvais ça tellement beau.
06:24 Je dis oui, c'est une sortie, c'est la possibilité aussi ensuite de raconter à nos amis ce
06:30 qu'on aime, ce qu'on a vu, c'est le partage, c'est se retrouver en salle aussi avec des
06:35 gens, c'est tellement important.
06:36 Au bout d'un moment, quand on est chez soi, dans sa télé, où on peut couper un film
06:41 quand on veut mais on ne le regarde pas vraiment ce film, c'est totalement différent que d'être
06:45 dans une salle, s'asseoir et puis de se laisser porter comme ça.
06:49 C'est l'endroit aussi au cinéma où on peut oublier nos soucis, on peut tout mettre derrière
06:52 nous.
06:53 Moi je pense que ça, oui je suis confiante, ça ne peut pas s'arrêter.
06:56 C'est comme le théâtre d'ailleurs.
06:58 Le théâtre est une chose irremplaçable.
07:00 Et justement cette exception française, quand on voit ce qui se passe à Hollywood, cette
07:05 longue grève des scénaristes et de vos collègues, acteurs inquiets pour leur salaire, inquiets
07:11 pour la concurrence des plateformes, de l'intelligence artificielle.
07:14 Est-ce que vu de France, ça vous paraît des revendications qui sont très éloignées
07:20 de nos préoccupations dans le cinéma français ? Est-ce que ce sont des inquiétudes que
07:23 aujourd'hui vous partagez ?
07:24 Non, ça peut même arriver en France.
07:26 Et puis moi je dis toujours qu'une révolution, une manifestation, c'est la vie, c'est ça.
07:32 Nous sommes vivants et que nous sommes là.
07:36 C'est très important de se battre pour que les choses existent et justement ne pas s'essayer
07:43 d'en porter par la machine.
07:44 Mais est-ce que vous vous sentez plus protégée dans le cinéma français que ce qu'on peut
07:49 voir dans le cinéma américain face à la concurrence de Netflix, face à la concurrence
07:54 de l'intelligence artificielle ?
07:55 On a quand même un système qui est extrêmement bien construit.
07:59 D'ailleurs le cinéma européen fait quand même rêver les Etats-Unis.
08:03 Mais on n'est pas non plus complètement à l'abri de tout ce que vous disiez des plateformes,
08:10 etc.
08:11 Vous par exemple tournez un film qui serait diffusé, produit uniquement sur une plateforme.
08:15 C'est un sujet ou pas pour vous aujourd'hui ? C'est naturel ? C'est un tabou ?
08:20 Si ça peut permettre à certains films qui ne peuvent pas exister au cinéma parce qu'il
08:24 n'y a pas les moyens pour pouvoir le réaliser.
08:26 Donc ce film n'existera jamais.
08:28 Et qu'il y a le support pour que ce film existe, ça c'est une très belle chose.
08:33 Donc ça peut être aussi des débouchés ?
08:36 Oui.
08:37 Et puis il y a la naissance de certains acteurs qui arrivent sur les plateformes qu'on ne
08:43 voit pas au cinéma et on peut les connaître comme ça.
08:45 Il y a plein de choses qui sont toujours positives dans un système.
08:49 Mais il ne faut pas que ce système vienne manger tout le reste.
08:52 Est-ce qu'il y a un risque pour l'exception culturelle française, comme l'avait dit
08:56 Justine Trier à Cannes, dont le film « Anatomie d'une chute » sort cette semaine ?
09:01 Il y a toujours le risque.
09:02 Le risque que le pouvoir, l'argent prennent le dessus et qu'il y ait des gens qui passent
09:09 malheureusement à la trappe parce qu'ils ne sont pas dans cette partie-là.
09:13 C'est ce qu'elle a expliqué d'ailleurs.
09:16 Et bien sûr qu'il faut défendre.
09:17 Et ceux qui arrivent à un tel niveau et qui prennent la parole et qui puissent dire
09:21 « non, non, non, ne laissons pas faire, c'est merveilleux ».
09:23 Merci beaucoup Laetitia Casta, invitée d'Inter ce matin.
09:27 Vous serez donc à l'affiche du consentement du film sur l'affaire Mads Neff au mois d'octobre.
09:32 Et d'ici là, bon festival du film francophone d'Angoulême puisqu'il s'ouvre aujourd'hui
09:37 avec la Suisse en invitée d'honneur.
09:39 Bonne journée à vous.

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