Pierre-Yves Rougeyron reçoit Stéphane Skoven pour son ouvrage "Petit manuel de Libération et d'Indépendance de la France" où il revient en détail sur comment la France s'est libérée de l'Occupation, a restauré son Etat et remodelé son modèle social pour y trouver des leçons pour nous aujourd'hui.
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00:05 – Chers amis de TV Liberté, bonjour, très heureux de vous retrouver
00:09 et pour cela j'ai le plaisir de recevoir Stéphane Scoven.
00:12 Stéphane, bonjour. – Bonjour, merci de me recevoir.
00:15 – Vous êtes essayiste, vous venez, enfin, quand même déjà quelques mois,
00:19 vous avez publié un ouvrage aux éditions Perspectives Libres
00:23 qui s'appelle "Petit manuel de libération et d'indépendance de la France"
00:26 qui est un ouvrage, alors en plus un ouvrage assez visuel,
00:33 c'est un bel objet quand on l'ouvre, etc.
00:36 Pour ceux qui aimeraient, disons,
00:41 que les explications techniques peuvent parfois un peu arrêter,
00:44 là pour le coup il y a des schémas, c'est assez clair, c'est assez vivant.
00:49 Où vous voyez, par rapport à notre situation actuelle,
00:53 vous prenez comme exemple le dernier grand redressement de la France,
00:56 donc le redressement de la France post-seconde guerre mondiale,
00:58 et vous nous racontez comment on prend un pays qui est par terre,
01:03 et qu'est-ce qu'on peut en faire.
01:07 Et je voulais que vous nous disiez comment vous en êtes arrivé à ce parallèle,
01:16 comment vous en êtes arrivé à écrire cet ouvrage,
01:19 et grosso modo qu'est-ce qui vous fait croire que ce parallèle est valide ?
01:30 Alors ça remonte à loin.
01:32 En fait c'est lié à un mélange, un mélange familial,
01:37 de croisés de chemins, de vie,
01:40 de gens que j'ai pu rencontrer qui avaient des positions très différentes,
01:43 et donc la manière dont je voyais les choses, déjà dès le départ,
01:45 était assez ouverte, c'est-à-dire ne pas me fermer,
01:49 ne pas être doctrinaire dans la manière de voir la situation.
01:51 Et puis après par les études, je me suis intéressé en gros aux années 30 jusqu'aux années 50.
01:55 Donc là c'est vraiment un intérêt qui se croise entre ce que moi je vois au quotidien,
01:59 autour de moi, et la situation politique,
02:02 puisque j'ai quand même 55 ans, donc ça fait quelques années de vol,
02:06 et puis ce que j'ai pu constater dans mes études.
02:12 Et après du coup j'ai alimenté et je regardais les choses au fur et à mesure,
02:17 et comment dire, au fur et à mesure on voit des éléments se mettre en place.
02:22 En fait il n'y a pas de buisson ardent, je ne suis pas symbole,
02:25 mais du coup au fur et à mesure on fait des passerelles avec des choses,
02:30 et à un moment donné, je pense que comme beaucoup de gens,
02:33 le bascule pour moi c'est 2005, dans cette optique-là,
02:36 ça se passe, c'est pas simplement le référendum,
02:40 mais c'est vraiment à un moment donné où ma réflexion aboutit à me dire
02:45 que là il y a quelque chose qui ressemble de plus en plus
02:48 à une dépossession et à une occupation, progressivement.
02:51 Alors c'est dilué, c'est pas aussi clair.
02:54 Le bascule vraiment net pour moi, et notamment l'idée de sortir l'Union européenne
02:57 parce que ça me semble être un ensemble de choses qui nous occupent,
03:01 et donc le besoin de se libérer, je dirais vraiment là c'est clair pour 2009.
03:05 C'est-à-dire qu'entre 2005 et 2009, ma pensée va vraiment évoluer
03:08 comme ça avec des éléments.
03:10 Et donc je m'appuie sur tout ce que j'ai pu constater,
03:13 c'est-à-dire, m'intéressant beaucoup au CNR,
03:16 je regardais d'où venaient les gens.
03:18 Et souvent j'entendais autour de moi des personnes
03:21 qui avaient des positions très fermées.
03:23 C'est-à-dire, très souvent on avait un discours "les gens viennent de gauche",
03:27 après on avait une idée, un discours,
03:29 il y avait une volonté, je dirais, de l'autre côté,
03:32 de récupérer aussi la chose, et moi je constatais pas ça.
03:35 C'est-à-dire que je constatais dans tout ce que je pouvais lire,
03:39 ce que je pouvais voir au quotidien, c'est-à-dire dans mon quotidien de vie,
03:41 je voyais des gens qui avaient des positions à la base
03:44 et des votes très différents,
03:46 et les clivages n'étaient pas du tout là où on le pensait.
03:49 Et plus les années ont passé, plus cette situation m'est parue apparente.
03:52 C'est-à-dire que, en vivant, moi je vis dans le rural,
03:56 alors qu'à la base je ne vivais pas là,
03:58 donc j'ai traversé plusieurs mondes sociaux, géographiques,
04:03 et donc forcément, en faisant ça,
04:06 on est à cheval sur plusieurs interprétations du monde.
04:09 Et du coup, je regardais les gens, je discutais avec,
04:12 et je constatais que quand on me racontait,
04:15 quand on m'analysait la situation et le champ politique,
04:17 je n'étais pas du tout d'accord.
04:18 Exemple type, le PS, et je le compare à la SFIO de l'époque.
04:23 Ça, ça va être un exemple.
04:25 La SFIO, elle implose véritablement au moment,
04:29 en 30, on va dire au congrédument, enfin c'est 38 et 39.
04:32 C'est-à-dire on est après Munich,
04:35 et là, dans les deux ans qui suivent, la SFIO explose littéralement.
04:38 Ils se haïssent, c'est-à-dire qu'ils sont coupés en deux.
04:41 Et donc on a une recomposition des forces à l'intérieur.
04:44 Je ne raconte pas trop en état,
04:45 mais il y a vraiment une recomposition des forces.
04:47 Et les deux qui étaient très proches,
04:49 Paul Faure, le patron de la SFIO,
04:51 et celui qui était la figure intellectuelle de Léon Blum, se séparent.
04:54 Et ils illustrent chacun une position qui va, dans l'occupation,
04:59 se traduire par l'un, la collaboration, Paul Faure,
05:02 et l'autre, la résistance.
05:05 Et cette division-là, on la voit vraiment dans tous les partis politiques,
05:10 on la voit au moment du 10 juillet.
05:12 Parce que là, comme dit Blum, en fait, tout se décompose.
05:14 C'est comme une cuve d'acide.
05:16 Eh bien là, la situation qu'on a vécue des 20 dernières années, c'était ça.
05:19 C'est-à-dire qu'on avait, moi j'ai eu des réunions,
05:21 où je voyais des gens que je sentais avec des positions démocratiques,
05:25 et d'autres, pas du tout, dans les mêmes partis.
05:27 Et donc je l'exprimais de manière claire dans les réunions.
05:29 Et je voyais bien que certains étaient en face, et d'autres pas du tout.
05:33 Et c'est ça qui m'a amené, petit à petit, à avoir cette réflexion de fond
05:37 sur le parallèle que je faisais entre les années 30
05:40 et ce qui s'est passé à la fin.
05:41 C'est-à-dire que du coup, on a une implosion complète du champ politique.
05:44 Il est littéralement pulvérisé.
05:46 Et les gens venant de partout se retrouvent.
05:48 C'est pour ça que dans mon bouquin, j'ai choisi en particulier
05:52 la phrase de Debrie Wiedel, qui disait qu'il parlait en fait à Pierre Villon,
05:59 le communiste, dont il était très proche, et il expliquait qu'après la libération,
06:06 il y aurait l'indépendance.
06:08 Parce que la libération, c'est effectivement se débarrasser des Allemands,
06:11 mais l'indépendance, c'est beaucoup plus compliqué,
06:13 parce qu'on a quelque chose où, même dans la résistance en plus,
06:17 là aussi, on a des divisions.
06:18 C'est-à-dire qu'on a des gens qui ne sont pas tous sur les mêmes positions
06:22 pour l'après-guerre.
06:23 Et alors, je ne dis pas l'avant-guerre, où là, vraiment,
06:25 on avait tout un champ politique, où de toute façon, tous ces gens-là,
06:27 ils étaient dans des parties qui étaient factices.
06:30 Et la situation qu'on a vécue, là, les 20 dernières années, c'était ça.
06:33 Ils se sont littéralement décomposés.
06:35 Et je pense que la situation qu'on vit va continuer à se décomposer.
06:38 Même s'il y a deux exemples que je trouve assez frappants.
06:43 Le RN a vidé Philippot, qui était l'aile, je dirais, plutôt souverainiste,
06:48 enfin, qui voulait l'indépendance.
06:49 Et du côté de Mélenchon, on a viré Kuzmanovic, de la même manière.
06:53 C'est-à-dire qu'on voit bien que, quand même, une claire…
06:56 un coup de nettoyage a été fait pour ne plus y avoir ces gens-là
07:00 à l'intérieur de ces deux parties.
07:01 Donc, on voit que le processus politique, il a été continu
07:06 entre la décomposition du PS, de l'EMP,
07:09 et puis maintenant, cette espèce de nettoyage qu'on fait.
07:12 On voit bien que c'est un processus continu.
07:15 Voilà.
07:16 – C'est le…
07:17 – C'est pour ça que j'ai fait…
07:18 – Oui, oui, oui, non mais, en vous écoutant, c'est vrai qu'objectivement,
07:24 toute la vie politique de la fin de la Troisième République,
07:26 la Troisième République, en fait, elle meurt bien plus tôt.
07:28 Elle meurt avec ses derniers grands hommes.
07:30 – Ouais.
07:31 – Elle meurt avec ses derniers grands hommes.
07:32 C'était un régime qui détestait les grands hommes
07:34 et qui n'a vécu que sur eux.
07:35 Qui a vécu sur Clemenceau, qui a vécu avant sur Gambetta, etc.
07:39 Donc, qui avait une haute administration à peu près…
07:49 alors particulièrement celle qui tenait les universités,
07:51 les grands juristes, etc.
07:52 qui était tout à fait capable et qui était assez patriote.
07:55 Chose qui se retrouvera sur la Quatrième,
07:57 vu que la Quatrième est tout aussi faible,
07:59 mais elle a la haute administration de la Résistance
08:01 et c'est pour ça qu'elle va tenir plus de dix ans
08:04 avant d'être remportée par la guerre d'Algérie.
08:06 Or, on ne se rend pas compte qu'en réalité,
08:10 la grande lessiveuse de la fin de la Troisième République
08:13 amène au grand gouvernement central qu'est Vichy.
08:15 Et fondamentalement, En Marche,
08:17 c'est la grande lessiveuse des sortants et des revenants.
08:21 – Oui.
08:22 – Ce que Vichy a été, d'une certaine manière.
08:24 Surtout, c'est un travestissement pour accepter l'occupation
08:28 des intérêts de la haute bourgeoisie.
08:29 – Oui.
08:30 – Bon, et là, pour le coup, le macronisme
08:33 est totalement dans cette lignée-là.
08:37 C'est le sens réel du terme d'extrême-centre, en fait.
08:42 – Oui, oui.
08:43 Alors, moi, je n'utiliserais pas forcément ce mot,
08:44 même si je comprends le point de vue d'utiliser le terme "extrême-centre",
08:47 mais parce que j'ai tendance à les voir différemment,
08:50 à voir le champ politique différemment.
08:51 C'est-à-dire que quand, par exemple,
08:53 on a des gens qui ont une exaltation de la violence,
08:56 quand on mutile des gens dans la rue, comme ils l'ont fait,
09:00 c'est quand même qu'il y a un certain souci
09:01 avec le rapport à la violence.
09:03 Quand on a une exaltation de l'inégalité,
09:06 traversez la rue, vous allez trouver quelque chose,
09:08 et c'est quasiment du racisme social qui est derrière.
09:11 – Pourquoi "quasiment" ?
09:13 Là, pour le coup, c'est…
09:14 – Là, je suis un peu modéré.
09:15 – Non mais en plus, objectivement,
09:20 on ne peut pas dire qu'ils se cachent derrière leurs petits doigts
09:23 sur ce côté-là.
09:24 – Non, bien qu'ils n'aiment pas, quand on leur appelle,
09:26 enfin, quand on rappelle le terme "racisme social",
09:28 ils ne vont pas forcément l'aimer,
09:30 mais c'est vrai que ça me paraît évident.
09:33 Et de la même manière, il y a une part d'essentialisme,
09:36 c'est-à-dire qu'il y a une volonté de considérer
09:39 que des gens sont par naissance pauvres.
09:41 C'est comme ça, ils sont nés pour être pauvres,
09:43 et donc l'éducation n'a pas de sens d'ailleurs pour eux.
09:45 Pourquoi faire de l'éducation pour des gens
09:47 qui sont censés de toute façon rester pauvres ?
09:49 Donc, il y a ces éléments-là qui sont là.
09:51 Du coup, est-ce qu'ils sont au centre ?
09:53 Moi, je n'ai pas l'impression qu'ils soient au centre.
09:55 Et quand je pense à Dubu Bridel qui rappelle
10:00 que, à la sortie de la guerre, dans l'Assemblée,
10:03 les gens qui ont des positions
10:05 presque plus modérées que ce qu'on a actuellement,
10:08 il les considère, lui qui vient par cours de Dubu Bridel,
10:11 c'est Action Française,
10:12 puis il va être à la Fédération Républicaine, droite,
10:15 et après, donc, il est dans la Résistance,
10:17 donc il a une orientation de plus en plus,
10:20 voilà, je dirais plus en plus vers la gauche,
10:22 mais comme toute la Résistance.
10:25 En fait, l'analyse qu'il fait de cette Assemblée,
10:28 c'est qu'il y a une petite portion de gens
10:29 qui sont à l'extrême droite.
10:31 C'est comme ça que lui, il les voit.
10:33 Et je pense que la manière dont on peut voir le champ politique,
10:35 il est, est-ce qu'on les met au centre
10:36 ou est-ce qu'on les met à l'extrême ?
10:37 Je pense que le mot "extrême" me paraît plus correspondre.
10:41 Ça nous évite d'utiliser des termes d'extrême droite,
10:43 d'extrême machin, mais l'extrême tout court,
10:45 je trouve que c'est parlant,
10:47 parce que là, on est vraiment avec des gens qui sont violents
10:51 et dont les liens avec, effectivement,
10:54 la période de Vichy sont assez flagrants.
10:58 C'est-à-dire, ils n'ont comme pouvoir
11:00 que le pouvoir de répression et de pillage.
11:04 C'est tout.
11:04 C'est les deux pouvoirs qu'ils ont véritablement entre les mains.
11:06 Et pour le reste, ils n'agissent qu'en marche
11:09 puisqu'ils n'ont pas de pouvoir.
11:09 C'est juste des marches.
11:11 Et donc là, c'est très proche.
11:12 Là, pour le coup, on est très proche.
11:13 – Chez les gaullistes, le père Gaston Fessard,
11:16 qui est un des grands penseurs du gaullisme,
11:17 faisait la théorie du prince esclave, à l'époque.
11:20 Et Macron, c'est ça.
11:22 Mais mis à part qu'une partie de l'état-major de Vichy
11:26 était de mauvaise grâce, lui, il est de bonne grâce.
11:28 Parce qu'il aime profondément son rôle d'exécuteur.
11:34 D'où le fait que, contrairement d'ailleurs
11:35 à beaucoup de gouvernements européens,
11:37 quand il reçoit des directives, il dit que c'est lui.
11:39 Alors que, prenez le cas, on l'a vu récemment
11:42 dans la répression du mouvement des retraites,
11:44 vous avez eu exactement la même chose en Espagne.
11:47 L'Espagne a dit, c'est l'Union européenne qui a dit, point.
11:50 Macron dit non, c'est moi, parce qu'il a un besoin,
11:52 déjà premièrement, il a un besoin psychologique
11:54 de la ramener en permanence.
11:56 Mais il a également le laquet premier de la classe,
12:01 c'est-à-dire laquet mais content.
12:04 Alors, j'avance un petit peu dans votre ouvrage,
12:07 pour vous, quelles sont les leçons dans ce redressement de la France,
12:15 au-delà du CNR en lui-même,
12:18 que vous le dites bien et que vous détaillez bien dans l'ouvrage,
12:21 le CNR est une expérience humaine absolument phénoménale
12:25 dans l'histoire de France.
12:26 Parce que des hommes qui se seraient entretués,
12:28 se seraient entretués dans l'entre-deux-guerres,
12:32 vont travailler et vont orienter la France
12:38 pour quand même plus de 70 ans.
12:41 Or, pour vous, au-delà de cette expérience,
12:45 qu'est-ce qui est transposable dans les leçons de cette aventure-là ?
12:51 Je pense qu'il y a une chose qui vient assez mentalement,
12:55 parce qu'on a juste touché cette question juste avant de venir,
12:58 moi ce qui m'a fait réfléchir tout de suite,
13:00 c'était une phrase qui était "je ne demande pas d'où on vient,
13:04 mais où on va".
13:06 Je trouve que c'est parlant,
13:07 c'est-à-dire qu'on ne va pas juger les gens,
13:09 on se dit "ah, il y a des limites",
13:10 mais globalement, on ne va pas juger les gens
13:13 par rapport à leur parcours politique d'avant,
13:14 donc effectivement, ils auraient pu se tuer, ces gens-là.
13:17 Effectivement, ils se haïssaient, véritablement.
13:20 Et pourtant, ils vont faire un compagnonnage ensemble.
13:23 Il y a un cas type, Renouvin,
13:26 Renouvin qui est un grand bonhomme de la résistance.
13:29 C'est lui qui, à un moment donné,
13:32 sous l'art de triomphe, va gifler Flandin,
13:36 qui lui a fait des courbettes à Hitler,
13:40 et donc il veut justement que Munich ait lieu correctement,
13:44 et donc il fait des courbettes, et lui va le gifler.
13:47 Et pendant la résistance, ça va être un très grand résistant,
13:49 et lui, vraiment, il vient de l'extrême droite,
13:51 et il va diriger des gens,
13:53 il va faire ce qu'on appelle les kermesses,
13:54 il va faire exploser des tas de dépôts d'armes,
13:56 et il finit fort mal parce qu'il finit en camp, il meurt.
14:00 Et M. Renouvin, en fait, il dirigeait des groupes
14:03 dans lesquels il y avait des communistes.
14:04 Donc, voilà, on a concrètement dans l'action,
14:07 et c'est souvent ce qui se passe,
14:08 dans l'action, les gens se rapprochent,
14:10 et du coup, ils évoluent.
14:12 Ils évoluent, c'est-à-dire que le fait d'agir en commun
14:16 va les faire évoluer dans leur position.
14:18 C'est-à-dire qu'ils partent d'un endroit,
14:20 ils arrivent à un autre,
14:21 et de l'autre côté, c'est la même chose.
14:23 On voit que les gens qui partent d'un endroit,
14:25 alors globalement, je dirais, il y a presque un croisement,
14:27 c'est-à-dire qu'un ensemble va vers la gauche,
14:30 d'un point de vue du rapport à la population,
14:33 du rapport au social,
14:35 on voit bien qu'ils s'en rendent vers ça,
14:37 tout un tas, et de l'autre côté,
14:38 tout un tas de gens s'en éloignent totalement,
14:40 s'éloignent de la République complètement,
14:42 alors qu'ils viennent, pour une partie,
14:44 de la SFIO, même des communistes.
14:46 Donc, on voit bien qu'il y a un chassé-croisé.
14:48 C'est ce qu'on vit actuellement.
14:50 Et donc, moi, il y a ça qui me vient à l'esprit,
14:53 c'est d'abord, voilà,
14:55 regarder où on va,
14:57 et après, essayer de se poser des choses claires.
15:00 Il y en a deux choses qui me viennent encore,
15:02 c'est comprendre que chez les gens,
15:04 ce qui compte, c'est la hiérarchie des principes.
15:07 C'est-à-dire, quand on regarde quelqu'un,
15:09 on regarde quel est le principe le plus haut chez lui.
15:12 On essaie de voir le principe le plus haut,
15:13 parce que c'est celui-là qui va le commander
15:15 dans les moments de crise.
15:16 Et c'est celui-là qui, à un moment donné,
15:18 par exemple sur la question européenne,
15:19 il y a des gens qui, à un moment donné, vont revenir.
15:21 C'est le cas de Brossolette, à un moment donné,
15:22 pas sur la question européenne, mais sur la question de la paix.
15:25 Il fait machine arrière, Brossolette.
15:27 Lui, il est capable de faire ça.
15:28 Mais d'autres vont aller jusqu'au bout.
15:31 Et ces questions de hiérarchie de principe,
15:34 elles sont vraiment fondamentales chez tous les gens.
15:36 C'est, qu'est-ce qui est le plus important
15:37 quand on est dans la crise maximale ?
15:39 Où ils vont pencher ?
15:41 C'est ce qu'on voit dans le 10 juillet 40.
15:42 C'est exactement ça.
15:43 Les gens, ils penchent d'un côté ou de l'autre.
15:45 Ceux qui tiennent un minimum,
15:46 c'est ceux qui ont une hiérarchie dans laquelle ils se disent
15:48 "non, ça je ne peux pas, ça je ne peux pas".
15:51 Donc ça, c'est fondamental aussi pour moi,
15:53 dans la manière dont on doit voir les choses,
15:54 c'est qu'est-ce qu'on a de plus haut, de plus cher pour nous ?
15:56 Et je dirais aussi la question de la tutelle.
16:00 Parce qu'au final, la plupart des partis politiques,
16:03 exactement comme maintenant, ont trahi.
16:04 Enfin, c'est pas la plupart, c'est tous.
16:05 Ils ont tous trahi.
16:06 La plupart des gens l'ont fait, mais pas tous.
16:09 Et alors, on a une poignée de gens qui n'ont pas trahi le pays.
16:15 Et ils sont partout.
16:17 Ils ne sont pas dans un endroit.
16:18 Contrairement au discours qu'on entend tout le temps,
16:20 ils ne viennent pas d'un seul endroit, pas du tout.
16:23 Ils viennent de l'ensemble des champs politiques.
16:26 Et donc, ces gens-là, à un moment donné,
16:28 n'acceptent pas une tutelle extérieure.
16:31 Alors que quand on regarde bien tous les partis politiques,
16:34 on prend le PC, la tutelle c'était Moscou,
16:36 c'est ce qu'on leur reprochait.
16:37 On prend des gens qui sont de l'autre côté à droite,
16:40 ils vont avoir comme tutelle, par exemple,
16:42 une attraction pour le modèle hitlérien.
16:46 On va prendre la SFIO, là, à un moment donné,
16:49 ils sont sur une tutelle, je dirais.
16:52 Alors, par exemple, ils ont un projet d'État suprême.
16:56 Ils ont un échange avec le Parti travailliste en 44.
16:59 Et donc, ce texte-là, on le trouve dans les…
17:03 encore une fois, c'est J.D. Boubidelle qu'on le trouve.
17:06 Et on voit qu'ils sont sur cette logique de créer un État suprême.
17:12 On va retrouver ça chez Cassin, qui est un grand bonhomme,
17:16 un grand bonhomme de la résistance,
17:17 mais qui est quelqu'un de plus concret.
17:19 Et en plus, il fait le bon choix.
17:20 Lui, il va, en juin 40, il retrouve De Gaulle.
17:23 Donc, il y a cette question chez eux,
17:27 chez les socialistes, par exemple, de se dire
17:29 "Bah non, il faut avoir quelque chose qui soit au-dessus de la nation
17:31 parce que la nation, ça peut être la guerre."
17:33 Et on retrouve ça.
17:34 – Ils vont reprendre l'idée des sociétés fabiennes britanniques,
17:38 des trucs semi-délirants qui ont condamné l'ASDN
17:43 avec les fabuleux résultats qu'on sait.
17:45 – Oui, parce que l'ASDN, c'est un modèle qui est essentiellement,
17:48 d'ailleurs, qui prône le libéralisme à une libre-échange,
17:50 ce qui est pareil.
17:51 C'est un énorme problème.
17:52 En fait, ce n'est pas simplement un modèle pour la paix.
17:55 En fait, c'est pour la paix par le libre-échange.
17:57 Ce n'est pas n'importe quel modèle.
17:58 – Oui, bien sûr, oui.
17:59 – Donc, du coup, voilà, moi, je vois cet aspect-là.
18:02 C'est-à-dire avoir comme objectif de faire converger
18:07 de manière non fermée des gens qui ont, en gros,
18:10 ce que je dis souvent, deux principes fondamentaux,
18:13 c'est-à-dire l'indépendance réelle, et non pas abstraite, blabla,
18:17 et la démocratie, c'est-à-dire le fait que la nation décide.
18:22 Et là, on en revient à 89.
18:24 C'est la nation.
18:25 La nation, c'est une chose qui doit pouvoir exister chez nous,
18:28 mais aussi chez les autres.
18:29 C'est-à-dire qu'on n'a pas à aller conquérir des marchés
18:31 et foutre le bazar chez les voisins.
18:32 C'est cohérent pour moi, ça.
18:34 – Oui, c'est un système, d'ailleurs, ça se voit dans votre ouvrage,
18:38 si vous faites un exercice de pensée politique cohérent,
18:42 c'est-à-dire ce qui sont nos droits sont également ceux des autres.
18:46 – C'est ça.
18:47 – Et ce qui est…
18:51 – C'est assez gaullien, ça.
18:52 – C'est très gaullien, c'est très gaullien,
18:54 et surtout, c'est un des principes qui va beaucoup servir
18:58 parce que la multipolarité fait qu'à un moment,
19:01 ce sera soit ça, soit l'Occident régressera
19:04 parce que maintenant, il y a des gens qui ont tout à fait les moyens de dire non.
19:07 – Oui, c'est ça.
19:09 – Ce que d'ailleurs, on oublie que, par exemple,
19:13 de Gaulle a tout un rapport avec le mouvement des non-alignés.
19:18 Il essaye d'ailleurs d'entrer dans l'organisation.
19:20 Il y a un pays qui s'y oppose fondamentalement,
19:22 qui est bien sûr l'Algérie, mais il a de très bons rapports.
19:26 Il est d'ailleurs assez considéré par la plupart de ses chefs d'État
19:30 parce que, justement, il est l'un de ceux qui a compris le plus profondément
19:36 que l'ère des empires était terminée.
19:40 Mais aujourd'hui, on se rend compte que cette compréhension,
19:46 en réalité, dans les années 70, quelque chose se passe dans les années 70-80,
19:50 l'avènement d'un religion des droits de l'homme
19:52 qui va opérer pour les meilleurs sentiments du monde,
19:56 mais on trouve toujours les meilleurs sentiments du monde pour faire ça.
19:59 Une régression impériale et une régression coloniale
20:03 qui nous a menés à l'Occident d'aujourd'hui,
20:07 c'est-à-dire à des gens qui, comme de Gaulle l'avait prévu,
20:11 il l'avait écrit à la moitié des années 60,
20:16 ils se feront haïr par tous et à la fin, ils se feront jeter dehors,
20:21 parler des Américains, nous n'en sommes plus très loin.
20:24 – Pour terminer, et brièvement,
20:31 est-ce que vous pourriez nous donner un exemple d'une figure
20:34 qui vous a marqué dans ce rassemblement,
20:38 dans ce type d'homme qui, face à la crise,
20:41 arrive à rassembler les siens au-delà de clivage idéologique ?
20:50 – Il y en a plusieurs.
20:52 – Mais une qui vous aurait particulièrement marqué ?
20:54 – J'aimerais être l'exemple d'aujourd'hui.
20:59 – Les histoires étant elles-mêmes divisées, ce n'est pas évident.
21:02 J'aime beaucoup, alors une, j'en prendrais bien trois, moi.
21:06 J'aime beaucoup, j'aime énormément le duo Villon-Debussy-Bridel.
21:10 Je trouve que d'abord, ce sont des amis,
21:12 alors qu'ils passent par des phases de division profonde
21:15 dans leur vie après-guerre, à cause de la guerre froide,
21:17 et puis ils reviennent ensemble dans le cadre de l'association
21:21 qu'ils ont sur leur existence, et ils sont amis,
21:24 alors qu'ils viennent de deux univers totalement opposés.
21:27 Et je trouve que cette histoire d'amitié, elle est au-delà,
21:30 elle combine une vision politique, une capacité de s'ouvrir à l'autre,
21:36 dans l'action, de faire confiance,
21:39 et en plus ils y ajoutent de l'amitié, ce qui est très beau.
21:42 Ce qui est très très beau. Donc j'aime beaucoup ce duo-là.
21:45 Après, j'aime beaucoup Jürs Boris aussi,
21:47 qui est une personnalité très discrète,
21:50 et qui a en même temps travaillé avec deux géants de notre histoire,
21:54 quand même, Mendès et de Gaulle, et qui travaille aussi avec Blum,
21:58 que moi je ne mets pas au même niveau,
21:59 même si je considère qu'il n'est pas négatif sur tous les plans,
22:02 mais je ne serais pas aussi généreux tout le temps.
22:06 Mais j'aime beaucoup Jürs Boris,
22:07 parce que c'est quelqu'un qui est capable de se remettre en cause.
22:10 C'est-à-dire qu'il n'est pas, à la base, il est pour le laisser faire,
22:15 il a tendance à être libéral.
22:17 Et c'est lui qui, effectivement, fait un virage,
22:22 alors qu'il n'en a pas envie, mais il le fait,
22:24 sur le keynésianisme, sur la dévaluation, sur le plan.
22:28 C'est-à-dire qu'il se remet en cause lui-même.
22:30 Et ça, cette capacité à se remettre en cause,
22:33 je trouve que c'est… et en plus à transmettre.
22:35 C'est une personnalité que je trouve très belle.
22:37 – C'était des… comment dire… des hommes qui vivaient pour l'intérêt national.
22:48 C'est un type humain en dormition, mais qui peut se réveiller à tout moment.
22:55 Or, qui n'a pas complètement disparu, contrairement à ce que j'entends.
22:58 Et c'est entre autres pour ça que je voulais qu'on parle
23:01 de votre magnifique ouvrage, parce que j'ai…
23:05 c'est d'ailleurs un beau message pour l'été,
23:08 pour ceux qui vont réfléchir pendant cet été.
23:12 C'est qu'à un moment, comme le disait Henri Bayer,
23:17 c'est une citation que j'aime beaucoup de cet auteur américain,
23:20 "il y a quelques hommes à chaque génération
23:22 qui empêchent la société de pourrir", tout à fait.
23:25 Voilà. Et c'est en cultivant la mémoire de ces hommes-là
23:29 qu'une société se maintient en vie.
23:32 – Merci à tous, chers amis de TV Liberté.
23:35 Merci à vous Stéphane d'être venu.
23:37 Et je souhaite vraiment le plus grand succès à votre livre,
23:40 parce que moi, ça fait du bien de temps en temps d'être un peu positif
23:44 quand les temps sont un peu lourds.
23:47 Merci à tous et je vous souhaite un excellent…
23:51 une excellente période estivale, des vacances pour ceux qui peuvent en prendre,
23:55 un très bon été.
23:56 Et je vous dis, si tout se passe bien, à la rentrée.
24:01 À bientôt.
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