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Amélie Nothomb présente "Psychopompe", paru aux éditions Albin Michel, il est question d'enfance dans ce 32ème livre, un récit autobiographique qui nous emmène loin de son registre habituel. 
Le "psychopompe" c’est celui qui est chargé d’accompagner les âmes quand elles s’envolent vers l’autre monde. C’est une histoire intime de passage que nous raconte Amélie Nothomb. Elle revient sur son enfance, nomade et brisée, sa passion pour les oiseaux et l’apprentissage d’un art aussi périlleux que l’envol : celui de l’écriture. 
Elle compare cet envol qui peut "sauver" à l'écriture, qui la préserve de ses dangers intérieurs. Un envol qui peut nous sauver du vide, un vide parvenu suite à un épisode tragique qui a bien failli l’emporter. Elle nous raconte la brutalité de cet évènement avec pudeur à travers quelques pages seulement. L’écriture a été pour l’autrice le moyen de se reconstruire, après avoir traversé sa propre mort.  

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Transcription
00:00 cet envol il peut sauver, c'est ce que vous nous dites,
00:02 somme toute, dans ce livre qui s'appelle "Psychopompe" à Mélinotoube, sauver de quoi ?
00:06 De quoi l'écriture vous a-t-elle sauvé ?
00:09 Ça c'est une sacrée question que vous posez.
00:12 Je pense qu'on a tous un danger intérieur
00:14 qui est très difficile à identifier, qui n'est probablement pas le même pour Sorge, pour Alice, pour Boris.
00:20 Je ne sais pas au juste quel est mon danger intérieur, mais je sais qu'il est très important de m'en sauver.
00:27 À vous lire, je dirais que c'est un vide.
00:30 Oui mais il y a vide et vide. Le vide zen par exemple, c'est un vide absolument sublime, c'est le vide auquel il faut aspirer.
00:39 Je ne suis pas sûre que le vide que je fuis soit un vide zen.
00:45 Le vide en l'occurrence auquel je pense, vous le racontez en deux pages absolument glaçantes dans ce texte.
00:51 C'est un épisode que vous aviez déjà raconté dans un de vos livres qui s'appelle "Biographie de la faim" juste évoqué,
00:57 mais ici c'est comme si vous l'écriviez pour la première fois à 12 ans et demi.
01:00 Votre famille est installée au Bangladesh et vous êtes victime d'un viol, d'un viol collectif sur une plage à Cox's Bazar dans la mer.
01:06 C'est un moment
01:08 terrible de votre vie, un moment que vous écrivez ici.
01:15 Comment vous êtes parvenu à l'écrire ?
01:19 C'était indispensable.
01:24 C'est un épisode psychopompe.
01:28 Il est question de quelqu'un qui s'approche autant que possible de la mort et qui en revient.
01:34 C'est de la résilience.
01:37 Encore faut-il s'approcher autant que possible de la mort.
01:39 Ma manière à moi d'avoir approché cette mort, ça a été cette agression.
01:45 Donc je ne peux pas raconter l'expérience psychopompe
01:49 en omettant cet épisode qui de fait a failli m'emporter.
01:56 À écrire, ça a été dur ?
01:59 C'est très dur.
01:59 C'est très dur d'autant plus que ce n'est pas du tout mon registre.
02:02 Le dolorisme, c'est l'inverse de ce que je fais.
02:05 J'ai horreur de ça.
02:06 Je trouve que c'est de la pure obscénité.
02:08 Donc je me suis dit là, tu n'as pas le choix, tu dois quand même l'écrire.
02:12 Donc tu serres les dents, tu le fais le plus vite possible et puis on passe à autre chose.
02:16 Mais attendez parce que surtout, il y a une économie de mots qui est incroyable.
02:19 Des gens de cette chose-là auraient pu faire un roman entier.
02:22 Là, brusquement, elle parle des bras de la mer.
02:25 Les mains de la mer.
02:26 Les mains de la mer.
02:27 Ces mains d'homme deviennent...
02:28 C'est-à-dire que c'est extrêmement court, je suis désolé, mais c'est extrêmement beau.
02:33 Et brusquement, c'est comme si ces hommes n'existaient pas,
02:35 c'est comme si c'était cette mer qui avait existé.
02:38 Et ce n'est pas une douleur du tout.
02:41 C'est une violence des mots à l'os.
02:46 Et on en ressort encore beaucoup plus violemment essoré que s'il y avait 15 pages.
02:51 Mais ces pages-là sont d'une brutalité absolue parce qu'elles sont d'une pureté absolue.
02:56 D'autant que vous dites que c'est quand même un événement qui vous a tué.
02:59 Et qu'elle n'est pas morte.
03:01 Oui.
03:03 D'autant plus que ça m'a plongée dans une totale irréalité.
03:09 Ce qui se passait était tellement fou.
03:10 Je ne voyais pas les agresseurs.
03:14 Quand je suis sortie de l'eau, heureusement que ma mère a prononcé deux paroles
03:19 pour commenter ce qu'elle avait vu parce que sinon j'aurais réellement pensé avoir déliré,
03:25 avoir inventé cet épisode monstrueux.
03:28 Les mots de votre mère, c'est quoi ? C'est "pauvre petite fille" ?
03:31 Elle a juste dit "pauvre petite".
03:33 Et ce n'est pas grand-chose, mais vraiment, je la remercie d'avoir dit ça
03:36 parce que si elle n'avait pas dit ça, j'aurais réellement pensé que j'avais inventé.
03:39 Dans quelle mesure cet événement, Amélie de Taubes, a déterminé aussi,
03:42 la femme évidemment, mais l'écrivain que vous êtes ?
03:48 Comment on se sauve d'un truc pareil ?
03:51 Il n'y a pas moyen.
03:52 Alors, moi par la suite, j'ai poussé l'expérience de recherche de la mort,
03:59 mais presque jusqu'à son terme.
04:01 J'ai cessé de m'alimenter, je suis devenue anorexique au finish
04:05 et j'ai réellement failli mourir.
04:08 Bon, à la dernière seconde, j'en suis revenue.
04:10 Encore fallait-il se reconstruire.
04:14 J'ai commencé à écrire à ce moment-là, sans savoir le moins du monde ce que je faisais
04:17 et sans savoir le moins du monde qu'il y avait là une possibilité de reconstruction.
04:22 Ce n'est pas de la magie.
04:23 Il a fallu des années et des années d'écriture pour qu'il y ait une reconstruction.

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