Vendredi 8 septembre 2023, PLACE AUX FLAMMES reçoit Johanna Mikidadi (Directrice générale, Association chiens guides d'aveugles IDF)
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00:00 - Bonjour Johanna. - Bonjour Charlotte. - Merci beaucoup d'avoir accepté de faire partie de cette série d'interviews de femmes inspirantes,
00:11 Les Flammes, dont tu fais partie maintenant aujourd'hui. On a la chance que tu nous accueilles aujourd'hui dans l'association des chinguites d'aveugles d'Île-de-France.
00:19 C'est un endroit un peu particulier. Est-ce que tu peux nous expliquer un petit peu où on est et quelle est votre mission au quotidien ?
00:25 - Oui, on est dans la ville de Coubert en Seine-et-Marne et en fait on œuvre au quotidien pour éduquer des chiens dans le but de les remettre à des personnes déficientes visuelles qui vont en avoir besoin dans toutes les activités de leur vie.
00:41 - Ça veut dire que vous formez les chiens, vous aidez aussi les déficients visuels à mieux appréhender leur rapport à l'animal pour mieux travailler avec lui, parce que c'est un travail réciproque finalement,
00:51 et vous faites aussi beaucoup de pédagogie je crois sur ce sujet de déficience visuelle qui est finalement un sujet dont on parle très très peu.
00:57 - Oui, très peu, trop peu, et on essaye de sensibiliser un maximum d'interlocuteurs. Ça peut être des sociétés, des écoles, des maisons de retraite, des personnes tout venant,
01:09 déjà pour que notre message soit entendu, pour que la considération de notre travail aussi soit prise en compte, et effectivement c'est ce que je répète dès que je le peux,
01:22 il faut savoir qu'en France il y a seulement 1% des personnes déficientes visuelles qui bénéficient d'un chien.
01:27 - C'est très très peu. C'est même quasiment rien alors qu'on sait à quel point un chien peut aider finalement à la vie quotidienne de ces personnes,
01:36 et que c'est vraiment la meilleure arme, ou en tout cas le meilleur partenaire pour ces personnes pour vivre au quotidien.
01:41 - Mais il y a même encore mieux, en fait pourquoi il y a seulement 1% des personnes qui bénéficient d'un chien ?
01:48 Tout simplement parce que la plupart des personnes déficientes visuelles ne savent même pas qu'on existe.
01:53 - Ah oui ? Donc il y a un gros sujet de notoriété et de pédagogie autour de votre mission et de votre métier.
01:59 On espère qu'on va pouvoir donner un peu de visibilité à tout ça, mais si on se penche un tout petit peu sur ton parcours,
02:05 ce qui est intéressant c'est qu'en fait tu n'as rien de te destiné à arriver ici et à faire ce métier.
02:11 Je crois que tu as été psychologue, tu as commencé par être psychologue et que tu l'es toujours.
02:15 Tu as travaillé aussi dans le milieu de la réinsertion professionnelle.
02:18 Ça n'a rien à voir avec ce que tu fais aujourd'hui, même si c'est lié évidemment par le lien avec la générosité ou en tout cas le don de soi.
02:26 Mais alors finalement d'où te vient cette flamme ? D'où te vient cette envie finalement de contribuer de manière positive à ces enjeux ?
02:33 Alors ça me vient de mon enfance, de ma famille qui m'a inculqué des valeurs, une façon de vivre et de voir la vie de par un parcours un petit peu compliqué,
02:44 avec une famille très très soudée, très unie. Mais voilà, quand on vit des choses difficiles dans son enfance, on relativise énormément.
02:52 Et ça nous permet derrière d'essayer de contribuer à quelque chose d'utile plus tard.
02:59 Voilà, quand on est enfant, on se dit "plus tard, je veux savoir pourquoi je me lève le matin".
03:04 Ah oui, incroyable. Donc il y a cette notion d'utilité pour toi qui était extrêmement importante dans ta vie.
03:10 Je crois aussi que tu as une autre passion, tu as énormément de passion, ou en tout cas d'intérêt.
03:15 Tu as été triple fois championne de France d'athlétisme.
03:18 J'imagine que c'est aussi une expérience, ou en tout cas une façon de voir la vie, qui est un petit peu différente et qui guide ton quotidien de manière un peu différente.
03:27 Qu'est-ce que ça t'a appris finalement ?
03:29 Ça m'a appris à être là aujourd'hui, en fait, tout simplement. J'ai eu la chance de connaître ça quand j'étais jeune.
03:36 Et ça m'a appris à percevoir la vie de la façon dont moi je l'aperçois, qui ne correspond pas forcément toujours à ce que j'entends autour de moi.
03:44 Et j'aime bien dire que pour moi, un obstacle, c'est un challenge, ce n'est pas du tout un obstacle.
03:53 Et que, comme disait Georges Clemenceau, c'est une citation que j'aime bien pouvoir citer quand je le peux,
04:00 "L'échec, c'est d'abandonner avant d'avoir réussi."
04:03 En fait, pour moi, il n'y a pas d'échec, je ne visualise qu'une finalité, et forcément je l'obtiens puisque je la visualise.
04:11 Je ne m'arrête pas à des détails qui, au contraire, pour moi, sont stimulants.
04:15 Oui, donc il y a cette notion de résilience pour toi qui est extrêmement importante,
04:19 mais surtout d'envie de performance au-delà des étapes nécessaires à vivre pour y arriver.
04:26 Donc c'est le sport qui t'a donné cette mentalité-là, et aussi les difficultés de la vie, je crois.
04:32 Oui, les deux ensemble, ça fait que quand on grandit avec une échelle de la gravité plutôt haute,
04:40 il y a tellement de choses qui peuvent paraître compliquées à certains, qui pour moi ne sont pas un sujet,
04:46 mais qui sont une étape de vie, un moment de vie.
04:50 Et avec le sport, ce challenge, cette notion de performance, de ne pas avoir le droit d'abandonner,
05:00 c'est ce qui fait ce que je suis aujourd'hui.
05:04 C'est intéressant parce que c'est exactement ce que vivent les déficients visuels au quotidien.
05:08 Ils n'ont pas le droit d'abandonner, parce que leur quotidien est une lutte.
05:14 Et donc en travaillant avec des chiens guide-d'avocats, c'est aussi comme ça que tu les aides à relever ce challenge au quotidien,
05:20 qui est même de traverser la rue. On le voit dans ce parcours qu'on a pu regarder ensemble,
05:24 traverser une rue, interagir avec quelqu'un, ouvrir une porte, c'est une étape à passer.
05:28 Et donc c'est aussi pour ça que tu en es arrivé là aujourd'hui, je crois.
05:32 Oui, oui, oui, complètement.
05:34 Est-ce qu'aujourd'hui, il y a des flammes qui te donnent des raisons d'espérer ?
05:38 On est dans une société un peu complexe, assez égoïste.
05:42 Et toi au quotidien, justement, dans ce métier que tu fais, il y a des choses qui te donnent encore des raisons d'espérer
05:48 sur la société et sur l'être humain de manière générale.
05:51 Oui, à l'inverse, il n'y a rien qui ne me donne pas envie d'espérer.
05:56 J'ai envie de dire que plus j'ai d'éléments qui vont venir noircir les choses,
06:03 plus je vais avoir besoin de leur apporter de la lumière.
06:07 C'est pour ça que le terme de flamme, on en avait déjà parlé, pour moi, il est hyper efficient.
06:14 C'est le terme qui correspond exactement à ce qu'il faut avoir, je pense, pour avoir envie de persévérer dans ce qu'on fait.
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07:19 Je crois que vous n'êtes pas aujourd'hui soutenus par aucune subvention.
07:25 Mais je crois qu'il y a quand même beaucoup d'entreprises qui vous aident.
07:28 Est-ce que tu peux nous raconter un petit peu la situation dans laquelle vous êtes et les besoins que vous avez aujourd'hui ?
07:32 Oui, alors il faut savoir que oui, notre association qui est pourtant reconnue d'utilité publique,
07:38 nos éducateurs qui ont pourtant des diplômes, qui eux aussi sont reconnus par l'État,
07:44 malgré tout ça, en fait, on n'a aucune subvention de l'État.
07:48 C'est dingue !
07:49 On ne vit que de dons et de lègue.
07:51 D'accord.
07:52 Et donc effectivement, grâce aux entreprises qui sont des partenaires formidables,
07:58 mais malheureusement encore trop peu nombreuses, pour tous les besoins qu'on a.
08:03 Il faut savoir que l'éducation d'un chien coûte 25 000 euros.
08:05 Ah oui ?
08:06 C'est du temps et de l'investissement.
08:10 C'est du temps, de l'investissement.
08:12 Et en fait, grâce à ces entreprises-là, heureusement, on peut travailler.
08:17 Voilà, c'est ça qui nous permet d'avoir ce qu'on appelle notre mini-ville,
08:22 d'embellir un petit peu.
08:24 Un escalator aussi, je crois.
08:25 On est la seule école de France à bénéficier d'un escalator pour entraîner les chiens
08:30 à avoir une sensibilité podotactile, en fait, sur ce type de structure.
08:35 Et je crois qu'il y a une autre aussi raison d'espérer, que tu vis au quotidien,
08:38 c'est au-delà des aides des entreprises,
08:41 c'est aussi ce moment de rencontre entre un déficient visuel et un chien,
08:46 qui est quand même un moment, je crois, assez émouvant.
08:49 Tu veux nous raconter un petit peu comment ça se passe ?
08:50 Parce que je crois que ce n'est pas si facile que ça.
08:52 Non, c'est très compliqué, en fait, de créer ce que nous, on appelle un binôme.
08:57 Il y a beaucoup d'éléments qui sont à prendre en compte.
09:00 On a notamment la vitesse de marche.
09:03 On a aussi la taille, la taille du chien, la taille de la personne,
09:06 la force physique et évidemment aussi quand même le caractère.
09:11 Bien sûr.
09:12 C'est un élément.
09:13 On a des personnes déficientes visuelles qui sont conscientes
09:16 qu'elles ne peuvent pas avoir le chien idéal.
09:19 Le chien, on dit, ce n'est pas de la magie.
09:23 Mais n'empêche qu'il leur faut quand même un compagnon de vie.
09:27 Ce n'est pas seulement un outil de travail.
09:29 Donc, on a besoin d'avoir des caractères qui matchent.
09:33 Et ce n'est pas toujours simple.
09:35 C'est assez incroyable parce que c'est la rencontre entre deux compétences
09:38 et en même temps deux émotions,
09:41 entre un déficient visuel avec certains besoins
09:44 et un chien avec un certain caractère et certaines compétences.
09:47 C'est extrêmement intéressant à travailler
09:49 parce que ça vient au-delà d'entraîner des chiens à passer des obstacles.
09:52 C'est aussi tout le savoir-être d'un animal
09:55 et relationnel avec son maître, j'imagine.
09:58 Oui, on a une vraie responsabilité à ce niveau-là.
10:02 La responsabilité d'avoir des chiens fiables
10:04 et ancrés dans leur mission de travail.
10:07 C'est très important.
10:09 Et puis des personnes déficientes visuelles
10:11 qui se sentent accompagnées et soutenues.
10:13 C'est pour ça qu'on leur propose pendant les dix ans
10:15 de travail du chien un suivi.
10:17 Au minimum une fois par an,
10:19 on essaye quand c'est possible deux fois par une personne
10:22 qui ne travaille que pour ça.
10:24 On a aussi un psychologue spécialisé dans le monde du chien guide
10:27 qui se propose aussi de contacter
10:29 les personnes déficientes visuelles au besoin.
10:31 D'accord, c'est quand même des moments au quotidien
10:34 qui sont assez incroyables.
10:36 Tu le disais à un moment dans notre interview,
10:38 les nécessités d'être utile,
10:40 ça c'est des vrais moments d'utilité.
10:42 Complètement, on y est dedans.
10:44 C'est assez incroyable.
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12:04 Il y a beaucoup de vent, mais en même temps,
12:10 c'est aussi la femme qui ne s'éteint pas.
12:12 C'est ça qui est bien.
12:14 Il y a toute cette notion de résilience dont tu nous as parlé,
12:17 et surtout cette générosité qui guide ta vie au quotidien,
12:21 dans toutes les facettes de ta vie,
12:23 aussi bien psychologue, mais aussi dans cette association.
12:26 Quelle est la flamme que tu as envie de transmettre ?
12:28 Je crois que tu as deux enfants.
12:29 Aux gens qui nous écoutent, mais aussi à tes enfants,
12:32 quelles sont les valeurs, ou en tout cas le message
12:34 que tu as envie de leur faire passer ?
12:36 À mon sens, ce qui est vraiment important,
12:39 c'est de comprendre que tout est une question de perception dans la vie.
12:43 En fait, c'est ça.
12:45 Le fait de voir les choses de façon positive,
12:50 on n'a pas le choix.
12:53 On est dans une société où aujourd'hui, on n'a pas le choix.
12:55 Et ça va nous permettre de rester toujours motivés,
12:59 toujours persévérants, toujours performants,
13:03 et puis je pense de prendre des bonnes décisions,
13:06 des décisions qui nous correspondent aussi.
13:08 Il y a aussi cette notion de libre arbitre, pour toi,
13:10 qui est extrêmement importante dans ce que tu as vécu,
13:13 je pense, dans toi, dans ta vie,
13:14 mais aussi dans ce que tu essaies de transmettre
13:17 aux déficients visuels, au libre arbitre,
13:19 mais aussi l'indépendance.
13:20 C'est quelque chose pour toi qui est extrêmement important.
13:23 Est-ce que tu veux nous en parler ?
13:24 Parce qu'on oublie parfois cette notion.
13:26 J'ai à cœur, quand j'ai pris la responsabilité de l'association,
13:30 j'entendais beaucoup parler de chiens,
13:33 moins de déficients visuels.
13:35 Ah, c'est intéressant.
13:36 Oui, et moi j'ai à cœur de rendre à César ce qui est à César,
13:41 c'est-à-dire que cette école est là pour les déficients visuels.
13:43 Évidemment, on adore les chiens, et sans eux, on ne pourrait rien faire,
13:46 mais l'école n'aurait pas de sens,
13:48 elle n'aurait pas lieu d'être s'il n'était pas là.
13:50 Mais ces personnes déficientes visuelles
13:52 ont un grand besoin d'autonomie, d'indépendance,
13:56 dans leur vie de tous les jours.
13:59 Elles ont besoin de se réapproprier leur vie, en fait.
14:02 Et c'est vrai que j'insiste là-dessus au quotidien,
14:06 parfois même je peux les bousculer,
14:09 toujours avec bienveillance,
14:11 parce qu'évidemment que le but, c'est vraiment de leur faire du bien,
14:14 mais l'idée, c'est vraiment qu'elles prennent leur vie en main complètement,
14:17 parce que ce monde n'est pas facile,
14:19 et toutes les personnes déficientes visuelles qui y parviennent,
14:23 parce qu'elles ont toute la capacité d'y parvenir,
14:26 justement, se subliment, en fait.
14:29 C'est-à-dire qu'au-delà du chien,
14:31 toi, tu souhaites les aider dans la reprise en main de leur vie,
14:35 et leur indépendance, et leur leadership, d'une certaine manière,
14:38 enfin, la capacité qu'ils ont à maîtriser leur vie.
14:41 Donc, ce message que tu as envie de transmettre, toi,
14:44 au-delà du fait d'élever des chiens guides d'aveugles,
14:46 c'est comment est-ce qu'on aide des gens à reprendre
14:49 la pleine possession de leur vie ?
14:51 C'est exactement ça. En fait, ça, c'est mon parcours, du coup.
14:53 Je ne suis pas là, moi, je ne suis pas éducatrice de chiens guides,
14:56 je ne suis pas là juste pour leur remettre un chien.
14:58 Je trouve que notre responsabilité, elle va au-delà de ça,
15:01 et c'est exactement ce que tu dis, en fait, le leadership de leur vie.
15:03 C'est exactement ça.
15:05 En tout cas, toi, tu as plutôt bien géré le leadership de ta vie,
15:08 tu as un parcours extrêmement impressionnant et très multiple.
15:11 Merci beaucoup de nous avoir reçus ici.
15:13 On a passé un moment superbe, on a vu plein de chiens,
15:15 et surtout, on a appris beaucoup de choses.
15:17 Comment est-ce qu'on peut vous aider ?
15:19 Est-ce que vous avez un site Internet sur lequel on peut regarder vos actions ?
15:22 Est-ce que tu veux nous raconter un petit peu ?
15:24 Oui, alors évidemment, toute aide est la bienvenue.
15:28 On a un site Internet, il suffit de taper sur Internet
15:31 "Chien guide d'avocat d'Île-de-France",
15:34 et on nous trouve très facilement.
15:36 On a plein de belles vidéos, plein de belles choses à partager.
15:38 On a nos réseaux sociaux, Facebook, Instagram, LinkedIn,
15:41 sur lesquels on essaye d'être présent aussi le plus régulièrement possible
15:46 pour vraiment diffuser nos besoins de dons, tout simplement.
15:51 En priorité, on a vraiment besoin de dons
15:53 parce qu'on n'a aucune subvention de l'État.
15:55 On ne vit que par des dons, des lègues.
15:57 Ah oui, d'accord.
15:59 Oui, on n'a rien du tout.
16:01 On a évidemment aussi nos bénévoles qui viennent,
16:03 de par tout ce qu'on ne dépense pas,
16:05 nous aider physiquement, avec leurs bras.
16:09 Leur temps.
16:10 Leur temps, bien évidemment, qui est très précieux.
16:13 Sans tout ça, en fait, l'école n'existe pas.
16:16 Il faut absolument qu'on aille tous sur votre site Internet
16:19 pour vous aider d'une manière ou d'une autre.
16:21 Merci encore pour cet échange.
16:23 Merci infiniment.
16:24 Et on se voit très bientôt, avec un chien, je crois.
16:27 Mais promis.
16:28 Merci.
16:29 Sensibilisation.
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