Lise Deharme, l'oubliée du surréalisme

  • l’année dernière
Transcript
00:00 Artiste majeur du mouvement surréaliste lancé par André Breton,
00:03 Lise de Harme a été oubliée.
00:05 Romancière et célèbre salonnière du milieu du XXe siècle,
00:08 on l'appelait la "dame de pique" à cause de ses avis tranchés.
00:11 Sa place dans le surréalisme, elle est assez étrange, un peu comme elle,
00:14 c'est-à-dire qu'elle est centrale et à la marge.
00:16 Née en 1898 à Paris, Lise grandit dans une famille bourgeoise parisienne.
00:21 Passionnée de littérature, elle découvre Charles Baudelaire, Oscar Wilde,
00:25 mais aime aussi les contes de fées de Madame Dolnois, pionnière dans le genre.
00:29 Jeune adulte, Lise ne colle pas vraiment à l'image de la fille de bonne famille.
00:33 Elle traîne dans les puces parisiennes, lit secrètement des livres érotiques
00:36 et fréquente les cercles artistiques de la capitale.
00:39 En 1924, André Breton publie "Le Manifeste du Surréalisme",
00:43 œuvre fondatrice du mouvement artistique révolutionnaire.
00:46 Cette année-là, il rencontre Lise à la sortie d'un théâtre et tombe sous son charme.
00:50 C'est une femme qui se met à synthétiser pour lui tout ce qu'il attend du surréalisme.
00:56 Elle est étrange, elle parle fort, elle ne se comporte pas comme il faut,
00:59 elle n'a pas les mœurs bourgeoises qu'elle devrait avoir alors que c'est une grande bourgeoise.
01:02 Donc elle n'est absolument jamais là où on l'attend et ça, ça le fascine complètement.
01:06 Il lui propose de venir visiter la centrale surréaliste, le refuge des artistes du mouvement.
01:11 Je me souviens, j'avais des gants bleus.
01:12 Maintenant, ça paraît banal, mais à l'époque, des gants bleus ciel, je n'en avais pas.
01:17 Et il me dit "Madame, est-ce que vous nous feriez le très grand honneur
01:22 de bien vouloir nous donner peut-être un gant pour le mettre au mur ?
01:27 Ça sera le symbole de la révolution surréaliste."
01:32 Devenue une sculpture en bronze, ce gant est représenté sur la couverture de Nadja,
01:36 d'André Breton, dans lequel il mentionne cette rencontre avec Lise.
01:39 Avec son complice et amie, elle entretient une relation complexe et fusionnelle tout au long de leur vie.
01:44 "Tout s'est émerveillé.
01:47 Je crois que jamais de ma vie, je ne le rencontrerai
01:51 et que personne ne rencontrera Breton.
01:55 Il y a eu Breton dans notre siècle.
01:58 Je ne suis pas sûre qu'il y en ait à nouveau."
01:59 Sorte de vigie du mouvement surréaliste, Lise de Harme tient une activité de salonnière.
02:04 Elle organise des soirées chez elle où des artistes débattent autour de bons vins et de bons petits plats.
02:09 "Ça l'agacait particulièrement qu'on l'appelle salonnière,
02:11 parce que je n'ai pas une activité de salon, juste j'ouvre ma porte à mes copains.
02:14 On pouvait avoir à la même table Picasso, Doramar,
02:19 Marie-Laure de Noailles, Paul Éluard, André Breton."
02:22 Plus qu'une mécène et égérie du surréalisme, Lise de Harme apporte sa conception de l'art au mouvement.
02:26 Entre 1949 et 1976, elle publie une vingtaine de romans.
02:31 "C'est une autrice d'articles nombreux et variés dans différentes revues.
02:35 Elle avait des rubriques autant dans "Combat" de Camus que dans "Ce soir",
02:38 qui était un journal de Louis Aragon."
02:40 Elle garde toujours un intérêt pour le merveilleux, la poésie,
02:43 et laisse une grande part à l'érotisme et aux femmes dans ses textes.
02:47 "Elle a cette façon d'aborder la sexualité qui est très déviante,
02:51 presque on pourrait dire, mais déviante dans le bon sens du terme,
02:53 c'est-à-dire qu'elle aime la déviance, elle s'y noue dans la déviance.
02:56 Elle aime ce qui est crade, elle aime ce qui est un peu étrange,
02:58 elle aime les rapports très ambigus."
03:00 Dans "Au violette", publié en 1969, elle raconte l'histoire d'une jeune fille
03:04 qui a des rapports sexuels avec son frère, son père et des amis de la famille.
03:08 Le texte est tellement choquant qu'il est interdit par le ministère de la censure à sa sortie.
03:12 De cette époque foisonnante d'idées et marquée par la liberté,
03:15 le parcours de Lis de Harme est effacé par la postérité d'autres artistes.
03:19 "C'est un mouvement qui a été profondément masculin pendant des années.
03:22 On est en train de réévaluer la place des femmes dans ce mouvement-là.
03:24 On est en train de dire effectivement qu'elles étaient non pas juste des créatures légères
03:29 et éthérées qui planaient sur le groupe et qui les fascinaient sexuellement,
03:34 mais qu'elles avaient des vraies conceptions artistiques."
03:36 Ses relations difficiles avec ses trois enfants
03:38 et la perte de nombreux amis artistes l'isolent jusqu'à sa mort en 1980 à Paris.
03:43 Toute sa vie aura été traversée par une pensée qu'elle formulait sous différentes formes.
03:47 "Lorsque nous nous quitterons, vous pourrez dire que vous ne m'avez jamais rencontré."
03:51 [Musique]

Recommandée