• il y a 6 mois
À 8h20, l'économiste Thomas Piketty, le politologue et directeur général associé d’IPSOS Brice Teinturier et le politologue et directeur général de la Fondation pour l’innovation politique (FONDAPOL) Dominique Reynié, seront les invités du Grand Entretien. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-mercredi-12-juin-2024-8650482

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00:00Il est 8h24, France Inter, Nicolas Demorand, le 7-10.
00:07Le grand entretien en forme de table ronde ce matin consacré au bouleversement du paysage politique français
00:13dans le sillage de la dissolution de l'Assemblée Nationale.
00:17Vos questions 0145 24 7000 et sur l'application France Inter.
00:23Pour en parler, Thomas Piketty, économiste, professeur à l'école d'économie de Paris,
00:29co-auteur avec Julia Cagé d'Une histoire du conflit politique aux éditions du Seuil,
00:34Dominique Reynier, politologue, directeur général de la Fonds d'Apolle,
00:39et Brice Tinturier, également politologue, directeur général délégué d'Ipsos.
00:44Bonjour à tous les trois.
00:45Bonjour.
00:46Et merci d'être au micro d'Inter pour commencer.
00:49Comment qualifier donc le moment politique qui s'est ouvert dimanche à l'annonce de la dissolution ?
00:55Si ce n'était aussi grave, je vous dirais qu'on a l'impression d'être dans une série télé comme Baron Noir.
01:02Mais plus sérieusement donc, crise, séisme, explosions généralisées,
01:08quels termes employez-vous pour décrire ce que la France traverse politiquement aujourd'hui ?
01:12Dominique Reynier.
01:13Ce qui me frappe, Nicolas Demorand, c'est le fait qu'en 2017,
01:17on a vu notre système politique, notre paysage politique, l'offre politique se désagréger.
01:23Et on attend depuis une recomposition.
01:27Ce qui était liquéfié, on attend que cela se solidifie.
01:30Nous sommes toujours, en 2024, dans un processus de liquéfaction.
01:34Ça, c'est ce qui me frappe beaucoup.
01:35Et le deuxième commentaire que je ferai, pour nous qui observons et qui essayons d'analyser,
01:40cela devient très difficile parce que la vitesse des événements, la rapidité...
01:44C'est fou.
01:45C'est fou.
01:45On n'est pas sûr, en sortant de cet entretien par exemple,
01:49de ne pas parler trop tôt par rapport à l'événement qui ensuite va changer profondément les choses.
01:54Donc c'est vraiment quelque chose de tout à fait nouveau,
01:56cette absence de structure visible dans ce qui est en train de se passer.
01:59Mais en tout cas, le processus depuis 2017 de liquéfaction est encore en cours.
02:05Il se poursuit avec une fluidité incroyable à laquelle on ne pouvait pas s'attendre.
02:09On pouvait imaginer quand même qu'à un moment donné, il y aurait un début de solidification.
02:13Brice Saint-Hurier, votre analyse ?
02:15Je dirais qu'à ce stade, on est plus dans un processus de confusion accrue que de clarification accrue.
02:20On a une alliance qui se reconstitue à gauche, mais avant que les problèmes de fond aient été abordés.
02:26On a du côté de la droite tout ce qu'on voit avec la décision d'Eric Ciotti.
02:31Là, on est dans la confusion aussi la plus absolue.
02:34Et on a du côté de la majorité présidentielle une dissolution qui devrait aboutir à moins de députés de la majorité présidentielle.
02:42Comme le dit Dominique Reynier, peut-être que demain, ou après-demain, ou dans les heures à venir,
02:45la clarification va arriver.
02:47Mais au moment où nous parlons, c'est un processus de confusion accrue.
02:50Thomas Piketty, vous partagez l'analyse ?
02:52Il y a quand même quelque chose de clair.
02:54C'est que le bloc du centre s'est effondré, donc il est passé en dessous de 15%.
02:58Par rapport à la tripartition des dernières élections, la tripartition, c'est clairement le début de la fin de l'effondrement.
03:04Le bloc du centre s'effondre en dessous de 15%, ne peut plus être majoritaire.
03:08Et maintenant, il y a une union des droites qui est en train de se constituer autour du RN.
03:12Il y a une union des gauches et des écologistes qui est en train de se reconstituer.
03:15Et moi, je veux dire à tous les auditeurs de France Inter que le plus important à ce stade,
03:20c'est d'abord de se mobiliser, d'aller voter.
03:22Et que ceux qui disent que les jeux sont faits se trompent et vous trompent.
03:26C'est-à-dire qu'en vérité, on peut tout à fait avoir...
03:29En gros, vous avez le bloc RN qui est à 31%.
03:31Enfin, le RN fait 31%.
03:33Vous additionnez les parties de gauche, vous êtes à 32%, à 31%, un peu au-dessus du RN.
03:37Sauf que le RN a toujours fait au-dessus de son score aux européennes.
03:41Il a toujours été en dessous aux présidentielles et encore plus en dessous aux législatives.
03:45Il peut descendre vers 25%, personne ne sait très bien.
03:47Mais en tout cas, il y a tout à fait une possibilité que la gauche arrive en tête aux législatives.
03:52Donc, on est plutôt sur un processus de repolarisation droite-gauche avec un effondrement du centre.
03:59La situation est imprévisible avec les possibles triangulaires.
04:03Personne ne sait ce que tout ça peut donner à la sortie.
04:06Mais ce n'est pas simplement la confusion.
04:08Il y a quand même le bloc du centre qui s'effondre.
04:10On va quand même donner la parole à Brice Tinturier sur ce que vient de dire Thomas Piketty.
04:14Si vous reprenez ce qui s'est passé en 2022,
04:17on a eu 565 duels, 414 à l'époque avec la majorité présidentielle,
04:23principalement contre la NUPS de l'époque.
04:26A ce moment-là, la majorité avait obtenu 25,7% des suffrages au premier tour des législatives.
04:34Aujourd'hui, on aura une majorité présidentielle bien en dessous de ça.
04:38Conséquence mécanique, quel que soit le niveau de participation,
04:42vous aurez beaucoup moins de duels avec un représentant de la majorité.
04:46Ça, c'est le premier point. Vous en aviez 414.
04:49Vous aurez la gauche face au RRF.
04:50On prend la gauche.
04:51379 duels opposant la NUPS à un autre candidat en 2022.
04:57Elle avait fait, la NUPS, 25,7% des voix.
05:01Elle peut faire à peu près la même chose, un petit peu plus, un petit peu moins.
05:05Donc, globalement, elle devrait être très présente.
05:08Et vous prenez le RN.
05:09Le RN avait fait 18,7% et il était dans 202 duels au second tour.
05:15Bien évidemment qu'aujourd'hui, il va augmenter son score
05:19et du coup, il va augmenter mécaniquement sa présence au second tour
05:22parce que le mode de scrutin, c'est décisif.
05:25Qu'est-ce que ça veut dire tout ça ?
05:26Que vous allez avoir une présence massive du RN au second tour de ces élections
05:31et que du coup, vous aurez des affrontements avec une majorité diminuée
05:36et des affrontements où les électeurs qui ne seront pas représentés
05:40auront des choix très compliqués à faire.
05:42Quand vous serez un électeur de la majorité présidentielle
05:45qui ne sera pas représenté, il y en aura beaucoup plus que la dernière fois au second tour.
05:50Qu'est-ce que vous allez faire ?
05:51Vous allez voler au secours de la coalition avec la France Insoumise ?
05:54Jean-Luc Mélenchon sera repoussoir pour de nombreux de ces électeurs.
05:57Je finis juste le raisonnement s'il vous plaît.
05:59Quand vous serez au second tour et que ce sera justement un électeur RN
06:04opposé à un électeur Renaissance,
06:06que feront les électeurs de gauche volés au secours de la Macronie ?
06:09Certainement pas, après tout ce qui s'est passé sur les décisions
06:13prises par Emmanuel Macron en matière d'immigration ou des retraites.
06:16Donc c'est ça la configuration.
06:18Alors bien sûr, il peut y avoir des ajustements,
06:20il peut y avoir des taux de mobilisation qui vont augmenter
06:23parce que là, le RN est aux portes de Matignon.
06:25Donc ce n'est pas la même configuration.
06:27Mais la réalité, c'est quand même une baisse des duels avec la majorité
06:31et une augmentation massive de la présence RN.
06:33Il y a eu ce coup de tonnerre hier de l'annonce par Éric Ciotti
06:37d'un rapprochement avec le Rassemblement National.
06:40Avec ce rapprochement, Dominique Reynier,
06:42est-ce que le bloc de droite extrême est encore plus renforcé pour les législatives ?
06:48Et peut-être, c'est la question que je vous pose,
06:50en position de conquérir une majorité absolue.
06:53Sur l'affaire Éric Ciotti,
06:56c'est typiquement ça, Nicolas,
06:59qui fait qu'on doit être très prudent parce que ça s'est passé hier.
07:02Il y a beaucoup d'éléments de détail qui vont éclairer cette situation.
07:06Et aujourd'hui, ce que l'on voit,
07:09c'est qu'il est manifestement tout seul à faire ce choix.
07:13Il n'est pas suivi par la part principale des LR.
07:18Sur les électeurs, il faut voir.
07:21Je ne peux pas juger sur les électeurs puisqu'ils n'ont pas encore voté.
07:24Mais sur l'appareil, manifestement, il va plutôt être isolé.
07:29Mais de toute façon, ça reste le plan du RN
07:33d'absorber au maximum les électeurs des LR.
07:38Je ne sais pas s'ils y parviendront.
07:40Et là, cette crise est plutôt de nature,
07:43moi je ferais ce pari,
07:45à renforcer ce qu'il reste des LR autour d'un bloc,
07:49mais situé nulle part.
07:50C'est leur problème.
07:51Parce que s'ils ne choisissent pas le macronisme,
07:54et qu'ils ne choisissent pas le RN...
07:57C'est la question.
07:58Parce que les sénateurs LR tiennent bon.
08:01Gérard Larcher, Bruno Retailleau, Xavier Bertrand également,
08:05Laurent Wauquiez aussi.
08:07Mais que va-t-il rester de cette droite ?
08:09Après les législatives,
08:11est-ce qu'elle existera encore à l'Assemblée nationale ?
08:14Thomas Piketty, puis Brice Tinturier.
08:16Je pense qu'avec un RN qui est à 30%,
08:19mais déjà même quand il était à 20 ou 25%,
08:21l'union des droites se fait forcément autour du RN.
08:24Donc il faut s'habituer.
08:25Je ne dis pas que c'est une chose satisfaisante,
08:27et je comprends que Dominique Reynier préférerait
08:29une alliance de LR avec le bloc Macron,
08:32mais le bloc Macron tombant en dessous de 15%,
08:34l'union des droites, assez logiquement,
08:36se fait avec le RN...
08:38Non !
08:40Les auditeurs vous connaissent bien.
08:42Mais il se trouve que la réalité de la situation...
08:49D'ailleurs on voit le RN qui se déplace aussi vers LR
08:52autour d'un bloc plus libéral-national.
08:54C'est-à-dire qu'on voit que les propositions
08:56sur les retraites du RN sont remisées.
08:58Maintenant on parle de l'ordre dans le budget,
09:00l'ordre dans la rue.
09:02Donc il y a un programme de droite,
09:04mais qui est respectable.
09:06Je pense qu'on a besoin, dans une démocratie,
09:08d'un bloc de droite qui défend un programme
09:10libéral-national.
09:12Un bloc de gauche qui défend un programme plus
09:14social-internationaliste.
09:16Vous pouvez le décrire comme vous voulez.
09:18Je veux vraiment insister sur le fait qu'on a une structure
09:20des votes.
09:22On voit un déplacement du RN sur les questions économiques.
09:27Vous voyez que les promesses sur les retraites
09:29ont déjà été remisées.
09:30Vous savez, Jean-Marie Le Pen proposait de supprimer
09:32l'impôt sur le revenu.
09:33Marine Le Pen propose de supprimer l'impôt
09:35sur la fortune immobilière.
09:36Éric Ciotti proposait de supprimer les droits
09:38de succession.
09:39Quand on parle de l'ordre dans les finances,
09:41ça veut dire aussi des coupes
09:43de dépenses publiques.
09:44Le RN se rapproche de ça.
09:46Il n'a pas les moyens de financer
09:48un programme libéral.
09:50Quand on observe honnêtement
09:52le programme du RN,
09:54s'il y a un consensus, c'est que c'est un programme
09:56socialisant, ultra-dépensier,
09:58qui n'a rien de libéral.
10:00Sauf qu'il n'arrive pas à le financer,
10:02donc à un moment,
10:04c'est pour ça qu'il arrive à s'allier avec Éric Ciotti
10:06qui voulait supprimer...
10:08Mais attendez, Éric Ciotti, il faut quand même se rappeler
10:10qu'en 2022, tout le monde fait semblant
10:12d'être étonné. Mais en 2022,
10:14Éric Ciotti avait dit clairement qu'il
10:16voterait pour Éric Zemmour plutôt qu'Emmanuel Macron
10:18si la question se posait. Et ça ne l'avait pas du tout
10:20empêché d'être élu ensuite président
10:22des LR par les militants. Donc là, on s'étonne
10:24d'un seul coup en disant...
10:25On n'est pas étonné, ça fait un député.
10:27Oui, mais sauf qu'il a été élu par les militants.
10:29Brice Tinturier !
10:31Juste de sauter de Jean-Marie Le Pen à Marine Le Pen,
10:33il y a une constante, une cohérence
10:35et une constante, c'est l'opposition à la mondialisation
10:37libérale. Ça, on peut regarder
10:39tout ce que Jean-Marie Le Pen a dit,
10:41c'est une constante du RN.
10:43Maintenant, pour revenir à votre question sur l'avenir
10:45de la droite elle-même.
10:47Elle est sous pression
10:49et elle ne peut plus continuer à exister
10:51tel qu'elle a existé
10:53jusqu'à maintenant.
10:55Parce que pour le coup, il y avait
10:57très affaibli, mais malgré tout,
10:59une identité LR qui refusait
11:01de se fondre, à la fois dans le macronisme
11:03ou dans le Rassemblement National.
11:05Avec ce que fait Éric Ciotti,
11:07soit vous sortez Éric Ciotti des LR,
11:09soit ce sont les LR qui disparaissent.
11:11Mais de toute façon, vous ne pouvez
11:13plus continuer avec une marque LR
11:15en tant que telle, qui devra
11:17choisir, je rejoins tout à fait l'analyse de Dominique
11:19Reynier, qui devra choisir son
11:21incarnation et où elle veut habiter.
11:23Je ne sais pas, ça sera avec un Édouard Philippe
11:25ou un autre, ou pour une partie
11:27avec le RN, mais cette fois-ci, elle est
11:29obligée de choisir, elle ne peut plus rester
11:31sur cette position entre les deux.
11:33Le Rassemblement National qui arrive
11:35dimanche en tête dans
11:3793% des
11:39communes de France, quel est
11:41le moteur de ce vote selon vous
11:43Dominique Reynier ? C'est l'immigration,
11:45le pouvoir d'achat, l'opposition à Emmanuel
11:47Macron, c'est quoi d'après vous ?
11:49C'est une conjugaison de ces
11:51facteurs que vous listez
11:53à l'instant, Nicolas Demorand.
11:55Il est certain que
11:57la question de l'immigration
11:59est centrale dans les
12:01préoccupations, on le voit
12:03sans arrêt, et il est certain
12:05par ailleurs que cette question
12:07décidément n'est pas prise en charge
12:09par les gouvernements successifs,
12:11ni même d'ailleurs par Emmanuel Macron,
12:13dans des politiques publiques
12:15qui seraient tout à fait
12:17concevables du point de vue des électeurs
12:19modérés, donc il y a un manque,
12:21la sécurité c'est la même chose,
12:23mais il y a aussi
12:25d'une façon plus profonde
12:27qui vient de loin et qui prend
12:29de l'ampleur, une protestation
12:31contre
12:33les politiques qui se succèdent
12:35et qui ne parviennent pas
12:37à trouver des solutions, en tout cas
12:39au regard des électeurs
12:41et qui donc, on l'a bien vu
12:43après une série historique
12:45d'alternances droite et gauche,
12:47sont en train de passer
12:49peut-être l'étape du
12:51vote en même temps, et droite et gauche,
12:53sans y trouver davantage de satisfaction,
12:55alors qu'il y avait un élément positif pour eux
12:57qui était la remise en cause de ce clivage
12:59gauche-droite qui leur pose problème
13:01aux électeurs, enfin une bonne partie des électeurs.
13:03Et maintenant nous sommes dans, je dirais, la dernière étape
13:05qui est celle de l'interrogation sur le passage
13:07à la rupture électorale avec le RN.
13:09Thomas Piketty, dans le livre que je citais
13:11tout à l'heure, vous expliquez que le moteur
13:13du vote RN, ce ne sont pas les questions
13:15identitaires, mais
13:17la question économique,
13:19vous croyez que l'immigration
13:21est d'un cheveu derrière le pouvoir
13:23d'achat dans les motivations du vote
13:25RN en France, vous continuez
13:27à dire ça, que ça n'a rien à voir ?
13:29L'immigration compte bien sûr, mais il y a
13:31aussi et surtout un sentiment d'abandon
13:33notamment de territoires
13:35ruraux, de petites villes,
13:37il y a un clivage territorial qui s'est développé
13:39en France au cours des dernières décennies
13:41qui a atteint des proportions qu'on n'avait pas vues
13:43depuis la fin du XIXe siècle.
13:45C'est un des résultats de notre livre avec Julia Cagé,
13:47je pense qu'effectivement, pour comprendre la situation
13:49actuelle, il faut revenir sur ses fondamentaux
13:51raisonnés en termes de classe géosociale,
13:53voir pourquoi, dans les petites villes,
13:55ce sentiment d'abandon face
13:57aux services publics, face aux lignes de train
13:59qui ferment, face aux maternités qui ferment,
14:01aux difficultés pour se former
14:03parce que c'est beaucoup plus difficile d'accéder à l'université,
14:05d'accéder dans les UT.
14:07Vous mettez de côté la question
14:09de l'immigration. Il ne s'agit pas de la mettre
14:11complètement de côté, mais de dire qu'il y a d'abord un clivage
14:13social, économique qui est
14:15premier. Vous savez, si les électeurs
14:17étaient passionnés par les questions d'immigration
14:19et par ce que propose le RN, vous auriez
14:21des participations à 80-90%.
14:23Si vous êtes tombés à 50% de
14:25participation aux législatives,
14:27aux dernières législatives, c'est quand même parce que
14:29les électeurs veulent d'abord des réponses
14:31sur les questions d'accès au logement,
14:33d'accès au transport, d'accès à
14:35une maternité, d'accès à un IUT pour ses
14:37enfants, d'accès à un centre de santé.
14:39Et là-dessus, il y a un espoir du côté
14:41du RN, mais je dirais, les électeurs ne sont pas
14:43complètement dupes. C'est-à-dire que quand on s'allie
14:45justement avec Eric Ciotti qui veut supprimer
14:47250 000 postes de fonctionnaires,
14:49quand on s'allie avec des personnes qui
14:51veulent en fait faire la casse des services publics,
14:53qui veulent privatiser le service public
14:55de l'audiovisuel pour financer leurs dépenses
14:57en faisant des privatisations,
14:59mais qui sont incapables de mobiliser
15:01l'argent là où il y en a, parce qu'il y en a
15:03de l'argent. Et je pense que de ce point de vue-là,
15:05la gauche doit absolument se concentrer sur l'idée
15:07par exemple d'un ISF service public
15:09qui permette de financer
15:11un plan de réinvestissement dans
15:13les maternités, les IUT,
15:15les centres de santé, les lignes de train,
15:17parce que tout ça, ça se finance à un moment.
15:19Et donc on a besoin d'un informe
15:21en clair sur ces questions. On a
15:23des jeunes qui ont voté à 51%
15:25les 18-24 ans pour
15:27le bloc de gauche. C'est-à-dire que le bloc de gauche,
15:29dans votre enquête Ipsos, le montre très bien,
15:31le bloc de gauche est à 32%,
15:33mais chez les 18-24 ans, il est à 51%.
15:35Chez les 25-34 ans,
15:37il est à 38%, à nouveau très nettement
15:39devant le RN. Et ces
15:41groupes-là ne se sont peu mobilisés.
15:43Donc, ce que je veux dire, c'est que si on augmente
15:45la mobilisation sur ces groupes-là,
15:47l'équilibre peut vraiment changer dans deux semaines.
15:49Je reviens à votre question.
15:51Le moteur principal du Rassemblement National.
15:53Moi, je me tourne d'abord
15:55vers ce que nous en disent les électeurs du
15:57Rassemblement National. Il y a eu un bref
15:59moment où effectivement le pouvoir d'achat
16:01chez ces électeurs-là est arrivé
16:03au-dessus de l'immigration. Ce n'est plus
16:05le cas, ça a été un bref moment.
16:07Les électeurs du RN nous mettent l'immigration
16:09comme préoccupation principale
16:11et nous disent que cela a été
16:13le premier levier de leur vote.
16:1579% de citations chez ces électeurs
16:17pour l'immigration, 61%
16:19pour le pouvoir d'achat. Après,
16:21je pense véritablement que c'est
16:23le moteur principal. Ensuite,
16:25qu'il y ait bien évidemment, là je vous rejoins
16:27toute une série derrière ce moteur-là,
16:29d'autres raisons. Les services publics,
16:31le déclassement social, l'absence
16:33de perspectives de mobilité,
16:35les questions de pouvoir d'achat, bien évidemment,
16:37tout cela joue. Le sentiment
16:39d'abandon, les territoires, c'est
16:41vraiment ce qui se joue aussi au niveau des services
16:43publics. Mais je crois qu'on ne peut pas
16:45sérieusement considérer que les questions
16:47identitaires avec la question de l'immigration
16:49ne sont pas un moteur essentiel du RN.
16:51Ce que vous dites n'est pas contradictoire.
16:53C'est la hiérarchie.
16:55Les électeurs RN
16:57ne font pas confiance au RN
16:59sur les questions sociales et économiques.
17:01Il n'y a que sur une loi immigration.
17:03Mais en même temps, s'il vous plaît,
17:05Dominique Reynier, un mot.
17:07S'il vous plaît messieurs, Dominique Reynier,
17:09un mot et puis on va au standard.
17:11Un mot peut-être à un porte-pièce, mais si
17:13on peut faire une prévision, moi je la fais ici,
17:15si la gauche n'a pas
17:17de proposition à faire sur la régulation
17:19de l'immigration et l'intégration
17:21des arrivants, qui sont des demandes
17:23simples, elle se fera
17:25laminer. On le verra en juin.
17:27Si vous n'avez pas un discours, puisque vous parlez
17:29quand même de l'aspect
17:31programmatique de la gauche, si vous n'avez pas
17:33de réponse là-dessus, la gauche sera
17:35laminée. Regardez la gauche,
17:37ce qu'elle fait aujourd'hui au sein de la classe ouvrière.
17:39Il n'y a plus de gauche au sein de la classe ouvrière.
17:41C'est une anomalie, vous le savez.
17:43Si elle n'est pas surmontée, il n'y aura pas
17:45de victoire de la gauche, ni même de
17:47possibilité de rêver à la victoire.
17:49Il faut quand même rappeler dans l'enquête,
17:51si vous prenez les électeurs
17:53qui ont les plus bas revenus dans
17:55votre enquête, donc en dessous de 1250 euros de revenus,
17:57la gauche est très devant.
17:5938% des voix contre 32% pour le
18:01RN. Vous pouvez dire que la classe populaire, ça n'a rien
18:03à voir avec le niveau de revenu, mais la vérité
18:05c'est que si vous prenez des employés qui ont
18:07des emplois émiettés, des petites
18:09horaires de travail, qui travaillent dans des conditions très
18:11difficiles, les plus bas revenus...
18:13Je parle de l'immigration. Oui, mais sur la question des classes
18:15populaires, la gauche, sur cette
18:17élection, comme sur les précédentes, vous prenez
18:19les plus bas revenus, la gauche n'est absolument
18:21pas laminée par le RN. Et la gauche est ultra
18:23majoritaire chez les plus jeunes. Et ça, c'est quelque
18:25chose quand même d'important quand on essaye de se projeter
18:27dans l'avenir. On passe au standard
18:29inter où Aurélien a une question simple
18:31à nous poser. Bonjour Aurélien.
18:33Oui, bonjour. J'ai une question très simple.
18:35Est-ce que l'union des gauches
18:37peut l'emporter face au
18:39RN
18:41pour sauver la République à l'image
18:43du Front populaire de 1936 ?
18:45Merci Aurélien. Mathématiquement,
18:47est-ce possible ?
18:49Je me tourne vers Brice Tinturier.
18:51Que l'union des gauches l'emporte ?
18:53Oui, c'est ça.
18:55Ecoutez, ça semble quand même
18:57extraordinairement compliqué. On ne peut pas
18:59faire l'hypothèse
19:01que tout serait joué avant même le vote.
19:03Mais aujourd'hui,
19:05sur la base, encore une fois, des résultats
19:07des européennes, des rapports de force
19:09et de la mécanique du mode
19:11de scrutin, la probabilité
19:13la plus forte, c'est que ce soit le RN
19:15qui arrive en tête.
19:17Je rappelle quand même qu'il est beaucoup plus souvent
19:19en tête à plus de 40%
19:21dans des circonscriptions que
19:23le bloc de gauche. Donc il faudrait un sursaut
19:25de remobilisation de la gauche
19:27extrêmement fort pour arriver
19:29à contrecarrer cela. Je ne sais pas si ça fera
19:31une majorité absolue ou une majorité relative
19:33pour le Rassemblement national.
19:35Ça, franchement, il y a encore beaucoup d'inconnus.
19:37Mais la dynamique peut avoir le groupe
19:39parlementaire le plus important pour une raison
19:41simple qui est que le score
19:43obtenu aux européennes est grosso modo le même entre
19:45le bloc de gauche 32% et le RN à 31%.
19:47Même la gauche est légèrement devant.
19:49Sauf qu'au moment de choisir dans une circonscription
19:51face à des candidats législatifs, le RN
19:53a toujours été nettement en dessous
19:55de son score. Alors après, ça dépendra
19:57de la mobilisation. Mais je pense que
19:59oui, la gauche peut parfaitement arriver en tête.
20:01Avoir une majorité absolue, c'est sans doute difficile.
20:03Mais avoir une majorité relative
20:05et être devant le groupe
20:07RN, ça, c'est parfaitement possible.
20:09Ça dépend beaucoup de la mobilisation
20:11qui va avoir lieu.
20:13Vous avez raison. Et de la crainte qu'il pourrait y avoir
20:15parce que là, la configuration différente...
20:17Est-ce que les électeurs renaissance,
20:19au moment de choisir au deuxième tour,
20:21certains choisiront peut-être le RN.
20:23Certains choisiront de rester chez eux.
20:25Mais je pense que beaucoup choisiront la gauche
20:27parce que finalement, par rapport au RN,
20:29c'est quand même peut-être un peu moins inquiétant.
20:31Stéphano Standard, bonjour, bienvenue.
20:33Oui, bonjour à tout le monde.
20:35Bonjour.
20:37J'ai une question pour M. Bichetti.
20:39Nous avons déjà plusieurs,
20:41quelques exemples de gouvernements
20:43démocratiques qui sont à extrême droite.
20:45L'exemple le plus important,
20:47c'est l'Italie, depuis deux ans.
20:49Est-ce que nous avons déjà
20:51des études disponibles
20:53sur l'effet de ces gouvernements
20:55sur les inégalités économiques et sociales ?
20:57Merci pour cette question,
20:59Thomas Pichetti. Rapidement, s'il vous plaît.
21:01Le problème, c'est que souvent, les gouvernements
21:03d'extrême droite, on l'a vu en Italie,
21:05on l'a vu avec Trump, en fait, ils promettent du social
21:07et puis on les voit supprimer
21:09des financements
21:11pour les politiques sociales.
21:13Et en fait, ça conduit plutôt à une réaugmentation
21:15des inégalités. Donc, il y a une espèce
21:17d'esbroufe sur le social, où on prétend
21:19qu'on va financer, par exemple,
21:21des services publics, sauf qu'on ne met pas de financement
21:23en face et on dit qu'on va réussir
21:25à trouver les milliards en s'en prenant
21:27aux plus pauvres, aux immigrés, sauf que les milliards,
21:29ils ne sont pas là. Donc, à la fin des fins, les résultats
21:31sociaux ne sont pas à la hauteur et les électeurs
21:33sont souvent très déçus. Une dernière question,
21:35une chambre sans majorité,
21:37aucune, possible,
21:39probable, Dominique Reynier.
21:41En tout cas, Nicolas, moi,
21:43je fais l'hypothèse que c'est l'objectif
21:45du RN que de ne pas
21:47gagner la majorité
21:49aux élections législatives.
21:51Je suis persuadé que Marine Le Pen ne veut
21:53absolument pas
21:55se trouver impliquée dans la responsabilité
21:57du pouvoir qui, trois ans
21:59avant l'élection présidentielle, lui assurerait
22:01une défaite en race
22:03campagne. Donc, l'idée, c'est
22:05plutôt de faire en sorte qu'il n'y ait pas de majorité,
22:07de provoquer une forme de crise de régime
22:09en appelant la démission du chef de l'État
22:11à la suite de cette situation. Même question, Brice
22:13Saint-Urier. L'hypothèse qu'effectivement
22:15on n'ait que des majorités relatives
22:17et qu'il n'y ait pas de solution
22:19permettant une mécanique
22:21claire et forte
22:23sur le vote de loi, elle est tout à fait possible.
22:25Et à ce moment-là, on aura rajouté
22:27de la crise à la crise actuelle,
22:29de la confusion à la clarification qui était envisagée.
22:31Thomas Piketty, d'un mot, s'il vous plaît.
22:33Le plus simple aurait été que les macronistes
22:35gouvernent avec LR parce qu'ils ont une majorité,
22:37ils ont un programme commun, un socle
22:39d'idéologie commun et ils ne l'ont pas fait
22:41parce que je pense que les macronistes ont refusé
22:43de s'assumer complètement à droite en faisant qu'une
22:45coalition claire avec LR. Sans doute LR
22:47aussi, il y a une tentation d'aller plus vers l'ERN
22:49qu'on voit aujourd'hui, notamment chez les électeurs.
22:51Donc on a plutôt cette union
22:53des droites qui se reconstitue, une union
22:55des gauches de l'autre côté, mais sans doute aucune des deux n'aura
22:57la majorité absolue, d'où effectivement
22:59une grande instabilité à venir. Mais en attendant,
23:01il faut voter.
23:02Merci à tous les trois, Thomas Piketty,
23:04Dominique Reynier, Brice Saint-Urier
23:06d'avoir été au micro d'inter.

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