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Pour Thibault Fouillet, expert en stratégie militaire, l’Ukraine et la Russie se préparent à une guerre longue et l’assistance militaire internationale sera « déterminante ».

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Transcription
00:00 C'est la capacité à durée qui, finalement, va être la plus déterminante.
00:03 On est dans un moment charnière, un point de bascule,
00:09 parce que là, c'est une contre-offensive qu'on appelle du fort au fort.
00:12 Il y a une concentration de moyens offensifs, les moyens ukrainiens,
00:20 mais qui font face à une zone fortement défendue,
00:23 donc avec des moyens défensifs importants du côté russe.
00:26 Donc, c'est une offensive qui prend plus de temps.
00:27 Il faut déjà, dans un premier temps, c'est ce que les Ukrainiens avaient fait
00:30 dès avril-mai, préparer le terrain, frapper dans la profondeur
00:33 les dépôts logistiques, etc.
00:34 Ensuite, on avait une deuxième phase.
00:35 Il faut s'infiltrer, percer les premières zones des lignes défensives.
00:39 On en arrive à ce point là, c'est à dire qu'on a créé une brèche.
00:42 C'est bien, mais ça doit être un point de bascule, un point de bascule.
00:45 Pourquoi? Parce que du côté ukrainien, pour qu'il y ait un vrai succès,
00:47 il faut exploiter cette brèche.
00:49 Elle ne suffit pas en elle-même.
00:50 Donc maintenant, il faut progresser dans la profondeur,
00:52 faire tomber les prochaines lignes défensives.
00:54 À l'inverse, côté russe, il faut endiguer cette brèche
00:57 pour faire en sorte que le gain reste minime et qu'on en reste là
01:00 et qu'en fait, il se passe un barcoût à l'envers.
01:02 C'est à dire on a eu une avancée tactique limitée,
01:04 mais elle n'a pas pu être exploitée.
01:05 Oui, indubitablement, on se dirige vers une guerre longue.
01:11 En tout cas, ça a toutes les caractéristiques d'une guerre longue.
01:14 C'est à dire que même quand on a une offensive ou une contre offensive
01:17 qui semble produire des effets, agir en surprise,
01:20 comme ça avait été le cas à Kharkiv,
01:21 où il va y avoir des effets symboliques importants,
01:23 faire reculer le front russe, prendre une ville comme Kherson.
01:26 On voit bien que ça ne fait pas s'effondrer l'adversaire.
01:28 On est plutôt dans une guerre de long cours, d'attrition,
01:30 où c'est l'alternance de mouvements offensifs et défensifs
01:33 et surtout l'épuisement physique et matériel des belligérants
01:36 qui va amener la décision.
01:37 Donc ça a toutes les caractéristiques d'une guerre longue.
01:39 Et d'ailleurs, ne nous y trompons pas,
01:41 dans le discours même des deux belligérants,
01:43 on a eu un changement de paradigme.
01:45 Dans les premiers temps, la Russie parlait d'offensive
01:48 ou de la grande offensive qui devait, par exemple,
01:50 pour la première offensive à l'est vers Sévéro-Donais,
01:53 amener à la reconquête du Donbass, terminer la guerre, etc.
01:56 Aujourd'hui, on n'est plus du tout là dedans.
01:57 On parle vraiment de la temporalité actuelle.
02:00 On dit gué d'un côté l'offensive ukrainienne,
02:03 de l'autre côté exploiter la percée,
02:04 mais aucun des deux camps ne parle d'une action décisive.
02:07 Et c'est tout à fait normal,
02:09 puisqu'on n'est pas du tout dans ces caractéristiques-là.
02:10 On est bien dans une caractéristique de guerre longue
02:13 où c'est la capacité à durer qui, finalement,
02:15 va être la plus déterminante.
02:16 [Musique]
02:21 Alors, l'adaptation, elle s'est faite différemment
02:24 des deux côtés dans un premier temps,
02:25 puisque les Ukrainiens, quand on regarde leur doctrine
02:27 qui avait évolué entre 2016 et 2021,
02:30 leur remontée en puissance,
02:31 c'était construit sur l'acceptation d'une guerre longue,
02:33 puisque eux, ils voulaient, ce qui finalement s'est passé,
02:36 en cas d'invasion russe,
02:37 arriver à la stopper et faire passer les Russes
02:39 dans une guerre d'attrition,
02:41 donc dans une guerre de long cours pour les épuiser,
02:43 pour éviter justement que par un coup unique,
02:45 comme l'opération spéciale était pensée à l'origine,
02:47 eh bien, ils puissent tomber.
02:49 Ce qui explique très tôt la mobilisation générale,
02:51 la mobilisation de la société civile.
02:53 À l'inverse, les Russes étaient plutôt partis
02:54 pour une guerre courte,
02:55 ce qui explique les défaillances logistiques
02:57 des premiers temps, etc.
02:58 Mais passé ce choc-là, mois après mois,
03:00 finalement, la situation s'égalise.
03:02 C'est-à-dire que bien entendu,
03:03 que les Ukrainiens avaient prévu
03:04 mobilisation de l'assistance militaire occidentale,
03:07 mobilisation de la société civile, etc.
03:09 Mais ça épuise, dans tous les cas,
03:11 les hommes et les matériels.
03:12 La Russie, elle, a agi en réaction,
03:14 mais avec la mobilisation partielle,
03:16 le recours aux stocks soviétiques
03:18 et aussi une externalisation
03:19 avec l'assistance militaire internationale iranienne,
03:22 nord-coréenne et autres.
03:24 Eh bien, finalement, on a une égalisation progressive.
03:26 Et là, aujourd'hui, on est rentré dans cette logique-là
03:28 où, après ce choc et cette différence
03:30 d'adaptation initiale aujourd'hui,
03:31 eh bien, c'est mobiliser des hommes,
03:34 du matériel, arriver à régénérer les forces.
03:36 Et donc, ce qui est déterminant aujourd'hui
03:38 des deux côtés, au-delà des forces morales
03:39 et de la capacité à durer,
03:40 c'est vraiment cette assistance militaire internationale
03:43 qui est de plus en plus importante pour les Russes.
03:46 Ils ne l'ont pas eue dans un premier temps
03:47 parce qu'ils avaient beaucoup plus de stocks
03:48 et parce que la communauté internationale
03:50 était moins mobilisée en leur faveur.
03:52 Ça a été plus par des contrats,
03:53 par exemple pour l'aide iranienne,
03:55 moins visibles.
03:56 Les Ukrainiens, c'était dans leur stratégie,
03:57 c'était plus visible,
03:58 mais maintenant, c'est vraiment cette capacité à durer
04:00 et le point névralgique,
04:01 au-delà de la mobilisation des hommes,
04:03 de l'utilisation des matériels,
04:04 c'est bien cette externalisation
04:06 et cette fourniture constante de moyens.
04:08 [Musique]
04:13 On peut dire qu'elle est à la hauteur pour deux raisons.
04:15 Parce qu'elle n'a pas cessé,
04:16 malgré plus d'un an et demi de conflit.
04:18 Parce qu'elle s'est aussi adaptée
04:20 aux besoins des Ukrainiens.
04:21 Et malgré les frilosités initiales,
04:23 les gaps ont progressivement été franchis
04:25 les uns avec les autres.
04:26 Le problème maintenant,
04:27 c'est qu'il n'y a pas d'essoufflement.
04:29 Et ça, c'est très important de le constater
04:30 puisqu'on parlait beaucoup avant ce conflit
04:32 de la frilosité européenne,
04:34 du manque de volonté européenne
04:35 ou occidentale au sens large.
04:36 Ce n'est pas le cas, la volonté,
04:38 elle est toujours là,
04:38 elle est toujours affermie,
04:40 que ce soit du côté américain
04:41 ou du côté européen pour le moment.
04:44 La problématique, c'est plutôt un essoufflement
04:46 qui est nécessairement quantitatif.
04:48 Ça ne va pas être en type de matériel.
04:50 On voit qu'après, les systèmes d'artillerie,
04:51 ça a été les chars.
04:52 Ensuite, après les chars,
04:53 maintenant, c'est les avions.
04:54 Le problème, c'est plutôt le quantitatif
04:55 dans la durée.
04:56 Le qualitatif, il a l'air de se faire progressivement,
04:58 mais c'est forcément qu'on a moins de stock.
05:00 Et puis, tout ce que vous donnez,
05:01 eh bien, vous ne l'avez plus.
05:02 C'est logique.
05:03 Mais puisque vous ne pouvez pas le reproduire,
05:05 puisque les industries d'armement
05:06 ont besoin de remonter en puissance
05:07 et n'étaient plus adaptées à ce type de volume,
05:09 vous ne pouvez pas le produire en même quantité.
05:11 Donc, en fait, si l'essoufflement, il y a,
05:13 il sera quantitatif du fait,
05:15 eh bien, des problématiques de production industrielle
05:17 plutôt que politique ou dans la volonté d'aider.
05:20 [Musique]

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