À CONTRE COURANT - Vente à perte de l'essence: "On a pas de pétrole, mais on a un gouvernement qui a des idées idiotes"

  • l’année dernière
Le ministre de l'Economie et des Finances a indiqué que le texte de loi autorisant la vente du carburant "à perte" serait examiné à l'Assemblée nationale dès le mois prochain.
Transcript
00:00 - Bon, chef, est très heureux de vous accueillir pour parler à nouveau de ce fléau des prix de l'essence qui ne cesse d'augmenter.
00:08 Alors, vous revenez sur l'autorisation de la vente à perte pour les carburants.
00:12 C'est la dernière idée du gouvernement pour essayer de freiner l'augmentation des prix de l'essence.
00:16 - Mais de quoi se mêle le gouvernement, Bruce ?
00:19 Quelle drôle d'idée d'essayer de peser sur un marché mondial.
00:23 C'était une idée très dangereuse.
00:26 - D'abord très dangereuse parce que c'est l'exemple de la fausse bonne idée dans le système capitaliste.
00:30 Quand on crée une entreprise, c'est pour soit gagner de l'argent, soit ne pas en perdre.
00:35 Si vous vendez un produit moins cher que vous l'avez acheté, d'abord, vous ne pourrez pas payer vos salariés.
00:40 Puis ensuite, vous allez mettre la clé sous la porte.
00:43 Ou alors vous prenez l'argent ailleurs.
00:44 C'est ce que vont faire sans doute la grande distribution.
00:46 Vous faites un produit d'appel pour attirer les gens dans vos stations de service, mais derrière, vous augmentez un peu le prix des autres produits pour compenser.
00:53 Et puis pour les petites stations de service, il n'y aura pas d'autre solution que de mettre la clé sous la porte.
00:58 Parce que si elle ne s'aligne pas, il n'y aura plus de clients.
01:01 Donc à terme, ça voudra dire quoi ?
01:02 Un marché où il y aura moins de concurrence, moins de stations de service et des prix plus hauts pour tout le monde.
01:06 Par exemple, vous savez, Total Energy avec le plafond à 99,
01:10 en train de prendre plein de parts de marché sur ses concurrents.
01:13 Attention donc au retour de bâton.
01:15 - Vous disiez aussi que c'est une idée hypocrite.
01:17 Qu'est-ce que vous voulez dire par là ?
01:18 - C'est une immense hypocrisie.
01:20 C'est-à-dire que déjà, quand vous regardez le prix de l'essence, quand vous achetez votre essence...
01:23 Allez, j'ai pris un exemple, 1,93 euros.
01:25 Le gouvernement prend directement la moitié de cette somme.
01:28 Entre la TICPE, la TVA...
01:30 La TVA sur la TICPE, c'est un jackpot pour l'État, entre 40 et 50 milliards d'euros par an.
01:36 Donc si l'essence est chère, c'est d'abord parce que les impôts et les taxes sont élevés.
01:42 - Et vous disiez aussi que c'est démagogique.
01:44 - C'est démagogique parce que c'est une idée extrêmement dangereuse sur le plan déjà écologique.
01:50 Vous vous rendez compte, c'est très hypocrite, c'est criminel.
01:52 La planète brûle, vous le savez.
01:54 Elle brûle parce qu'on consomme des hydrocarbures.
01:57 L'État nous le rappelle tous les jours.
01:59 Il va même présenter aujourd'hui le plan de la transition écologique du gouvernement.
02:04 Il faut décarboner l'économie.
02:06 Il faut arrêter de consommer du pétrole.
02:08 Je ne le leçons à personne.
02:09 On peut avoir besoin de prendre sa voiture.
02:10 Chacun prend ses responsabilités.
02:12 Chacun fait comme il peut.
02:14 Si on peut ou pas, s'acheter une voiture électrique, comme on avait parlé ici.
02:16 Mais l'État, lui, est responsable.
02:18 Il est responsable de dire qu'il faudra de toute façon, un jour ou l'autre, payer le pétrole plus cher.
02:23 S'il veut aider les ménages les plus modestes, c'est son rôle, pas de souci.
02:27 Il peut faire un chèque carburant pour les ménages les plus modestes.
02:31 Mais inciter les stations de service à tricher sur le prix de l'essence et à baisser artificiellement les prix,
02:37 oui, c'est vraiment criminel.
02:39 Et puis, il ne va pas aider d'ailleurs les gens qu'on veut aider.
02:40 Ce n'est pas vrai.
02:41 Les gens qui vont le plus bénéficier de cette ristourne, ce sont, un, ceux qui roulent le moins,
02:46 qui auront le temps d'aller trouver la station de service la moins chère.
02:49 Et puis, vous savez que les ménages les plus modestes consomment deux fois moins d'essence par an que les ménages les plus aisés.
02:55 Donc, c'est la fausse bonne idée, la fausse solution bien démagogique.
03:00 Vous savez, il y a des décennies, on disait en France, on n'a pas de pétrole, mais on a des idées.
03:04 Aujourd'hui, on peut dire, on n'a pas de pétrole, mais on a un gouvernement qui a des idées idiotes.
03:08 – Ah, carrément ? – Oui.
03:10 – C'est intéressant de vous entendre, parce qu'effectivement, tout cela est parfaitement clair dans ce que vous décrivez.
03:15 Mais vous comprenez aussi, Christophe, si vous me permettez de vous le dire,
03:18 qu'avec votre raisonnement, il va falloir accepter bientôt l'essence à 3 euros.
03:24 – Oui. – On y va.
03:25 – Mais vous pouvez… – Et pourquoi pas 4 ? Et pourquoi pas 5 ?
03:28 – Il faut se passer du pétrole.
03:29 Donc, de toute façon, la tendance, peut-être qu'on peut tricher un an ou deux en France,
03:32 mais la tendance, c'est qu'on va se passer du pétrole, que le pétrole va coûter de plus en plus cher.
03:36 Si vous voulez aider les ménages les plus modestes, c'est le rôle de l'État.
03:38 Vous pouvez effectivement faire des chèques d'essence de plus en plus élevés
03:42 pour aller 5 ou 10% des ménages les plus modestes, mais là, vous arrosez tout le monde.
03:46 Tout le monde va bénéficier des promos des supermarchés
03:51 qui seront de toute façon répercutés sur les autres prix.
03:54 Pourquoi l'État fait ça ? Parce qu'il n'a plus d'argent, les déficits sont très élevés,
03:59 la dette est colossale et donc, effectivement, les chèques,
04:02 la subvention du pétrole, 30 centimes par litre qui a eu, ça a coûté, vous le savez,
04:06 40 milliards au budget de l'État, on ne peut plus.
04:08 Donc, en fait, il va artificiellement faire baisser les prix, il envoie un mauvais signal,
04:12 il faut consommer moins d'essence et en tout cas il ne faut pas arroser largement comme on le fait.

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