Retrouvez Nouvelles têtes présenté par Mathilde Serrell sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/nouvelles-tetes
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00:00 place aux nouvelles têtes Mathilde ce matin dans notre studio, une comédienne, metteuse
00:04 en scène qui est venue avec ses fantômes. Portrait sonore !
00:07 Si elle était un chant, ce serait plutôt celui des cigales. Dans le village de Guisarg,
00:13 près de Montpellier où elle a grandi, 500 habitants, des vignes et une mairie et puis
00:17 un jour, des pyramides !
00:18 * Extrait * Dalida en cléopâtre couverte de strass avec un gros diadème, la pochette du CD Best of l'Obscède ! C'est quand même dingue, personne dans cette famille n'a pensé à l'emmener voir un de ses concerts ! Finalement, c'est sa soeur qui lui balance l'info, Dalida est morte depuis longtemps. A 11 ans, elle fait de la danse depuis ses 4 ans mais rêve d'une autre vie scénique, beaucoup plus forêt-dansée.
00:48 * Extrait * Dans sa région, elle fait même les premières parties des humoristes qui ont la cote. 2 ans de stand-up, elle n'a que 14 ans et elle s'arrête d'un coup à 16 quand son corps de femme vient troubler son humour de gamine.
01:02 * Extrait *
01:15 En boule ! Si elle était une chanson, ce serait ce tube 80's de Corinne Charby. Elle est née en 1992 mais elle chérit cette époque qu'elle n'a pas pu connaître. Comme cette femme qu'elle n'a pas connue et qui va tout changer pour elle.
01:26 * Extrait *
01:39 Comme dans "Paudan", l'actrice Delphine Sérig, disparue en 1990, vient lui prodiguer ses conseils. Elle devient l'ami, la guide imaginaire d'une carrière d'actrice qu'elle s'autorise enfin.
01:51 A 31 ans, elle enchaîne les rôles pour les autres et reprend son propre spectacle, discussion avec des S, écrit et mis en scène en compagnie de son inséparable fantôme, Raphaël Rousseau.
02:01 Bonjour ! Ça vous va ? Vous avez des retouches à faire ?
02:04 Non, je suis hyper émue. C'est bizarre parce qu'on a souvent l'habitude de se raconter mais de s'entendre être racontée, c'est très très émouvant.
02:11 Et Dalida, ça devait être un choc quand même.
02:14 Oui, quand on y pense. C'était l'apprentissage du deuil.
02:16 Delphine Sérig, c'est la fée dans "Paudan". Je le disais, la monte expérimentée de bézé volée, la femme domestique qui se détraque dans Jeanne Dillman. Mais vous, vous la rencontrez par le biais des interviews sur le métier d'actrice. Qu'est-ce qu'elle déclenche en vous ?
02:28 En fait, c'était une période où j'allais commencer mon parcours d'actrice et je me posais des questions sur la position d'une actrice et de femme dans ce métier.
02:37 Et je crois qu'elle apportait les réponses dont j'avais besoin. C'est-à-dire qu'elle m'aidait à me placer moi en tant qu'actrice, en tant que sujet.
02:45 Et de m'en sentir pas moins une actrice et d'en finir avec l'image de la surface de projection et de se positionner comme une actrice pensante et sujet.
02:55 Et là, d'un coup, je me suis dit "D'accord, je peux faire ça. Je ne suis pas obligée de rester la toile vierge que j'imagine devoir être".
03:04 Et c'est cette projection qui vous empêchait d'accéder à la scène ? Parce qu'entre la fin de votre carrière de stand-up et la reprise de la carrière de comédienne, il y a 10 ans qui s'écoule.
03:12 Là, j'ai fait des études complètement différentes. Et c'est surtout qu'il y a eu une sorte d'événement qui a mis fin au stand-up.
03:21 C'était ce moment où on m'a dit que mon humour de gamine ne fonctionnait plus avec mon corps de femme. Il y avait un horizon d'attente qui avait changé.
03:30 Et il y avait comme une fracture entre les deux. J'étais restée la gamine à l'intérieur et je ressemblais à une femme. Donc ça ne me faisait plus rire.
03:37 Et ça d'un coup, c'était assez violent et j'ai mis fin. Je ne suis plus montée sur scène pendant un petit moment.
03:44 Puis j'en ai profité pour faire mes études et c'est revenu après. Ça m'a rattrapée.
03:48 Je précise que vous avez fait notamment une thèse sur les rapports entre Marivaux et Secret Story.
03:52 Un mémoire !
03:54 On a très envie de le lire, pardon. Je m'affole mais je sens que c'est bien.
03:57 Muriel Robin l'a en témoigné encore samedi soir dans l'émission. Déjà, quelle époque c'est être actrice aujourd'hui ?
04:03 C'est être calqué sur des apparences. C'est ce qu'on projette sur vous.
04:08 Et si vous n'êtes pas une bonne surface de projection, on ne vous propose rien. C'est toujours le cas.
04:14 Je ne crois pas parce que maintenant, justement, on apprend nous-mêmes à se donner les rôles qu'on veut, à travailler.
04:26 Delphine était pionnière là-dedans. Elle avait bien conscience qu'elle avait reçu par Marianne Badd, de Alain René,
04:34 cette image de grande dame, vamp, éthérée, etc. qu'elle a travaillée, dont elle était l'auteur.
04:39 Elle s'est à la fois départie, elle a travaillé à s'en départir. Donc en fait, on est assez maître de ça, je pense, maintenant.
04:47 Rétrospective, biographie, archive en boucle sur les réseaux sociaux. On peut le dire, il y a une Delphine Sérigmania en ce moment.
04:55 Peut-être justement parce qu'elle donne des armes à des comédiennes et des femmes aussi.
05:00 Aujourd'hui, vous avez un conseil de Delphine Sérig que vous retenez particulièrement.
05:04 Elle dit "c'est peut-être ça, adulte, ne plus avoir peur de ses fantômes".
05:08 C'est peut-être ça, devenir adulte, ne plus avoir peur de ses fantômes. Ça, c'est une réplique de la pièce.
05:12 Et moi, je crois que c'est ça, c'est plutôt l'idée de ce spectacle. Au fond, c'est simplement accueillir ses fantômes pour mieux s'en libérer.
05:19 Moi, c'est ce que je fais avec ce spectacle. J'avais besoin de commencer ma vie d'actrice avec mon modèle.
05:24 Mais à un moment, les modèles, il faut les tuer aussi. Et c'est ça, c'est accueillir ses fantômes pour qu'ils nous fichent enfin la paix.
05:31 Être comédienne, c'est être en lien avec ceux qui ne sont pas là. Vous dites vous, vous vivez essentiellement le métier de comédienne
05:38 comme celui presque de médium de séance de spéritisme.
05:42 Non, mais je crois que le théâtre, c'est un endroit où on maintient le passage entre les deux mondes, entre les morts et les vivants.
05:49 Il y a cette dimension-là de parler aux absents au théâtre. Je crois que ça fait partie des raisons pour lesquelles je fais ce métier.
05:59 Et vous aimez beaucoup le livre de Delphine Horviller dont on a parlé avec Yvie, elle aussi avec ses mots.
06:03 Pour conclure cette rencontre, c'est sujet libre. Raphaël Rousseau, vous avez l'antenne pendant une minute et évidemment, vous êtes Delphine Sérig.
06:11 Alors, on va encore se dire Delphine Sérig, cette militante féministe enragée ou je ne sais encore quelles idioties.
06:17 Or, ce n'est pas ça. Pour ma part, c'est très égoïste comme combat et je n'ai pas peur de le dire.
06:21 Et d'ailleurs, je ne suis pas une militante, je déteste le militantisme. Je trouve qu'il y a le mot militaire dedans.
06:27 Et cela signifie qu'on se donne pour une cause où on n'est pas partie présente et je trouve ça louche comme dévouement.
06:31 Je m'en méfie horriblement. Et c'est pareil, je n'ai jamais prétendu sur la fin de ma carrière vouloir tourner uniquement avec des femmes
06:37 par pur amour du combat féministe. C'est totalement faux. J'ai simplement expliqué aux médias que j'y trouvais une paix intérieure dans mon travail.
06:43 Se tourner avec des réalisatrices comme Chantal ou Marguerite, Chantal Ackerman ou Marguerite Therese par exemple,
06:47 c'était une manière pour moi d'échapper aux rapports de fleurs qui sont, je crois, inhérents aux rapports entre actrice et réalisateur.
06:53 J'étais beaucoup plus sereine dans mon travail. J'avais l'impression d'être libre dans le ton de ma voix, dans mon comportement physique.
06:58 Je peux les embrasser, je ne sens pas immédiatement que je suis une provocation. Il y a quelque chose qui se dégèle en moi.
07:04 Je sens comme un rapport de sécurité et d'humour aussi. La féminité étant un masque ou une armure, une protection,
07:10 il m'est plus facile de me désarmer devant une femme que devant un homme. Je n'ai pas besoin d'armure devant une femme.
07:16 Merci beaucoup. Et Delphine Seyrig et Raphaël Rousseau dans le même corps ce matin du 20 septembre au 7 octobre au Théâtre de la Bastille.
07:24 Discussion avec DS. Merci.
07:27 Merci Mathilde.