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Retrouvez Nouvelles têtes présenté par Mathilde Serrell sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/nouvelles-tetes

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Transcription
00:00 matin le coup de génie de cette rentrée littéraire !
00:02 Si elle était un rire, ce serait celui de Mozart dans le film « Amadeus » de Miloš Forman.
00:16 Un mélange de légèreté et de puissance qui défie les normes puis s'envole dans
00:20 une hilarité d'enfant.
00:21 On l'a diagnostiqué surdoué, à 6 ans aujourd'hui on dirait HPI mais on ne tomberait pas forcément
00:27 plus juste.
00:28 Est-ce que comme Isor, l'héroïne de son premier roman, elle sent que ce qui l'entoure
00:33 est trop étroit pour accueillir ce qui la brûle elle ?
00:37 Si elle avait été un cri, ça aurait été un rugissement.
00:42 Sa première vocation, être dresseuse de fauves.
00:44 Et ce au moins jusqu'en troisième avant de vouloir inventer, je cite, « la machine
00:49 à aller au fond des êtres ».
00:50 C'est l'univers de Zao Desagazan, sa tristesse qui éclate, sa symphonie des éclairs auxquels
01:15 on pense quand on tombe sidéré sur les pages de cette nouvelle voie de la littérature.
01:19 A 21 ans seulement, elle publie un bolide littéraire affranchi des stéréotypes d'âge
01:23 ou de sexe, d'une poésie furieuse, d'une maîtrise bluffante, la colère et l'envie.
01:28 Aux éditions Héloïse Dormesan, Alice Renard, bonjour.
01:31 - Bonjour.
01:32 - Et bravo, ça vous va, vous êtes reconnue ?
01:33 - Ah oui, tout à fait.
01:35 Je vous remercie beaucoup pour ce portrait sonore, tout très fidèle.
01:38 - Qu'est-ce qui vous ressemblait le plus ?
01:40 - Le rire de Mozart.
01:43 J'étais très très heureuse de l'entendre.
01:45 - Et le moins ?
01:46 - Le silence.
01:49 - Hier soir, vous faisiez la rentrée de la Grande Librairie sur France 5 avec Salman
01:55 Rushdie et Amélie Nothomb, normal, à 21 ans.
01:57 Vous êtes propulsée dans cette rentrée littéraire, comment vous le vivez ?
02:00 - Tout à l'heure, justement, vous avez dit que c'était un roman affranchi des catégories
02:06 d'âge.
02:07 - Et là, je fais du jeunisme en me posant la question.
02:11 - Exactement.
02:12 - J'estime que je suis née vieille et que du coup, c'est tout à fait normal tout ce
02:20 qui m'arrive.
02:21 Je plaisante.
02:22 - Question programme télé, vous êtes plutôt drag race d'habitude que la Grande Librairie.
02:27 - Tout à fait.
02:28 - Qu'est-ce qui vous inspire, Keyona, la grande gagnante ?
02:32 - Je trouve que mon roman parle beaucoup de la désassignation des identités et des catégories.
02:38 Aujourd'hui, le domaine où cet élan de désassignation est le plus fort, je trouve que c'est les
02:43 genres.
02:44 C'est eux qui arrivent à faire de cette désassignation une fête.
02:46 Il n'y a pas de gens qui se réunissent pour faire fête de se désassigner de leur âge.
02:50 Il y a des gens qui font des fêtes et des émissions incroyables avec plein de paillettes
02:53 pour se désassigner du genre et se drag race.
02:55 - La colère et l'envie.
02:57 Et c'est dans ce sens-là.
02:59 Pas l'envie et la colère, peut-être qu'on dirait un mot.
03:01 C'est un livre vraiment phénoménal, construit en trois parties.
03:04 Les voix, ou plutôt les pensées, en alternance du père et de la mère d'Isor, petite fille
03:08 mutique qui ne s'exprime que dans des langues fantômes.
03:11 Puis la voix du vieux voisin avec qui elle s'apprivoise.
03:14 Et enfin la voix d'Isor, à travers les lettres qu'elle adresse à ses parents lorsqu'elle
03:17 fugue à 17 ans.
03:18 Qu'elle s'est mise à la table du soleil, comme elle dit, pour rencontrer les hommes
03:22 et les femmes qui ont du turquoise plein les poumons.
03:25 C'est dingue.
03:26 Comment elles sont nées chez vous, ces voix ?
03:28 - La voix d'Isor, je l'ai entendue vraiment au sens où on entend une voix.
03:36 J'ai l'impression qu'elle était là devant moi et qu'elle parlait.
03:39 Enfin, non pas qu'elle parlait, mais qu'elle agissait jusqu'à ce qu'elle parle.
03:43 Et que moi j'étais juste un secrétaire qui était là pour noter ses faits et gestes
03:47 et que c'était ça mon rôle.
03:48 - Mais il n'y a pas que la voix d'Isor, il y a celle du père et de la mère.
03:52 Ce père qui se demande bien ce que cette petite fille a de lui.
03:55 Cette mère qui adore aller récupérer tout ce qu'elle a dans ses tresses parce qu'elle
04:00 fugue déjà la nuit et qu'il faut au matin récupérer des petits branchages de ses évasions
04:06 en fait.
04:07 Ces voix là, elles sont venues comment ? Est-ce que c'est le regard de vos parents sur vous ?
04:11 Est-ce que c'est ce que vous observez dans les yeux des autres ?
04:14 - Les personnages des parents ne sont pas mes parents, mais c'est vrai qu'ils sont
04:20 là pour représenter la manière dont Isor, ce personnage qui est en feu et qui est hors
04:28 des catégories peut être vu et incompris.
04:32 - Et sa voix, elle a peut-être aussi quelque chose de vous.
04:36 On fonce à Bercy comme Isor, dans ce quartier plein de trains qui donne envie de partir.
04:42 Vous vous êtes aussi diagnostiquée, je le disais, surdouée quand vous avez 6 ans.
04:46 Qu'est-ce qu'elle a de vous ?
04:49 - Isor c'est comme une version de moi poussée à l'extrême qui m'a permis de faire une
04:55 catharsis.
04:56 C'est aussi une manière de créer une version enchantée de moi parce que j'ai du mal toute
05:03 seule à créer cette magie, mais j'en ai besoin.
05:06 Et de créer cet avatar qui est magique, c'est une manière de l'inviter dans ma vie, à
05:12 prendre possession de mon corps et à me permettre, depuis qu'elle est là, je me demande toujours
05:17 mais qu'est-ce qu'elle ferait Isor à France Inter ?
05:19 - Elle ferait quoi alors ?
05:20 - Je n'ai pas encore toutes les réponses.
05:25 - Les pièces ne ressemblent plus à ce qu'elles étaient quand elles entrent quelque part.
05:29 Mais vous la voix littéraire, elle vient quand et comment Alice ?
05:32 - Vous voulez dire l'envie d'écrire ?
05:35 - Oui, c'est autre chose de l'écrire.
05:39 - L'envie d'écrire est venue dès que j'ai écrit ma première ligne il y a 7 ans.
05:45 J'ai compris que c'était à ça que je voulais aller.
05:47 - Il y a 7 ans, c'est-à-dire quand vous aviez 14 ans ?
05:49 - Exactement.
05:50 Avant ça, je ne savais pas à quoi appliquer mon intelligence.
05:56 Là, j'ai compris que c'était à ça que je voulais consacrer toute mon énergie.
05:59 - Dans le livre, à travers le personnage du voisin Lucien, vous vous mettez dans la
06:02 peau d'un septuagénaire, puis octogénaire avec les rituels pour tendre des ponts au-dessus
06:06 du vide des journées, des pensées qui s'embrouillent, le regret qu'à nos âges tout devienne vicieux,
06:10 ridicule, interdit.
06:11 Je sais qu'on vous le demande souvent mais vous êtes vieille depuis longtemps dites-vous.
06:15 Comment est-ce qu'on habite un vieil homme ?
06:18 - Je pense que j'ai eu très souvent dans mes autres vies 70 ans et que je m'en souviens
06:25 assez bien.
06:26 C'est pour ça que je peux en parler.
06:27 - Rien de plus simple.
06:28 - C'est mieux que 20 ans, 70 ans ?
06:30 - Les deux en même temps c'est bien.
06:33 - Les deux en même temps c'est bien, oui.
06:34 - C'est la vie d'Alice Renard.
06:35 C'est sujet libre maintenant.
06:36 Vous avez l'antenne pour vous.
06:37 Vous avez écrit un poème, un poème que le personnage d'Isor aurait pu déclamer à
06:42 Lucien.
06:43 - Tout à fait.
06:44 - Te souviens-tu de l'avenir qui rôdait dans la blessure du soir, dans cette ruelle
06:52 d'où l'on voyait la ville pataugée de chaleur ? Le sang de nos fêlures s'écoulait de
07:01 si haut sur ce monde si vaste, empierré et savant de ces jours sans paupières.
07:07 Que nous nous sommes trouvés et la musique qui s'écroulait sur ton torse plat d'homme
07:19 et les destins que l'on a buts à pleine goulée de tendresse comme des pactes secrets, l'ivresse
07:25 aux lèvres de l'oreille, aux lèvres de l'été comme des pendants d'oreilles.
07:28 Le juin de Paris encore, le juin qui piétine d'avant l'avenir, juste avant que tout commence
07:36 et toi qui chantes pour me consoler.
07:38 Te souviens-tu que tu m'as dit alors je rêve d'une joie qui me féconde et je te germe
07:45 dans la nuit profonde où les étoiles sont autant d'aube qui nous rajeunissent.
07:50 - Merci Alice Renard.
07:52 La colère et l'envie publiées aux éditions Héloïse d'Ormesson.
07:56 Bonne Roupe, vous avez déjà reçu le Prix Médius 2023.

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