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Retrouvez Nouvelles têtes présenté par Mathilde Serrell sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/nouvelles-tetes

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00:00 Mathilde Serrell ce matin dans ce studio, une comédienne, chanteuse, performeuse qui
00:05 veut, je cite, « niquer la fatalité ». Portrait sonore.
00:09 Allez, fermez les yeux.
00:10 Si elle était un bruit, ce serait celui d'une forêt.
00:14 C'est là qu'elle a poussé, dit-elle, près de Fontainebleau, dans une fratrie de
00:19 quatre à laquelle il faut ajouter un arbre.
00:21 Son préféré, elle l'appelle Morgane et lui prépare des offrandes sacrées.
00:26 « Gracias a la vida que me ha dado tanto »
00:35 Chez elle, on écoute « Gracias a la vida » de la grande chanteuse chilienne Violeta
00:40 Parra.
00:41 Enfin, elle rêve d'être star ou sainte.
00:44 Elle découvre un métier qui permet d'être au moins les deux.
00:47 A l'atelier des petits comédiens, elle a 7 ans.
00:55 Elle comprend que sur scène, elle sera mille et une vies.
00:57 En elle, il y a déjà et la future championne de patins à roulettes artistique du Val-de-Marne,
01:04 la future lycéenne transcendée par une pièce de Sarah Cain.
01:07 « Je raconte partout que je suis enceinte.
01:09 On me dit mais t'as fait comment ? Qu'est-ce que tu prends ? Et moi je dis j'ai bu une
01:13 bouteille de Porto, fumé pas mal de clopes et baisé un inconnu.
01:17 » Avec son allure almodo-varienne.
01:20 Elle aurait pu être un talent brut repéré dans le métro comme son personnage d'Alex
01:24 dans la série 10%.
01:25 « Oh, ma devise est violente ! Est-ce qu'on a fait ça d'hier ? Est-ce qu'on a fait
01:31 ça d'hier ? » « Señorita ? » « Ils sont tellement relous
01:33 d'habitude.
01:34 Merci de l'aide.
01:35 Bonne journée ! » Face au contrôleur.
01:38 Mais contrairement à la Alex de la saison 4 de 10%, elle, elle se présente au casting.
01:44 « J'ai un rendez-vous à 17h30.
01:45 A 18h, je ne t'ai toujours pas passé.
01:46 Je suis partie.
01:47 » « Ok, tu ne connais pas ce métier.
01:48 Alors je t'explique.
01:49 Un directeur de casting, c'est une sorte de pape ou de roi.
01:52 Tu vas attendre 4 heures.
01:53 Alors tu attends 4 heures, Alex.
01:54 Et ben pas moi ! » Et ben pas moi ! Et à 38 ans, elle enchaîne
01:58 les projets dans les écrans.
01:59 Deux séries et un documentaire qui vont sortir d'ici la fin de l'année.
02:02 Et sur scène au moins trois spectacles en un.
02:05 Dialogue post-mortem avec Gisèle Halimi, musical, autobiographique, rituel féministe.
02:11 Tout ça additionné = niquer la fatalité.
02:13 Son deuxième seul en scène actuellement à Paris et bientôt en tournée.
02:17 Estelle Meyère, bonjour ! « Bonjour ! »
02:19 Ça va, ça vous ressemble ? « Ça me touche beaucoup.
02:22 Je suis contente, je suis touchée.
02:24 Merci Mathilde ! » Une retouche peut-être à ce portrait sonore.
02:28 Qu'est-ce que vous ajouteriez-vous ? « C'est marrant, j'ajouterais à la fois
02:33 le silence et le baroque total.
02:35 Je trouve que c'est les deux pôles de tout ce que vous avez développé comme labyrinthe.
02:39 C'est parfait, je suis très touchée.
02:41 » Je vous remercie.
02:42 Écoutez, je suis votre biographe officielle, on le décide ensemble.
02:45 On va dès le 20 septembre vous découvrir en grande sœur de Camilla Jordana dans la
02:49 série « Irrésistible ». Entre autres projets, il y en a beaucoup.
02:53 Le personnage de la comédienne qui rate son envol dans 10%, il a provoqué l'inverse
02:57 chez vous.
02:58 C'est le décollage de la carrière depuis cette série ?
02:59 « C'est vrai que ça m'a fait bien regarder mon visage autrement, préhistorique et joyeux
03:04 par d'autres gens. » Parce que vous disiez que vous ressembliez
03:06 à un Picasso quand vous étiez petite.
03:08 « Oui, j'ai toujours trouvé que j'avais un rapport un petit peu archaïque au monde
03:11 avec un visage franc, un nez avec des bosses qu'il fallait apprivoiser.
03:15 Et maintenant je les adore, je fais du ski dessus, c'est joyeux. »
03:17 Qu'est-ce qu'elle a de vous néanmoins cette Alex de 10% ?
03:21 « Je pense l'insolence, le côté aussi qui vient d'un monde qui n'est pas prévu
03:29 pour, le côté qui va tout niquer.
03:32 Justement, niquer en grec c'est la victoire, comme on sait, dans la main d'Athéna.
03:35 Donc il y a déjà cette ambiance insolente, on ne va pas me la faire et je n'ai pas
03:40 envie de me soumettre trop aux dictalistes du monde.
03:44 Mais trouver un chemin un petit peu bariolé, vivant, libre.
03:48 » Vous avez suivi un parcours, un chemin assez classique.
03:52 « Tout à fait ! »
03:53 Cours florent, conservatoire national, formation chez la médecin-scène Ariane Nouchkine.
03:57 « C'est vrai ! »
03:58 Mais vous auriez tout aussi bien pu devenir chaman, non ?
04:00 « Et à un moment je me suis dit, je trouve que le théâtre ne guérit pas assez droit.
04:04 Il fallait mettre ses mains, ou il fallait du corps, ou il fallait prier, ou il fallait
04:08 du ciel.
04:09 Donc c'était des grands moments, en sortant du conservatoire, est-ce que ça va assez
04:14 droit comme flèche de pouvoir dire.
04:16 Et le moment où je me suis autorisée à chanter, à dire, à écrire les mots, à
04:21 mêler en effet le rituel, le cri, le rap, l'insolence, la douceur, la caresse, ça
04:28 m'a réconciliée, j'ai trouvé plus ma route.
04:30 »
04:31 Et très naturellement, d'ailleurs, sur scène, vous êtes entrée en dialogue post-mortem
04:35 avec l'avocate féministe Gisèle Halimi, décédée en 2020.
04:38 On écoute.
04:39 « Je vous admire beaucoup Gisèle, à tel point que je vais carrément faire un spectacle
04:44 sur vous, en fait, je vais vous incarner pendant une heure et demie, parce que je vous trouve
04:48 trop belle, parce que vous avez fait que ça, niquer la fatalité, parce que vous tirez
04:53 le continent humain, parce que j'aurais tellement aimé vous connaître, parce que
04:57 je vous choisis comme grand-mère rêvée, comme talisman à ma vie.
05:01 »
05:02 Quelle déclaration !
05:05 « On ne se connaît pas.
05:08 Vous êtes au courant que je suis morte ? »
05:10 Sur scène, vous êtes et Gisèle Halimi et vous-même, Estelle Meyeur, pourquoi vous
05:14 aviez envie de la vivre, de l'absorber même, plutôt que de la raconter ?
05:18 « Je crois comme dans les rêves où t'es toutes les figures de ton inconscient.
05:22 En fait, c'est en découvrant la plaidoirie de Gisèle pour Djamila Bou Pacha, qui était
05:26 donc une militante FLN, une antigone comme ça, brûlante, qui a accusé d'avoir posé
05:30 une bombe, qui a été violée et torturée en prison, condamnée à mort.
05:35 Je me suis dit, je veux être Djamila, je veux être Gisèle et je veux être moi-même
05:38 en fait.
05:39 Comme si c'était des pointes de soi-même, d'autres visages, et qu'en les rassemblant
05:43 en une voix, je pouvais être enfin toutes mes gueules.
05:46 »
05:47 Le vrai slogan du féminisme, c'est ça, « Niquez la fatalité ! » C'est ce que
05:50 font les Iraniens et les Iraniennes, c'est ce que vous faites dans votre spectacle, c'est
05:54 ce que vous faites aussi à vous-même.
05:55 « Je crois qu'il faut un peu de frontalité et de panache dans des slogans, et en sachant
06:01 qu'il y a des déesses cachées derrière.
06:03 »
06:04 Vous avez sujet libre ce matin Estelle Meyère, pour clôturer cette rencontre, et vous avez
06:08 choisi une chanson populaire iranienne que vous a fait découvrir Golshifteh Farhani,
06:12 qui était avec nous.
06:13 « Emina Kavani, ma soeur chérie, avec ses grands yeux de beauté.
06:16 »
06:17 Oui, elle était là aussi, c'était le grand entretien de 8h20.
06:20 C'est à vous Estelle Meyère.
06:26 « Bel homme, humain, masculin, toi, autre moitié du monde, tu me manques.
06:33 Comment pouvons-nous enfin nous rencontrer ? Comment libérer ces kilomètres de mémoire
06:40 blessés ou les mettre ? Comment réparer ces rapports usés, vieux de millénaires ?
06:45 Est-ce que dire suffit à guérir ? Est-ce si simple, est-ce qu'on peut sortir du mot
06:52 viol ? Est-ce qu'un jour on peut dire ça y est, je suis guérie pour toujours ? Se
06:58 regarder longuement, les mains ouvertes, recommencer, à coups de verrous ouverts, les cheveux nus,
07:05 galoperons, on va y arriver, je te jure, on va y arriver, on va la niquer la fatalité.
07:11 Niquer en grec, ça veut dire la victoire, c'est une déesse, on embrassera la déesse,
07:16 on la portera comme un diadème, bienvenue vers l'avenir, femme, vie, liberté, en
07:25 soi, avec toi, recousu, mon frère féminin. »
07:31 *C'est une improvisation Estelle Meyère, c'est une petite lettre à l'homme joyeuse*