C’est une ressource miraculeuse, indispensable, mais dont l’humanité n’a pas encore bien compris la fragilité. L’eau potable est partout menacée sur le globe, y compris en Europe, et porte en elle de futurs conflits, de futures régulations. Elle est aussi une denrée poétique, que nous tous devons apprendre à chérir à sa juste valeur. Voilà pourquoi « l’Obs » cette conférence, le 15 septembre dernier, à la Villa Carmignac, sur l’île de Porquerolles.
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00:00:00 -Bonjour. Bienvenue à cette conférence sur l'eau
00:00:03 organisée par la Villa Carmignac et l'Obs.
00:00:06 On est ravis d'accueillir cette conférence.
00:00:09 On est ravis que la Villa Carmignac
00:00:12 soit à la fois un lieu d'exposition.
00:00:15 Certains d'entre vous, j'espère, ont déjà visité
00:00:18 et vu l'exposition de cette année de l'île intérieure.
00:00:20 Certains d'entre vous la verront aussi peut-être
00:00:22 un peu plus tard dans la journée.
00:00:25 Donc on est ravis qu'au-delà de la dimension d'exposition,
00:00:28 ce lieu soit aussi un lieu de réflexion,
00:00:30 d'échange sur des sujets qui nous tiennent à coeur
00:00:33 comme celui d'aujourd'hui.
00:00:35 Alors c'est toujours plaisant
00:00:39 quand on jette comme ça une idée en l'air.
00:00:41 Avec Arnaud Gonzac, qui est le rédacteur en chef
00:00:45 adjoint de l'Obs, et qu'en fait, elles prennent forme.
00:00:48 Ensuite, ce n'est pas le cas de toutes les idées.
00:00:50 Il faut le noter quand même, quand une idée comme ça,
00:00:51 on lance, elle s'incarne.
00:00:54 Donc il faut le saluer.
00:00:56 Et je commencerai juste par le titre
00:00:59 qui est donné à cette conférence politico-poétique.
00:01:03 Donc politique, évidemment, l'eau, c'est un bien commun.
00:01:07 Donc la dimension politique est assez naturelle,
00:01:10 c'est le cas de dire, et évidente.
00:01:11 Poétique, dans ce lieu qui joue sur le symbolique.
00:01:15 Alors évidemment, l'élément eau nous touche tous au plus profond.
00:01:20 On vient de l'eau, on est fait d'eau.
00:01:22 C'est quelque chose qui nous touche instantanément.
00:01:25 Mais quelque chose de l'ordre du symbolique.
00:01:26 Ici, c'est un lieu où on touche et on joue
00:01:28 avec le symbolique, avec les oeuvres d'art.
00:01:31 Alors ici aussi, on peut dire qu'il y a des...
00:01:33 L'eau, évidemment, donne la vie, mais elle peut aussi la retirer.
00:01:36 En Méditerranée, c'est tristement le cas.
00:01:40 Elle peut aussi purifier, nettoyer, détruire.
00:01:43 On l'a vu avec des oeuvres...
00:01:46 On fait des oeuvres avec le parc national Marc d'Incombe.
00:01:48 On est le directeur au Fort Saint-Agathe.
00:01:51 Il suffit d'une grande tempête, d'un déluge d'eau,
00:01:54 et l'oeuvre est détruite.
00:01:56 Il y a plein d'ambivalence, d'ambiguïté.
00:01:58 On est sur une île, donc on sent que l'eau est...
00:02:01 en abondance, comme ça, infinie.
00:02:03 Mais pourtant, il y a tous les étés, 2 fois par jour,
00:02:06 un bateau-citerne qui amène 400 m3
00:02:11 qui manque à l'île, qui est en stress hydrique absolu.
00:02:14 Donc c'est vraiment un jeu de symbolique, de contraire.
00:02:18 Et ici, c'est un lieu où on joue sur le symbole,
00:02:22 à la fois par les expositions.
00:02:24 Il y a 2 ans, "La mer imaginaire", le titre de l'exposition,
00:02:27 proposait aux visiteurs de consulter les archives
00:02:30 d'une mer disparue.
00:02:31 Ca peut être par les expositions, mais aussi par le parcours,
00:02:34 par, par exemple, les objets qui sont
00:02:38 comme des sortes de personnages, comme ça,
00:02:40 qui sont à côté de nous, sur la scène,
00:02:44 produisent, génèrent de l'eau de rosée.
00:02:46 C'est-à-dire que ça porte l'air au point de rosée.
00:02:50 Ca paraît aussi archaïque,
00:02:51 il s'agit tout simplement de récolter l'eau de rosée
00:02:54 ou de boire un peu l'eau qu'il y a dans l'air.
00:02:57 Mais en même temps, c'est complètement aussi futuriste
00:02:59 et très technologique.
00:03:00 On remercie le partenaire Cumulus
00:03:02 qui viendra ici parler de ces objets.
00:03:05 Donc c'est aussi, on joue sur le symbole,
00:03:07 sur un moyen un peu innovant, comme ça, de boire,
00:03:11 d'avoir de l'eau potable qui est tout autour de nous.
00:03:15 Donc voilà, on s'ajoute un peu sur cette dimension-là ici.
00:03:19 Et alors, au-delà du symbolique, il y a aussi des choses concrètes.
00:03:24 On récolte, bien sûr,
00:03:26 que ce soit en drainage autour du bâtiment,
00:03:27 mais aussi dans un réservoir d'eau, les pluvials.
00:03:30 Donc, par exemple, s'il pleut aujourd'hui,
00:03:32 j'espère qu'il ne pleurera pas trop tôt,
00:03:33 on va récolter aussi les pluvials.
00:03:35 Il y a une microstation d'épuration aussi,
00:03:37 avec une zone d'épandage qui a été mise en place
00:03:39 pour ne pas trop peser sur les ressources de l'île,
00:03:42 qui fait aussi des choses très innovantes.
00:03:43 Marc va vous en parler,
00:03:45 avec notamment les systèmes de lagunes sur les eaux usées.
00:03:50 Et puis, il y a des systèmes qu'on essaie de pousser,
00:03:51 le circulaire ici,
00:03:53 en essayant d'utiliser les eaux usées
00:03:55 pour des besoins de la villa, pour l'arrosage, etc.
00:03:57 Donc, on pousse ça.
00:03:59 Là, il y a un décret qui est sorti sur de l'ARS
00:04:02 qui n'est pas très encourageant.
00:04:03 On essaie toujours de pousser pour pouvoir même utiliser
00:04:05 les eaux usées et les remettre dans les toilettes.
00:04:07 Il y a quand même 500 personnes qui passent en moyenne l'été
00:04:10 et sur une chasse d'eau de 6 litres,
00:04:11 c'est quand même 3 m3 par jour.
00:04:12 Donc, ça devient vite important.
00:04:15 Et le décret, en fait, dit juste
00:04:16 qu'on va attendre le décret ultérieur pour vraiment agir.
00:04:20 Donc, c'était assez désespérant,
00:04:22 mais on espère que ça va avancer quand même.
00:04:24 Et donc, voilà, il y a des jeux sur le symbolique, sur le concret.
00:04:27 Et on est ravis d'accueillir une conférence ici
00:04:29 pour faire avancer les choses
00:04:30 et que des solutions puissent émerger ici,
00:04:34 mais aussi pour tout le reste de la planète.
00:04:37 Je passe la parole à Julie Joly.
00:04:40 -Merci beaucoup. Merci.
00:04:42 Merci beaucoup. Bonsoir.
00:04:44 Je ne vais pas être très, très longue
00:04:45 parce que je pense que vous êtes là pour écouter les échanges
00:04:47 et aussi parce que certains ont des bateaux peut-être à prendre
00:04:49 pour rentrer sur le continent.
00:04:51 Donc, oui, je suis la directrice générale de l'Obs.
00:04:53 Très heureuse d'être là,
00:04:54 d'autant plus que je ne connaissais pas cette magnifique île
00:04:57 dont j'ai beaucoup entendu parler, évidemment, la villa Carmignac.
00:05:00 Peut-être vous dire 3 choses.
00:05:02 La 1re, c'est que cette conférence,
00:05:04 elle répond aussi aux engagements du journal, l'Obs,
00:05:07 qui, en matière d'environnement, n'a plus grand-chose à prouver
00:05:10 puisqu'on est depuis 60 ans mobilisés sur ces sujets,
00:05:13 mais qui tient vraiment à ce que ces sujets-là
00:05:15 croisent des réalités concrètes,
00:05:18 donc des innovations, donc des savoirs.
00:05:21 C'est aussi un engagement pour le partage de la culture.
00:05:24 Donc ces lieux de culture,
00:05:25 tels que vous l'avez imaginé, construits,
00:05:27 sont des lieux fantastiques d'échange,
00:05:28 et l'Obs, pour ça, est ce lieu de la discussion, de l'échange.
00:05:32 Et quand on a pensé inviter Pierre Asqui,
00:05:34 qui, évidemment, travaille depuis très longtemps avec l'Obs,
00:05:38 cette idée de mêler les enjeux géopolitiques
00:05:40 que Pierre connaît bien
00:05:42 et ses enjeux d'environnement et d'eau et de recyclage,
00:05:44 évidemment, nous paraissait à la fois naturel,
00:05:46 mais aussi très nouveau.
00:05:48 Et puis, enfin, nous, on aime bien,
00:05:50 comme vous le disiez tout à l'heure,
00:05:52 être dans le concret avec les acteurs
00:05:54 de ceux qui peuvent encore faire changer les choses.
00:05:55 Vous parliez des lois, elles existent,
00:05:57 parfois, elles sont longues à appliquer,
00:05:59 mais il y a aussi des entreprises
00:06:00 qui, elles, ont des idées, des moyens, des pouvoirs,
00:06:05 et on aime bien pouvoir se dire à l'Obs
00:06:06 qu'elles sont bienvenues pour échanger avec nous.
00:06:08 Donc je voudrais remercier du fond du coeur Veolia
00:06:11 parce qu'on travaille avec eux depuis maintenant 2 ans
00:06:13 sur les enjeux d'environnement, d'écologie,
00:06:15 de partage des idées,
00:06:16 et à chaque fois qu'on les a sollicités,
00:06:18 ils ont accepté le défi.
00:06:20 Et c'est pas simple, effectivement, d'être dans un lieu
00:06:22 qui mêle la politique, la géopolitique et la poésie,
00:06:25 de trouver, effectivement, encore une place
00:06:27 pour une parole d'entreprise qui, elle, agit au quotidien.
00:06:31 Donc merci à tous d'être là.
00:06:32 Je pense que ça va être passionnant.
00:06:33 Je vais écouter comme vous et apprendre beaucoup comme vous.
00:06:36 Merci encore à tous, aux intervenants, aux partenaires,
00:06:39 à la Fondation Carmillac qui a la gentillesse et la générosité
00:06:42 de nous accueillir ici aujourd'hui.
00:06:44 Bonne soirée. Est-ce que j'appelle Pierre Asquy directement
00:06:46 ou est-ce que vous voulez peut-être qu'on passe la parole ?
00:06:48 Vous disiez...
00:06:49 Pierre Asquy se jette en scène.
00:06:54 Pierre, je te passe le micro. Plonge.
00:06:56 Merci.
00:06:58 -Pardon. Merci.
00:07:01 Bonsoir.
00:07:04 Bonsoir à toutes et tous.
00:07:06 Ecoutez, je partage d'abord l'émerveillement d'être ici.
00:07:10 Et pour moi aussi, c'est une première.
00:07:11 Donc je suis ravi de découvrir ce lieu.
00:07:14 Merci de nous accueillir.
00:07:16 Et je vais commencer par une bonne nouvelle.
00:07:19 La bonne nouvelle, c'est que la seule fois
00:07:22 qu'il y a eu une véritable guerre pour le contrôle de l'eau,
00:07:25 c'était il y a 4 500 ans, en Mésopotamie.
00:07:28 Et depuis, on parle beaucoup de guerre pour l'eau,
00:07:33 mais il n'y en a pas eu.
00:07:34 Il y a eu des escarmouches, des tensions,
00:07:36 des pays qui se sont menacés.
00:07:38 Il y a eu vraiment d'innombrables incidents
00:07:43 au fil des siècles, comme dans la période contemporaine.
00:07:46 Mais il n'y a pas eu de guerre.
00:07:48 Et l'histoire n'a retenu qu'une seule guerre,
00:07:50 c'est il y a 4 500 ans.
00:07:51 Donc c'est plutôt une bonne nouvelle,
00:07:53 parce que ça veut dire que le passage à l'acte
00:07:56 pour cette donnée
00:07:59 est quand même plus difficile qu'on le croit,
00:08:02 alors que les guerres pour le pétrole, par exemple,
00:08:05 au XXe siècle, elles ont été innombrables.
00:08:08 Et on sait bien ce que ça veut dire.
00:08:11 Alors une fois qu'on a donné cette bonne nouvelle,
00:08:13 il n'y en a plus beaucoup d'autres à donner.
00:08:16 Et en particulier, l'état général
00:08:20 de toutes les problématiques liées à l'eau
00:08:24 sont quand même plutôt négatives.
00:08:26 Et je vais citer le secrétaire général des Nations unies,
00:08:29 Antonio Guterres.
00:08:31 En mars dernier, il y avait une conférence,
00:08:33 c'était la 2e en 30 ans consacrée à l'ONU à New York.
00:08:39 Je le cite, parce qu'il fait le constat
00:08:42 complètement clinique.
00:08:44 Il dit "Nous avons brisé le cycle de l'eau,
00:08:47 "détruit les écosystèmes,
00:08:49 "contaminé les eaux souterraines.
00:08:51 "Aujourd'hui, près de 3 catastrophes naturelles sur 4
00:08:54 "sont liées à l'eau.
00:08:55 "Une personne sur 4 vit sans service d'eau
00:08:57 "gérée de manière sûre ou sans eau potable.
00:09:00 "Plus de 1,7 milliard de personnes
00:09:03 "ne disposent pas de système d'assainissement de base.
00:09:05 "C'est une conférence sur le monde contemporain
00:09:08 "vue sous l'angle de sa ressource la plus importante.
00:09:10 "Nous n'avons pas une minute à perdre."
00:09:13 Alors, le problème, c'est que des minutes,
00:09:15 on en perd beaucoup, parce que la planète,
00:09:18 vous le savez, vous le lisez tous les jours,
00:09:21 n'est pas dans un moment de grande coopération
00:09:25 et de grande volonté commune
00:09:29 pour régler des problèmes de ce type.
00:09:33 Et pourtant, quand on regarde les causes d'instabilité liées à l'eau,
00:09:38 elles sont considérables.
00:09:40 Et je dois dire qu'en faisant des recherches
00:09:43 pour cette conférence, je me suis moi-même fait peur
00:09:46 de découvrir certains chiffres.
00:09:49 Regardez la consommation d'eau sur la planète.
00:09:52 Un Américain consomme 9 985 m3 d'eau par an.
00:09:58 Un Européen, déjà un énorme fossé, 3000.
00:10:03 C'est-à-dire qu'un Américain consomme 3 fois plus d'eau
00:10:06 qu'un Européen.
00:10:08 Et ensuite, vous tombez, dans les pays en développement,
00:10:11 à 200 m3.
00:10:14 Et dans certains pays, comme le Mali ou Haïti,
00:10:17 7,3 m3.
00:10:21 Donc, vous avez une planète dans laquelle certains habitants
00:10:26 ont taxé et consomment près de 10 000 m3
00:10:30 par an et par habitant,
00:10:32 et d'autres où on est à 7,3.
00:10:35 Donc, un fossé et des inégalités qui sont évidemment
00:10:41 intenables, sauf qu'on ne fait rien,
00:10:44 ou en tout cas, on ne fait pas assez pour les combler.
00:10:48 Et sur ce constat global,
00:10:51 se greffent évidemment les rivalités géopolitiques,
00:10:56 se greffent aussi
00:10:58 les petits travers
00:11:03 que nous provoque la géographie.
00:11:05 Et c'est un phénomène assez extraordinaire de constater
00:11:10 que les cours des fleuves, évidemment, traversent plusieurs pays
00:11:15 et que le pays qui est en amont a un avantage
00:11:17 par rapport au pays qui est en aval.
00:11:19 Ça paraît un truisme de dire ça.
00:11:23 Et donc, c'est pour ça qu'on parle depuis des décennies
00:11:26 du risque de guerre de l'eau.
00:11:29 L'ancien président de la Banque mondiale, en 1995, disait
00:11:33 "Les prochaines guerres seront les guerres de l'eau."
00:11:35 Il avait tort, parce qu'il y a eu beaucoup de guerres depuis 1995,
00:11:39 et nous en vivons, hélas, certaines en ce moment.
00:11:43 Elles ne sont pas liées à l'eau, en tout cas, pas directement.
00:11:48 Donc, revenons aux faits de base.
00:11:52 La seule guerre véritable de l'eau, c'était il y a 4 500 ans.
00:11:57 Et une étude universitaire qui a fait rentrer
00:12:00 dans un système informatique
00:12:04 tout ce qui touche à la diplomatie de l'eau
00:12:09 depuis un siècle,
00:12:12 montre qu'il y a plus de coopérations,
00:12:15 donc de traités, de conciliations,
00:12:19 d'accords de partage que de conflits.
00:12:25 Donc, là encore, c'est relativement encourageant,
00:12:28 même si, évidemment, l'accroissement,
00:12:31 la réinfection de la donnée,
00:12:33 les problèmes d'accès à l'eau et les rivalités politiques
00:12:37 font que ce qui était vrai hier
00:12:40 n'est pas nécessairement vrai demain.
00:12:44 Mais pour qu'on comprenne un peu les enjeux,
00:12:47 je vais vous donner 3 exemples
00:12:49 qui sont dans l'actualité de tous les jours, quasiment.
00:12:54 Et l'un a à peine 48 heures et qui est le plus intéressant.
00:12:59 C'est l'histoire du Nil.
00:13:01 Le Nil est, avec l'Amazone, l'un des 2 grands fleuves du monde.
00:13:06 Et vous connaissez l'histoire, il y a 2 Nils,
00:13:09 le Nil blanc et le Nil bleu, qui se rejoignent au Soudan, à Khartoum.
00:13:13 On ne peut pas voir de carte en plein air,
00:13:15 mais je vais essayer de vous faire imaginer la géographie.
00:13:18 Donc, vous avez le Nil blanc qui prend sa source
00:13:22 au coeur de l'Afrique, donc le lac Victoria,
00:13:25 qui a pour riverain le Kenya, la Tanzanie et l'Ouganda.
00:13:28 Donc, on est vraiment au coeur de l'Afrique.
00:13:31 Et le Nil bleu qui prend sa source en...
00:13:36 en Ethiopie.
00:13:37 Les 2 se rejoignent au niveau de Khartoum.
00:13:40 Et la ville de Khartoum, je ne sais pas si certains d'entre vous y sont allés,
00:13:43 mais c'est assez extraordinaire,
00:13:44 puisque il y a 3 villes, en fait, sur cette fourche
00:13:49 que dessinent les branches du Nil et la suite.
00:13:54 Il y a la ville ancienne, la ville coloniale et la ville rebelle.
00:14:01 Puisque Khartoum a été une possession britannique,
00:14:04 que ça a été ensuite l'une des plus grandes humiliations
00:14:07 de l'armée britannique, avec le Mahdi, le prophète,
00:14:11 qui avait monté une armée et qui avait capturé Khartoum.
00:14:14 Et il a délaissé la capitale coloniale
00:14:17 et il est allé en construire une autre sur une autre rive du fleuve,
00:14:20 qui s'appelle Amdourman,
00:14:22 qui est une ville beaucoup plus traditionnelle.
00:14:24 Et puis, lorsque les Anglais ont repris la ville,
00:14:26 ils ont construit une ville moderne sur une 3e...
00:14:30 Et donc, Khartoum, c'est une ville qui est tentaculaire,
00:14:36 très compliquée à circuler,
00:14:38 parce qu'il y a ces 2 bras gigantesques du Nil
00:14:42 qui continuent avec un seul Nil qui monte vers l'Egypte.
00:14:46 Et le Nil fournit 97% de l'eau de l'Egypte.
00:14:52 L'Egypte, c'est une bande verte de part et d'autre du Nil,
00:14:57 et le désert, un peu plus loin.
00:15:00 Vous enlevez le Nil ou vous perturbez le débit d'eau du Nil,
00:15:05 et vous avez des millions, des dizaines de millions d'Égyptiens
00:15:09 qui ont un problème d'agriculture,
00:15:14 de survie, de vie quotidienne.
00:15:17 Donc, c'est un enjeu absolument considérable.
00:15:21 Et voilà que l'Éthiopie décide, en 2011,
00:15:25 de construire un énorme barrage
00:15:30 qui s'appelle le Grand barrage de la Renaissance éthiopienne.
00:15:35 3,5 milliards de dollars,
00:15:37 1,8 kilomètres de long, 145 mètres de haut,
00:15:41 qui doit permettre de doubler la production d'électricité du pays
00:15:45 dans un pays où moins d'un habitant sur deux a accès à l'électricité.
00:15:51 Donc, c'est un enjeu considérable pour l'Éthiopie.
00:15:53 Mais ça signifie remplir un barrage,
00:15:57 un lac artificiel derrière le barrage,
00:16:02 et donc réduire le débit en aval.
00:16:05 Et c'est là que les ennuis commencent.
00:16:08 Il y a une commission qui existe depuis très longtemps,
00:16:12 qui réunit tous les pays riverains du Nil,
00:16:17 que ce soit en Afrique de l'Est,
00:16:20 la Corne avec l'Éthiopie, le Soudan, jusqu'à l'Égypte,
00:16:24 donc le Nil se jetant dans la Méditerranée.
00:16:28 Et cette commission a été mise à mal
00:16:33 par cette initiative éthiopienne.
00:16:35 Et l'Égypte, à plusieurs reprises,
00:16:38 chaque fois que l'Éthiopie, sur un espace de 4 ans,
00:16:42 a annoncé qu'il faisait une opération de remplissage du lac,
00:16:48 puisque ça s'est fait en 4 phases, on a été au bord de la guerre.
00:16:52 Et en fait, s'il n'y a pas eu la guerre, c'est pour 2 raisons.
00:16:55 La 1re, c'est que cette commission a malgré tout
00:16:58 joué un rôle d'apaisement et a permis
00:17:00 de faire que le dialogue ne soit jamais rompu.
00:17:03 Les dernières négociations ont eu lieu le 27 août,
00:17:05 pendant la dernière phase de remplissage par l'Éthiopie.
00:17:08 Donc on est en plein dedans en ce moment.
00:17:11 Et l'autre raison, hélas, malheureuse,
00:17:13 mais qui a fait que la guerre n'a pas été possible,
00:17:16 c'est que la guerre civile a éclaté au Soudan.
00:17:20 Vous avez peut-être suivi,
00:17:22 mais il y a 2 généraux qui se font une guerre abominable au Soudan,
00:17:27 dont on parle très peu, mais qui est en train de ravager
00:17:29 ce pays qui n'en avait pas besoin.
00:17:33 Et comme l'Égypte n'est pas frontalière de l'Éthiopie,
00:17:36 elle a besoin du Soudan pour faire la guerre à l'Éthiopie.
00:17:39 Et que le Soudan étant lui-même en guerre,
00:17:42 cette guerre n'a pas été possible.
00:17:43 C'est une sorte d'explication par l'absurde
00:17:47 de l'incapacité de faire la guerre,
00:17:50 parce qu'il y en a déjà une autre.
00:17:52 Mais ce n'est pas celle que voulait l'Éthiopie.
00:17:54 Bref, aujourd'hui, ce lac a été rempli en 4 ans par l'Éthiopie.
00:18:00 Le débit du Nil n'a pas été,
00:18:05 comme l'avait assuré d'ailleurs la Commission et l'Éthiopie,
00:18:09 n'a pas été suffisamment affecté
00:18:11 pour que l'Égypte puisse crier
00:18:15 à un viol de sa survie, d'une certaine manière.
00:18:20 Et on est dans cette situation où, pour l'instant,
00:18:25 un équilibre a l'air de permettre de continuer à vivre
00:18:30 entre une Éthiopie qui a réalisé son rêve de barrage géant
00:18:35 et une Égypte qui a suffisamment d'eau, en tout cas,
00:18:39 pour continuer à vivre.
00:18:41 C'est un exemple extraordinaire,
00:18:44 parce que vous avez des pays qui sont considérables.
00:18:50 L'Éthiopie, c'est 100 millions d'habitants,
00:18:52 l'Égypte, à peu près autant, si non plus.
00:18:56 Le Soudan, au milieu, c'est une trentaine de millions.
00:18:58 Ce sont des pays qui sont très peuplés,
00:19:00 qui ont, surtout l'Éthiopie et l'Égypte,
00:19:05 des pouvoirs forts
00:19:07 et qui ont
00:19:08 une fibre nationaliste extrêmement fournie.
00:19:14 Et le Nil a été le détonateur possible d'une confrontation
00:19:19 qui n'a pas eu lieu.
00:19:20 Le 2e exemple que je voulais donner,
00:19:23 on en a encore moins parlé que celui de l'Éthiopie,
00:19:26 c'est des escarmouches qui ont eu lieu en avril dernier.
00:19:30 J'en avais fait une chronique sur France Inter,
00:19:33 et beaucoup de gens m'ont dit,
00:19:35 mais on n'a jamais entendu parler de cette affaire.
00:19:38 Il y a eu des affrontements
00:19:42 entre l'armée iranienne et l'armée afghane,
00:19:46 c'est-à-dire les talibans.
00:19:48 En avril dernier,
00:19:50 plusieurs morts à la frontière entre les 2 pays.
00:19:52 Pour quelles raisons ?
00:19:53 Il y a un fleuve commun
00:19:55 qui va d'Afghanistan en Iran,
00:20:00 avec, là encore, une commission internationale
00:20:03 qui définit le quota de chaque pays
00:20:08 et donc l'usage qui peut être fait pour l'irrégation,
00:20:11 etc.,
00:20:14 à chaque étape du déroulé du fleuve.
00:20:19 Et l'Iran accuse l'Afghanistan d'avoir violé cet accord
00:20:23 et d'avoir tiré plus d'eau pour son irrégation
00:20:27 en raison d'une sécheresse
00:20:29 que les accords ne lui permettent.
00:20:32 L'Afghanistan se défend en disant que c'est un épisode climatique
00:20:35 et qu'il n'y est pour rien
00:20:36 et que ce n'est pas du tout une volonté délibérée.
00:20:39 Le fait est que les 2 armées se sont massées
00:20:42 des 2 côtés de la frontière
00:20:44 et qu'il y a eu un début d'affrontement.
00:20:45 Et là, on a... qui s'est arrêté
00:20:47 parce qu'il y a eu des médiations
00:20:51 qui sont intervenues très vite
00:20:52 et qui ont permis d'arrêter l'escalade.
00:20:57 Mais là, on a un cas qui est différent du 1er,
00:21:00 qui est très intéressant parce qu'on a la question de l'eau
00:21:04 qui vient déstabiliser une toile de fond
00:21:07 qui, elle-même, est celle de rivalités ancestrales,
00:21:12 de rivalités religieuses, de rivalités politiques,
00:21:15 parce que même si les 2 pays ont aujourd'hui des régimes islamistes,
00:21:19 ce ne sont pas les mêmes.
00:21:20 Ce ne sont pas les mêmes branches de l'islam.
00:21:24 Et ils sont, au contraire, en hostilité totale
00:21:28 puisque les talibans sont contre les hazaras,
00:21:33 qui sont une branche chiite de la population afghane
00:21:37 qui a été persécutée ces dernières années.
00:21:40 Donc l'Iran est très remonté contre les talibans.
00:21:43 Et tout d'un coup, cette question de l'eau est venue,
00:21:47 a failli être le détonateur d'une guerre
00:21:50 qui a été, là encore, évité.
00:21:53 Le 3e dossier intéressant,
00:21:57 parce qu'il est encore plus complexe,
00:22:00 vous allez comprendre,
00:22:01 c'est celui qui touche Israël,
00:22:04 les territoires palestiniens et la Jordanie.
00:22:08 Et donc c'est une région, là encore,
00:22:11 où les problèmes d'eau sont cruciaux.
00:22:14 Israël a énormément développé la désalinisation.
00:22:18 60% de l'eau consommée en Israël provient de la désalinisation.
00:22:22 C'est absolument considérable.
00:22:24 Je n'ai pas vérifié,
00:22:25 mais je me demande si ce n'est pas le record du monde.
00:22:27 Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de pays
00:22:29 qui aient à ce point développé la désalinisation.
00:22:33 Et donc c'est à la fois une solution au problème d'Israël,
00:22:37 mais c'est aussi un objet diplomatique.
00:22:41 En 1994, dans la foulée des accords d'Oslo,
00:22:44 dont on vient de commémorer,
00:22:47 mais non pas célébrer, puisqu'ils sont morts ou moribonds,
00:22:51 le 30e anniversaire, c'était avant-hier,
00:22:54 la Jordanie et Israël ont noué des relations diplomatiques.
00:22:59 En 1994, j'étais à la cérémonie à côté de la mer morte,
00:23:05 et Shimon Peres, qui était un orateur lyrique,
00:23:09 a fait un discours dans lequel il disait
00:23:11 "Nous sommes entrés dans une ère dans laquelle
00:23:13 les seuls généraux du Moyen-Orient seront General Motors."
00:23:17 Enfin, on en est loin et ça ne s'est pas produit,
00:23:20 mais peu importe, c'était l'esprit de l'époque.
00:23:23 Et Israël s'était engagé à fournir
00:23:27 50 millions de mètres cubes par an à la Jordanie,
00:23:30 ce qui a été fait.
00:23:31 Et ces derniers jours, on a appris
00:23:34 qu'il y avait un énorme projet qui allait être signé
00:23:37 dans quelques semaines en marge de la COP
00:23:40 qui va avoir lieu à Dubaï, à Abu Dhabi.
00:23:44 Il va y avoir un accord de troc
00:23:50 entre Israël et la Jordanie.
00:23:52 Israël va fournir de l'eau, des salés,
00:23:55 donc de nouveau quelques millions de mètres cubes supplémentaires
00:23:59 en échange d'électricité,
00:24:01 parce que la Jordanie est en train de construire
00:24:04 une immense centrale solaire dans son désert.
00:24:08 La Jordanie est un pays sous-peuplé
00:24:10 et qui a une exposition au soleil absolument extraordinaire.
00:24:14 Et donc, c'est un troc vertueux, eau contre électricité.
00:24:19 Sauf qu'entre les 2, entre la Jordanie et Israël,
00:24:23 il y a les territoires palestiniens.
00:24:25 Et les territoires palestiniens,
00:24:26 parce que là, on est aussi dans les questions de rapports de force
00:24:30 et en géopolitique, tout revient finalement au rapport de force,
00:24:34 les Palestiniens sont les grands perdants de cette affaire.
00:24:37 Ils n'ont aucune participation dans tous ces accords.
00:24:43 Et on est aujourd'hui avec un phénomène,
00:24:47 vous connaissez la réalité de la coalition
00:24:51 qui est au pouvoir en Israël,
00:24:53 qui est en partie liée au mouvement des colons,
00:24:57 qui veulent priver les Palestiniens d'accès à l'eau.
00:25:00 Donc, il y a une partie des territoires,
00:25:03 parce qu'il y a 3 catégories de territoires,
00:25:06 et dans une des catégories, Israël a encore son mot à dire,
00:25:09 où les puits sont carrément fermés.
00:25:12 Et donc, on a ce paradoxe extraordinaire
00:25:15 où il y a à la fois le meilleur,
00:25:17 qui est cette technologie de désalinisation
00:25:20 qui permet d'alimenter un pays enclavé
00:25:25 et totalement démuni de ce point de vue-là,
00:25:28 comme la Jordanie,
00:25:29 en échange d'électricité solaire.
00:25:31 Donc, tout ça est extraordinaire.
00:25:34 Et de l'autre côté, le pire, c'est-à-dire un enjeu politique
00:25:40 dans lequel l'eau est une arme de colonisation,
00:25:45 il faut bien le dire.
00:25:46 Donc, les 3 exemples que j'ai donnés
00:25:49 sont des exemples très différents,
00:25:50 et dans lesquels l'eau joue un rôle
00:25:53 de possible détonateur de conflits,
00:25:59 d'arme de diplomatie ou de combat, selon les cas.
00:26:06 Et c'est...
00:26:09 Chaque région du monde a sa spécificité,
00:26:14 mais on retrouve ce genre de situation à travers le monde.
00:26:18 J'aurais pu parler d'un sujet qui me tient à coeur,
00:26:22 qui est le cas de la Chine,
00:26:24 puisque le plateau tibétain est le réservoir de la planète,
00:26:29 puisque vous avez, dans le plateau tibétain lui-même,
00:26:33 vous avez les 2 plus grands fleuves de cette région,
00:26:37 le Brahmaputra et le Gange, qui trouvent leur source.
00:26:41 Et un peu plus loin, dans le plateau du Qinghai,
00:26:43 vous avez le Mekong,
00:26:47 qui descend ensuite vers l'Asie du Sud-Est.
00:26:51 Et à chaque fois, vous retrouvez ces enjeux
00:26:54 sous leur forme spécifique,
00:26:55 puisque on connaît les relations compliquées
00:26:59 entre la Chine et l'Inde.
00:27:00 Les 2 pays ont été en guerre en 1962.
00:27:03 Ils ont une frontière qui fait 1 400 km de long,
00:27:06 je crois, voire plus,
00:27:08 et qui est une frontière provisoire,
00:27:11 qui n'a jamais été véritablement tracée,
00:27:14 dans laquelle il y a régulièrement des affrontements,
00:27:18 des affrontements d'ailleurs assez particuliers,
00:27:20 puisque dans l'accord de paix qui a mis fin à la guerre de 62,
00:27:25 il a été décidé que les armes à feu seraient interdites
00:27:29 le long de la frontière.
00:27:30 Donc les gardes, les soldats qui gardent ces frontières
00:27:34 n'ont pas d'armes à feu.
00:27:35 En 2020, il y a eu des affrontements
00:27:37 qui ont fait une cinquantaine de morts.
00:27:39 C'était avec des planches, avec des clous.
00:27:41 Donc on est...
00:27:42 Ce qui était un progrès, qui est l'interdiction des armes à feu,
00:27:45 devient une barbarie
00:27:48 où on se fracasse le crâne à coups de planches à clous.
00:27:53 Mais le fait est que vous avez cette situation
00:27:57 entre des pays qui ont des tailles similaires,
00:28:00 1,4 milliard d'habitants pour l'Inde,
00:28:03 1,35 milliard pour la Chine,
00:28:08 puisque l'Inde vient de dépasser la Chine,
00:28:11 2 pays qui ont une haute opinion d'eux-mêmes
00:28:14 et qui se tiennent en respect.
00:28:15 Et puis vous en avez un au milieu qui est le maillon faible,
00:28:18 un petit peu comme je décrivais tout à l'heure
00:28:20 les territoires palestiniens, c'est le Bangladesh.
00:28:22 Le Bangladesh, c'est le maillon faible
00:28:25 qui n'a pas la capacité d'établir un rapport de force.
00:28:29 Et aujourd'hui, le maillon faible est en passe
00:28:31 d'être la victime des agissements
00:28:35 de la Chine comme de l'Inde
00:28:38 qui...
00:28:39 Il n'y a pas d'accord international sur ces fleuves.
00:28:42 Donc contrairement aux autres dont je parlais tout à l'heure,
00:28:44 où il y a des commissions internationales
00:28:46 qui ont, au fil des années, fait des accords
00:28:49 avec des partages de débits, etc.,
00:28:52 il n'y a pas d'accord ni sur le Gange ni sur le Brahmaputra.
00:28:55 Et le Bangladesh se retrouve en fin de course
00:28:59 avec...
00:29:01 avec une incapacité à répondre
00:29:05 aux abus
00:29:08 des plus gros.
00:29:10 On appelle ça le "upstream superpower",
00:29:14 c'est-à-dire la superpuissance en amont.
00:29:16 Et en fait, on est vraiment là dans la géopolitique,
00:29:20 c'est-à-dire la géographie dicte les rapports de force
00:29:23 et dicte la puissance.
00:29:26 Vous êtes en amont,
00:29:28 on est dans la fable de la fontaine, vous avez
00:29:32 tous les avantages,
00:29:35 sauf lorsqu'il y a effectivement eu de la diplomatie
00:29:38 qui a permis de jouer.
00:29:42 Pareil avec le Mekong.
00:29:44 Le Mekong, c'est un fleuve absolument vital.
00:29:48 Je suis sûr que certains d'entre vous ont voyagé au Vietnam
00:29:51 ou au Cambodge.
00:29:52 C'est un fleuve qui part donc du plateau du Tsinghai en Chine
00:29:56 et qui traverse 5 pays.
00:29:59 70 millions d'habitants vivent
00:30:03 le long de ce fleuve.
00:30:06 Et c'est un fleuve absolument vital à tout point de vue
00:30:10 pour tous ses habitants.
00:30:11 Il y a une commission du Mekong qui là a été mise en place
00:30:15 il y a fort longtemps et qui gère tout ça.
00:30:19 Le seul problème, c'est que vous avez une Chine qui est évidemment
00:30:22 50 fois plus puissante que chacun des autres pays
00:30:26 en aval
00:30:28 et qu'elle est un véritable
00:30:32 upstream superpower, donc une superpuissance en amont,
00:30:35 et qu'elle a mis en place des barrages
00:30:39 sans demander l'avis des pays en aval
00:30:42 et qu'on est en permanence sur ce fil du rasoir
00:30:45 dans lequel l'enjeu de l'eau
00:30:48 est potentiellement
00:30:52 une source de conflits.
00:30:55 La Chine elle-même a des problèmes d'eau considérables.
00:30:58 Vous avez 2 grands fleuves qui traversent la Chine,
00:31:01 mais qui sont exclusivement nationaux,
00:31:02 donc qui ne sont pas transnationaux,
00:31:04 contrairement aux fleuves dont je parlais.
00:31:06 Ils sont donc le Yangtze et le fleuve Jaune.
00:31:08 Le fleuve Jaune est aujourd'hui à sec une partie de l'année.
00:31:12 Quand il arrive à son débouché,
00:31:16 il est régulièrement... C'est un cours d'eau.
00:31:20 Et donc la Chine
00:31:24 s'est lancée dans un programme absolument pharaonique
00:31:29 pour déplacer de l'eau du Yangtze vers le fleuve Jaune.
00:31:32 Et donc vous avez...
00:31:34 Il y a normalement 3 routes
00:31:38 qui ont été dessinées.
00:31:40 Il y en a une sur laquelle les travaux sont déjà bien avancés
00:31:44 et commencent à amener de l'eau.
00:31:47 Et c'est quelque chose d'extraordinaire.
00:31:49 J'étais... Je suis allé au reportage,
00:31:51 j'ai vécu 5 ans en Chine.
00:31:52 Je suis allé au reportage lorsqu'on a donné
00:31:55 le 1er coup de pelleté pour le canal qui allait amener cette eau.
00:32:00 Et les paysans qui étaient sur cette route
00:32:04 dans la province du Shandong, donc dans l'est de la Chine,
00:32:09 étaient très inquiets.
00:32:11 Parce qu'il y en a un qui m'avait employé cette formule
00:32:14 que j'avais trouvé formidable.
00:32:15 Il me dit que quand il y a une autoroute qui passe devant chez vous,
00:32:18 s'il n'y a pas de sortie d'autoroute à ce moment-là,
00:32:20 c'est nuisant, c'est pas un service.
00:32:23 Et donc le canal, ils avaient bien peur de le voir passer
00:32:28 sans pouvoir accéder à l'eau,
00:32:30 parce que le vrai but du canal,
00:32:32 c'est pas d'aider les agriculteurs,
00:32:35 c'est d'approvisionner Pékin, la capitale qui a soif.
00:32:39 C'est la capitale du Nord, Beïs est le Nord.
00:32:42 Et c'est...
00:32:44 Les problèmes d'eau sont dans tout le Nord.
00:32:49 Et donc cet enjeu de l'eau,
00:32:53 il est aussi évidemment un enjeu national.
00:32:56 Qui a accès à l'eau ?
00:32:57 Qui décide que le canal
00:33:00 a une ouverture ou pas ?
00:33:03 Si les paysans le long du canal peuvent y accéder, etc.
00:33:07 C'est un enjeu, là, de pouvoir considérable.
00:33:12 Il y a cette hydrohégémonie,
00:33:17 donc qui est cette volonté régulière
00:33:22 qu'ont les gros pays, ceux qui sont en amont,
00:33:25 d'imposer leurs lois en fonction de leurs intérêts.
00:33:28 C'est une...
00:33:30 Qu'on retrouve dans toute l'histoire.
00:33:32 Et puis il y a l'hydrodiplomatie,
00:33:34 c'est-à-dire la capacité qu'on a eue jusqu'à présent dans le monde
00:33:39 d'éviter les catastrophes.
00:33:41 Quand il y a eu le partage de l'Inde et du Pakistan,
00:33:45 les problèmes de fleuves ont été considérables.
00:33:49 Il n'y avait rien qui prévoyait quoi que ce soit,
00:33:54 puisque c'était le même pays, l'Inde britannique.
00:33:57 Et donc, tout d'un coup, on se retrouve avec deux pays
00:33:59 qui, en plus, se séparent dans la douleur
00:34:03 et dans la guerre, et qui ne s'entendent pas.
00:34:07 Et il n'y a pas eu de guerre sur l'eau.
00:34:10 Il y a eu plusieurs guerres entre l'Inde et le Pakistan.
00:34:12 Et 11 ans après l'indépendance du Pakistan,
00:34:16 il y a eu la création d'une commission chargée
00:34:19 de gérer les problèmes d'eau, et ça a marché jusqu'à présent.
00:34:22 Donc il y a une place pour la diplomatie
00:34:25 qui reste considérable, parce que peut-être que c'est
00:34:29 le peu de raison qu'il nous reste à nous, êtres humains,
00:34:33 qu'on se rend bien compte qu'on parle de la vie,
00:34:37 et que priver un autre pays ou un autre peuple d'eau,
00:34:41 c'est le condamner à mort.
00:34:42 Et donc cette sagesse-là, elle dure depuis 4 500 ans,
00:34:47 donc depuis la guerre de Mésopotamie,
00:34:49 et on peut espérer qu'elle va durer encore longtemps,
00:34:54 malgré toutes les tensions. Merci.
00:34:56 (Applaudissements)
00:34:57 (...)
00:35:05 -Merci beaucoup, Pierre.
00:35:07 Je vais appeler à cet espace, les gens commencent à se déplacer.
00:35:11 Nicolas Humbert qui approche, Yves Trichy que je vois,
00:35:14 Pierre Ribault, qui ne doit pas être très loin,
00:35:17 je ne le vois pas, mais il va arriver.
00:35:18 Si, il le voit là.
00:35:19 Et Marc Dincombe.
00:35:21 Merci, Pierre.
00:35:24 Je vais me mettre là, moi, oui.
00:35:28 Vous vous installez où vous voulez.
00:35:30 Mettez-vous, sentez-vous à l'aise.
00:35:32 Oui, il y a une place. Installez-vous.
00:35:37 Mettez-vous ici, oui.
00:35:40 Eh bien, écoutez, donc, ce qui est intéressant,
00:35:42 là, on était dans les grands enjeux très internationaux.
00:35:46 On va passer à des enjeux beaucoup plus locaux,
00:35:49 des enjeux nationaux,
00:35:50 un peu internationaux avec IEB, quand même,
00:35:52 mais voilà, c'est intéressant.
00:35:54 On va rentrer dans la 2e partie de cette soirée consacrée à l'eau.
00:35:59 Et vous allez voir que si on parle d'eau ici...
00:36:01 Merci, Charles.
00:36:03 Si on parle d'eau ici, c'est pas par hasard,
00:36:05 c'est qu'effectivement, Porquerolle, c'est une île,
00:36:08 c'est une île où chaque goutte d'eau compte
00:36:10 et va compter de plus en plus avec la situation que vous connaissez.
00:36:13 Et c'est donc un exemple parfait, vous allez voir,
00:36:15 de ce qu'il est d'ores et déjà possible d'imaginer, de faire,
00:36:20 précisément parce que nous entrons dans une ère
00:36:23 où l'eau ne sera plus autant en abondance.
00:36:25 Voilà. Donc pour en parler avec nous, j'ai le plaisir d'accueillir ici...
00:36:29 Alors, je vais commencer par vous, Marc Dincôme, bonsoir.
00:36:33 Vous êtes le directeur du parc national de Porquerolle.
00:36:35 Porquerolle, c'est une île qui est juste à côté de Porquerolle.
00:36:39 Avec vous, nous allons aborder la question de l'eau à Porquerolle,
00:36:42 surtout, et qui est, comme on l'a dit, très particulière.
00:36:46 À votre gauche, il y a Iebb Tricky.
00:36:48 Bonsoir, Iebb.
00:36:49 Vous êtes ingénieur et fondateur d'une startup extraordinaire.
00:36:52 Vous voyez, on voit les deux...
00:36:54 C'est pas des oeuvres d'art contemporain, mais presque.
00:36:56 Les deux petits robots qui fabriquent de l'eau,
00:36:59 c'est les produits, les fruits de ce travail,
00:37:01 de cette startup qui s'appelle Cumulus.
00:37:05 On va voir ce qu'elle fait.
00:37:06 À votre gauche, je donnerai la parole aussi à Nicolas Imbert.
00:37:10 Nicolas, bonsoir. Nicolas, merci d'être avec nous.
00:37:12 Vous êtes le directeur exécutif d'une association
00:37:13 qui s'appelle Green Cross France et Territoires
00:37:16 et qui intervient ici même à la Villa Carmignac
00:37:19 pour réduire le poids en eau, l'empreinte en eau de la villa.
00:37:23 Vous allez nous expliquer comment vous faites.
00:37:25 Et enfin, je me tourne vers vous, Pierre Ribot.
00:37:27 Merci d'être avec nous. Bonsoir.
00:37:29 Vous êtes le directeur général eau France chez Veolia.
00:37:32 Avec vous, nous verrons quelle est la politique novatrice de Veolia
00:37:37 pour réutiliser notamment les eaux usées intelligemment.
00:37:40 Comment est-ce qu'on peut réutiliser les eaux usées ?
00:37:42 Les eaux usées, vous savez ce que c'est ?
00:37:43 On va tout de suite le préciser,
00:37:44 parce que c'est une question qui va beaucoup revenir dans les discussions.
00:37:47 Les eaux usées, c'est les eaux de nos baignoires,
00:37:50 de nos toilettes, de nos lavabos, etc.
00:37:51 C'est ça, les eaux usées. Retenez ça.
00:37:54 Je vais me tourner tout d'abord vers vous, Ieb Treki.
00:37:57 Merci. Vous êtes donc, je rappelle,
00:37:59 le fondateur de cette startup qui s'appelle Cumulus,
00:38:02 qui fabrique donc ces magnifiques engins futuristes et poétiques à la fois.
00:38:07 C'est une startup franco-tunisienne, il faut le dire, ce qui est très chouette.
00:38:10 Vous avez fait une petite école en France qui s'appelle l'école Polytechnique.
00:38:14 Vous, c'était plutôt... Voilà.
00:38:16 Et je révèle, si vous ne l'avez pas compris,
00:38:20 vous n'étiez pas au courant, que ces machines magiques,
00:38:22 on les entend, elles font un petit peu de bruit,
00:38:24 elles ronronnent un peu, puis elles font des petites gouttes d'eau qu'on entend.
00:38:27 Elles fabriquent de l'eau à partir de la rosée.
00:38:29 Voilà. Je vais vous donner tout de suite la parole, Ieb.
00:38:32 Comment ça marche ?
00:38:34 - On parle d'eau et philosophie.
00:38:37 Donc un des principes philosophiques de Cumulus,
00:38:39 c'est qu'on pense que, un, l'innovation doit être au service de l'humanité.
00:38:44 Et deux, finalement, il faut s'inspirer de la nature.
00:38:47 Il ne faut pas aller chercher très loin.
00:38:49 Et donc, tout a commencé lors d'un voyage dans le désert.
00:38:52 Et j'ai vu qu'il y avait la rosée du matin qui a couvert ma voiture et ma tante,
00:38:56 alors qu'on était en plein milieu du désert.
00:38:58 Et c'est là que je me suis dit, finalement, la nature fait bien des choses.
00:39:01 Déjà, elle transporte l'eau là où on en a besoin, où là on vit.
00:39:05 Et deuxièmement, il y a une manière naturelle de créer l'eau.
00:39:08 Et donc, Cumulus a répliqué ce phénomène naturel.
00:39:12 Point de rosée, calcul du point de rosée,
00:39:14 baisse de température, et là, on a créé l'eau.
00:39:18 Le point de rosée, c'est la température à laquelle,
00:39:20 pour une humidité donnée relative et une température relative aussi,
00:39:24 on a une température qui vous permet de commencer à créer l'eau.
00:39:28 Quand on est à 40%, par exemple, d'humidité, un exemple vague,
00:39:31 40% d'humidité, 30 degrés, par exemple, le point de rosée peut être à 8 degrés.
00:39:35 Et du coup, on baisse à 6, 4 degrés à peu près.
00:39:38 -Votre machine aspire l'air... -Et elle le refroidit.
00:39:41 -Avec l'humidité qui se trouve dedans.
00:39:44 On parle de pays comme la Tunisie, le désert, etc.
00:39:46 On se dit qu'il n'y a pas énormément d'humidité dans l'air.
00:39:48 En fait, si. -Il y en a.
00:39:50 Et donc, du coup, ça, c'est le premier paramètre,
00:39:53 qui est la création de l'eau.
00:39:54 Et le deuxième, qui est encore plus important,
00:39:56 c'est comment la potabiliser pour la rendre potable pour la boisson.
00:40:00 Et là, on s'aspire aussi de la nature,
00:40:02 parce que vous avez l'eau qui vient des cimes, par exemple,
00:40:05 dans les montagnes,
00:40:06 et après, ça passe par des pierres et elles se minéralisent.
00:40:09 Et c'est là qu'on a des eaux minérales de différents goûts.
00:40:13 Et donc, du coup, chez nous, avec la R&D qu'on a,
00:40:16 on a pu contrôler, un, la vitesse de passage de l'eau
00:40:19 à travers certaines pierres naturelles,
00:40:21 et deux, le choix de ces pierres naturelles.
00:40:23 -Elles sont dans la machine. -Elles sont dans la machine.
00:40:24 On change tous les 6 à 12 mois.
00:40:27 Et ça nous permet de jouer, mais vraiment jouer,
00:40:29 avec le goût de l'eau et la minéralisation de l'eau.
00:40:32 -Très bien. Et on peut...
00:40:33 Vous fabriquez combien de litres d'eau par jour
00:40:35 avec une machine comme ça ?
00:40:36 -Alors, la réponse courte, une machine comme celle-ci,
00:40:39 en moyenne, elle est entre 20 et 30 litres d'eau par jour,
00:40:42 en moyenne, sur une année.
00:40:43 Aujourd'hui, ce matin, pas ce matin, on l'a vidé vers 11h,
00:40:47 et là, j'ai regardé, on est à 10 litres déjà.
00:40:50 C'était assez humide, je pense.
00:40:53 Il y a un autre point, et j'en profite,
00:40:54 aussi, un point philosophique chez Cumulus.
00:40:56 Nous ne sommes pas dans les grandes tailles de machines
00:41:00 ou quantités d'eau.
00:41:01 On vise à servir 2 litres d'eau par jour, par personne.
00:41:07 Et donc, des groupements de personnes,
00:41:08 d'une dizaine de personnes, par exemple,
00:41:10 une machine leur suffirait.
00:41:12 Et du coup, on est dans la vision de ce qu'on appelle en anglais
00:41:15 "distributed water", c'est l'eau distribuée,
00:41:17 la fourniture distribuée d'eau.
00:41:19 Et donc, du coup, quand on a des villages,
00:41:22 ou hier, j'étais à Castellar,
00:41:23 où vous avez des gens qui ont des villas
00:41:25 tout en haut de la montagne et qui n'ont pas d'eau,
00:41:27 et donc, pour eux, une machine suffirait.
00:41:30 Alors que si on parle de transporter l'eau
00:41:33 sur des grandes distances, là, nous, on est dans l'eau distribuée.
00:41:35 -Ce qui est super intéressant dans la philosophie de Cumulus,
00:41:38 c'est que vous me disiez, ce qu'il faut savoir,
00:41:40 c'est que vous êtes, avant d'être un spécialiste de l'eau,
00:41:41 vous êtes un spécialiste des énergies renouvelables,
00:41:43 et vous me disiez, ce qui est extraordinaire avec les énergies,
00:41:46 c'est que vous êtes au milieu du désert,
00:41:47 au milieu de n'importe où,
00:41:49 si vous avez des panneaux solaires, le soleil arrive et ça fonctionne.
00:41:52 S'il y a du vent, l'éolien arrive,
00:41:55 l'éolien fonctionne et tout va bien.
00:41:58 Avec l'eau, effectivement,
00:41:59 si vous n'avez pas accès à des nappes phréatiques,
00:42:01 eh bien, il y a de l'eau dans l'air, dans l'atmosphère.
00:42:03 C'est cette logique de distribution dont vous parlez.
00:42:06 C'est ça. Concrètement, là, on parle de l'eau de porquerolles,
00:42:10 bien sûr, parce qu'on est ici
00:42:12 et qu'on connaît les problèmes de sécheresse,
00:42:15 mais vous intervenez aussi dans des pays,
00:42:18 par exemple votre pays natal, qui est la Tunisie.
00:42:20 Concrètement, je ne sais pas,
00:42:22 quelle est votre ambition dans ces pays-là ?
00:42:26 -Alors, initialement,
00:42:28 moi, je suis aussi franco-tunisien, comme la boîte.
00:42:31 Et donc, du coup, il faut se l'avouer,
00:42:33 il y a beaucoup de recherches et de développement,
00:42:35 beaucoup d'excellents laboratoires à l'échelle mondiale
00:42:37 qui se trouvent en France.
00:42:39 Et donc, du coup, initialement, on a créé l'entreprise
00:42:41 en nous disant, on va créer ces machines
00:42:44 et on va les commercialiser en Afrique du Nord,
00:42:47 en Moyen-Orient, en Afrique subsaharienne.
00:42:49 Mais on était choqués, mais vraiment choqués,
00:42:51 par le nombre de demandes qu'on recevait de la France, déjà,
00:42:55 au sud, les îles, Mayotte,
00:42:58 tout le monde est au courant de ce qui se passe à Mayotte,
00:43:00 en Espagne aussi.
00:43:01 Et donc, du coup, actuellement,
00:43:03 il y a autant de machines en Afrique du Nord
00:43:05 que dans des pays que je viens de mentionner.
00:43:07 -Vous étiez choqués parce que vous attendiez pas,
00:43:10 d'une certaine manière, à ce que cette idée que l'eau,
00:43:12 on va l'attraper un peu partout et qu'elle est nécessaire,
00:43:16 ça vienne de pays comme les nôtres.
00:43:17 -Non, mais c'est surtout que j'avais cet imaginaire
00:43:19 ou cette image de la France, par exemple,
00:43:20 qui est un pays où il y avait de l'eau.
00:43:22 J'ai toujours eu cette image.
00:43:24 Mais après, quand on rentre dans le détail,
00:43:26 ben non, pas dans tous les endroits.
00:43:27 -C'est ça, il y a du vin aussi.
00:43:28 C'est un autre... Ça, c'est autre chose.
00:43:30 Merci, Yèbe, de cet exemple.
00:43:33 Effectivement, je me tourne auparavant vers vous,
00:43:35 Nicolas Imbert.
00:43:37 Voilà, Nicolas, je rappelle que vous êtes directeur exécutif
00:43:39 de Green Cross France et Territoire.
00:43:42 Peut-être pour commencer, dites-nous deux mots.
00:43:44 Qu'est-ce que c'est, Green Cross France et Territoire ?
00:43:46 -C'est une association qui est née, en fait,
00:43:49 d'une rencontre à Rio 92
00:43:52 entre Mireille Gorbatchev,
00:43:53 qui était déjà plus patron de l'URSS,
00:43:56 mais qui venait de subir la catastrophe de Tchernobyl
00:44:00 sur son territoire et ses conséquences,
00:44:03 le commandant Cousteau et les 146 chefs d'Etat,
00:44:07 qui avaient très, très bien compris l'urgence climatique,
00:44:10 ce qui était en train de se nouer,
00:44:13 et l'idée est apparue d'avoir,
00:44:15 à l'image de la croix rouge dans le domaine social,
00:44:17 une croix verte de l'environnement
00:44:19 qui soit neutre politiquement,
00:44:22 bienveillante par rapport aux institutions
00:44:24 et aux porteurs de projets,
00:44:25 et qui construise sa crédibilité
00:44:27 sur des pistes de solutions extrêmement concrètes.
00:44:31 Pendant les 10 premières années,
00:44:32 on a beaucoup travaillé sur des sujets
00:44:34 comme l'accès à l'eau et la diplomatie de l'eau.
00:44:38 Ca a notamment donné lieu à l'ouvrage
00:44:41 qui est encore utilisé sur la diplomatie de l'eau
00:44:44 aux presses de l'UNESCO.
00:44:47 Ensuite, on a élargi la thématique...
00:44:48 -Ce qui est bien, c'est qu'avec Pierraschi,
00:44:50 en 1re partie, en diplomatie de l'eau,
00:44:51 tout le monde comprend ce que ça veut dire.
00:44:53 Il n'y a pas besoin d'expliquer.
00:44:55 -C'est un sujet qui est essentiel,
00:44:56 c'est un sujet qui est très concret et très opérationnel,
00:44:59 sur lequel il y a eu énormément d'avancées,
00:45:02 et en particulier des conflits asymétriques.
00:45:06 Par exemple, le droit de l'eau et le droit à l'eau,
00:45:10 qui, pendant très longtemps, étaient des droits stagnants,
00:45:13 sont désormais considérés comme des droits de l'homme.
00:45:15 -Qu'est-ce que c'est, des droits stagnants ?
00:45:16 -C'est-à-dire que c'était des droits
00:45:18 dont on ne savait pas dans les hiérarchies
00:45:20 des droits où les situer.
00:45:22 Et notamment lors de la COP 21,
00:45:24 il y a des choses essentielles qui se sont passées
00:45:26 dans le texte de l'accord de Paris.
00:45:28 La 1re, c'est la reconnaissance explicite
00:45:31 du droit à l'eau et du droit de l'eau.
00:45:33 Et la 2e, c'est que le président Hollande
00:45:36 avait demandé à l'époque
00:45:37 un groupe de travail précisé par Corine Lepage,
00:45:40 et j'ai eu la chance d'y participer,
00:45:42 de proposer une déclaration des droits de l'humanité
00:45:47 axée sur 6 droits, 6 devoirs et 4 principes généraux
00:45:52 pour permettre une nouvelle génération de droits,
00:45:55 et notamment de rendre opérationnel ce droit de l'eau.
00:45:59 Ca s'est rentré dans la charte de l'environnement,
00:46:02 s'est rentré aussi dans les textes
00:46:04 qui constituent le socle européen
00:46:06 sur la réutilisation et sur l'économie de l'eau,
00:46:10 et ça permet de rappeler une définition.
00:46:12 C'est que l'eau, c'est la seule ressource sur la planète
00:46:16 qui est non substituable et nécessaire à la vie,
00:46:19 en particulier s'agissant de l'eau potable.
00:46:23 Et ça oblige énormément
00:46:26 à repositionner le sujet dans son contexte.
00:46:29 Quand on parle du dérèglement climatique et de ses effets,
00:46:33 l'un des effets 1ers que le rapport du GIEC
00:46:36 nous avait parfaitement prédit,
00:46:37 donc pour répondre à la question
00:46:39 de qui aurait pu prévoir n'importe qui
00:46:40 qui a lu les rapports...
00:46:42 -C'est la question posée par Emmanuel Macron, en précisant.
00:46:46 -Voilà. Mais visiblement, on a toujours besoin
00:46:49 de faire oeuvre de pédagogie sur ce sujet.
00:46:51 Ca rend extrêmement modeste,
00:46:53 et ça permet aussi de mettre en avant
00:46:55 des projets concrets, décentralisés,
00:46:57 comme celui que vous venez de montrer.
00:47:00 En fait, la question du dérèglement climatique
00:47:03 se manifeste souvent soit par des pénuries d'eau potable,
00:47:06 soit par des problèmes de phénomènes climatiques extrêmes
00:47:09 et donc des successions de vagues de chaleur et d'inondations.
00:47:13 Des cas comme ce qu'ont vécu l'Inde, le Pakistan,
00:47:16 ce que vit la Nouvelle-Calédonie, la Libye en ce moment
00:47:19 sont aussi très prégnants.
00:47:22 Et le 3e sujet,
00:47:25 c'est la capacité à assurer une stabilité entre Etats
00:47:29 sur ces sujets. Et plus on est concret,
00:47:31 plus on est opérationnel, plus on est sombre,
00:47:34 plus on avance. Et c'est un petit peu le fil rouge
00:47:36 de ce qui nous guide dans la relation avec Porquerolles
00:47:39 et avec la Fondation Carmignac, c'est qu'on est sur une île mondiale.
00:47:42 -Parce qu'on précise, donc je reprécise,
00:47:43 que votre association, qui a donc un spectre très international,
00:47:47 vous travaillez très localement ici,
00:47:50 dans la Fondation, à la Villa Carmignac.
00:47:51 -Absolument. Et on n'est pas tout seul.
00:47:53 -Qu'est-ce que vous faites ici ?
00:47:54 -Alors, déjà, on est venu sur un terrain
00:47:57 où plein de gens avaient travaillé le sujet avant nous.
00:48:00 Je pense en particulier aux amoureux de Porquerolles,
00:48:03 aux Porquerollais, à des organisations comme Smilo,
00:48:07 qui avaient fait une campagne sur la sobriété de l'usage en eau.
00:48:12 Nous sommes arrivés après,
00:48:14 et donc nous avons regardé tout ce qui avait été fait.
00:48:19 Les pratiques agricoles sont souvent aussi
00:48:21 des pratiques qui sont sobres en eau,
00:48:23 voire des pratiques régénératives
00:48:25 qui permettent aussi d'avoir un milieu qui redevienne fertile
00:48:28 parce qu'on a mis de l'eau, de l'ombre, etc.,
00:48:31 pour aider à mettre en avant un certain nombre de projets.
00:48:35 On est très contents que l'exemple de l'eau de rosée
00:48:37 se concrétise aujourd'hui,
00:48:40 d'autant plus que ça répond à des discussions initiales
00:48:42 qui avaient eu lieu il y a quelques années
00:48:45 avec Jean-Marie, avec Charles, etc.
00:48:47 Sur la gestion de la ressource,
00:48:49 on est sur une île qui, par exemple,
00:48:53 comme de nombreuses îles sur la planète,
00:48:55 n'a pas de nappe phréatique, n'a pas de lentilles d'eau
00:48:59 et donc doit être extrêmement économe
00:49:01 dans l'usage de la ressource.
00:49:03 De temps en temps, il arrive quand il y a trop de touristes,
00:49:06 trop de mésusages ou de la surfréquentation
00:49:08 qu'en mi-juillet ou mi-août, on a des pénuries
00:49:11 parce que le navire qui approvisionne n'y arrive pas.
00:49:14 Le fait, d'ailleurs, de remplacer le navire
00:49:16 par un tuyau comme c'est en cours
00:49:19 nous incitera à être encore plus sobres
00:49:22 pour préparer l'avenir et pour ne pas créer...
00:49:24 -Ca, ça s'appelle de l'optimisme, ce que vous dites là.
00:49:28 -On précise juste une chose,
00:49:29 parce que Charles Carmignac l'a évoqué tout à l'heure.
00:49:32 L'usage de l'eau potable sur l'île de Porquerolles
00:49:35 est possible parce qu'un bateau,
00:49:37 qui s'appelle le Saint-Christophe, si je ne m'abuse,
00:49:39 passe une fois à deux fois par jour,
00:49:41 deux fois, je crois, en été, par jour,
00:49:43 avec 400 m3 d'eau pour fournir une citerne
00:49:47 dans laquelle on va piocher les usages domestiques.
00:49:49 -Absolument. Et ensuite, ce qui se passe
00:49:50 dans une structure comme la villa dans laquelle on est aujourd'hui
00:49:54 peut se passer à l'échelle de n'importe quelle habitation.
00:49:57 On a une eau de boisson,
00:49:59 et je préfère employer le terme d'eau de boisson
00:50:02 plutôt qu'eau potable, d'une grande qualité,
00:50:05 et on va finir par retrouver 50 % de notre consommation
00:50:08 dans nos toilettes.
00:50:09 -Attendez, précisez ce que ça veut dire.
00:50:11 Je ne l'ai pas compris.
00:50:13 -Dit autrement, la moitié de l'eau qui rentre sur le périmètre
00:50:17 et qui passe par le compteur
00:50:18 est aujourd'hui utilisée pour nettoyer des toilettes.
00:50:23 Les solutions technologiques existent
00:50:27 et sont faciles à mettre en oeuvre.
00:50:30 Aujourd'hui, on a des dispositifs de filtration,
00:50:33 on a la capacité de contrôler soit de manière organique,
00:50:36 soit de manière physico-chimique.
00:50:38 Donc de manière organique,
00:50:39 Marc en parlera vraisemblablement bien mieux que moi juste après,
00:50:45 mais il y a des choses très bien qui sont faites.
00:50:48 De manière physico-chimique, on sait faire,
00:50:49 mais c'est plus consommateur en ressources fossiles,
00:50:52 et d'avoir une réutilisation de l'eau
00:50:55 ou dans la mythologie et dans la précision...
00:50:56 -De l'eau usée, on est d'accord.
00:50:58 -De l'eau usée.
00:50:59 Mais vous savez, on parle des sept vies de l'eau
00:51:02 dans un certain nombre de cultures et de mythologies,
00:51:05 qu'elles soient judéo-chrétiennes
00:51:06 ou qu'on aille regarder ce qui se passe dans les légendes,
00:51:11 dans les îles de Polynésie et de Mélanésie,
00:51:14 où il y a très peu d'eau potable locale.
00:51:16 Ca revient régulièrement.
00:51:18 C'est-à-dire qu'on a mis des mots "eau potable", "eau usée"
00:51:23 sur une réalité qui est une réalité de cycle de l'eau.
00:51:26 Si on veut avoir une image très précise,
00:51:28 imaginons que la Terre est une orange.
00:51:32 La peau de l'orange, c'est l'ensemble de la ressource en eau
00:51:35 qui est disponible sur la Terre.
00:51:38 Et si je prends une punaise,
00:51:41 la taille que je verrais en surface de la punaise sur l'orange,
00:51:45 c'est l'eau douce qu'on a à disposition pour tous les terriens.
00:51:48 Et le petit trou que j'ai fait avec la punaise,
00:51:51 c'est l'eau potable, que j'ai envie d'utiliser comme eau de boisson,
00:51:54 parce que c'est là qu'elle est vraiment utile,
00:51:57 mais qui, aujourd'hui, est utilisée pour plein d'autres usages.
00:52:01 Plus on travaille sur la hiérarchie des usages,
00:52:04 plus on est économe.
00:52:05 -Votre intervention à la ville à Carmignac,
00:52:07 c'est d'éviter cette absurdité incroyable
00:52:11 qu'il n'y a qu'à utiliser la moitié de l'eau pour nettoyer les toilettes,
00:52:13 je crois que chacun aura compris l'usage,
00:52:16 ce qui est de l'eau livrée par bateau de qualité, etc.,
00:52:20 et de réutiliser les eaux usées pour, justement, ce genre d'usage.
00:52:23 -Aujourd'hui, malheureusement, on est très modeste.
00:52:25 On montre que c'est possible,
00:52:27 parce qu'on a une réglementation,
00:52:29 et plutôt un règlement européen.
00:52:31 La différence entre un règlement, par exemple,
00:52:34 et un vote européen,
00:52:35 c'est que le règlement devrait s'appliquer de plein droit
00:52:38 dans les Etats membres à partir du moment où il a été promulgué
00:52:42 sur la réutilisation des eaux usées.
00:52:44 -C'est-à-dire que l'Europe encourage la réutilisation des eaux usées,
00:52:47 mais les autorités françaises ne sont pas...
00:52:49 -L'Europe l'encourage, et l'Europe l'encourage en particulier
00:52:52 parce que certains pays sont entre beaucoup et très avancés
00:52:56 et parce que d'autres pays en ont besoin
00:52:59 pour la survie de leur pratique au quotidien.
00:53:01 J'en prends comme exemple ce qui s'est passé en Espagne
00:53:04 cet été et l'été dernier,
00:53:06 qui fait qu'aujourd'hui, la continuité du modèle agricole espagnol
00:53:09 est un problème pour l'Espagne
00:53:12 et vraisemblablement pour ceux qui en sont dépendants.
00:53:16 Technologiquement, on sait faire.
00:53:18 Il y a une île, pour ceux qui connaissent le sud de la Belgique,
00:53:22 où il existe un petit restaurant qui s'appelle Gusto.
00:53:25 C'est juste à côté de La Panne,
00:53:27 et ce restaurant fonctionne en complète autonomie
00:53:29 dans son usage de l'eau et en autonomie énergétique.
00:53:32 C'est-à-dire que vous avez la chance que l'eau qu'on vous serve à boire,
00:53:36 en fait, quand vous commandez de l'eau à bulles ou de l'eau plate,
00:53:38 c'est l'eau qui sort des toilettes.
00:53:40 Il y a un autre lieu qui fait ça très bien et qu'on oublie.
00:53:43 -Avouez que ça vous fait rêver.
00:53:45 -Saluer tous mes amis astronomes, c'est une station spatiale.
00:53:49 Toutes les stations spatiales, que ce soit l'ESS, etc.,
00:53:52 fonctionnent sur ce principe.
00:53:54 Aujourd'hui, on sait faire la même chose à Porquerolles.
00:53:57 C'est aussi important dans les imaginaires
00:53:59 de montrer que c'est agréable.
00:54:01 -Pourquoi la réglementation française...
00:54:02 Enfin, les Français, alors que le règlement européen
00:54:04 a l'air assez en avance,
00:54:05 pourquoi les autorités françaises
00:54:08 semblent très délicates de faire ?
00:54:09 Parce que vous êtes assez énervé avec ça.
00:54:11 -Pour nous, c'est une question.
00:54:13 C'est une question qu'on porte depuis un certain temps
00:54:16 et qu'on porte d'autant plus
00:54:18 que les technologies et les entreprises françaises de l'eau
00:54:21 ont une panoplie de savoir-faire
00:54:23 qui font école à l'international
00:54:25 et qui, souvent, sont mises en oeuvre
00:54:27 avec beaucoup de succès à l'extérieur de nos frontières.
00:54:31 On a travaillé depuis la COP de Madrid
00:54:36 avec ce qu'on a appelé, en fait, un acte 1 et un acte 2
00:54:40 de Dunkerque pour une résilience territoriale à travers l'eau,
00:54:43 pour avoir 14 propositions avec les collectivités
00:54:47 qui permettent d'avancer vers une meilleure transparence,
00:54:50 une meilleure gestion en sobriété de la ressource.
00:54:52 Et là, on va faire le lien avec ce que vous disiez
00:54:54 sur l'eau et les énergies renouvelables en 4D,
00:54:57 déconcentrées, diversifiées, décarbonées, démocratiques,
00:55:01 et pour être capables d'anticiper les enjeux sanitaires
00:55:05 et qualitatifs pour l'eau.
00:55:06 Typiquement, si on est capable de le faire et d'initier
00:55:10 une démarche avec la Villa Carmignac,
00:55:13 plus généralement sur Porquerolle et d'aller très loin,
00:55:17 ça sert d'inspiration.
00:55:18 Et quand vous rentrerez sur le continent,
00:55:20 vous rentrerez vraisemblablement,
00:55:22 vous avez un truc comme ça dans la poche.
00:55:24 Si je voulais porter ce téléphone
00:55:27 par la quantité d'eau virtuelle qu'il contient,
00:55:30 je n'aurais simplement pas la force de le porter
00:55:33 parce qu'il pèse 3 tonnes.
00:55:34 S'il y avait une pomme dessus, il n'en pèserait pas 3,
00:55:36 il en pèserait 6 en eau virtuelle.
00:55:39 Et ça veut dire, et c'est un autre sujet
00:55:41 sur lequel peut-être il y aura des travaux
00:55:44 qui seront faits dans le cadre des activités de photojournalisme,
00:55:48 et aujourd'hui, la question de savoir
00:55:50 comment les choses se passent
00:55:53 dans la gestion des ressources naturelles,
00:55:55 de l'industrie extractive,
00:55:57 comme dans la gestion de nos déchets
00:55:59 et de regarder l'eau qui est issue de nos consommations
00:56:03 est quelque chose d'essentiel.
00:56:04 Quand on compare la consommation d'eau
00:56:06 d'un Américain, d'un Européen et d'un Chinois,
00:56:09 très souvent, l'Américain,
00:56:11 il va consommer son eau virtuelle sur son territoire.
00:56:14 Donc ça va être reporté dans un chiffre
00:56:16 qui est 2 à 2,5 fois plus fort
00:56:18 qu'un Européen qui va avoir tendance à importer
00:56:21 ce qui est le plus consommateur en eau.
00:56:24 Et là, on voit bien que l'île est un territoire microscopique,
00:56:28 mais tout autour de vous,
00:56:29 j'ai de quoi travailler sur l'autonomie alimentaire,
00:56:32 j'ai de quoi travailler sur de l'agriculture régénérative,
00:56:35 de quoi travailler sur la ressource en eau.
00:56:38 Et c'est pour ça que c'est aussi important
00:56:40 d'être inspirant dans une bonne gestion de l'eau.
00:56:43 Merci, Nicolas.
00:56:44 J'ai envie de vous entendre sur ce point.
00:56:47 Je vous donne la parole, Pierre Ribault.
00:56:49 Je rappelle que vous êtes directeur général
00:56:50 eau franche chez Veolia.
00:56:52 Et justement, on a commencé à le dire un petit peu,
00:56:55 vous avez une vraie ambition de réutiliser les eaux usées
00:57:00 pour vos clients.
00:57:02 Alors d'abord, qui sont vos clients
00:57:03 et pourquoi vous voulez utiliser les eaux usées ?
00:57:05 À quel usage, en quelque sorte ?
00:57:07 Merci.
00:57:09 Alors, peut-être remettre les choses en perspective.
00:57:12 Qui est Veolia eau France ?
00:57:14 Qu'est-ce que nous faisons et pour qui nous le faisons ?
00:57:17 Nous existons depuis 170 ans.
00:57:21 A l'origine, c'est la compagnie générale des eaux en France.
00:57:24 Notre métier est de fournir des services spécialisés
00:57:30 aux collectivités depuis la création de l'entreprise
00:57:34 autour des enjeux de la production et de la distribution de l'eau potable
00:57:39 et la collecte et le traitement des eaux usées.
00:57:41 Je fais simple.
00:57:43 Et ça, on l'appelait le petit cycle de l'eau.
00:57:46 Je ne sais plus trop pour quelles raisons.
00:57:48 Aujourd'hui, on se rend compte que ce petit cycle de l'eau,
00:57:51 il fait partie du grand cycle de l'eau.
00:57:54 En fait, il n'y a qu'un seul cycle de l'eau.
00:57:56 Et c'est ça qu'il faut qu'on regarde à la bonne maille.
00:58:00 Donc, on fournit nos services aux collectivités
00:58:03 qui, en France, ont la responsabilité
00:58:05 de la production et la distribution de l'eau par la loi
00:58:09 et qui font le choix de l'ambition
00:58:13 qu'elles portent pour l'eau sur leur territoire.
00:58:16 Et elles peuvent décider, dans certaines conditions,
00:58:18 de s'associer les services d'entreprise spécialisée comme la nôtre
00:58:22 pour fournir des services soit intégrés
00:58:26 de la gestion de la ressource, la relation des usagers, la restitution.
00:58:31 - Il faut que vous soyez très pédagogue.
00:58:33 Service intégré, je ne sais pas ce que c'est.
00:58:35 - Service intégré, c'est-à-dire, en fait, l'eau, on la pompe.
00:58:38 Pour faire simple, hormis Cumulus qui l'extrait de l'atmosphère.
00:58:43 Mais en général, on pompe l'eau
00:58:46 dans les rivières ou sous terre, dans les nappes,
00:58:50 plus ou moins profondes.
00:58:51 On la remonte à la surface, si elle n'y est pas déjà.
00:58:55 On la met dans des tuyaux, c'est ce qu'on appelle...
00:58:57 Et on la traite, pour en faire de l'eau potable,
00:59:01 c'est ce qu'on appelle la production.
00:59:03 La distribution, c'est une fois que ça sort des usines de production,
00:59:06 qui sont des équipements comme ceux de Cumulus,
00:59:09 mais collectifs, voilà,
00:59:12 on la distribue.
00:59:14 Cette eau, elle arrive chez des particuliers.
00:59:18 Ils n'ont pas besoin de se déplacer, mais elle vient chez eux.
00:59:22 Et ces usagers, des serviers de la collectivité,
00:59:25 il faut les...
00:59:27 Comment dire ? Les accueillir, les informer sur l'eau,
00:59:31 facturer le service d'eau, ce qu'on appelle la gestion de l'usager.
00:59:35 Et puis ensuite, une fois qu'on a flushé les toilettes
00:59:38 ou qu'on a fait sa machine à laver ou qu'on a pris sa douche,
00:59:42 l'eau est collectée dans un réseau collectif.
00:59:45 Et ce qu'on appelle la collecte des eaux usées,
00:59:47 ça va dans les stations d'épuration.
00:59:49 Elles sont épurées pour être remises à un niveau,
00:59:54 on va dire, compatible avec le milieu dans lequel elles vont être rejetées.
00:59:57 C'est ce qu'on appelle l'épuration.
00:59:58 C'est ça qu'on appelle le service de la gestion intégrée,
01:00:00 c'est ça qu'on appelle la gestion intégrée
01:00:01 de ce fameux petit cycle de l'eau,
01:00:03 qui est en fait le service d'eau et d'assainissement des collectivités.
01:00:06 -Alors, jusqu'ici, les eaux usées, on a bien compris, Nicolas,
01:00:09 c'est en France très, très difficile de les utiliser.
01:00:12 Et vous avez pris l'initiative de commencer à les utiliser.
01:00:16 À quel usage ?
01:00:17 -Alors, si je peux me permettre, juste pour un sujet poétique,
01:00:21 pourquoi on fait ça ?
01:00:23 Vous n'avez pas le sens de ce qu'on fait.
01:00:25 Le sens de ce qu'on fait, c'est poser la question
01:00:27 de pourquoi la réglementation,
01:00:30 est-ce qu'elle est en France et elle n'est pas plus avancée ?
01:00:32 -Vous comprenez qu'elle n'était pas très favorable à l'utilisation des eaux usées.
01:00:35 -Non, elle ne l'est pas.
01:00:36 Alors après, on peut se dire, OK, les Espagnols sont plus malins que nous,
01:00:39 les Israéliens sont plus malins que nous,
01:00:40 les Italiens sont plus malins que nous, etc.
01:00:42 Ce n'est pas vrai, en fait.
01:00:44 Donc, ils ont juste une soif avant nous.
01:00:47 Et donc, la faim fait sortir le loup du bois.
01:00:51 Donc, la France bénéficie d'un climat tempéré.
01:00:55 C'est une bénédiction qui fait que,
01:00:58 on a des automnes et des hivers qui rechargent
01:01:02 les ressources en eau renouvelable, j'y reviendrai,
01:01:05 et des printemps et des étés qui sont secs,
01:01:07 mais on a suffisamment de ressources.
01:01:09 Donc ici, il n'y a pas de neige dans les montagnes.
01:01:11 -Donc, un climat modéré donne une politique un peu trop modérée.
01:01:16 -C'est-à-dire que quand une ressource
01:01:20 est largement suffisante par rapport aux usages,
01:01:23 il faut beaucoup, beaucoup de hauteurs de vue
01:01:26 pour s'engager dans la sobriété.
01:01:29 -Mais vous, vous intervenez concrètement
01:01:31 auprès des élus, auprès des autorités ?
01:01:32 Vous avez du poids, normalement, dans les discussions.
01:01:35 -Oui, on a quelques compétences.
01:01:40 Maintenant, c'est un enjeu politique.
01:01:42 Donc, la politique de l'eau, elle est portée par les territoires,
01:01:45 et nous ne sommes qu'une entreprise
01:01:47 au service de cette volonté des territoires.
01:01:49 Ce que je voulais dire, c'est que ce qui se passe,
01:01:52 effectivement, c'est documenté depuis plusieurs décennies,
01:01:54 et ça prend du temps à arriver jusqu'à nous,
01:01:57 jusqu'à nos cerveaux.
01:01:59 Le dérèglement climatique est à l'oeuvre.
01:02:03 On est sortis, y compris dans notre pays,
01:02:05 de l'erreur de mesure.
01:02:06 Donc maintenant, je pense qu'on a tous compris,
01:02:10 c'est vraiment très compliqué si on n'a pas compris,
01:02:12 que c'est vraiment à l'oeuvre,
01:02:13 il est en train de se passer quelque chose.
01:02:15 Qu'est-ce qui est en train de se passer ?
01:02:16 Du point de vue du climat, notre pays est en train de glisser
01:02:19 et a commencé à sortir de la zone tempérée
01:02:21 pour aller vers la zone semi-aride.
01:02:23 -Donc, on se rapproche de l'Espagne, de l'Italie,
01:02:25 et on devient un peu plus pragmatique.
01:02:27 -Quand on compare les températures de Bordeaux, de Paris
01:02:29 avec les températures de Ville-Espagnole,
01:02:31 c'est ce qui va se passer.
01:02:32 C'est inéluctable.
01:02:35 Donc, les courbes sont déjà...
01:02:36 Enfin, voilà, la thermodynamique est déjà à l'oeuvre
01:02:38 et c'est en train de se passer.
01:02:39 Qu'est-ce qui se passe ?
01:02:41 La conséquence de ça, une des conséquences,
01:02:43 c'est que le cycle de l'eau, il est bouleversé.
01:02:46 Et donc, notre pays, les prévisions qu'on a,
01:02:50 qui sont des issues de prévisions publiques,
01:02:53 partagées, accessibles,
01:02:55 montrent que le débit des cours d'eau
01:02:57 va baisser de 20 à 40 % dans les 30 années qui viennent
01:03:00 et que ce qu'on appelle la recharge de nappes
01:03:02 va baisser de, pareil, 20 à 40 %.
01:03:04 C'est en moyenne.
01:03:06 Parfois, c'est beaucoup plus que ça.
01:03:08 -Je ne sais pas. -Là où je suis régulière...
01:03:09 -Le sud de la France, ce sera un peu plus que ça.
01:03:11 -Oui, le sud de la France, c'est compliqué,
01:03:13 mais ne pensons pas que le nord de la France est épargné.
01:03:18 Il ne l'est pas.
01:03:19 Et aujourd'hui, le développement de certains territoires du nord
01:03:23 est empêché par l'absence de suffisamment d'eau
01:03:27 pour accueillir soit des habitations,
01:03:30 soit de l'industrie.
01:03:31 Donc... -Donc, les blagues sur les ch'tis
01:03:33 et la pluie, est-ce qu'elles vont disparaître avec l'eau ?
01:03:36 -C'est vrai qu'il pleut dans le nord,
01:03:38 mais ils ont malgré tout les ressources renouvelables
01:03:41 sur lesquelles ils sont assis,
01:03:43 et le développement économique et démographique
01:03:46 fait que le rapport est déséquilibré
01:03:48 et donc il y a un défaut structurel d'eau.
01:03:52 Donc, qu'est-ce qui se passe pour nous ?
01:03:54 Je reviens à, finalement, quelle est notre responsabilité ?
01:03:59 Nous avons l'ambition d'être utiles.
01:04:02 C'est ce qui nous guide tous les matins.
01:04:03 Et donc, de la base de notre entreprise,
01:04:05 de la base de notre engagement,
01:04:06 sur les métiers qui sont les nôtres,
01:04:08 l'eau, c'est un service essentiel, bien commun,
01:04:11 c'est un objet, c'est une matière essentielle.
01:04:14 Donc, on l'aborde avec beaucoup d'humilité, beaucoup de respect,
01:04:18 et elle est au coeur de notre vie.
01:04:21 Vous parliez du téléphone portable,
01:04:22 on n'est pas capable de porter l'eau,
01:04:23 mais déjà, rien que manger,
01:04:25 l'eau qui est embarquée dans les calories
01:04:27 qui terminent dans notre assiette,
01:04:28 on n'est juste pas capable de la boire.
01:04:31 Donc, c'est l'eau virtuelle qui permet de faire des tomates,
01:04:33 le café, un verre de café, c'est une trentaine de litres d'eau,
01:04:36 une tasse de thé, c'est pareil.
01:04:38 C'est de la même sorte de grandeur.
01:04:39 Donc, on fait la somme de tout ça,
01:04:41 et ça fait à la fin des tonnes, à la fin de la journée.
01:04:45 Bon, ça, c'est pour la dépendance, mais vous l'avez évoqué.
01:04:47 Maintenant, concernant la ressource de notre pays,
01:04:51 en France, on a de l'eau.
01:04:52 Il y a environ ce qu'on appelle l'eau renouvelable,
01:04:55 c'est l'eau qui est, pour faire simple,
01:04:59 toutes les précipitations sur notre pays,
01:05:01 c'est l'équivalent d'un mètre, un petit peu moins.
01:05:04 On ne prévoit pas de gros changements
01:05:06 entre la pluie, la neige, voilà.
01:05:08 C'est la forme qui va changer
01:05:10 et la variabilité de ça qui va changer.
01:05:12 Ça a malgré tout des conséquences.
01:05:13 C'est que l'eau qui tombe sur notre pays,
01:05:16 on peut se dire qu'à peu près,
01:05:18 il y en a un peu plus d'un tiers qui reste
01:05:21 dans les rivières, sous terre,
01:05:23 et immédiatement, quand elle est tombée,
01:05:24 il y a à peu près deux tiers qui s'évaporent.
01:05:27 Donc, ça, c'est ce qu'on appelle la ressource renouvelable.
01:05:30 Il y a 200 milliards de mètres cubes d'eau renouvelable en France.
01:05:33 Ça paraît gigantesque.
01:05:36 Oui, c'est gigantesque par rapport au prélèvement.
01:05:39 Sauf que ça, c'est moyenné.
01:05:41 Et si un jour, vous manquez d'eau,
01:05:43 peu importe si dans quatre mois, vous allez en avoir.
01:05:46 Il vous en manque aujourd'hui.
01:05:47 Bon, donc, il y a une notion de cycle.
01:05:49 Ce qui se passe, c'est que quand on regarde l'eau renouvelable
01:05:54 sur la période récente,
01:05:55 sur la période, on reparle, la période 90-2020,
01:06:01 cette eau renouvelable a baissé de 14 %.
01:06:04 Et donc, le mouvement qui est à l'oeuvre,
01:06:06 c'est que le cycle de l'eau
01:06:08 est en train de se dérégler dans notre pays.
01:06:11 Et donc, nous allons être exposés à du manque d'eau, du stress hydriqué.
01:06:14 - En quoi ça concerne Veolia ?
01:06:16 Vous parlez comme un responsable d'ONG.
01:06:19 - Non, mais c'est intéressant.
01:06:20 C'est le sujet d'où il est essentiel.
01:06:23 Qu'est-ce qui se passe pour une collectivité ?
01:06:25 On l'a vu, l'été 2022 est un apéritif
01:06:26 de ce qui va se passer dans les 20-30 prochaines années.
01:06:29 On dit 2050, c'est probablement entre une fois sur trois,
01:06:32 une fois sur deux.
01:06:33 Bon, et peut-être de façon répétée.
01:06:35 C'est-à-dire qu'il y aura peut-être des 2000 qui vont se suivre,
01:06:38 des 2022 qui vont se suivre.
01:06:39 - Donc, les canicules seront une fois tous les deux ou trois...
01:06:41 - Voilà, exactement.
01:06:43 Ça, ça a des conséquences majeures sur la disponibilité de la ressource.
01:06:47 Et donc, on va se retrouver probablement avec des...
01:06:49 Enfin, c'est pas probablement,
01:06:51 avec des risques de rupture majeure de services.
01:06:54 Qu'est-ce qu'on se dit, nous,
01:06:55 et que vient faire le recyclage des eaux usées ?
01:06:57 J'y viens, désespérons pas, j'y arrive.
01:07:00 Le...
01:07:03 L'eau est trop précieuse, en France, aussi,
01:07:09 de toute façon, pour être gaspillée,
01:07:12 d'une part, et d'autre part, pour n'être utilisée qu'une seule fois.
01:07:16 Et donc, si l'eau n'est pas une ressource substituable,
01:07:20 effectivement, en revanche,
01:07:23 la molécule d'eau a la délicatesse, vis-à-vis de nous,
01:07:26 d'être recyclable à l'infini.
01:07:29 À l'infini.
01:07:30 Et donc, on fait beaucoup d'efforts en France
01:07:32 pour prendre de l'eau, en faire de l'eau potable,
01:07:35 la distribuer, on l'utilise, on la récupère,
01:07:37 on la dépollue.
01:07:39 On fait 80 % du travail.
01:07:42 Et notamment dans des zones littorales,
01:07:44 sans hiérarchiser les usages,
01:07:46 on la remet à un cours d'eau,
01:07:49 éventuellement, voire à la mer, directement.
01:07:53 Or, on perd la ressource.
01:07:54 -On parle des eaux usées. -On parle des eaux usées.
01:07:56 Et on les remet à des niveaux... -Elles sont un peu nettoyées.
01:07:58 -A des niveaux de qualité qui sont compatibles...
01:08:01 -Donc, on rejette de l'eau potable dans l'eau salée.
01:08:02 -Pas tout à fait. Loin de là.
01:08:04 Mais on rejette une eau qui est compatible
01:08:07 avec le milieu naturel.
01:08:08 Et donc, on a fait beaucoup, beaucoup, beaucoup du travail
01:08:12 qui était nécessaire pour donner une possible 2e vie à cette eau.
01:08:15 Voilà.
01:08:17 Et parfois, juste avec un tout petit peu,
01:08:18 on peut en faire de l'eau agricole.
01:08:21 Et avec beaucoup plus, on peut en faire de l'eau potable.
01:08:23 De là à dire que c'est ce qu'on fera en France,
01:08:25 à très court terme, certainement pas.
01:08:27 On a d'autres ressources d'eau qui sont, comment dire,
01:08:30 philosophiquement beaucoup plus accessibles
01:08:33 pour faire de l'eau potable,
01:08:34 même si les Français sont prêts, très majoritairement,
01:08:37 à utiliser de l'eau usée, recyclée, rété, compostée...
01:08:41 -On leur a demandé ? -On leur a demandé,
01:08:43 via des sondages,
01:08:44 qui démontrent qu'en fonction de la question qu'on pose,
01:08:49 aux alentours des 80 %, les Français sont prêts à ça.
01:08:52 -Donc les Français, comme souvent,
01:08:54 sont un petit peu en avance sur les...
01:08:55 -La population est prête, la population est sensibilisée.
01:08:58 Mais non, c'est pas nécessaire partout en France,
01:09:02 aujourd'hui, ni dans les 10 années qui viennent.
01:09:05 Donc, en revanche, effectivement,
01:09:08 la question qui est posée, qui est un peu sous-jacente aussi,
01:09:11 c'est est-ce qu'on a besoin d'une qualité d'eau potable
01:09:14 pour tous les usages ?
01:09:15 Non, pas forcément.
01:09:16 Donc il faut la bonne qualité d'eau...
01:09:18 -Donnez-nous quelques exemples d'eau potable.
01:09:19 C'est toujours intéressant.
01:09:21 -Par exemple, aujourd'hui,
01:09:22 du fait de la grande disponibilité de la ressource à eau,
01:09:26 on utilise de l'eau potable, par exemple,
01:09:29 pour aller arroser des golfes, des espaces verts.
01:09:34 On peut faire autrement.
01:09:37 Quand l'eau de pluie n'est pas suffisante.
01:09:38 On peut faire autrement.
01:09:39 On utilise de l'eau potable pour aller, par exemple,
01:09:44 en général, pour faire ce qu'on appelle
01:09:45 de l'hydrocurage des réseaux.
01:09:47 Les réseaux d'assainissement ont besoin régulièrement
01:09:49 d'être débauchés.
01:09:50 -A haute pression de l'eau.
01:09:52 -A haute pression de l'eau pour que l'eau usée
01:09:54 puisse être collectée correctement
01:09:57 et aller vers les stations d'épuration.
01:09:59 Là, on utilise de l'eau potable
01:10:00 qu'on met dans des réseaux d'assainissement
01:10:02 pour déboucher...
01:10:04 -Ca part avec toute sa préparation.
01:10:05 -Et ça part à la station d'épuration.
01:10:07 Sauf que, on n'y est pas encore aujourd'hui en France.
01:10:09 Et aujourd'hui, faire ça, c'est compliqué.
01:10:12 Je prends l'exemple d'arrosage d'espaces verts ou des golfes.
01:10:15 En France, pour arroser des golfes,
01:10:16 encore dans la quasi-totalité des départements,
01:10:18 vous devez demander une autorisation
01:10:20 pour utiliser de l'eau recyclée.
01:10:21 Vous pouvez avoir la station d'épuration à côté,
01:10:23 le golfe, la mer en face,
01:10:26 la station d'épuration en voie dans la mer.
01:10:27 Vous dites, on pourrait peut-être envoyer ça vers le golfe.
01:10:30 -Des pneaux de quelques mètres.
01:10:31 -Il faut demander une autorisation.
01:10:33 Pas de problème.
01:10:34 Des pays qui ont eu soif, qu'est-ce qu'ils disent ?
01:10:36 Ils disent, "Sans cette configuration-là,
01:10:39 "il y a le golfe, vous ne pouvez avoir un golfe
01:10:42 "que si vous utilisez de l'eau recyclée."
01:10:44 -C'est le cas en Espagne. -C'est le cas en Espagne.
01:10:45 -Donc, c'est le contraire.
01:10:46 -On regarde les choses un petit peu différemment
01:10:50 quand la ressource est sous tension.
01:10:52 Donc, on ne va pas se flageller.
01:10:56 On a bénéficié, et encore, d'une ressource à nous
01:10:59 qui est un atout pour notre pays et pour ses territoires.
01:11:03 Pas partout, on voit bien qu'il y a des difficultés locales.
01:11:06 Mais il faut qu'on bouge.
01:11:07 Il faut qu'on bouge.
01:11:08 Ce qui est très important pour nous, c'est bouger.
01:11:10 Et donc, cette thématique du recyclage des eaux usées,
01:11:12 elle est très importante. Pourquoi ?
01:11:14 Quand on regarde le chiffre,
01:11:15 qu'ont fait, cette thématique-là,
01:11:17 qu'ont fait les pays qui ont manqué d'eau avant nous ?
01:11:19 Vous avez évoqué, ça a été évoqué aussi
01:11:22 dans l'intervention précédente,
01:11:24 Israël, plus de 90 %,
01:11:26 l'Espagne, c'est entre 15 et 20 % en fonction de qui compte,
01:11:29 l'Italie, c'est entre 8 et 10 %,
01:11:31 Malte, c'est 60 %, etc.
01:11:34 Donc, ces pays-là, s'ils sont mis,
01:11:36 pas par amour de la science et par amour de l'art,
01:11:37 mais s'ils sont mis par nécessité.
01:11:40 On regarde en France, on est à moins de 1 %.
01:11:42 Quand on se dit que dans 20 ans ou 30 ans,
01:11:45 on aura le climat de l'Espagne en France,
01:11:46 qu'aujourd'hui, l'Espagne, qui manque déjà d'eau,
01:11:49 on l'a vu, fait 20 % ou 15 %
01:11:53 en fonction de qui on compte, disons 15,
01:11:55 de recyclage des eaux usées,
01:11:57 plus à de nombreuses usines de dessalement
01:11:59 tout le long de la côte méditerranéenne.
01:12:02 Voilà, quelle que soit la vie des eaux, on la dessale.
01:12:06 Et on en fait de l'eau, par exemple, agricole ou potable.
01:12:09 On voit le chemin qui est le nôtre.
01:12:12 Et c'est 20 ans. Et 20 ans, dans le domaine,
01:12:14 dans les domaines qui sont, on va dire, les nôtres,
01:12:17 au sens Veolia et les collectivités,
01:12:19 ça passe à la vitesse de la lumière.
01:12:21 Début des années 2000, c'était il n'y a pas si longtemps que ça.
01:12:24 Donc, faire un projet d'infrastructure
01:12:27 et de recyclage des eaux usées, ça prend du temps
01:12:29 parce qu'il faut des autorisations.
01:12:30 Et donc, effectivement, il y a une pression
01:12:33 contre une course contre la montre.
01:12:34 Et c'est très important de commencer
01:12:36 à montrer qu'en France, oui,
01:12:38 il y a des applications possibles de recyclage des eaux usées,
01:12:41 de reuse, de réutilisation.
01:12:43 Et ça fait partie du cocktail de solutions
01:12:46 que notre pays va devoir mettre en oeuvre.
01:12:48 Ce n'est pas la panacée, ça ne va pas tout résoudre,
01:12:51 mais ce sera très probablement nécessaire,
01:12:53 en particulier en zone littorale.
01:12:54 Et donc, on a décidé de mettre l'accélérateur
01:12:58 sur ce sujet-là pour pousser un petit peu les murs.
01:13:01 Parce que nos clients en ont besoin,
01:13:03 parce que nos clients expriment ce besoin-là
01:13:05 et parce que ça fait partie des solutions
01:13:07 que, progressivement, on va devoir mettre en oeuvre.
01:13:09 -Merci, Pierre, pour cet exemple très concret.
01:13:13 On va passer maintenant à un exemple encore plus concret,
01:13:16 parce qu'on est à Porquerolles, évidemment,
01:13:18 avec vous, Marc D'Alcombe.
01:13:19 Je rappelle que vous êtes directeur du parc national de Porquereaux
01:13:21 et qu'ici, à Porquerolles, l'eau est importée par bateau.
01:13:26 Mais on expérimente, pour le coup, très concrètement,
01:13:29 parce que c'est une nécessité faite loi,
01:13:31 c'est ce que disait un peu Pierre,
01:13:33 on expérimente l'usage des eaux usées,
01:13:35 notamment à usage agricole.
01:13:38 -Oui, tout à fait.
01:13:39 -Avec une lagune, Charles Carmina, qu'on a parlé tout à l'heure,
01:13:42 qu'est-ce que c'est, cette loi ?
01:13:44 -Avant de vous présenter ce dispositif,
01:13:46 j'étais inspiré par mon voisin
01:13:48 quand on parlait, effectivement, de cumulus.
01:13:51 On a l'observation de nos cumulus
01:13:53 et je trouvais que la condensation dans le ciel
01:13:57 qu'on voit ici me renvoie à une condensation d'intelligence
01:14:00 qu'on a dans le cumulus ici.
01:14:02 Voilà. Et c'est intéressant, effectivement,
01:14:05 d'avoir des exemples de ce type-là
01:14:07 qui sont concrètement, pour illustrer les propos qu'on a,
01:14:11 qui restent autrement très théoriques.
01:14:14 Pierre Aski nous parlait tout à l'heure d'une île,
01:14:18 et moi, je suis là aussi pour vous parler d'une île,
01:14:20 mais c'est pas tout à fait la même.
01:14:21 Vous parlez des îles Porquerolles et Porquerolles,
01:14:25 où, effectivement, ces questions de l'eau
01:14:27 se sont posées il y a déjà très longtemps,
01:14:29 et comme nécessité fait loi,
01:14:32 il y a très longtemps, à Porquerolles,
01:14:33 déjà, des dispositifs un peu particuliers
01:14:36 ont été mis en place et continuent d'évoluer
01:14:39 encore au jour le jour.
01:14:40 On a parlé tout à l'heure de la canalisation
01:14:42 qui se crée actuellement,
01:14:44 puisque les travaux sont engagés par la métropole de Toulon,
01:14:48 et le cycle de l'eau par cette canalisation
01:14:50 va être profondément motivé à Porquerolles
01:14:54 à partir de 2024, normalement,
01:14:56 et dans les années, effectivement, suivantes.
01:14:59 Mais déjà, dans le phénomène de pénurie d'eau
01:15:03 d'une île comme Porquerolles,
01:15:04 puisque on a des petites nappes, on a des nappes phréatiques,
01:15:07 mais elles sont quand même toutes petites,
01:15:09 et quand il n'y avait pas beaucoup de tourisme,
01:15:12 quand il y avait peu d'habitants sur Porquerolles,
01:15:14 ces nappes assuraient l'autosuffisance en eau
01:15:17 des habitants de l'île.
01:15:19 Puis, effectivement, le tourisme est arrivé,
01:15:21 l'augmentation du nombre de visiteurs,
01:15:24 le pompage de l'eau,
01:15:25 les niveaux de consommation d'eau
01:15:27 sont aussi, bien entendu, nettement supérieurs
01:15:30 à ce qu'on pouvait avoir encore dans les années 60-70,
01:15:34 et petit à petit, les nappes se sont trouvées,
01:15:36 effectivement, épuisées,
01:15:38 avec une remontée de ce qu'on appelle le biseau salé.
01:15:41 Donc, c'est de l'eau de mer
01:15:43 qui, effectivement, prend la place de l'eau douce
01:15:45 et, petit à petit, risque de stériliser
01:15:47 complètement les sols,
01:15:48 c'est-à-dire avoir une mortalité des arbres,
01:15:52 une impossibilité de cultiver le sol,
01:15:54 d'avoir des plantes, etc.
01:15:56 Donc, pour éviter l'augmentation de ce biseau salé,
01:15:59 c'est finalement le recours de l'eau extérieure à l'île,
01:16:03 l'eau qui vient du continent, qui a été recherchée,
01:16:06 avec, dans un 1er temps, l'utilisation de ce fameux Saint-Christophe,
01:16:09 ce bateau de 400 m3,
01:16:11 qui, je crois, fait pas loin de ses 60 ans.
01:16:15 Moi, j'ai pas loin de 60 ans aussi,
01:16:17 mais il est beaucoup plus vétuste que moi,
01:16:19 alors c'est pas peu dire.
01:16:20 Donc, le bateau est effectivement dans une...
01:16:23 -Saint-Christophe ne peut pas tout faire.
01:16:25 -Une situation et un état qui fait qu'il y a quelques années,
01:16:28 il a même perdu son hélice dans le port
01:16:31 en faisant marche arrière pour repartir,
01:16:34 dans une situation où, effectivement,
01:16:37 ça devenait critique de trouver d'autres ressources en eau
01:16:41 sur l'île de Porquerolles.
01:16:43 Alors là, on est dans la ressource.
01:16:44 Pour parler après de la nécessité aussi
01:16:48 de réutiliser les eaux issues de la station d'épuration,
01:16:51 puisqu'on en avait besoin aussi sur l'arrosage des jardins,
01:16:55 sur des usages tels que vous évoquiez tout à l'heure,
01:16:58 il y a déjà 40 ans, nos prédécesseurs,
01:17:00 en fait, ont réfléchi à la sortie de cette station d'épuration
01:17:05 plutôt que de rejeter les eaux en mer comme ça se faisait auparavant.
01:17:09 -C'est-à-dire que l'eau, donc les eaux usées,
01:17:11 on explique que les eaux usées viennent de nos appartements
01:17:14 ou de nos maisons,
01:17:15 on se retrouve dans la station d'épuration,
01:17:16 elles sont nettoyées,
01:17:17 mais ça reste des eaux jugées non potables,
01:17:20 et jusqu'ici, c'était rejeté dans la mer.
01:17:22 -Alors, c'était rejeté dans la mer au sud de l'île,
01:17:24 dans un endroit où il n'y avait pas grand monde,
01:17:25 donc ça se voyait pas trop, même si ça sentait un peu mauvais.
01:17:28 -C'est ça, c'est pas de l'eau.
01:17:30 Voilà, c'était pas trop problématique, quoi.
01:17:32 Et finalement, l'idée a été de dire,
01:17:37 à l'issue de ce processus épuratoire,
01:17:40 qui est un processus bactérien, qui est naturel,
01:17:42 mais qui est amplifié par la station d'épuration,
01:17:45 récupérons cette eau, créons des bassins,
01:17:47 qu'on appelle des lagunes,
01:17:50 pour effectivement assurer un complément du traitement de l'eau,
01:17:54 à la fois un abattement bactériologique supplémentaire...
01:17:58 -Ca ressemble à une lagune, pour ceux qui ne savent pas ?
01:18:00 -C'est un bassin, c'est un plan d'eau.
01:18:02 -Une espèce de petit marais, quoi.
01:18:03 -Voilà, exactement.
01:18:05 C'est trois bassins successifs.
01:18:06 Là, ça fait un hectare, c'est dans la plaine du village,
01:18:09 sur la route qui va au phare.
01:18:10 Enfin, vous le connaissez tous bien mieux que moi.
01:18:13 Et cette lagune, c'est gagnant-gagnant,
01:18:17 parce que la lagune, elle crée un plan d'eau aussi
01:18:20 dans une zone qui, par ailleurs, est très aride et très sèche.
01:18:23 C'est un secteur où on a énormément d'oiseaux,
01:18:26 une biodiversité exceptionnelle,
01:18:29 beaucoup d'insectes aussi.
01:18:31 D'ailleurs, c'est autour des lagunes
01:18:33 que, chaque année, trois semaines, on a des associations,
01:18:35 des ONG, qui viennent pour faire du bagage d'oiseaux,
01:18:38 qui attrapent des oiseaux migrateurs,
01:18:40 qui leur mettent des petites bagues
01:18:41 et qui observent ensuite leurs déplacements
01:18:43 sur l'ensemble de l'Europe.
01:18:44 -S'il n'y a pas la lagune, les oiseaux ne passent pas par là.
01:18:46 -Et les filets sont tout autour des lagunes,
01:18:48 parce qu'on sait qu'à cet endroit-là précis,
01:18:50 que les passereaux vont venir
01:18:52 et qu'on va réussir à les capturer
01:18:55 pour pouvoir effectivement les peser, les marquer,
01:18:58 les recenser et les baguer avant de les relâcher.
01:19:02 Donc, c'est un intérêt extrêmement important,
01:19:05 cette lagune aussi, en matière de biodiversité.
01:19:08 L'autre usage qu'on en fait, c'est un site pédagogique,
01:19:11 parce que tous ces oiseaux, toute cette biodiversité,
01:19:14 ça nous permet d'avoir un observatoire ornithologique,
01:19:16 ça nous permet d'y accueillir des groupes d'enfants
01:19:18 pour leur expliquer ce que c'est que le petit cycle de l'eau
01:19:22 dont on parlait tout à l'heure,
01:19:23 pour expliquer quelle est la biodiversité,
01:19:25 pourquoi il y a cette diversité ?
01:19:27 Justement, parce qu'il y a de l'eau.
01:19:29 Il y a aussi des eaux qui sont un peu chargées en nutriments,
01:19:31 parce que le processus épuratoire,
01:19:33 il fait un abaissement de la bactériologie,
01:19:36 des odeurs, de beaucoup de paramètres physico-chimiques.
01:19:39 Mais on a de l'eau qui sort, qui est encore riche en azote,
01:19:41 qui est encore riche en phosphore
01:19:43 et qui, effectivement, sert aussi de nutriments.
01:19:47 Et le troisième intérêt, probablement l'intérêt essentiel,
01:19:52 c'est de se dire, plutôt que de rejeter ça dans la mer
01:19:55 ou de l'eau douce dans la mer n'est pas forcément naturelle.
01:19:59 A l'origine, ici, à Porquerolles, ou près des fleuves côtiers,
01:20:04 l'eau douce, quand elle arrive dans la mer,
01:20:06 elle fait une destruction de l'herbier de Posidonie,
01:20:08 ce qui est un phénomène naturel.
01:20:11 Mais aujourd'hui, où on veut essayer de renforcer
01:20:13 la protection de la Posidonie,
01:20:15 plutôt que de rejeter cette eau à la mer,
01:20:17 on s'est dit qu'elle va être réutilisée, effectivement,
01:20:20 pour l'irrigation de la plaine agricole de Porquerolles.
01:20:24 -Donc, concrètement, c'est quels arbres ?
01:20:27 -Ca fait pas loin de...
01:20:31 -C'est sûr, on vous entend bien.
01:20:32 -Ca fait pas loin de 40 ans, effectivement,
01:20:33 que le dispositif est en place.
01:20:35 Donc, il était, à l'époque, très novateur.
01:20:37 Aujourd'hui, on en a d'autres en France.
01:20:40 Mais il est particulièrement intéressant
01:20:41 sur le domaine littoral,
01:20:43 parce que quand vous êtes sur une rivière,
01:20:45 comme on disait tout à l'heure, le cycle de l'eau,
01:20:47 on le renouvelle.
01:20:48 Donc, sur la Loire, je ne sais pas combien de fois
01:20:50 on recycle l'eau,
01:20:51 mais on la recycle pas loin d'une dizaine de fois, sans doute,
01:20:54 entre la montée et l'estuaire de la Loire.
01:20:58 Ce qui fait qu'ici, effectivement,
01:21:01 on a ce besoin plus particulier.
01:21:05 Alors, le...
01:21:07 -L'usage, l'usage agricole.
01:21:09 -Le point de l'usage, c'est qu'on a ici, à Porquerolles,
01:21:12 depuis aussi une quarantaine d'années,
01:21:16 on a des collections botaniques,
01:21:18 des collections de vergers conservatoires.
01:21:22 On a, par exemple, pas loin de 200 espèces d'oliviers
01:21:25 sauvages et cultivés, qui sont gardés ici, à Porquerolles,
01:21:29 qui sont des collections de référence nationale,
01:21:32 qu'on étudie sur le plan de leur capacité génétique,
01:21:36 mais aussi, on étudie la grosseur des olives qui sortent,
01:21:40 la saison à laquelle ça sort,
01:21:41 les quantités globales qui peuvent sortir,
01:21:43 la qualité oléicole.
01:21:45 Voilà, tout ça est étudié par des professionnels,
01:21:47 par le CNRS, par l'INRA de Montpellier,
01:21:50 par des scientifiques qui viennent ici, à Porquerolles,
01:21:53 pour prélever des échantillons
01:21:55 et mesurer, effectivement, ces qualités.
01:21:58 C'est encore plus intéressant aujourd'hui,
01:22:00 dans la mesure où, avec le changement climatique,
01:22:04 on n'est pas garanti que les variétés
01:22:05 qu'on a utilisées hier soient les plus intéressantes
01:22:08 et vont pouvoir encore se polliniser demain
01:22:11 dans des conditions climatiques différentes.
01:22:13 Donc, le programme de recherche consiste aussi à savoir
01:22:17 quelles sont les variétés d'oliviers
01:22:19 qui, demain, pourront encore s'hybrider
01:22:21 pour permettre une production qui soit en satisfaisante.
01:22:24 -Parce que même les oliviers auront peut-être chaud.
01:22:25 -Ils ont chaud, et surtout, on a un décalage
01:22:27 de plus en plus important dans les espèces,
01:22:29 entre la floraison mâle et la floraison femelle,
01:22:32 ce qui fait que ce qui, historiquement,
01:22:34 s'hybridait et se pollinisait
01:22:37 n'est pas garanti de continuer à se polliniser demain.
01:22:40 Voilà, donc, on a cet intérêt lié à la production agricole.
01:22:44 Donc, le réseau d'irrigation, actuellement,
01:22:47 il permet d'irriger à peu près 17 hectares
01:22:49 des vergers conservatoires des plaines agricoles
01:22:52 que vous allez voir ici à Porquerolles,
01:22:56 ou que vous connaissez pour les Porquerollées, bien sûr.
01:22:58 Et puis, il nous permet aussi, sans doute, demain,
01:23:02 avec cette attente de l'évolution de la norme aussi,
01:23:05 puisque maintenant, on attend cette évolution
01:23:10 sur la pression de l'Europe,
01:23:11 mais aussi parce qu'on a besoin de l'eau aujourd'hui,
01:23:14 de pouvoir, effectivement, aussi irriguer les cultures maraîchères,
01:23:17 qui sont les cultures maraîchères sur la plaine centrale de l'île.
01:23:22 -Donc, là, destinées à l'alimentation humaine,
01:23:24 et donc, là, c'est plus compliqué.
01:23:25 -Exactement, qui permettent, là, de produire des légumes
01:23:28 et des fruits en circuit court,
01:23:31 puisque ça n'est commercialisé que auprès des Porquerollées,
01:23:36 auprès des estivants qui viennent ici aussi.
01:23:39 -C'est ça. -Donc, effectivement,
01:23:40 pour des produits alimentaires directs qui ne sont pas transformés,
01:23:43 la norme est beaucoup plus stricte, et ça se comprend.
01:23:45 C'est une norme de santé publique.
01:23:46 On envoie de l'eau avec néanmoins un reste bactérien sur cette eau,
01:23:53 et on ne peut l'utiliser, par exemple,
01:23:54 que dans des dispositifs de goutte à goutte,
01:23:56 pas dans de l'aspersion générale.
01:23:59 Et il faut contrôler très régulièrement
01:24:01 la qualité de l'eau qu'on utilise
01:24:03 de façon à s'assurer que les légumes produits
01:24:05 soient de bonne qualité.
01:24:07 -C'est ça. -Voilà.
01:24:08 Donc, ce petit exemple à Porquerolles,
01:24:11 c'est un exemple de, je dirais, de petits laboratoires
01:24:14 sur le cycle de l'eau,
01:24:15 où, effectivement, on a réussi à...
01:24:20 à faire quelque chose il y a déjà 40 ans,
01:24:22 qui n'est pas forcément très connu, d'ailleurs,
01:24:24 ailleurs qu'ici, à Porquerolles.
01:24:26 C'est très proche de ce que fait la Villa Carmignac ici,
01:24:31 avec cette idée aussi de réutiliser l'eau...
01:24:35 L'eau qui peut l'être réutilisée, effectivement,
01:24:39 sur l'arrosage des jardins et l'arrosage des pelouses.
01:24:41 Mais en France, on s'est très peu posé ces questions.
01:24:43 On avait pléthore d'eau, on n'avait pas besoin de réfléchir,
01:24:46 d'aller plus loin que le bout de son nez.
01:24:48 Et c'est à partir du moment où ça manque,
01:24:50 tout d'un coup, on a une société qui se réveille là-dessus
01:24:52 et qui se dit "Il va falloir faire quelque chose".
01:24:55 Mais ça veut dire qu'on a plein de solutions.
01:24:57 -J'ai... -Il y a plein de solutions.
01:24:59 -Ouh là ! -Ça fait du larcel.
01:25:01 -Il y a plein de solutions. Merci beaucoup à vous quatre.
01:25:03 J'aurais adoré faire passer un micro un peu dans la foule,
01:25:07 mais malheureusement, nous sommes très contraints par le temps
01:25:09 parce que vous savez qu'il y a des bateaux qui nous attendent.
01:25:12 Merci à vous. Merci à vous quatre.
01:25:14 J'appelle à ce micro, maintenant, sur cette scène, Jérémy Gobet.
01:25:19 Alors là, on va changer d'ambiance avec Jérémy Gobet.
01:25:21 Merci à tous les quatre, messieurs.
01:25:23 Asseyez-vous.
01:25:26 Jérémy Gobet est un artiste entrepreneur.
01:25:31 Bienvenue, Jérémy.
01:25:33 Merci. Oui, parce qu'on est à la Villa Carmignac.
01:25:35 L'art contemporain n'est jamais très loin.
01:25:38 Alors, on va être tous très frustrés, je préfère vous le dire,
01:25:40 parce qu'on ne va pas pouvoir voir ce que fait Jérémy,
01:25:43 mais nous donnerons une adresse
01:25:45 et vous pourrez aller voir ce que fait Jérémy
01:25:48 parce que c'est quelque chose de très étonnant.
01:25:50 Qu'est-ce que vous faites, Jérémy ? Vous êtes artiste.
01:25:52 Vous avez 37 ans, si je ne m'abuse.
01:25:55 Vous êtes plutôt d'origine lorraine,
01:25:57 même si vous avez pas mal bourlingué dans votre vie.
01:25:59 Et vous êtes, donc, je l'ai dit, artiste entrepreneur.
01:26:03 Qu'est-ce que ça veut dire, concrètement ?
01:26:04 Qu'est-ce que vous faites ?
01:26:07 -Effectivement, on va utiliser le pouvoir de notre imaginaire
01:26:11 pour...
01:26:13 Je vais essayer de vous décrire des éléments,
01:26:14 mais en même temps, on n'arrête pas d'être artiste
01:26:17 quand on n'est pas proche de ses oeuvres.
01:26:18 Donc, l'idée, c'est de partager plutôt les mouvements
01:26:22 qui vont me faire créer.
01:26:24 Donc, je pense que, finalement, l'exercice est plutôt intéressant.
01:26:27 Alors, je suis artiste entrepreneur par la force des choses.
01:26:31 À la base, je ne me suis pas réveillé un matin en me disant
01:26:34 "Tiens, si j'allais créer des entreprises, des fondations, etc."
01:26:38 En fait, c'est parce que je suis artiste,
01:26:40 mais j'ai toujours eu à coeur que mes créations artistiques
01:26:44 puissent apporter quelque chose de concret
01:26:49 à la vie en société.
01:26:50 Pourquoi ? Parce que ne venant pas du monde de l'art,
01:26:53 mais plutôt d'un milieu plutôt pauvre, déjà,
01:26:58 et puis ayant parcouru pas mal de terres françaises
01:27:03 désertées au niveau industriel, forcément,
01:27:06 et puis voir aussi beaucoup de savoir-faire qui disparaissait.
01:27:10 Tout ça, ça fait quelque chose.
01:27:12 Ça fait mal au coeur et en même temps,
01:27:16 ça rejoint un peu tout ce débat de l'eau.
01:27:17 C'est-à-dire que je pense qu'il est difficile d'être sensible
01:27:20 à quelque chose qu'on ne voit pas,
01:27:21 mais quand on voit la détresse, quand on voit la disparition,
01:27:25 pour moi, je ne peux pas y rester insensible.
01:27:27 Et étant artiste, je me dis que c'est mon art
01:27:29 qui pourrait me permettre peut-être de trouver des solutions.
01:27:32 -Mettre en avant, sensibiliser très bien,
01:27:34 mais en même temps, pourquoi s'arrêter là ?
01:27:37 Pourquoi un artiste ne devrait que sensibiliser ou montrer ?
01:27:41 Et pourquoi, avec toute la créativité qu'on a en nous,
01:27:44 pourquoi on n'irait pas aussi jusqu'à l'idée d'une solution ?
01:27:46 -Concrètement, mettre en oeuvre.
01:27:47 Alors là, vous parlez de quoi, en fait ?
01:27:50 Vous parlez d'un travail que vous faites à quel propos ?
01:27:53 Je vais spoiler, on va parler des récifs coralliers.
01:27:56 Parce qu'on a parlé beaucoup d'eau douce jusqu'ici,
01:27:58 mais il y a aussi l'océan.
01:28:00 Et vous travaillez, à la fois en tant qu'artiste
01:28:03 et à la fois en tant qu'entrepreneur,
01:28:04 sur les récifs coralliens. Qu'est-ce que vous faites ?
01:28:06 -La première chose que j'ai faite,
01:28:08 j'ai rencontré des coraux par hasard.
01:28:11 C'était dans une braderie.
01:28:12 Alors, on dit des coraux, mais c'est des squelettes de coraux.
01:28:15 Quand ils sont sortis de l'eau, le tissu vivant disparaît.
01:28:17 Il reste des squelettes.
01:28:18 Et j'ai été fasciné en tant qu'artiste,
01:28:20 dans un premier temps, c'était un rapport esthétique,
01:28:22 en me disant que ces formes sont magnifiques,
01:28:23 j'aurais rêvé être aussi imaginatif que la nature
01:28:26 et créer ces formes si belles.
01:28:29 En plus, en me renseignant, je me disais
01:28:31 "Ces formes ne sont pas que belles, elles sont aussi fonctionnelles."
01:28:33 En fait, la forme des coraux,
01:28:35 c'est pour la circulation des nutriments, de l'oxygène, etc.
01:28:38 Et puis, petit à petit, chaque nouvelle donnée me fascinait.
01:28:41 Et malheureusement, en même temps qu'est née cette fascination,
01:28:44 est née aussi la sensibilisation sur leur état
01:28:47 et aussi sur leur énorme importance.
01:28:49 -Leur état catastrophique, il faut le dire, dans le monde.
01:28:51 -Il faut le dire.
01:28:52 -Le réchauffement climatique, l'acidification des océans, etc.
01:28:56 Et les coraux sont...
01:28:58 En tout cas, dans certains endroits, en voie de disparition.
01:29:00 -Alors, ça, c'est, pour le dire de manière rapide,
01:29:03 en fait, les coraux survivront.
01:29:05 Il y a des coraux des Pompidou, etc.
01:29:06 Nous sommes en voie de disparition
01:29:08 à cause de la raréfaction des coraux.
01:29:11 -Pas ce soir, rassurez-vous.
01:29:13 -Ca dépend où. -A quoi ils servent, les coraux ?
01:29:15 -Malheureusement, ça dépend où, parce qu'en fait, on parle d'eau,
01:29:19 mais on parlait aussi de la force de l'eau.
01:29:21 On parle de barrière de corail
01:29:23 parce que ça freine les tempêtes et les tsunamis.
01:29:25 Donc, en fait, la multiplication d'événements
01:29:27 que vous pouvez entendre, tsunamis, etc.,
01:29:29 et leur force destructrice,
01:29:32 elle est démultipliée par la disparition des récifs.
01:29:35 Donc, si, en fait, il y a des gens aujourd'hui
01:29:38 qui, malheureusement, ne peuvent plus vivre
01:29:41 une vie pleine, épanouie,
01:29:44 à cause de la disparition des coraux.
01:29:47 -Qu'est-ce que vous faites comme artistes à propos des coraux ?
01:29:50 Vous les avez regardés, vous les trouvez très beaux,
01:29:51 et vous, qu'est-ce que vous...
01:29:53 -Et l'idée, je pense que c'était déjà
01:29:57 d'utiliser la sensibilité qu'on peut avoir
01:29:59 par rapport à une oeuvre d'art pour en connaître plus.
01:30:02 Parce que je pense qu'il faut connaître pour agir.
01:30:04 Je pense que c'est la même chose pour l'eau.
01:30:05 Il y a beaucoup de gens qui pensent que quand ils ouvrent le robinet,
01:30:07 c'est de l'eau naturelle qui vient d'une rivière, de la montagne, etc.
01:30:10 Alors que non, pas du tout.
01:30:11 Donc, Veolia et d'autres acteurs
01:30:14 choisissent des fois de renforcer les rivières, etc.
01:30:17 Donc, voilà, connaître, c'est déjà quelque chose.
01:30:19 Et c'est ce que les artistes ont souvent fait,
01:30:22 montrer en valeur, mettre en valeur des événements,
01:30:25 des choses importantes.
01:30:26 Mais ce que je voulais faire, encore une fois,
01:30:28 ce que je disais tout à l'heure, c'est aller plus loin.
01:30:30 Et j'ai listé les grands enjeux de disparition des récifs.
01:30:34 Et je me suis dit, je vais en trouver une solution
01:30:36 qui réunit l'art, la science, l'industrie, l'éducation,
01:30:38 tous les domaines que je pouvais interroger dans mes oeuvres.
01:30:42 Et par exemple, une des pistes qui est la moins explorée
01:30:47 pour la restauration des récifs coralliens,
01:30:49 c'est la reproduction sexuée.
01:30:50 En fait, les coraux font des bébés.
01:30:52 Ils pondent des larves.
01:30:54 Et c'est assez magique, parce que c'est une fois par an,
01:30:57 aligné avec une certaine pleine lune.
01:30:59 Quasiment tous les coraux du monde vont pondre.
01:31:01 Donc, c'est un feu d'artifice dans la mer.
01:31:02 -D'orgasme corallien. -Exactement.
01:31:05 -Marin d'orgasme dans l'eau. -On ne parle pas souvent.
01:31:07 -Non. Enfin, il me semble.
01:31:10 Et en fait, finalement, sur 100 larves,
01:31:14 il n'y en a que 30 qui survivent.
01:31:16 On estime que le rendement naturel, c'est 30 %,
01:31:19 ce qui était extrêmement bien avant.
01:31:21 Comme vous l'expliquiez pour l'île de Port-Corolles,
01:31:23 avant, il y a beaucoup de gens qui viennent.
01:31:24 La nappe pharymétique suffisait.
01:31:26 Là, c'est la même chose.
01:31:27 Ce nombre de larves suffisait,
01:31:29 mais à cause du réchauffement climatique, etc., non.
01:31:31 Le corail n'arrive plus à se régénérer naturellement.
01:31:33 Donc, l'idée, c'est...
01:31:35 Et en même temps, j'ai découvert en 2017 une dentelle,
01:31:39 dentelle traditionnelle du puits envelé.
01:31:41 -Vous croyez que ça n'a rien à voir, mais vous allez voir...
01:31:42 -Ca va venir. -Ca, les artistes rapprochent
01:31:44 des choses qui paraissent totalement invraisemblables.
01:31:46 Donc, une dentelle artificielle, enfin, faite par les humains,
01:31:49 qui vient du puits envelé, pour les examinateurs de dentelles.
01:31:52 -Inventée il y a plus de 450 ans,
01:31:53 qui s'appelle la bien nommée "Point d'esprit".
01:31:57 Et en fait, quand vous regardez cette dentelle,
01:31:59 il faut imaginer... Alors, je vais essayer de vous la décrire.
01:32:01 C'est un cercle plein, donc avec des tissages de dentelles,
01:32:05 donc un petit cercle, des diamètres, comme ça,
01:32:07 des rayons qui sortent,
01:32:09 et une sorte de broderie qui va encadrer ce cercle
01:32:13 et ce motif qui est répété de manière géométrique.
01:32:16 Et en fait, ça, c'est exactement la composition
01:32:19 d'un des coraux que j'utilisais dans mes oeuvres,
01:32:22 un "possilopora", ou alors un corail étoilé,
01:32:25 comme on peut l'appeler, c'est un peu plus poétique.
01:32:27 Et en fait, quand j'ai vu cette dentelle,
01:32:29 je me suis dit, mais il n'y a pas de hasard,
01:32:31 c'est pas possible que cette dentelle ressemble à si méprendre.
01:32:34 Et en fait, même, je vous disais qu'il y avait des diamètres,
01:32:36 des petits rayons, même le nombre de rayons était le même.
01:32:40 Donc c'est quand même assez fou de se dire
01:32:42 qu'une dentelle du puits envelé, inventée il y a 450 ans,
01:32:44 représente quelque chose.
01:32:46 - Un coraux au puits envelé, il n'y en a pas énormément.
01:32:48 - Alors, il y en a eu, mais il y a des 50, 100 millions d'années, etc.
01:32:51 Donc voilà.
01:32:52 Et en fait,
01:32:54 je savais que cette reproduction sexuée,
01:32:57 c'était vraiment un enjeu important.
01:32:59 Et le critère pour donner un coup de pouce
01:33:01 à cette reproduction sexuée,
01:33:02 c'était de créer un support rugueux,
01:33:06 transparent, pour laisser passer la lumière,
01:33:09 puisque les coraux font de la photosynthèse.
01:33:12 La biodégradabilité,
01:33:15 puisque l'idée, c'était aussi de ne pas aggraver le cas.
01:33:16 Donc en fait, quand j'ai vu cette dentelle,
01:33:18 je me suis dit, mais ça ressemble, il n'y a pas de hasard.
01:33:19 Mais en même temps, ça commence à remplir
01:33:21 quand même pas mal de critères du cahier des charges.
01:33:23 Et là, je me suis dit, allons-y, on va tester.
01:33:25 Donc j'ai fait à la fois une oeuvre
01:33:26 qui était un récif monumental en dentelles,
01:33:28 donc elle fait plus d'un kilomètre carré de dentelles,
01:33:30 parce qu'en fait, l'idée, c'était évidemment de montrer
01:33:32 le lien entre disparition du tissu industriel,
01:33:35 disparition du tissu corallat,
01:33:36 et la dentelle blanche,
01:33:38 le corail quand il meurt blanchi, etc.
01:33:41 Et en même temps, ça remplit le cahier des charges
01:33:42 d'une entreprise de dentelles
01:33:44 qui lui a permis de maintenir son activité.
01:33:49 Et en même temps, en parallèle, cette dentelle,
01:33:51 je l'ai emmenée en laboratoire
01:33:52 et j'ai commencé à faire pousser du corail dessus
01:33:54 pour voir si ça marchait.
01:33:55 -Alors vous utilisez donc la dentelle du pied en velay,
01:33:58 en tout cas les formes, pour faire pousser.
01:33:59 C'est-à-dire, c'est l'idée d'un tuteur
01:34:01 un peu comme on voit pour une plante.
01:34:02 Le corail va s'agripper dessus,
01:34:03 et ça permet aux larves d'avoir plus de chances
01:34:05 de grandir et de survivre, c'est ça ?
01:34:07 -C'est ça, exactement. C'est d'éviter leur dispersion.
01:34:10 Alors après, sans rentrer dans les détails techniques,
01:34:12 mais la dentelle, déjà de base,
01:34:14 ce qui est intéressant, c'est son biomimétisme,
01:34:16 ses qualités physiques ou chimiques.
01:34:18 Et chimiques, justement,
01:34:19 parce que j'y intègre aussi des éléments naturels
01:34:22 qui sont reconnus dans la littérature scientifique
01:34:24 comme propices pour accompagner les développements des larves.
01:34:27 En fait, dans le tissu, on peut y imprégner aussi des choses.
01:34:29 Je ne sais pas si vous avez entendu parler,
01:34:30 ça se développe de plus en plus maintenant,
01:34:32 des tissus avec des hauteurs, etc.
01:34:34 Donc naturellement, on peut imprégner des tissus
01:34:36 avec des éléments.
01:34:38 L'idée était de faire ce que j'appelle une dentelle 2.0.
01:34:40 J'aime bien cette opposition d'image.
01:34:42 C'est vraiment de se dire, on parle de la tradition.
01:34:44 Donc en fait, le motif de dentelle a été vraiment développé
01:34:48 par les dentellières du mobilier national
01:34:52 de l'atelier de la République qui est au Puy-en-Velay.
01:34:55 Et ensuite, on l'a mécanisé dans les machines mécaniques du Nord,
01:35:00 machines mécaniques qui sont patrimoine vivant, etc.
01:35:03 Donc voilà, on a vraiment cette filiation du fil.
01:35:05 Et ça permet d'aborder à la fois l'histoire, le présent.
01:35:08 -Concrètement, vous les avez utilisés où ?
01:35:10 Ca se passe en quel endroit du globe ?
01:35:13 -Alors moi, je veux, dans un premier temps,
01:35:15 que le projet se développe en France.
01:35:16 Donc on a la chance d'avoir, je crois, de mémoire,
01:35:21 il me semble qu'on est toujours le 3e pays au monde
01:35:23 à avoir le plus de récifs coralliens, grâce au Dom-Dom.
01:35:25 -C'est le Dom-Dom.
01:35:26 -Oui.
01:35:28 Alors on en a aussi pas mal en Méditerranée.
01:35:30 Après, c'est pas les courreaux qu'on imagine
01:35:31 comme la grande barrière de corail,
01:35:32 mais le corail de Méditerranée, il est extrêmement symbolique.
01:35:35 Il est utilisé beaucoup.
01:35:36 C'est le corail rouge
01:35:37 qui était utilisé beaucoup dans le bijouterie, etc.
01:35:39 Donc il revêt aussi un enjeu de restauration.
01:35:42 Mais là,
01:35:44 on a fait plutôt des tests en laboratoire jusqu'à présent.
01:35:50 Et on est allé jusqu'à l'étape de ce qu'on appelle
01:35:52 les aquariums extérieurs d'eau de mer.
01:35:54 Donc c'est des aquariums qui sont au bord de la plage,
01:35:57 donc alimentés par l'eau de mer directement.
01:35:59 Pourquoi à ce stade-là ?
01:36:01 -Vous voyez, donc ça fait une espèce de petit labo,
01:36:03 mais en même temps en condition réelle.
01:36:05 -Exactement. Alors pourquoi on en est là ?
01:36:06 Parce qu'il faut imaginer qu'une larve de corail,
01:36:08 on parle en micron.
01:36:10 Donc en fait, on peut pas tout de suite aller dans la mer,
01:36:13 mais pour continuer le développement du projet.
01:36:16 Parce que là, par exemple, j'ai développé aussi un biopolymère
01:36:19 qui n'existait pas parce qu'il est 100 % biosorté.
01:36:21 -Je vous rappelle que ce monsieur est artiste.
01:36:23 Il développe des biopolymères
01:36:24 comme si vous sortiez d'une école d'ingénieurs.
01:36:27 -En fait, pour moi, c'est ma définition pleine et entière
01:36:31 d'être artiste.
01:36:33 Il y a plein d'artistes qui se définissent chacun
01:36:36 d'une manière différente.
01:36:37 Mais pour moi, à chaque fois que je demande à quelqu'un,
01:36:39 par exemple, qui n'est pas du milieu de l'art,
01:36:41 c'est quoi l'image de l'artiste ?
01:36:42 C'est quoi l'oeuvre d'art que l'humanité devrait sauver ?
01:36:45 C'est la Joconde.
01:36:46 Et la Joconde, en fait,
01:36:47 De Vinci, il n'en a pas fait 40 000 des peintures.
01:36:49 Par contre, des machines,
01:36:51 il en a fait des centaines et des centaines.
01:36:52 Donc moi, c'est plutôt dans cette filiation-là de se dire,
01:36:54 c'est par exemple, avant, quand on disait le prix de Rome,
01:36:57 il fallait, quand on était artiste, architecte, etc.,
01:37:01 il fallait connaître tous les domaines de la société,
01:37:03 de l'économie à l'astronomie, etc.
01:37:05 Il fallait tout connaître et aller partir dans le monde,
01:37:08 aller dans la vie concrète, rencontrer les gens,
01:37:10 rencontrer les savoirs.
01:37:12 Et on était des sortes de porteurs, un peu comme ça,
01:37:14 de messages et de savoirs et de connaissances
01:37:16 et d'applications.
01:37:17 C'est là-dedans un peu que je me retrouve.
01:37:20 -Vous êtes une sorte d'humaniste,
01:37:23 dans le sens des humanités du 21e siècle.
01:37:26 Merci beaucoup, Jérémy.
01:37:28 Merci beaucoup.
01:37:30 Pareil, j'aurais adoré faire passer le micro,
01:37:32 mais l'avantage, c'est que maintenant,
01:37:34 cette conférence est terminée.
01:37:36 Nous allons pouvoir nous diriger vers les endroits
01:37:39 où on va pouvoir boire de l'eau, justement,
01:37:41 pas que de l'eau, je crois.
01:37:43 Et vous pourrez poser, comme on n'est pas très nombreux,
01:37:46 vous pourrez poser toutes les questions que vous voulez
01:37:48 à tous les intervenants, que je remercie encore à nouveau,
01:37:51 et puis à Jérémy.
01:37:52 Et Jérémy vous donnera le site Internet
01:37:54 qui s'appelle corailartefact.com, où vous verrez,
01:37:58 vous allez pouvoir briser la frustration que nous venons de créer ici,
01:38:01 et vous pourrez voir à quoi tout ça ressemble.
01:38:03 Merci, Jérémy. -Merci beaucoup.
01:38:04 -Merci à tout le monde.
01:38:05 (Applaudissements)
01:38:08 Et je rappelle que si vous voulez des Ops,
01:38:12 venez vous servir, ils sont là pour vous,
01:38:14 pour que vous les découvriez.