Sommes nous tous des voyeurs ? Mais en réalité, qu'est ce que le voyeurisme ? Maïa répond à toutes nos questions.
Retrouvez Promotion de canapé de Maïa Mazaurette sur France Inter et sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/burne-out
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AmusantTranscription
00:00 "Notre fascination pour la sexualité fait-elle de nous des voyeurs ?"
00:03 C'est en fait quelque chose qu'on entend souvent, très souvent.
00:06 Dès qu'un film, une peinture, une chroniqueuse parlent de sexe,
00:09 il y a toujours un ronchon qui vient dire "c'est du voyeurisme".
00:12 Et cette toute petite phrase est terriblement intimidante
00:15 parce qu'en sexualité, le voyeurisme, ça peut être deux choses très différentes.
00:19 Ça peut être l'émotion qu'on ressent quand Greg, notre voisin d'en face,
00:22 se promène en string dans son appart et en même temps,
00:25 ça peut être un trouble mental qui encore aujourd'hui
00:27 figure dans l'ouvrage de référence publié par l'Association américaine de psychiatrie,
00:31 le "Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux".
00:34 Du coup, accuser quelqu'un de voyeurisme, c'est très violent.
00:37 Et c'est hyper culpabilisant.
00:38 Alors bien sûr, il y a effectivement des gens qui ne peuvent atteindre la jouissance
00:41 que par le fait de transgresser l'intimité des autres,
00:43 mais la plupart du temps, c'est pas du tout de ça qu'on parle.
00:46 S'intéresser à la sexualité, c'est pas du voyeurisme, c'est de la curiosité.
00:49 Et en plus, sans vouloir prêcher pour ma paroisse, mais un peu quand même,
00:52 c'est de la curiosité bien placée.
00:54 Quand une activité tient une place aussi importante dans la vie des gens,
00:57 c'est pas aberrant de vouloir comprendre les enjeux,
00:59 ça peut même être une manière de se protéger contre d'éventuels problèmes.
01:02 Si le sexe nous intéresse, c'est pas parce qu'on a un trouble mental,
01:06 c'est parce qu'on est pragmatique et que s'y connaître en sexualité,
01:09 dans la vie, c'est quand même utile.
01:10 - Et toi, ça fait très longtemps que tu observes notre intérêt général pour le sexe.
01:13 - Voilà. Et je constate que c'est pas un intérêt monolithique,
01:16 ça a même beaucoup changé au cours des dernières décennies.
01:18 Quand j'étais ado, je me rappelle que les contenus liés à la sexualité
01:21 se focalisaient sur des pratiques marginales.
01:23 Les reportages à la télé ne s'intéressaient pas
01:26 aux missionnaires du samedi soir.
01:28 Fallait forcément que la caméra descende dans des caves interloques
01:31 pour s'immiscer dans le monde mystérieux des échangistes,
01:34 des infidèles, des fétichistes, des sadomasochistes, des prostituées.
01:37 Et tout ça avec des voix off angoissantes et une mise en scène hyper dramatique.
01:41 Les gens témoignaient à contre-jour, de dos, avec les visages floutés.
01:44 À l'image, t'avais l'impression de regarder un documentaire
01:46 sur les repentis de la mafia.
01:47 Au son, c'était juste Jean-Patrick, 53 ans,
01:49 qui racontait sa passion pour les pull en mohair.
01:52 Et bien sûr, ces choix de mise en scène,
01:53 ça produisait quelque chose sur le public.
01:55 Les témoins étaient cachés, donc on avait l'impression
01:57 de transgresser leur intimité, donc ça donnait l'impression
02:00 d'être des voyeurs.
02:01 - Et c'est beaucoup moins le cas aujourd'hui, c'est ce que tu dis.
02:03 - Au moins, on s'est calmés sur la mise en scène.
02:05 Avec la banalisation des pratiques sexuelles alternatives,
02:07 les gens assument tout beaucoup plus facilement,
02:09 y compris face caméra.
02:11 Moi, la dernière fois que j'ai tourné une séquence filmée
02:13 en club fétichiste,
02:15 quasiment tout le monde a témoigné à visage découvert,
02:17 c'était pas un souci.
02:18 Mais pour moi, le vrai changement,
02:19 c'est plutôt qu'on a retourné la caméra.
02:21 Les médias ont commencé à s'intéresser à la sexualité banale.
02:25 Et en fait, on s'est aperçu que la routine des couples,
02:27 le missionnaire, les pratiques solitaires, la première fois,
02:30 le vieillissement, le consentement,
02:31 c'était largement aussi passionnant que les pratiques à 12
02:35 dans des sous-marins nucléaires avec des cravaches.
02:37 Et ce qui est fou, c'est que cette révolution
02:39 soit arrivée aussi tard.
02:41 Parce que ça fait très très longtemps que les chercheurs
02:43 s'intéressent à la sexualité banale quotidienne.
02:45 1948 pour le rapport Kinsey, aux Etats-Unis.
02:48 1972 pour le rapport Simon, en France.
02:51 On avait les chiffres, on avait les stats,
02:52 mais on préférait regarder ailleurs.
02:54 Et pourquoi on a attendu aussi longtemps ?
02:56 Eh bien moi, ma théorie, c'est que quand on focalise
02:58 toute son attention sur les 4 personnes dans le monde
03:00 qui aiment faire l'amour à leur lave-linge,
03:02 la tête en bas, emballée dans un costume de tyrannosaure,
03:05 on évite de se poser la question sur soi-même.
03:07 Et ça, c'est quand même bien pratique.
03:09 Et là, bien sûr, je caricature.
03:10 Mais remplacez mon tyrannosaure par
03:12 la vie sexuelle de Catherine M,
03:14 les orgies de Berlusconi, les robots sexuels,
03:16 la vie privée des pornstars,
03:17 et vous verrez qu'on est en plein dedans.
03:19 Sauf que c'est pas du tout du voyeurisme,
03:20 puisqu'au contraire, ça sert d'écran
03:22 pour rendre invisibles nos sexualités,
03:24 peut-être moins spectaculaires,
03:26 mais quand même si peu banales.
03:28 La vraie subversion, c'est de se regarder dans le miroir.
03:30 - Merci Maya, on retrouve ta chronique en podcast sur le site de France Inter.