L'invitée du 6-9 de France Bleu Nord : Carine Jupin, directrice régionale de la Banque de France

  • l’année dernière
Après deux ans de hausse des prix, la Banque de France assure que le pic de l'inflation est bel et bien passé. Sa directrice régionale, Carine Jupin, était ce matin l'invitée du 6-9 de France Bleu Nord. Elle estime que le taux d'inflation va baisser l'an prochain pour revenir autour des 2% en 2025.
Transcript
00:00 Ça fait maintenant presque deux ans que nous subissons cette inflation supérieure à 2%.
00:05 En 2022, les prix ont augmenté en moyenne sur l'année de 5,2%.
00:09 Selon vos projections, ce sera 5,8% de moyenne sur cette année.
00:14 Est-ce qu'on peut se consoler en disant que ça va aller mieux l'année prochaine ?
00:18 Donc en effet, l'inflation c'est la première préoccupation des Français.
00:23 On peut en effet se consoler parce qu'on a passé le pic, on a été à plus de 7%.
00:30 Aujourd'hui, on est entre 5 et 6%.
00:32 La prévision, c'est une baisse sur l'année 2024 et un retour à 2% en 2025.
00:39 Je pense qu'il peut y avoir une différence entre la perception que peuvent avoir les consommateurs
00:46 sur le taux d'inflation et le taux que communique la Banque Centrale.
00:53 Parce qu'en effet, quand on regarde dans les composantes de l'inflation,
00:57 c'est essentiellement l'alimentaire et l'énergie qui progressent.
01:01 Ça représente 30% de la consommation des Français, mais c'est aussi les achats les plus fréquents.
01:09 D'où cette perception d'inflation plus élevée que la réalité.
01:16 Effectivement, quand on dit que les prix augmentent entre 5 et 6%,
01:20 c'est une moyenne qui comprend tous les produits de consommation.
01:23 Alors que si on regarde plus dans le détail, l'alimentation, les produits frais, on dépasse les 10%.
01:28 C'est exactement ça. On est à plus 11% sur l'alimentaire.
01:32 C'est 20% du panier de la consommation des Français.
01:37 Et le reste, c'est 70%.
01:40 Donc il y a à la fois les services pour environ 45% et le reste des produits manufacturés.
01:48 Et sur ce type d'achat, on n'est pas sur ces hausses.
01:54 La hausse est moindre.
01:56 Vous avez dit, Karine Juppin, que le pic est passé,
01:59 mais la hausse des prix semble effectivement s'être calmée au mois de juillet.
02:02 Et puis c'est reparti d'un coup avec la hausse des prix des carburants notamment.
02:05 On en est sûr que le pic est passé ?
02:06 J'ai l'impression que ça fait un an qu'on dit que le pic va passer, mais là c'est bon ?
02:10 Le pic est passé parce qu'en effet, il y a eu à nouveau une hausse du taux de l'inflation
02:15 avec les cours du pétrole qui sont repartis à la hausse avec la baisse de l'offre.
02:23 Mais par rapport à 2021-2022, on avait toutes les matières premières qui avaient progressé.
02:29 C'était le cas des métaux, des matières agricoles, du gaz.
02:32 Et en fait, il y a eu cette hausse forte liée au fait que tout progressait.
02:39 Aujourd'hui, c'est le pétrole.
02:41 Et donc en effet, avec l'impact sur les carburants et les retours médiatiques de la semaine passée,
02:50 je vous disais l'énergie c'est 10% et au sein de l'énergie, le carburant c'est 5% de la consommation des ménages.
02:58 Alors en effet, avec un impact qui peut être différent selon la situation des ménages,
03:04 parce que quelqu'un qui utilise le véhicule pour aller travailler,
03:07 ça va être différent que quelqu'un qui utilise les transports en commun.
03:10 - Il amende beaucoup plus cette hausse des prix.
03:12 Vous avez souligné justement cette inflation telle qu'elle est perçue,
03:15 avec notamment des prix qui augmentent beaucoup plus largement sur l'alimentation, sur les carburants.
03:19 Est-ce que vous avez constaté une évolution dans les dossiers de surendettement ?
03:23 Parce que cela fait partie des choses que vous gérez à la Banque de France.
03:26 Dans les Hauts-de-France, l'an dernier, c'était 16 000 dossiers de surendettement,
03:29 16 000 ménages qui ne pouvaient plus payer leur dette.
03:33 Est-ce que ces dossiers ont augmenté avec la hausse des prix ?
03:36 - Les dossiers de surendettement ont augmenté par rapport à l'année dernière.
03:40 On est à +8% en région Hauts-de-France,
03:43 donc une hausse un peu plus élevée de 2 points par rapport au niveau national.
03:48 On est dans une région où le surendettement touche plus fortement nos concitoyens.
03:53 Et à la fois, quand on compare à 2019,
03:57 on a toujours moins de dossiers de surendettement.
04:02 Et quand on regarde les incidents sur les comptes, les chèques impayés,
04:05 on est aussi en dessous de ce qu'on pouvait constater en 2019.
04:08 - C'est-à-dire que ça augmente avec la hausse des prix en ce moment,
04:11 mais on reste à des niveaux qui sont moindres que ce qui se faisait avant 2019, avant le Covid ?
04:16 - Oui. Ce qu'il faut aussi noter, c'est qu'en France,
04:20 le SMIC et les prestations sociales sont indexés sur l'inflation.
04:25 Donc les personnes au SMIC et avec des prestations sont plus touchées aussi
04:31 par les dossiers de surendettement.
04:33 Et il y a aussi les chèques, carburants, des transferts qui ont été effectués
04:38 qui permettent aussi de limiter la hausse du surendettement.
04:42 - 8h30 sur France Blue, notre invitée ce matin en direct avec nous est Karine Juppin,
04:47 directrice régionale de la Banque de France.
04:49 - Karine Juppin, l'une des conséquences de cette inflation, c'est aussi la hausse des taux d'intérêt,
04:53 puisque c'est ce que fait généralement la Banque Centrale Européenne,
04:56 elle relève ses taux directeurs.
04:57 C'est pas un peu la double peine de dire que les prix augmentent
05:01 et en même temps cela coûte plus cher d'emprunter.
05:03 Pourquoi est-ce qu'on augmente les taux d'intérêt quand il y a de l'inflation ?
05:05 - Alors, l'instrument, la hausse des taux, elle est incontournable en période d'inflation,
05:12 parce qu'en fait il faut lutter contre l'inflation.
05:14 Pourquoi il faut lutter contre l'inflation ?
05:16 C'est que ça crée de l'incertitude, c'est une maladie pour l'économie,
05:19 ça crée de l'incertitude pour les chefs d'entreprise, pour leur investissement.
05:23 Ensuite avec les impacts sur l'emploi, donc cette hausse des taux,
05:28 elle était nécessaire et il fallait agir rapidement,
05:31 parce qu'après le rebond suite au Covid et après l'invasion russe en Ukraine,
05:36 l'inflation était forte et donc il fallait un remède aussi fort
05:40 pour pouvoir lutter contre l'inflation.
05:42 Donc en effet on est passé à des taux directeurs qui étaient à -0,5% à aujourd'hui 4%.
05:48 - Et ça veut dire que là tous les gens qui réfléchissent à acheter un logement,
05:51 un appartement, une maison, voient les taux augmenter,
05:54 ça veut dire qu'il n'y aura pas de baisse des taux, de stabilisation des taux
05:57 tant qu'il y aura de l'inflation ?
05:58 C'est-à-dire qu'il faut attendre a priori pour voir les taux baisser ?
06:01 - Je dirais qu'on est plutôt...
06:05 Ce qui va plutôt être important maintenant c'est la durée.
06:08 La durée pendant laquelle les taux directeurs vont rester à 4%
06:14 plutôt que le niveau.
06:16 Sur le niveau, on a fait une bonne partie du chemin.
06:19 Donc mise à part s'il y a des nouveaux chocs extérieurs,
06:22 on devrait avoir atteint un bon niveau de taux.
06:28 Ensuite c'est sur la durée.
06:30 - Une toute dernière question Karine Juppin,
06:32 parce que quand on parle de pouvoir d'achat, il y a ce qu'on dépense,
06:35 il y a aussi ce qu'on gagne.
06:36 La Banque de France prévoit des hausses de salaire pour l'an prochain ?
06:39 - Oui.
06:40 - On peut aussi s'en féliciter.
06:43 - En effet, des hausses de salaire parce qu'il y a des difficultés de recrutement.
06:49 On a un chef d'entreprise sur deux dans la région qui nous dit
06:52 qu'il a des difficultés à recruter.
06:54 C'est la loi de l'offre et de la demande.
06:56 Évidemment, des hausses de salaire, c'est une donnée moyenne en général.
07:02 Il faut regarder ça de façon globale et pas entreprise par entreprise.
07:08 Mais en effet, il y a des hausses de salaire qui sont prévues pour l'année 2024
07:13 et qui seront supérieures à l'inflation.
07:15 C'est un gain de pouvoir d'achat et c'est une donnée positive pour l'année 2024.
07:21 - Une bonne nouvelle au milieu de cette hausse des prix, des hausses de salaire pour l'an prochain.
07:25 Une inflation qui va donc se stabiliser, c'est ce que vous nous avez dit ce matin.
07:28 Karine Juppin, merci beaucoup d'être venue dans l'Institut de France Bleu Nord.
07:31 Et pour tous ceux que ces questions intéressent, je signale que demain,
07:34 on vous organise d'ailleurs une conférence à l'IAE à Lille
07:36 avec cette question "Comment la France et l'Europe vont vaincre l'inflation ?"
07:39 Je note que ce n'est même pas une question, c'est une affirmation.
07:41 Et ça commence à 17h30.
07:43 - Tout à fait, c'est un engagement. Bonne journée, merci pour votre invitation.

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