Zoom - Maurice Signolet : Violence, racisme : la police, bouc émissaire de l'extrême gauche !

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Près de 200 associations, syndicats et partis politiques, LFI en tête, ont manifesté le samedi 23 septembre pour dénoncer le "racisme systémique" et les "violences policières". Une mobilisation de faible ampleur qui a dégénéré à Paris. Un agent a dû sortir son arme de service pour défendre son véhicule de fonction face à une bande de casseurs. Le commissaire divisionnaire honoraire de la police nationale, Maurice Signolet, revient sur cette journée pour répondre aux accusations de l'extrême gauche. Ardent défenseur de son institution, il évoque les difficultés que rencontrent ses collègues à exercer leur fonction : entre crise d'autorité, laxisme judiciaire et défaillances dans la hiérarchie jusqau'au plus haut sommet de l'Etat. Une manifestation de soutien à la police est organisée le samedi 30 septembre. Il invite tous les Français, attachés aux valeurs d'ordre et de respect, à s'y rendre. Et rappelle que 70% de la population reste attachée à la police.
Transcript
00:00 [Générique]
00:06 Bonjour à tous, bienvenue dans notre Zoom, aujourd'hui en compagnie de Maurice Signolet.
00:10 Bonjour Monsieur.
00:11 Bonjour.
00:12 Maurice Signolet, commissaire divisionnaire honoraire de la Police Nationale.
00:17 Vous avez passé 40 ans de votre vie dans la police.
00:20 Vous êtes aussi le créateur du logiciel Lupin,
00:23 qui permet d'établir des rapprochements en partant d'identification papillaire ou génétique.
00:29 Voilà pour votre présentation, Monsieur.
00:31 On a assisté samedi 23 septembre dernier, à Paris et dans une cinquantaine de villes,
00:38 à la mobilisation de 200 associations, syndicats et partis dont la France Insoumise,
00:45 une manifestation contre les dites violences policières et ce qu'ils appellent un racisme systémique,
00:52 notamment après la mort de ce jeune garçon, Naël, le 27 juin dernier.
00:58 Qu'est-ce que vous retenez de cette mobilisation ?
01:00 Vous parlez de combien d'associations ?
01:03 200 organisations, j'ai vu, associations, syndicats, la France Insoumise,
01:10 qui étaient parmi les partis politiques engagés.
01:13 Oui, on aurait pu penser qu'il y aurait eu une mobilisation beaucoup plus importante,
01:17 parce qu'en fin de compte, si je me réfère à ce qui a été dit,
01:20 il y a eu à peu près 8 000 personnes à Paris, 20 000 personnes dans toute la France.
01:25 En fin de compte, ça n'est pas une réussite, j'ai l'impression.
01:29 Mais j'ai surtout écouté l'interview de deux députés,
01:35 les filles, je crois, de deux femmes députées EES,
01:39 puisque maintenant il faut préciser...
01:40 Mathilde Panot, Aurélie Trouvé...
01:43 J'étais devant ma télé, j'étais absolument effaré
01:47 des espèces de vociférations incompréhensibles.
01:51 Je me disais "mais de quoi elle parle ?"
01:55 J'ai trouvé ça incroyable.
01:58 Mais bon...
01:59 Ces violences, on parle de violences policières, qu'est-ce que vous en pensez ?
02:04 Le problème, c'est qu'ils en sont arrivés,
02:06 une forme de rhétorique d'une extraordinaire perversion.
02:10 Je crois que c'est Lénine qui disait "faites-leur avaler le mou, ils avaleront la chose".
02:14 C'est exactement ce qui se passe.
02:16 C'est-à-dire qu'on en est arrivé, par une rhétorique très perverse, je le redis,
02:22 à estimer que toute action policière est par définition une violence policière.
02:27 En fin de compte, le quotidien du policier est forcément empreint d'une violence immodérée, etc.
02:34 Alors qu'en vracon, il ne fait que son métier.
02:36 On oublie que la police est la seule à avoir l'autorité,
02:42 la légitimité de la violence pour accomplir sa mission,
02:45 puisque par définition, elle va se trouver face à des gens,
02:48 des délinquants qui vont tout faire pour échapper à la justice.
02:52 Donc, vous voyez, c'est extraordinairement vicieux quelque part,
02:57 puisque par une espèce de philosophie extraordinairement vicieuse,
03:01 on en arrive, par une emphase rhétorique incroyable,
03:05 à faire glisser toute action policière comme étant une violence policière.
03:09 Alors c'est en plus amplifié par toutes ces prises de vue dans la rue
03:14 qu'il y a à chaque interpellation, par définition,
03:17 représentent une forme de violence.
03:19 Mais faire glisser ça en disant que c'est systématiquement des violences voulues par la police,
03:25 vous voyez, d'une manière orchestrée, préméditée, etc.
03:29 Non, c'est simplement l'accomplissement d'une mission de police.
03:32 – Oui, vous êtes sous les ordres du ministre de l'Intérieur,
03:35 mais certains pensent qu'aujourd'hui l'État, en tout cas la Macronie,
03:39 ne repose plus que sur ce recours à la violence.
03:42 Qu'est-ce que vous en pensez ?
03:43 – Alors, je ne pense pas que ce soit la Macronie précisément
03:47 qui ait ce recours à la violence,
03:50 c'est que la société est devenue extrêmement violente, c'est tout.
03:53 Les expressions sont devenues extraordinairement,
03:56 les expressions du mécontentement, les expressions,
03:58 même dans la vie de tous les jours, on a parlé d'en sauvagement,
04:02 mais tout est devenu extraordinairement violent.
04:05 Donc, comme on n'arrive pas à répondre aux interrogations,
04:09 qu'elles soient sociales, civilisationnelles, sociétales, etc.,
04:15 et bien, en fin de compte, on en arrive à cette situation de conflit,
04:19 un conflit quelque part permanent, et on demande à la police d'intervenir
04:23 puisqu'elle n'est qu'un intermédiaire, en fin de compte.
04:26 – Comment vous voulez expliquer cette montée des tensions dans notre société ?
04:29 – Ça vient de très loin, vous savez, d'abord, je crois qu'il y a une crise
04:33 de la démocratie, de la représentativité,
04:36 qui fait qu'en définitive, on arrive au sommet de l'autorité de l'État,
04:45 on arrive au sommet de l'autorité de l'État par un espèce de jeu assez pervers,
04:51 toujours pareil, de communication, et on finit par, en fin de compte,
04:55 en berlificoter la démocratie, et dans les urnes,
04:58 ça ne ressort pas comme ça devrait l'être.
05:00 Et donc, on se retrouve avec des gens dont la légitimité est aléatoire.
05:06 Et donc, ces aléas, cette aléatoire politique crée de vives tensions, je pense.
05:14 – Je vous ai entendu dans de récents entretiens
05:17 où vous parliez d'une perte de sens du métier de policier,
05:20 une perte de légitimité également de l'institution policière,
05:24 à quoi c'est dû tout ça ?
05:25 – Mais c'est dû à quelque chose qui vient de très très loin,
05:30 je l'explique très souvent, dès le début du XXème siècle,
05:34 avec cette philosophie existentialiste qui s'est répandue, en fin de compte,
05:40 parmi nos élites, qu'elles soient du monde du spectacle,
05:44 du monde politique, du monde philosophique,
05:47 et pas en effet boomerang dans le monde politique qu'on a été imprégné,
05:53 cette pensée existentialiste qui voue un culte à l'individualisme,
05:58 qui voue un culte aux pulsions, aux intuitions,
06:03 parfois même à des choses un peu magiques,
06:05 fait qu'il y a un délitement du groupe,
06:08 et crée un délitement très profond de la société dans son ensemble,
06:14 et donc tout ce qui va représenter la norme,
06:17 tout ce qui va représenter l'interdit,
06:19 tout ce qui va représenter l'autorité,
06:21 quelque part, on ne va plus le supporter.
06:23 C'est ce que le philosophe Lipovetsky appelait le procès de personnalisation,
06:27 c'est-à-dire que chaque interdit, chaque norme,
06:31 va être interprété à l'aune de sa vision personnelle, etc.
06:35 On en arrive à un tel point qu'un jour, on nous dira,
06:38 un feu rouge est une grave atteinte à la liberté individuelle.
06:42 Donc la police qui, par essence même, est le symbole de l'autorité,
06:47 un des derniers symboles d'autorité qui vient de temps en temps dire,
06:51 ça vous n'avez pas tout à fait le droit de le faire,
06:53 ça devient insupportable.
06:55 Alors, quelque part, pour satisfaire des velléités hedonistes
07:01 d'une caste politico-philosophico-médiatique,
07:07 par ruissellement, c'est arrivé jusque dans nos banlieues,
07:11 par démocratisation, cette pensée est quelque part omniprésente,
07:14 et tout ce qui est interdit devient absolument insupportable.
07:18 Et malheureusement, la police se retrouve au cœur de tout ça.
07:22 – Le bouc émissaire.
07:25 – C'est le bouc émissaire, oui, c'est ce que je pense.
07:29 En tous les cas, c'est un peu comme le ramasseur de péchés
07:32 dans l'arrache-coeur de Baurésion, on est là, en fin de compte,
07:35 pour ramasser tout ce qui déborde, tout ce qui dépense,
07:37 et on ne veut pas en entendre parler.
07:39 – Il faut être le seul boulot du pouvoir, quelque part aussi,
07:42 on avait pu le constater lors des manifestations des Gilets jaunes,
07:46 certains ont été réprimés très gravement, 353 blessés, 30 personnes éborgnées,
07:52 on avait pu voir un certain nombre de policiers viser à la tête
07:56 un certain nombre de manifestants qui n'étaient pas dans un recours
08:00 à la violence absolue, qui pouvaient même être considérés comme pacifistes.
08:04 Comment vous expliquez ce recours à la violence des anciens ministres,
08:09 de l'ancien ministre de l'Intérieur Christophe Darmanin et du préfet de Paris,
08:13 qui n'est plus en poste aujourd'hui, Didier Lallement ?
08:17 – J'ai presque envie de prendre une image shakespearienne,
08:23 je crois que police et population, à l'occasion des Gilets jaunes,
08:27 ont été victimes des Capulets et des Montaigus,
08:30 vous voyez, un peu comme dans "Romeo et Juliette",
08:33 jamais on n'aurait dû se retrouver face à face comme ça,
08:36 il y avait un problème social, le politique n'a pas souhaité le régler politiquement,
08:42 donc il a laissé dériver tout ça,
08:45 alors je ne veux pas dire qu'avec un grand machiavélisme il l'a provoqué,
08:51 mais disons qu'au niveau hiérarchique, jusqu'au plus haut sommet de l'État,
08:56 on a décidé, en fin de compte, de réprimer une pulsion sociale qui était légitime,
09:04 et en fin de compte on a embarqué police et population dans une espèce de fossé
09:10 dans lequel on a eu bien du mal à s'en sortir.
09:13 Moi j'avais une sympathie profonde pour les Gilets jaunes,
09:16 mais enfin c'est un réveil de cette noblesse oubliée,
09:20 la noblesse des gens simples, des gens ordinaires,
09:23 qui en donné lèvent le doigt en disant "on n'est pas tout à fait d'accord"
09:26 et le monde politique a préféré le réprimer.
09:31 Alors là, la police, de par son exigence de loyauté, est intervenue.
09:38 Là aussi, quelque part, je mettrais en cause la hiérarchie,
09:42 en employant, je parle de la haute hiérarchie,
09:45 qui d'une manière stratégique a privilégié des forces supplétives
09:52 aux forces de maintien de l'ordre traditionnel,
09:54 et c'était à coup sûr, on assurait qu'il y aurait des dérives.
10:00 Si vous mettez des BAC, des fonctionnaires de BAC
10:03 qui sont des groupes de 3, 4 personnes,
10:07 qui sont habitués à faire du saut dessus, de l'initiative, etc.
10:11 Si vous les mettez à faire du maintien de l'ordre,
10:13 ils vont appliquer la méthode de travail qu'ils ont habituellement,
10:16 c'est-à-dire faire du saut dessus, interpeller la personne, etc.
10:21 – Mais est-ce qu'il n'y a pas eu un petit excès de zèle chez certains policiers ?
10:25 Moi je me souviens, j'avais reçu un invité ici, sur ce plateau,
10:29 qui nous disait qu'un CRS à Lyon lui avait dit prendre son pied
10:33 à réprimer les gilets jaunes dans la violence.
10:35 – Je pense que si on vous a rapporté ça,
10:38 ça ne peut pas être représentatif de l'ensemble des 140 000 policiers
10:41 ou des 100 000 gendarmes.
10:42 Je crois que c'est vraiment anecdotique,
10:44 je ne pense pas du tout que ça ait été comme ça.
10:47 Je pense simplement que la stratégie choisie a entraîné,
10:53 je vous le dis, dans un drame shakespearien
10:55 dans lequel on n'aurait jamais dû se retrouver.
10:58 Aujourd'hui, on va avoir un mal de chien à retrouver ce lien
11:03 entre police et population qui est absolument essentiel.
11:07 La police est là pour assurer la paix publique,
11:09 pour faire en sorte que les honnêtes gens soient en paix
11:12 et que les autres ne le soient pas.
11:14 C'est Clémenceau qui disait ça.
11:16 Donc ils ont fait un pari extraordinaire,
11:20 c'est-à-dire qu'aujourd'hui c'est la police qui paie le prix.
11:24 Et donc il va falloir, avec bien évidemment
11:27 toutes ces victimes qu'il y a eu, je n'en dis ce qu'on vient pas,
11:30 mais je dis qu'il va falloir sortir de cette impasse.
11:35 Au-dessus de vous, il y a évidemment l'autorité judiciaire
11:39 qui est de plus en plus, et cela fait des années,
11:42 montrée du doigt à cause de son laxisme.
11:46 On peut noter qu'il y a ce syndicat au sein de l'autorité judiciaire,
11:50 le syndicat de la magistrature qui représente cette énorme,
11:54 environ 30% des justes.
11:56 Quelle est l'idéologie qui y règne ?
11:58 Tout à l'heure je vous ai parlé de ce courant existentialiste
12:02 qui s'est répandu après par d'abord André Breton,
12:07 puis Kierkegaard, Jean Paul Sartre, Simone de Beauvoir, etc.
12:11 Tout ça a imprégné les esprits de l'élite,
12:14 y compris le monde judiciaire.
12:17 C'est-à-dire qu'à un moment donné, il y a eu un basculement.
12:20 On n'a plus considéré l'acte délinquant dans sa réalité,
12:24 mais on a considéré qu'un acte de délinquance
12:28 était en fin de compte le symptôme.
12:30 On a pris ça comme le symptôme d'un parcours...
12:34 – D'un problème de société, d'un malaise de l'individu.
12:37 – D'un symptôme personnel, un symptôme de l'individu,
12:40 puisque tout était axé sur l'individualisme.
12:43 Donc on s'est dit, en fin de compte, ça révèle un symptôme,
12:46 un mal-être personnel, sociologique, etc.
12:49 Donc on apprend en considération tout ça.
12:51 Souvenons-nous de notre ministre de la Justice actuelle,
12:56 Dupond-Moretti, qui lorsqu'il était avocat,
12:58 dénonçait la morgue des juges,
13:00 disait "il n'y a pas d'équisistance entre l'auteur et la victime".
13:04 Chemin faisant, cette philosophie a gangréné le monde judiciaire
13:10 et a fait en sorte qu'en définitive,
13:13 on a pris en considération la personnalité de l'auteur plutôt que l'acte.
13:17 Et donc on en a oublié la désespérance de la victime,
13:20 on en a oublié la notion d'expiation de la faute,
13:23 on en a oublié le fait qu'il fallait mettre hors d'état de guerre des prédateurs, etc.
13:27 pour considérer uniquement la personnalité de l'auteur.
13:31 On en est donc arrivé à des dérives.
13:34 – Et ça remonte à très loin ce processus,
13:36 ça remonte au 19ème siècle avec Victor Hugo
13:38 et puis avec Robert Bannenter qui a repris relais dans les autres cas.
13:42 – Exactement, le meilleur exemple également,
13:44 Bannenter lorsqu'il défendait la loi sur la fin de la peine de mort,
13:49 il n'est pas question pour moi de remettre en cause la peine de mort,
13:52 mais l'emphase, la rhétorique employée, la dramaturgie employée à l'époque
13:59 a fait en sorte que Bannenter est arrivé non pas à la fin de la peine de mort,
14:04 mais à la fin de la peine.
14:06 C'est-à-dire que, toujours pareil, après vous savez ça met du temps,
14:09 mais par ruissellement à un moment donné on se dit
14:11 "toute sanction est absolument ignoble".
14:14 Et donc, toujours pareil, par effet boomerang, par effet papillon,
14:18 au bout d'un moment, même lorsque la police intervient,
14:21 on dit "c'est absolument anormal, il faut prendre en compte", etc.
14:24 Le problème c'est que cette philosophie,
14:26 on est passé des années 70 à 500 000 crimes et délits,
14:30 à 5 millions aujourd'hui.
14:31 Il y a eu une explosion de la récidive,
14:34 puisqu'on n'a plus voulu entendre parler de l'exemplarité de la peine.
14:38 Oui, mais voilà ce qui nous arrive.
14:39 – La suppression des peines planchers sous François Hollande,
14:42 et on voit aussi les policiers se plaindre régulièrement d'un moment…
14:46 – Il faut aller chercher très très loin la généalogie des choses.
14:49 Si on ne prend pas la peine à un moment donné de faire la généalogie
14:53 de ce ruissellement, de cette espèce de démocratisation
14:57 d'une pensée philosophique qui, en fin de compte, détruit le groupe,
15:01 détruit l'unité de la société, détruit les convenances
15:05 qui permettaient de vivre ensemble,
15:07 ce fameux "vivre ensemble" qu'on invoque sans arrêt,
15:10 et qu'on voudrait nous faire croire que vivre ensemble,
15:13 c'est accepter tous les particularismes.
15:15 Non, c'est exactement l'inverse.
15:16 Vivre ensemble, c'est accepter des convenances convenues entre tout le monde.
15:20 – Il y a aussi ce manque de moyens dont se plaignent régulièrement
15:24 les membres des forces de l'ordre, et en face,
15:27 il y a cette politique du chiffre qui avait été instaurée sous Nicolas Sarkozy.
15:30 Est-ce que cette politique du chiffre est encore aujourd'hui à l'œuvre ?
15:33 Est-ce que c'est un problème à vos yeux ?
15:35 – Non, tout comme le problème des moyens.
15:38 Moi, je veux dire, je ne veux pas rentrer dans une discussion corporatiste
15:42 en disant "on manque d'argent, on manque de moyens, etc."
15:45 Non, on manque d'une structuration de l'autorité,
15:49 alors que depuis une vingtaine d'années, on est dans une autorité d'apparence.
15:54 On le voit bien d'ailleurs, ne serait-ce qu'avec l'uniforme des policiers,
15:57 on le voit bien, il ressemble de plus en plus à Robocop,
16:02 alors qu'il y a 30 ans, un gardien de la paix en képi et en cravate
16:06 inspirait immédiatement leur respect et l'autorité.
16:08 Donc on en revient toujours, à ce que je vous expliquais toujours,
16:11 à cet espèce de glissement.
16:13 Ce dont on a besoin, c'est de remettre en place une structuration de l'autorité.
16:18 C'est-à-dire qu'il y a une hiérarchie très simple, un peu verticale,
16:26 qui nous amène à réinstaurer ce qui était l'autorité.
16:30 Est-ce que cette autorité, justement, ce n'est pas le problème
16:34 de celui qui est en haut de la pyramide, à savoir Emmanuel Macron,
16:37 qui, par son autoritarisme, parfois peut donner de mauvais signaux
16:42 à la police et à la population ?
16:44 Mais bien sûr, je pense qu'Emmanuel Macron, c'est l'apogée, en fin de compte,
16:49 de cette pensée philosophique que je vous explique depuis des années.
16:52 "Qu'ils viennent me chercher", disait-il.
16:54 C'est ça exactement.
16:56 Moi, j'ai une admiration extraordinaire pour cet homme,
16:59 parce que, quand même, le coup du "en même temps",
17:02 au niveau communication, c'est extraordinaire.
17:05 Je veux dire, d'un côté, vous avez une éruptation de Mélenchon
17:12 qui va vous dire "la police tue", mais vous avez un président de la République
17:15 qui, dans le même temps, va vous dire "oui, c'est vrai que quand on a
17:17 une couleur de peau différente, on est beaucoup contrôlé".
17:20 Je veux dire, mais attendez, il est au sommet de l'État,
17:22 les policiers sont ses fonctionnaires, et il tient un discours pareil.
17:26 Si la... Vous savez, c'est très machiavélique, c'est la pensée de Machiavel,
17:31 qui parlait de la parole du palais, on en est arrivé à ça.
17:36 C'est-à-dire que la parole du palais, c'est un monde complètement déconnecté
17:40 des réalités, qui, en fin de compte, lorsqu'il est obligé de redescendre
17:45 dans l'arène des gens ordinaires, se trouve complètement pétré, quoi.
17:50 On constate, et en tout cas, beaucoup d'observateurs l'ont fait,
17:55 un ensauvagement de la société. Le ministre de l'Intérieur,
17:59 dans les années 90, Jean-Pierre Chevènement,
18:01 parlait déjà à l'époque de sauvageons, c'était en 1998.
18:04 L'ancien ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb,
18:08 avertissait sur les ferments d'une guerre civile, c'était alors en 2018.
18:14 Et ce refus d'obtempérer, qu'on a pu voir à l'occasion
18:18 de l'affaire du jeune Nahel, est une conséquence, probablement,
18:22 de cet ensauvagement. 13 automobilistes ont été tués par des policiers,
18:27 en 2022, à l'occasion de refus d'obtempérer.
18:30 Quelles ont été les mesures prises par le ministre de l'Intérieur,
18:34 Gérald Darmanin ?
18:36 Vous voyez, à chaque fois, il faut toujours...
18:39 Si on fait l'énumération des faits divers sans rechercher
18:44 la généalogie des choses, on aura un mâle de chien
18:48 à le faire comprendre à nos concitoyens.
18:50 On parlait d'ensauvagement.
18:53 Mais il faut presque avoir une approche philosophique.
18:58 Moi, je dirais que, par effet pendulaire,
19:01 la... la... comment je pourrais vous dire ça ?
19:07 L'évolution humaine, par un effet pendulaire,
19:12 revient presque à l'ère de Néandertal.
19:14 C'est-à-dire qu'il y avait une parité évolutionniste très forte
19:20 qui, depuis l'Homme des cavernes jusqu'à aujourd'hui, fonctionnait.
19:24 Il y avait une parité entre le domestique, entre l'outil et le spirituel,
19:29 et les questions existentielles, etc.
19:31 Et à chaque fois qu'il y a un cas, on avançait,
19:34 on inventait l'ascenseur, mais on s'interrogeait sur le pourquoi,
19:37 d'où viens-je, qui suis-je, etc.
19:39 Cette parité n'existe plus.
19:41 C'est-à-dire qu'on a... on croit au progrès technique,
19:44 on croit à l'individualisme, mais toutes les questions existentielles,
19:47 toutes les questions qui, en fin de compte,
19:49 reliaient les hommes les uns aux autres,
19:51 et qui leur permettaient d'avoir une vision vers le lointain,
19:53 a disparu.
19:54 Donc, à un moment donné, vous n'avez plus que des pulsions.
19:56 C'est pour ça que je dis qu'on revient, par effet pendulaire,
19:59 à l'ère néandertalienne, c'est que vos pulsions reviennent.
20:01 Regardez...
20:02 – Est-ce que c'est lié au fait que la France n'est plus en guerre depuis des années ?
20:06 Est-ce que c'est une nécessité de la violence qui est dans la société
20:09 et qui n'est plus assouvie ?
20:11 – Je pense que le confort matériel a fait en sorte
20:14 qu'on en a oublié les fondamentaux, ce qui fait lien.
20:19 Je crois qu'il faudrait presque...
20:22 Je vous dis à chaque fois, je pense qu'il faudrait avoir
20:24 une réflexion philosophique, sinon on ne s'en sortirait pas.
20:27 Si on ne s'arrête qu'au fait divers...
20:29 Vous parliez tout à l'heure des refus d'obtempérer.
20:32 Le refus d'obtempérer, c'est tout à fait symptomatique.
20:34 C'est-à-dire que, comme je vous l'ai dit tout à l'heure,
20:38 bientôt un feu rouge va devenir une atteinte à la liberté individuelle.
20:42 Le débat est tel qu'aujourd'hui, au lieu de se dire
20:45 "mais comment se fait-il qu'un gamin de 17 ans roule dans une voiture volée,
20:49 sans permis, etc.
20:50 – Un matin à 15 ans au lieu d'être à l'école.
20:52 – Et nous, on va s'interroger pourquoi le policier est intervenu
20:54 et dans quelles circonstances.
20:56 C'est-à-dire qu'aussi avoué semblable que ça puisse paraître,
20:58 aussi contradictoire que ça puisse paraître,
21:00 on s'interroge sur la thérapie du médecin
21:03 alors qu'on devrait s'interroger sur la maladie elle-même.
21:06 Je reprends souvent cet exemple de l'analyse de sang.
21:11 Vous faites une analyse de sang, vous recevez tout ça
21:14 et vous vous apercevez que tout est en grand, que ça ne va pas.
21:16 Est-ce que ça vous viendrait à l'idée d'aller casser la figure au laboratoire
21:19 en disant "qu'est-ce que c'est que vous m'avez envoyé comme analyse ?"
21:22 Non, quand vous allez voir votre médecin après,
21:24 le médecin vous dit "Monsieur, il faut arrêter de fumer,
21:27 il faut faire un peu de sport, il faut arrêter de boire, etc."
21:29 Est-ce que vous allez casser la figure au médecin pour autant ?
21:32 Le policier c'est exactement la même chose.
21:34 Le policier c'est un curseur d'appréciation de la société.
21:37 Si vous ne l'écoutez pas, c'est uniquement son rôle.
21:41 Il vous dit "Regardez, ça explose, essayez de chercher pourquoi, d'où ça vient."
21:45 Nous ne sommes qu'un curseur d'appréciation.
21:48 – Que pensent vos collègues de la police
21:50 de leur ministre de tutelle Gérald Darmanin ?
21:53 – Le plus grand bien, bien sûr.
21:55 – Le plus grand bien ?
21:57 – Vous savez, les ministres passent…
21:59 Moi je pense que depuis Clémenceau,
22:03 qui disait, vous savez, Clémenceau disait
22:05 "Le seul devoir d'un gouvernement est de faire en sorte
22:08 que les années de Jean soient en paix, que les autres ne le soient pas."
22:11 Que chaque ministre de l'Intérieur reprenne à son compte,
22:14 je suis sûr qu'il y a une photo de Clémenceau quelque part au ministère de l'Intérieur,
22:17 et tous les matins quand il devrait passer,
22:19 il devrait se dire "Qu'est-ce qu'aurait fait Clémenceau ?"
22:22 Un exemple simple.
22:24 Clémenceau a inventé la police judiciaire.
22:26 Unique au monde.
22:27 Première chose, c'est unique au monde.
22:30 La France à l'époque faisait face à une vague terroriste importante
22:35 et à une délinquance itinérante importante.
22:38 Vous savez, les fameux chauffeurs qui chauffaient les pieds des gens
22:40 pour leur faire avouer où était l'argent.
22:42 Et donc il s'est dit "Il faut qu'on maîtrise l'espace."
22:44 Et pour ça, qu'est-ce qu'il a fait ?
22:46 Il a créé des brigades mobiles en les dotant de moyens matériels
22:49 pour pouvoir être le plus mobile possible.
22:51 La police française a été la première au monde
22:54 à utiliser l'anthropométrie, à utiliser les fichiers, etc.
23:00 Ça a inspiré le monde entier.
23:02 C'est-à-dire que des enquêtes de police construites
23:05 avec l'élaboration de preuves, etc.
23:07 Clémenceau d'ailleurs ajoutait "La police judiciaire
23:09 est la seule police qu'une démocratie puisse avouer."
23:12 Qu'est-ce que fait aujourd'hui Darmanin ?
23:14 Il supprime la police judiciaire.
23:16 C'est-à-dire que d'un trait de plume,
23:17 on va supprimer la police judiciaire.
23:19 C'est-à-dire qu'au lieu de moduler l'institution
23:25 par rapport à la mission, on fait l'inverse.
23:28 C'est-à-dire qu'on module la mission par rapport aux institutions.
23:31 On va droit à la catastrophe.
23:33 Conséquence de cette suppression de la police judiciaire,
23:35 comme vous le dites, on constate à Marseille en tout cas,
23:39 beaucoup de policiers qui se mettent en arrêt maladie.
23:43 Encore pire, beaucoup d'agents mettent fin à leur jour,
23:46 souvent avec leur arme de service.
23:48 On sait que le droit de grève,
23:51 le droit à la manifestation de la police
23:54 est interdit par le droit.
23:56 Est-ce que cela est néanmoins envisageable
23:59 dans l'esprit des policiers aujourd'hui ?
24:01 Alors, ce n'est pas envisageable,
24:02 puisque par définition, le droit de grève nous est totalement interdit.
24:05 C'est pour ça que tous les sujets sont spéciaux.
24:08 Ce n'est pas du fait qu'on a une vie à risque.
24:12 Au Canada, il y a quelques années,
24:15 les policiers qui ne sont pas soumis à cette obligation de travail
24:20 ont fait grève.
24:21 Ça a duré 4 heures.
24:23 Au bout de 4 heures, le gouvernement a dit "c'est bon, on cède,
24:27 on arrête la dégain".
24:29 Mais c'était devenu un enfer en quelques heures.
24:34 Donc, je dirais que…
24:37 Est-ce que les commissaires de police ont bien conscience du malaise ?
24:40 Est-ce qu'ils pensent à une solution en interne ?
24:45 Les commissaires de police ?
24:46 À faire remonter la charge.
24:47 Vous savez, je crois qu'on est passé d'une hiérarchie de compétence
24:51 à une hiérarchie d'obéissance.
24:52 Je crois que c'est le professeur Raoult qui disait ça.
24:55 Je pense qu'il faudrait que les commissaires de police
25:02 prennent en compte beaucoup plus les problèmes du gardien de la paix de base.
25:06 Vous savez, c'est surtout le gardien de la paix de base
25:09 qui subit tout ça, qui, dans son quotidien,
25:13 est le plus confronté à tous les problèmes.
25:17 Le commissaire divisionnaire qui discute avec le préfet, etc.
25:20 Bon, son quotidien n'a pas cette dangereuse histoire.
25:24 Il y a un problème de relais dans la hiérarchie.
25:25 Il y a un problème de relais.
25:27 Les policiers d'aujourd'hui ne retrouvent plus dans leur commissaire
25:30 les patrons d'hier.
25:32 Et ça, c'est bien dommage.
25:33 Le patron, c'était celui qui vous disait "Allez-y, on vous couvre".
25:37 Je ne sais pas où on vous couvre, mais la compétence est là.
25:41 C'est-à-dire qu'on ne doutait pas de son taux de lié.
25:44 Je crois qu'il faut revenir à ce sens des responsabilités très fortes
25:49 plutôt qu'à ces enjeux de carrière.
25:52 Vous devrez participer le 30 septembre prochain
25:56 à une manifestation de soutien à la police.
25:58 Quels en seront les mots d'ordre ?
26:00 Alors, effectivement, le 30 septembre, le samedi,
26:03 en réponse à cette manifestation du 23 septembre,
26:07 on s'est dit, nous les anciens,
26:10 on est sortis un peu de notre sarcophage de retraités
26:12 pour dire "On ne peut pas laisser ça comme ça".
26:14 En collaboration avec l'association des femmes des forces de l'ordre en colère,
26:19 on a décidé de lever le doigt et dire "Stop, on va venir vous expliquer
26:23 parce que la situation ne peut plus durer comme ça".
26:25 Et donc, on invite tous les Français à se rassembler à Paris,
26:29 à Marseille, à La Roche-sur-Yon, à Metz, à Limoges,
26:34 mais également à tout lieu où il y a un commissariat, une gendarmerie,
26:39 d'aller montrer, même à 4 ou 5 devant une gendarmerie,
26:42 pour être sans comptant, dire "Attendez, on est avec vous".
26:44 On a d'ailleurs édité un t-shirt "La France aime sa police".
26:48 On aimerait bien que les Français...
26:50 70% des Français se déclarent attachés à leur police.
26:53 Mais c'est normal, ils sont attachés à travers la police,
26:56 ils sont attachés à l'ordre auquel ils aspirent.
26:58 Ils sont attachés à la paix à laquelle ils aspirent, bien légitimement.
27:02 Ils ont bien compris que les policiers étaient au cœur de tout ça.
27:06 Je pense que derrière ces statistiques, derrière ces sondages,
27:12 c'est ça qu'il faut voir.
27:13 Il ne faut pas voir le fait qu'ils aiment leur police,
27:15 il faut simplement voir le fait qu'ils aspirent à la paix.
27:19 Et ils ont bien compris que peut-être que la police
27:21 était peut-être les seuls à pouvoir les aider malgré tout.
27:24 Donc j'appelle tous les Français à dire "voilà quoi,
27:29 laissons un peu les gens ordinaires reprendre le dessus,
27:33 laissons un peu la normalité reprendre le dessus,
27:36 c'est uniquement ça qu'on veut leur dire".
27:38 Et on espère qu'ils seront nombreux à nous soutenir.
27:42 – Merci Maurice Signolet.
27:43 – Je vous en prie, c'est moi qui vous remercie.
27:46 [Générique de fin]

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