La Minute de vérité Le Vol 191 American Airlines Pour Chicago

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00:07 Salut à tous, bienvenue pour un nouvel épisode de la Minute de Vérité, votre série d'Occurralité,
00:12 une émission qui reconstitue les conditions d'une catastrophe.
00:15 Nous sommes le 25 mai 1979, lorsqu'un avion DC-10 s'écrase sur un camp de caravane près de Chicago.
00:21 Peu après son décollage, 273 personnes vont périr dans ce qui est considéré comme l'un des crashs les plus meurtriers sur le sol américain
00:29 Après cet accident, les règles de l'aviation civile vont considérablement changer.
00:33 Voici votre série d'Occurralité, la Minute de Vérité, et c'est tout de suite sur DirecteFlight.
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00:42 Un avion décolle de Chicago par une belle journée de printemps.
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00:47 Mais lorsque les roues se détachent du sol, un des moteurs perd de la puissance.
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00:53 Soudain, l'avion bascule sur le côté gauche.
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00:57 Quelques secondes plus tard, il s'écrase et se désintègre au milieu d'un terrain pour mobilhome.
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01:03 273 personnes trouvent la mort.
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01:08 Les enquêteurs doivent découvrir ce qui a provoqué l'accident aérien le plus catastrophique de l'histoire des Etats-Unis.
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01:15 Et leur travail va faire apparaître de graves manquements en procédure et être à l'origine de modifications fondamentales.
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01:24 Les catastrophes sont rarement le fruit du hasard.
01:27 Elles résultent souvent d'un enchaînement d'événements malheureux que nous allons tenter de reconstituer dans cette Minute de Vérité.
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01:41 Cet homme vient d'assister à un accident d'avion.
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01:45 A bord se trouvait la femme qu'il aime.
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01:56 Etats-Unis, Illinois.
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01:59 Chicago.
02:01 25 mai 1979.
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02:05 Midi.
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02:08 La troisième plus grande ville des Etats-Unis possède l'aéroport le plus fréquenté au monde.
02:13 Chaque minute, un avion y atterrit ou en décolle et on totalise plus de 2000 vols quotidiens.
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02:21 Son espace aérien figure parmi les plus encombrés du monde.
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02:28 Un DC-10 d'American Airlines entame son approche finale vers l'aéroport O'Hare.
02:32 Il arrive de Phoenix en Arizona.
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02:36 Aux commandes, un homme de 53 ans, Walter Lux.
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02:42 Il travaille pour American Airlines depuis 29 ans et compte plus de 22 000 heures de vol.
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02:49 - Bienvenue à Chicago, mesdames et messieurs, et merci d'avoir choisi notre compagnie.
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02:56 A 13h30, il s'apprête à partir en week-end lorsqu'un collègue l'appelle.
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03:02 Ce dernier doit s'absenter pour des raisons familiales et lui demande s'il veut bien le remplacer sur le vol 191
03:08 à destination de Los Angeles cet après-midi-là.
03:11 Walter hésite.
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03:16 Ce vendredi est une veille de week-end prolongée et Walter l'attend avec impatience.
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03:23 Il est domicilié à Phoenix mais doit passer le week-end dans la maison de vacances familiale près de Chicago avec son fils Michael.
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03:33 - C'est une jolie maisonnette située entre deux lacs que mon père avait achetée en 1959.
03:40 Généralement, on pêchait ou on faisait de la voile.
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03:45 Le service qu'on lui demande oblige Walter à revoir ses plans mais il sait que ça lui vaudra sûrement un renvoi d'ascenseur.
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03:53 - À bientôt.
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03:55 - On y retourne alors ?
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03:58 Il n'a même pas le temps d'appeler son fils pour le prévenir.
04:00 Il devra lui téléphoner de Los Angeles.
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04:06 L'enregistrement du vol 191 a déjà commencé.
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04:11 Deborah Ann Maruzzi, 21 ans et Doreen Malik partent pour les vacances de leur vie à Hawaii.
04:16 Le petit ami de Deborah, Ray DeVito, les a accompagnés à l'aéroport.
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04:25 - C'était une super journée et c'était merveilleux de pouvoir sauter dans un avion pour Hawaii.
04:30 Elles devaient faire escale à Los Angeles avant de repartir pour Hawaii et j'étais aussi excité qu'elles.
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04:40 À 14 heures, Walter Lux retrouve son copilote James Dillard, un professionnel très expérimenté.
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04:51 Ils seront aux commandes d'un DC-10.
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04:55 L'avionneur McDonnell Douglas a lancé ce modèle au début des années 70.
04:59 Il s'agit d'un long courrier de grande taille qui doit concurrencer le 747 de Boeing.
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05:05 McDonnell Douglas et American Airlines misent sur le DC-10 pour assurer leur avenir
05:09 à un moment où l'aéronautique américaine traverse une zone de turbulence.
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05:17 En effet, 1978 a été marqué par la dérégulation et les compagnies solidement implantées comme American Airlines
05:23 s'attendent à un durcissement de la concurrence.
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05:29 Le DC-10, lui, a un passé déjà lourd.
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05:34 Depuis 1971, on a déjà déploré trois accidents mortels qui ont fait au total 349 morts.
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05:42 Le pire a eu lieu en 1974 en région parisienne, près d'Hermenonville,
05:46 où un DC-10 turc s'est écrasé juste après le décollage.
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05:50 Une porte de la soute a explosé, provoquant une dépressurisation aux conséquences fatales
05:55 et 346 personnes ont trouvé la mort.
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06:00 Malgré tout, avec ses commandes de vol de pointe, le DC-10 est apprécié par de nombreux pilotes,
06:05 dont Walter Lux.
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06:10 - Il le trouvait super.
06:11 Il était passé commandant sur cet avion qui était remarquable et très bien adapté
06:17 aux conditions météorologiques autour de Chicago en février-mars,
06:20 où les grosses tempêtes de neige forçaient beaucoup d'autres avions à se dérouter.
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06:25 Le DC-10 du vol 191 est un des plus anciens en service.
06:29 Il a volé près de 20 000 heures depuis 1972.
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06:35 Il a récemment eu droit à une révision et il a été déclaré bon pour le service.
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06:42 À 14h30, Deborah et Doreen s'installent.
06:45 Le personnel navigant s'attend à beaucoup de travail, jour férié oblige,
06:48 et l'avion est quasiment plat.
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06:55 Un dernier décompte confirme que les 258 passagers ont bien pris place à bord.
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07:02 14h45.
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07:05 C'est James Dillard, 49 ans, qui pilotera l'avion au décollage et à l'atterrissage.
07:10 - Antigivrage moteur.
07:12 C'est la première fois qu'il assure la liaison Chicago-Los Angeles,
07:16 mais pour un pilote qui a déjà plus de 1000 heures de vol sur DC-10,
07:19 ça ne devrait pas poser de problème.
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07:25 14h58.
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07:28 - Tour de Chicago, American 191, porte 5, prêt à prendre le taxiway.
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07:34 - American 191, heavy, prenez la 32 droite près du pont.
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07:39 La tour de contrôle autorise l'avion à prendre la piste 32 droite.
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07:46 Le contrôleur aérien Ed Rucker surveille le vol 191.
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07:51 - American 191, heavy, fréquence de la tour 118 décimale.
07:55 Ray DeVito assiste à la manœuvre.
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08:00 - Au départ, j'ai été subjugué par la beauté incroyable de cet avion
08:03 à la finition en aluminium rutilant.
08:06 Je me suis dit, comment ce bijou peut-il voler ?
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08:10 À 15h01, le vol 191 marque un temps d'arrêt pour laisser un autre avion atterrir.
08:16 - 32 droite, attendez en position.
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08:20 Une minute après, il reçoit l'autorisation de décoller.
08:23 - Autorisé à décoller immédiatement, 32 droite.
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08:28 - American 191, on y va.
08:31 Comme le veut la procédure, les deux hommes poussent la manette des gaz vers l'avant.
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08:36 - V1.
08:38 Les becs des ailes sont sortis pour accroître la portance.
08:42 En 50 secondes, le DC-10 de 170 tonnes atteint sa vitesse de décollage.
08:48 - Rotation.
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08:52 Mais au moment où le copilote pointe le nez de l'avion vers le ciel,
08:54 il constate une perte de puissance sur le moteur 1, celui de l'aile gauche.
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09:01 - Zut.
09:03 Ed Rocker assiste à la scène depuis la tour.
09:06 - Il est couette, là.
09:08 - Un moteur a explosé.
09:10 La situation est critique, mais les pilotes, compte tenu de leur vitesse, sont obligés de décoller.
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09:17 - On a perdu le 1.
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09:21 Le train-train de la procédure de décollage a laissé place à l'inquiétude à bord du vol 191.
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09:31 L'avion bascule sur sa gauche, mais le copilote corrige l'inclinaison avec la gouverne de direction.
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09:38 Il sait que le DC-10 peut voler avec seulement deux de ses trois moteurs,
09:41 et il a été entraîné pour faire face à ce genre de situation.
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09:47 Pour réduire les efforts subis par les deux moteurs restants,
09:50 James Dillard applique la procédure de la compagnie American Airlines
09:53 et ralentit l'appareil jusqu'à la vitesse minimum de décollage, soit 283 km/h.
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10:03 La tour de contrôle prépare rapidement le retour en urgence du vol 191.
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10:08 - American 191 Heavy, voulez-vous rentrer ? Sur quelle piste ?
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10:14 Le pilote sait que le pire n'est pas encore passé,
10:16 car même si l'avion a recommencé à prendre de l'altitude,
10:19 il le fait un peu plus lentement qu'à l'accoutumée.
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10:25 Dans l'axe de la piste, non loin de l'aéroport, se trouve un terrain pour Mobil-Home
10:30 et le centre d'entraînement synophile de la police de Chicago.
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10:36 Ken Berger y forme des équipes de maîtres chiens depuis 17 ans.
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10:43 Dans le scénario au programme ce jour-là, Ken joue le rôle d'un fugitif.
10:47 - J'ai entendu un avion approcher. Son moteur avait dératé.
10:52 Il tout sautait.
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10:56 Et il s'approchait.
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10:59 Puis, 20 secondes après le décollage, un nouveau problème se manifeste.
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11:06 Sans prévenir, l'avion se remet à rouler sur la gauche.
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11:12 Horrifié, Ray DeVito ne peut que regarder ce qui se passe.
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11:17 - Il y avait deux boules de feu comme les tirs de DCA qu'on voit dans les films de la Seconde Guerre mondiale.
11:21 Deux gros boums suivis d'un éclair rouge. Puis l'avion a viré.
11:25 En quelques secondes, l'appareil s'incline dangereusement sur sa gauche.
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11:35 Ken Berger et ses collègues voient que l'avion a des ennuis.
11:39 - En sortant du bosquet, j'ai vu que d'autres agents du groupe d'entraînement accouraient.
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11:48 Le DC-10 plonge droit vers les Mobilhome où vivent des centaines de gens.
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11:55 Paniqué, Ray DeVito traverse l'aéroport en courant.
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12:02 Lux et Dillard tentent de rétablir l'assiette de l'avion.
12:05 - Allez !
12:07 Mais le DC-10 ne réagit pas. Il pique du nez et passe sous la ligne d'horizon.
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12:18 Depuis la tour de contrôle, Ed Rucker doit se contenter d'assister au drame qui se noue sous ses yeux.
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12:33 Le vol 191 s'écrase juste devant le terrain des Mobilhome.
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12:47 - Ça projetait une boule de feu à une trentaine de mètres en l'air.
12:50 Il y avait une fumée noire et épaisse et je sentais la chaleur.
12:55 A cinq kilomètres de là, dans l'aérogare, Ray DeVito sait que l'avion s'est écrasé.
13:01 - Je dévalais les escaliers quand j'ai entendu l'explosion.
13:04 Un grondement imperceptible dans le sol.
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13:11 À l'impact, des fragments d'avions balaient quelques Mobilhome.
13:16 En sortant de l'aérogare, Ray DeVito se doute de la gravité de l'accident.
13:22 - Je suis sorti de l'aérogare et au bout de la rue, j'ai vu d'énormes nuages de fumée.
13:30 Ken Berger et ses collègues sont enveloppés par cette fumée noire et épaisse.
13:36 - Il y avait un incendie, une odeur très âcre de carburant en flammes et de char carbonisé.
13:48 Ray DeVito traverse le tarmac et court vers le lieu du drame, le long d'une piste où passent les avions.
13:59 - Je me disais, Seigneur, accorde-lui d'être sain et sauve.
14:03 Fais que l'avion s'en soit sorti et que ça ne soit pas aussi grave que ça en a l'air.
14:10 Deborah et d'autres ont-ils survécu au crash ?
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14:19 Comment se fait-il que le vol 191 se soit écrasé aussi peu de temps après avoir décollé de l'aéroport international O.R.?
14:28 271 personnes se trouvaient à bord.
14:32 Ray DeVito a court pour voir si celle qu'il aime est parmi les survivants.
14:39 A 15h15, soit 11 minutes après l'accident, les premiers pompiers arrivent.
14:43 Parmi eux se trouve John Heavey qui travaille pour les services d'urgence.
14:50 - Il y avait de la brume, mais la chose dont je me souviens distinctement, c'est le silence absolu.
14:55 Il n'y avait pas le moindre bruit, rien.
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15:02 Tandis que les services de secours commencent à chercher des survivants, les journalistes font leur apparition.
15:11 Après 5 km de course, Ray DeVito arrive à son tour sur les lieux.
15:16 - Tout de suite, j'ai vu des tas de débris éparpillés et je me suis dit que ça n'était pas l'endroit du crash,
15:22 car je n'arrivais même pas à reconnaître que c'était des bouts d'avion.
15:30 Les services d'urgence constatent vite qu'ils n'ont pas grand chose à faire.
15:34 John Heavey et son équipe sont les témoins d'une scène macabre.
15:40 - Il y avait des morceaux, mais on ne savait pas de quoi tant qu'on ne s'en approchait pas.
15:44 C'était des bouts de cadavres imbibés de carburéacteurs en flammes.
15:51 L'épave tordue du vol 191 jonche plusieurs centaines de mètres carrés.
15:59 Certains débris ont dévasté les mobil-homes en détruisant 5 et tuant 2 personnes.
16:08 Même les professionnels les plus expérimentés sont sous le choc.
16:14 - C'est quelque chose qu'on ne peut pas oublier et on sait qu'on ne peut aider personne.
16:22 On peut simplement regarder sans pouvoir croire que tout ça s'est déroulé en une seconde.
16:32 La nouvelle du drame fait le tour des États-Unis.
16:38 - Il a frappé le sol, le carburant a pris feu et tout ce coin a été englouti par les flammes.
16:48 À Phoenix, Michael Lux, le fils de Walter, entend la nouvelle.
16:55 Quand il apprend que le vol venait de décoller de Chicago, il est soulagé, sachant que ça n'est pas celui de son père.
17:05 - Je savais que mon père venait de faire Phoenix, Chicago. Et donc je me suis dit Dieu merci, ce n'était pas son vol.
17:13 De son côté, Ray DeVito doit accepter l'inacceptable. Sa petite amie Deborah est morte.
17:22 - Je me suis senti complètement désespéré. Je ne pouvais aider personne.
17:28 J'étais là où se trouvaient tous ces gens, mais il n'y avait plus personne.
17:33 Petit à petit, je me suis forcé à accepter le fait qu'il n'y avait aucun survivant.
17:41 En arrivant chez lui, Michael Lux voit son monde se briser en mille morceaux.
17:47 - En entrant, j'ai vu un de mes meilleurs amis. Il arborait une mine que je ne lui avais jamais vue et ça m'a surpris.
17:56 Puis j'ai remarqué que la maison était remplie de gens. Je me suis demandé où était ma mère et ce qui se passait.
18:03 Puis par la télévision qui était dans l'autre pièce, j'ai appris que mon père était le commandant de ce vol.
18:08 - Seigneur Jésus, sauveur du monde, nous te recommandons que tu aies fidèle, que nous avons trouvé ici, victime d'une fin tragique.
18:17 Jamais l'accident d'un seul avion a tué autant de gens aux États-Unis. Au total, 273 personnes ont trouvé la mort.
18:24 Pourquoi les pilotes ont-ils perdu le contrôle de leur appareil si rapidement ?
18:32 En retraçant le fil des événements qui ont conduit à ce jour fatidique et en analysant en détail l'enquête qui a été faite, nous allons vous révéler ce qui est arrivé au vol 191.
18:44 11 minutes après l'accident, le NTSB, l'équivalent du Bureau d'enquête et analyse, est prévenu.
18:52 Dans l'heure qui suit, une équipe de 15 spécialistes se met en route pour Chicago.
19:00 Le savoir-faire de cet homme va être déterminant pour l'enquête. En 1979, Michael Max est métallurgiste en chef au NTSB.
19:12 C'est lui qui va découvrir pourquoi le DC-10 est tombé comme une pierre 30 secondes seulement après le décollage.
19:20 On n'avait jamais pensé que ça pouvait arriver. C'était donc un choc pour moi, pour vous et pour le monde entier.
19:32 Il sait que l'équipe doit rapidement obtenir des résultats. Mais le travail s'annonce difficile.
19:40 Les preuves sont disséminées sur 1 km2 et l'ampleur du drame a attiré l'attention des médias du monde entier.
19:50 Bien sûr, les enquêteurs savent qu'il s'agit du 4ème accident mortel d'un DC-10 depuis sa mise en service en 1971. Au total, ces drames ont tué 622 personnes.
20:07 Mais les causes d'un désastre aérien sont innombrables. Un problème électrique, une erreur de conception, une explosion ou encore une erreur humaine.
20:22 Pour l'équipe, la priorité consiste à retrouver les boîtes noires, les enregistreurs de vol. Les renseignements qu'ils contiennent sont si importants qu'ils sont protégés dans des conteneurs blindés.
20:33 Une boîte noire peut encaisser une énergie à l'impact incroyable et résister longtemps à un incendie avant de devenir inutilisable.
20:42 Mais les boîtes noires ont-elles résisté à un impact de cette magnitude ?
20:47 Avant de s'intéresser à ces dernières, les enquêteurs doivent commencer par le commencement. Les conditions de vol étaient parfaites et les aiguillères du ciel n'ont signalé aucune interférence extérieure visible, comme un autre avion ou une collision avec une nuée d'oiseaux.
21:02 Et pourtant, tout de suite, quelque chose saute aux yeux.
21:09 A mi-chemin sur la piste, les enquêteurs retrouvent ce qui reste du moteur numéro 1. Il a dû se détacher de l'aile lors du décollage. Reste désormais à savoir pourquoi.
21:23 La réponse à cette question, les enquêteurs espèrent la trouver dans les débris de l'appareil.
21:30 "Certains fragments ou composants de toute petite taille peuvent permettre de déterminer la cause d'un accident. C'est ce qu'on surnomme la pépite d'or."
21:44 Il faut impérativement et rapidement déterminer pourquoi le moteur s'est détaché, car si le DC-10 souffre d'un défaut de conception, les répercussions sur le transport aérien s'annoncent phénoménales.
21:55 En effet, près de 300 DC-10 transportent chaque jour quelques 150 000 personnes dans le monde. Et la vie de tous ces gens est peut-être en danger.
22:09 Il faut également déterminer si le problème du moteur est la seule et unique cause de l'accident ou s'il s'inscrit dans une séquence d'événements aux conséquences funestes.
22:21 Les enquêteurs espèrent y parvenir en analysant les boîtes noires, mais pour l'heure, celles-ci demeurent introuvables et l'équipe a du mal à mettre la main sur quoi que ce soit susceptible d'être exploité.
22:36 Pendant les recherches, les enquêteurs interrogent les témoins. Et là, coup de chance, ils trouvent une première preuve extraordinaire. Un photographe amateur a immortalisé les derniers instants du vol 191.
22:53 Sur son cliché, on distingue de la fumée ou de la vapeur qui s'échappe de l'aile gauche. Y avait-il un incendie à bord ?
23:03 Cette première preuve fait penser à une explosion.
23:07 Je m'appelle Edward Rucker.
23:09 Le contrôleur aérien Ed Rucker est un des premiers à être interrogé.
23:14 J'ai vu un éclair jaillir de l'aile gauche et j'ai dit à mon supérieur qu'il y avait eu une explosion.
23:20 La tragédie était-elle l'oeuvre de saboteurs ou de terroristes ?
23:27 L'avion avait fini de décoller.
23:30 Au fil des dépositions des témoins oculaires, il apparaît que l'accident n'a pas été provoqué par une bombe. En revanche, les témoignages de 60 personnes convergent vers un moment précis.
23:45 Au moment du décollage, tous ces gens ont vu le moteur 1 se balancer vers l'avant et se retourner pour passer par-dessus l'aile.
23:58 Cette révélation ahurissante semble désigner une défaillance structurelle.
24:05 Dans ce cas, tous les décédits sans service sont menacés.
24:11 Et c'est le pire cauchemar de l'industrie aéronautique.
24:15 Les enquêteurs du NTSB poursuivent leurs analyses et les interrogatoires des témoins.
24:39 Ils ont la certitude que le numéro 1 s'est décroché sur la piste.
24:45 Mais normalement, la perte d'un seul des trois moteurs ne suffit pas à faire s'écraser un DC-10.
24:51 Or, l'avion est tombé une trentaine de secondes après le décollage.
24:55 273 personnes ont trouvé la mort.
25:00 L'opinion publique est sous le choc et les médias exigent des réponses.
25:05 Mais tandis que les experts dépouillent les premiers éléments,
25:10 le responsable de l'enquête, Woody Driver, est bien forcé d'admettre qu'il est encore loin de pouvoir fournir une explication.
25:16 J'aimerais vous demander votre aide.
25:20 Nous avons besoin de savoir si quelqu'un dans la région a pris des photos du vol.
25:26 L'enquête se concentre d'abord sur la raison de l'arrachement du moteur.
25:31 Les soupçons se portent sur la structure qui attache le réacteur à l'aile.
25:37 Le DC-10 est doté de trois moteurs pesant chacun plus de 5 tonnes.
25:44 Un sur la queue et deux autres sous les ailes.
25:48 Ces derniers sont fixés par le masse-support moteur relié à l'aile en trois endroits.
25:52 Deux à l'avant, un à l'arrière.
25:59 Dans cette zone, il y a des dizaines de composants, et n'importe lequel peut avoir cédé lors de l'impact au sol.
26:05 L'équipe s'efforce donc de réunir toutes les pièces qui reliaient le moteur 1 à l'aile gauche en passant le périmètre au pagne-fin.
26:13 Avec l'aide de la police de Chicago, ils les apportent dans un hangar de l'aéroport.
26:19 Là, les experts du NTSB reconstituent petit à petit le puzzle en examinant soigneusement les moindres fragments.
26:27 Pour chaque pièce, la même question se répète.
26:30 A-t-elle été endommagée à l'impact, ou était-elle défectueuse avant ?
26:35 Enfin, une première bonne nouvelle tombe.
26:40 Un policier a trouvé les deux boîtes noires.
26:44 - Oh, les gars !
26:46 Mais l'enregistreur de paramètres est très abîmé.
26:49 C'est lui qui contient normalement les données transmises par tous les instruments de bord jusqu'au moment du crash.
26:54 Et il est à craindre qu'elles soient irrécupérables.
26:57 La deuxième boîte noire, l'enregistreur phonique, contient tout ce que les pilotes disent dans le cockpit.
27:02 Elle est en meilleur état et paraît plus prometteuse.
27:05 Ces deux appareils sont aussitôt expédiés au siège du NTSB à Washington pour être analysés.
27:15 - Chicago, American 191, porte 5, prêt à prendre le taxiway.
27:19 Les enquêteurs analysent d'abord l'enregistreur phonique et écoutent les échanges entre le poste de pilotage et la tour de contrôle.
27:26 Rien ne sort de la routine jusqu'à la dernière seconde précédant le décollage.
27:31 - Rotate !
27:32 Le copilote James Dillard prononce un mot.
27:35 - Fute !
27:37 Au-delà, la bande est muette.
27:41 - Rotation.
27:46 L'enregistreur s'étant arrêté au décollage, il n'apprendra rien de plus aux enquêteurs.
27:51 - Fute !
27:53 - Fute, fute, fute, fute !
27:56 Vient ensuite le tour de l'enregistreur de paramètres.
28:00 Son blindage a résisté à l'impact, mais à l'intérieur, la bande est abîmée.
28:05 Pourtant, en collant bout à bout les morceaux de bande, les techniciens parviennent à récupérer la quasi-totalité des données.
28:14 Il ne manque qu'une poignée de secondes.
28:17 Et cet enregistreur a fonctionné jusque dans les derniers instants du vol.
28:22 Les impressions papier font ressortir un scénario troublant.
28:27 Une fois le moteur 1 arraché, le copilote est parvenu à stabiliser l'avion.
28:32 Suivant les procédures habituelles, James Dillard a réduit la vitesse,
28:39 mais pour une raison inconnue, l'avion s'est remis à rouler sur la gauche.
28:44 Les enquêteurs cherchent donc les paramètres des ailes ronds et des becs de l'aile gauche,
28:49 les éléments qui permettent au pilote de contrôler l'avion.
28:52 Mais ces paramètres semblent avoir disparu.
28:59 L'enregistreur a continué de fonctionner, mais il n'a plus consigné les données en question à partir du moment où l'enregistreur phonique s'est arrêté.
29:06 Pourquoi ?
29:10 2 jours après l'accident, l'équipe de Chicago fait une trouvaille significative.
29:15 Après avoir soigneusement examiné le mât, l'élément qui maintenait le moteur sous l'aile,
29:23 les enquêteurs découvrent ce qu'ils pensent être la cause probable de l'arrachement.
29:27 Un boulon cassé.
29:31 C'est la découverte dont l'équipe avait besoin, et elle organise un débat.
29:37 Michael Marks, métallurgiste en chef du NTSB, s'envole pour Chicago.
29:41 Mais il manque le début de la conférence de presse.
29:44 Il arrive au moment où son supérieur, le vice-président Woody Drever, fait sa déclaration.
29:48 L'enquête a révélé la présence d'une crique de fatigue.
29:55 Pendant ce temps, un de ses collègues remet à Michael Marks une nouvelle question.
30:03 Le boulon incriminé.
30:05 J'ai dû dire, qu'est-ce qu'il a de si important ce boulon ?
30:12 Car je ne voyais rien trahissant une crique de fatigue.
30:15 Woody Drever déclare que ce petit boulon de 7,5 cm de long
30:20 semble être à l'origine de l'arrachement du moteur du vol 191.
30:23 Le boulon que j'ai dans ma main,
30:30 le boulon que j'ai entre les mains s'est détaché de l'avion
30:33 et il présente une crique de fatigue.
30:36 De plus en plus mal à l'aise, Michael Marks écoute son supérieur.
30:42 Son expérience l'incite à croire que le boulon a été abîmé pendant l'accident, pas avant.
30:47 La cassure ne présente en effet aucune des caractéristiques accompagnant la fatigue.
30:52 Il a été sectionné d'un coup et proprement.
30:55 Après des années consacrées à analyser des problèmes de ce genre,
30:59 Michael Marks pressent que ses confrères sont en train de commettre une terrible erreur
31:03 devant la presse du monde entier.
31:05 J'ai trouvé regrettable que quelqu'un fasse une telle déclaration aussi tôt dans l'enquête.
31:11 Nous avons trouvé le boulon qui tenait le moteur.
31:17 Compte tenu des preuves en notre possession,
31:21 on peut conclure que c'est la raison pour laquelle le moteur s'est détaché.
31:25 Mais Michael Marks sait qu'il n'en est rien.
31:29 Ce n'est pas ce boulon qui a conduit à l'arrachement du moteur.
31:34 Pour moi, c'était la conséquence et non la cause de l'accident.
31:42 Tous ses collègues ne partagent pas l'idée de la cause de l'accident.
31:50 Tous ses collègues ne partagent pas son opinion.
31:52 Certains restent convaincus que c'est la faute du boulon.
31:55 Mais Michael Marks se fie à son intuition et passe au peigne fin les restes du vol 191.
32:00 Et il retrouve bientôt un autre élément du mât, la semelle.
32:08 Un examen minutieux révèle qu'elle est endommagée.
32:15 Et qu'elle l'était sûrement avant l'accident.
32:20 C'était un mystère que je ne comprenais pas.
32:23 Mais je savais que quelque chose clochait et qu'il fallait s'y intéresser de manière plus poussée.
32:29 La semelle endommagée peut-elle expliquer pourquoi le moteur est tombé ?
32:34 Michael Marks ramène la pièce dans son laboratoire de Washington.
32:39 Elle présente une fissure de plus de 30 cm de long.
32:42 En l'analysant, le spécialiste parvient à reconstituer un enchaînement d'événements.
32:47 La fissure montre des traces de fatigue.
32:50 Comme dans un tronc d'arbre, la fatigue s'étend ligne après ligne au fil du temps.
32:55 La fissure n'est donc pas consécutive à l'impact, mais antérieure.
33:03 Pour qu'une fatigue se manifeste, il faut qu'un facteur ait affaibli la semelle.
33:11 Et la preuve d'une surcharge massive est fournie par la netteté de la cassure.
33:17 S'il est incapable de dire ce qui a provoqué cette surcharge,
33:20 Michael Marks sait qu'elle s'est manifestée avant la fatigue, et par conséquent, avant l'accident.
33:25 C'est une percée capitale pour l'enquête.
33:28 Il demande à ce qu'on procède à des essais en laboratoire
33:32 pour déterminer quelle pression peut conduire à une rupture de la semelle.
33:35 Ces essais indiquent qu'il faut qu'elle soit très élevée.
33:40 Plus de 2,9 tonnes.
33:42 Michael Marks et son équipe décident alors d'éplucher le dossier de maintenance du DC-10
33:50 et constatent qu'American Airlines a procédé à une révision
33:53 huit semaines seulement avant son vol fatidique.
33:56 Lorsqu'il arrive quelque chose à un avion qui sort d'une fatigue,
34:00 c'est un vol fatidique.
34:02 C'est un vol fatidique qui est un vol de la nature.
34:05 Lorsqu'il arrive quelque chose à un avion qui sort d'une période d'entretien,
34:10 on examine ce qui a été fait à ce moment-là.
34:13 Bud Lenor, qui est alors responsable du service ingénierie du NTSB,
34:25 se rend au centre de maintenance de la compagnie à Tulsa, dans l'Oklahoma,
34:28 et il découvre de graves irrégularités dans le mode d'exécution des travaux.
34:33 En plus de l'entretien de routine,
34:35 American Airlines remplace les roulements à billes sur les mâts support moteur.
34:39 Pour effectuer les révisions, le moteur et le mât doivent être retirés.
34:47 Et l'avionneur McDonnell Douglas conseille de retirer le moteur avant d'enlever le mât.
34:59 Mais les ingénieurs d'American Airlines ont trouvé un raccourci
35:03 pour retirer ces deux pièces en même temps.
35:05 Et pour cela, un simple transpalette suffit.
35:09 Cette procédure permet d'économiser 200 heures de travail
35:18 et des milliers de dollars sur chacun des 40 DC-10 de la compagnie aérienne.
35:24 Les compagnies cherchent à faire les choses le plus rapidement et le moins cher possible.
35:29 Mais manutentionner 6 tonnes de métal est une opération délicate.
35:34 Si le transpalette n'est pas au bon endroit,
35:37 le moteur se balance et finit par buter contre les points de fixation du mât.
35:41 Le conducteur du transpalette est guidé par ses collègues qui lui parlent et lui font des signes.
35:49 La position du véhicule doit être parfaite,
35:53 sinon on risque d'abîmer les pièces de l'avion.
35:55 Bud Lenor découvre que la direction du centre de Tulsa
36:00 semble tout ignorer de ce procédé à risque.
36:02 Nous avons été un peu surpris que personne n'ait assisté à cette opération
36:10 et ne se soit dit qu'elle pouvait occasionner des dégâts
36:14 susceptibles d'avoir des conséquences catastrophiques.
36:22 Le NTSB découvre également que les travaux sur le DC-10 du vol 191
36:26 ne se sont pas déroulés correctement.
36:28 Les ouvriers ont commencé par désolidariser le moteur et le mât,
36:33 mais un changement d'équipe est survenu en cours de route.
36:36 A ce moment-là, seul le transpalette soutenait ses 2 pièces.
36:42 A la reprise du travail, le mât a été bloqué contre les fixations
36:48 car le véhicule ne soutenait pas la charge de manière équilibrée
36:51 et il a fallu le déplacer avant de pouvoir dégager le mât.
36:54 Bud Lenor en informe aussitôt Michael Marx.
37:00 Ça a fait tilt.
37:05 Tout s'est éclairé.
37:07 Et j'ai dit à Bud, non seulement la fissure a pu être provoquée
37:12 par quelque chose comme ça, mais je peux le prouver.
37:16 La semelle est posée sur un cadre et boulonnée à une ferrure.
37:19 Lorsqu'on enlève le boulon pour détacher le mât,
37:23 elle peut remonter et percuter la ferrure.
37:25 Michael Marx l'analyse à nouveau et constate qu'elle n'est pas seulement fissurée,
37:30 mais arrondie de la ferrure.
37:32 Et comme la semelle ne peut entrer en contact avec la ferrure
37:36 qu'une fois le boulon enlevé, la fissure a dû apparaître
37:39 lors du retrait du moteur et du mât.
37:42 Désormais, Michael Marx sait pourquoi le moteur s'est détaché.
37:46 Et il a décelé au passage les défauts des procédures d'entretien d'American Airlines.
37:50 Mais d'autres appliquent-ils les mêmes raccourcis ?
37:57 La FAA, l'autorité de l'aviation civile aux États-Unis,
38:00 ordonne une inspection immédiate de tous les DC-10,
38:03 de toutes les compagnies aériennes américaines,
38:05 de tous les avions de la France,
38:07 de tous les avions de l'Union Européenne,
38:09 et d'une inspection immédiate de tous les DC-10,
38:11 de toutes les compagnies aériennes américaines.
38:13 Je n'ai d'autre choix que d'interdire immédiatement de vol
38:17 tous les DC-10 américains.
38:19 138 avions sont retirés du service.
38:22 Bonsoir. En annonçant que le problème pourrait être aussi fondamental
38:26 que la conception de l'avion,
38:28 la FAA a aujourd'hui cloué au sol le DC-10.
38:31 Quelques 70 000 passagers voyagent tous les jours à bord de cet avion,
38:36 rien qu'aux États-Unis.
38:38 L'interdire de vol est un fait sans précédent
38:40 qui précipite le transport aérien au bord de la crise.
38:43 Pourtant, les inspecteurs découvrent que 4 autres avions d'American Airlines
38:47 présentent des dégâts similaires à celui du vol 191.
38:50 Et d'autres compagnies employaient bien le même raccourci.
38:54 Un DC-10 de United Airlines présente un risque,
38:57 et 4 de Continental Airlines sont équipés de semelles fissurées,
39:01 même si 2 d'entre elles ont été réparées.
39:03 Au total, 10 DC-10 ont été endommagés par cette procédure.
39:07 Une découverte accablante pour le transport aérien américain.
39:11 Mais Michael Marks sait que les DC-10 peuvent voler avec seulement 2 moteurs.
39:16 Un avion ne s'écrase pas s'il perd un moteur.
39:21 Certains appareils en ont perdu un, mais se sont posés sans qu'il y ait de blessés.
39:26 Il y avait donc d'autres raisons pour expliquer cet accident-là.
39:30 On s'intéresse donc à l'équipage.
39:32 Une erreur d'un ou des pilotes est-elle à l'origine de l'accident du vol 191 ?
39:37 Michael Lux est rongé par l'idée que son père est peut-être responsable de la mort de 273 personnes.
39:46 Lui-même pilote, il sait à quel point il est difficile de conserver son calme lors d'une urgence.
39:52 J'imagine ce qui a pu se passer dans le cockpit.
39:57 Il y a eu une série d'alertes, les sirènes se sont déclenchées,
39:59 certains instruments ont cessé de fonctionner.
40:02 Je suis sûr que ça faisait très peur.
40:06 Dillard et Lux ont-ils commis une erreur dans le feu de l'action ?
40:12 À Chicago, l'équipe du NTSB progresse.
40:18 Sur la piste, là où le moteur est tombé, les enquêteurs ont retrouvé un morceau d'aile gauche d'un mètre de long.
40:27 Cette pièce a été arrachée du reste de l'aile et c'est un indice capital.
40:31 Ce tronçon abrite le circuit hydraulique qui alimente les becs utilisés au décollage.
40:38 C'est à ce moment-là que les enquêteurs commencent à se faire une idée de ce qui s'est passé.
40:42 Le mât support moteur a cédé à hauteur de la fissure de la semelle.
40:46 Le moteur a alors pivoté autour de l'attache du mât avant pour remonter par-dessus l'aile,
40:52 arrachant au passage un mètre du bord d'attaque et le circuit hydraulique.
40:57 C'est un renseignement de la plus haute importance.
41:01 Au décollage, les becs du bord d'attaque sont déployés pour augmenter la portance.
41:06 Si le système hydraulique ne parvient plus à les maintenir en place,
41:09 le vent rabat de force les becs de la section externe.
41:12 En conséquence, la portance sur l'aile gauche se réduit et l'avion bascule de ce côté.
41:17 C'est une découverte capitale pour le NTSB.
41:23 Mais par sécurité, le DC-10 dispose d'un système hydraulique de secours.
41:28 Même si ce dernier a également été endommagé, il contenait encore suffisamment de liquide pour relever les becs.
41:34 Qui plus est, les instruments dans le poste de pilotage ont dû avertir les pilotes que les becs s'étaient repliés.
41:40 Dans ce cas, pourquoi James Dillard ne les a-t-il pas relevés ?
41:44 Les enquêteurs découvrent que la réponse à cette question se cache dans l'interruption intempestive de l'enregistreur phonique.
41:52 Le circuit électrique qui assure le fonctionnement de cet appareil,
41:55 ainsi que celui de l'avertisseur pour les becs, étaient alimentés par le moteur de l'aile gauche.
42:00 - Le tangage, la vitesse, l'altitude, jusqu'ici tout semble normal.
42:08 Quand le moteur se détache, l'enregistreur phonique et l'avertisseur tombent en panne.
42:13 Du coup, James Dillard ne peut absolument pas savoir que les becs ne sont pas dans la position adéquate.
42:20 Et pourtant, il aurait dû pouvoir piloter l'avion.
42:23 - Il pilotait encore, même avec un moteur arraché et même avec le problème de becs.
42:31 A-t-il alors cessé de respecter la procédure en vigueur ?
42:34 L'enregistreur de paramètres montre qu'après la perte du moteur 1,
42:40 le copilote a réduit la vitesse au niveau requis V2, comme il l'a appris.
42:45 A 283 km/h, V2 est la vitesse minimum de décollage.
42:50 James Dillard a respecté la procédure à la lettre, mais l'avion s'est quand même écrasé.
42:58 Michael Marks et son équipe s'interrogent alors sur le bien fondé de cette procédure.
43:05 Lors de la conception d'un avion, les pilotes d'essai testent rigoureusement son comportement dans différents cas de figure.
43:14 Mais les enquêteurs découvrent que les essais du DC-10 n'ont jamais envisagé l'hypothèse d'une rupture de mât et de repli intempestif des becs.
43:23 En calculant les effets aérodynamiques exacts d'un tel accident, l'équipe reproduit le vol en simulateur.
43:32 Elle reproduit 70 décollages avec arrachement du moteur et repli des becs.
43:40 Des 13 pilotes qui essaient de corriger en suivant les procédures officielles, pas un ne parvient à sauver l'avion.
43:46 C'est le choc. Le manuel de formation contient des erreurs.
43:58 Les enquêteurs concluent que la réduction des gaz en cas de repli des volets est la pire mesure qu'un pilote puisse prendre, car elle conduit immanquablement à un décrochage.
44:08 Et c'est exactement ce qui est arrivé au vol 191.
44:11 Le commandant Lux et le copilote Dillard n'ont donc rien à se reprocher pour le plus grand soulagement de Michael.
44:20 C'était la preuve qu'il avait fait son possible, comme n'importe quel commandant expérimenté dans cette situation terrible.
44:33 Mais malgré les erreurs inhérentes à la procédure d'urgence, un instrument aurait dû permettre de sauver le vol 191.
44:39 C'est le dernier élément qui va permettre aux enquêteurs du NTSB d'expliquer le drame du vol 191.
44:57 Car même si les pilotes ont alors insu provoquer le décrochage de l'appareil, ils auraient dû pouvoir compter sur un ultime système de sécurité.
45:05 En effet, lorsqu'un DC-10 est sur le point de décrocher, il émet un double avertissement très reconnaissable.
45:15 Le premier, c'est l'agitateur de palonnier qui fait vibrer le manche du pilote.
45:21 Le second, c'est un voyant lumineux qui s'éclaire.
45:25 Ce double système signale aux pilotes qu'ils doivent immédiatement augmenter leur vitesse.
45:29 Mais sur le vol 191, seules les commandes de Walter Lux étaient équipées d'un agitateur.
45:35 Et ce dernier ne fonctionnait pas.
45:37 Lui aussi avait été privé d'alimentation électrique suite à la rupture du système hydraulique.
45:42 Il existe bien une alimentation de secours pour l'agitateur.
45:48 Mais il est impossible de l'allumer lors du décollage, car les pilotes ne peuvent l'atteindre depuis leur siège.
45:55 [Musique]
45:57 Cet interrupteur tout simple a scellé le sort de 273 personnes.
46:05 En retraçant le fil des événements qui ont conduit à ce jour fatidique,
46:15 et en analysant en détail l'enquête qui a été faite,
46:18 nous allons donc maintenant pouvoir vous révéler pourquoi le vol 191 s'est écrasé.
46:23 [Musique]
46:25 H-5 minutes. Le vol 191 roule vers la piste 32 droite de l'aéroport O.R. de Chicago.
46:31 - Américaine 191, on y va.
46:37 Le défaut mortel est apparu 8 semaines plus tôt lors d'une opération de maintenance.
46:41 Au moment où on détache le moteur et le mât, une semelle est abîmée.
46:50 A chaque atterrissage et à chaque décollage qui suit, la fissure s'agrandit.
46:54 À H-1 minute et 19 secondes, le vol 191 s'élance.
47:01 À ce moment-là, la semelle cède. Le mât n'est plus soutenu que par les boulons avant.
47:06 Lorsque le nez de l'avion s'élève pour le décollage, le mât s'arrache de la fixation,
47:11 bascule vers le haut et passe par-dessus l'aile gauche, arrachant 1 mètre du bord d'attaque.
47:19 Au décollage, il sectionne le système hydraulique et l'alimentation électrique de certains instruments de bord, dont l'agitateur de palonnier.
47:25 H-32 secondes.
47:33 Les pilotes savent que le moteur 1 ne fournit plus aucune puissance, mais ils ignorent qu'il a en fait disparu.
47:40 Respectant la procédure d'urgence, le copilote réduit la vitesse de l'avion à 283 km/h.
47:47 L'avion poursuit son ascension de manière régulière jusqu'à 90 m d'altitude.
47:52 Puis, les dernières gouttes du liquide hydraulique s'échappant du circuit, les becs extérieurs se replient et la portance diminue.
47:59 En raison du problème électrique, les pilotes ne reçoivent aucune indication de danger.
48:06 H-10 secondes. Le roulis sur la gauche reprend et s'accentue.
48:13 Les pilotes essaient de stabiliser l'avion qui continue malgré tout de basculer, jusqu'à ce qu'il commence à se retourner.
48:18 Ensuite, il pique du nez.
48:24 A 15 heures, 4 minutes et 5 secondes, l'extrémité de l'aile gauche frappe le sol et l'avion explose.
48:39 Il n'y a aucun survivant.
48:41 273 personnes trouvent la mort.
48:45 Aujourd'hui encore, jamais l'accident d'un seul avion n'a fait autant de victimes aux Etats-Unis.
48:50 "J'essayais d'accélérer les procédures d'entretien pour économiser quelques dollars, à coûter la vie à mon père et à 272 autres personnes, et conduit à cet horrible désastre."
49:04 À l'issue de son enquête, le NTSB recommande des améliorations fondamentales.
49:09 Le gouvernement américain impose une refonte des procédures de maintenance et McDonnell Douglas revoit la conception de son DC-10.
49:17 Les compagnies aériennes installent des agitateurs de palonniers pour le pilote et pour le copilote.
49:23 Et ces derniers ne sont plus tenus de réduire la vitesse à l'avion.
49:28 Mais rien de tout cela ne ressuscitera les victimes du vol 191.
49:34 "Cet événement a changé ma vie.
49:37 Debbie et moi, nous nous fréquentions depuis un an et demi.
49:41 Et vous ne pensez jamais que vous risquez de perdre quelqu'un dans un accident d'avion."
49:47 Le NTSB a fait un effort pour les victimes.
49:52 "Et vous ne pensez jamais que vous risquez de perdre quelqu'un dans un accident d'avion."
49:57 Le gouvernement inflige à American Airlines une amende de seulement un demi-million de dollars pour non-respect des procédures de maintenance,
50:06 et l'assureur verse 25 millions de dollars à la compagnie pour la dédommager de la perte de l'avion.
50:18 Pourtant, au lendemain de l'accident, l'action McDonnell Douglas s'effondre de plus de 20%,
50:23 et pour finir, la société sera rachetée par son concurrent Boeing.

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