Pierre Gattaz, l'ancien président du Medef, était l'invité éco de franceinfo le lundi 2 octobre, à l'occasion de la parution de son autobiographie.
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00:00 L'invité éco, Isabelle Raymond.
00:03 Bonsoir à toutes et à tous, l'invité éco ce soir a été patron du MEDEF entre 2013 et 2018.
00:10 Pierre Gattaz, bonsoir.
00:11 Bonsoir.
00:12 Vous publiez ces jours-ci un livre qui s'intitule "Enthousiasmez-vous aux éditions du Rocher"
00:17 quand on voit le nombre record de créations d'entreprises en France, plus d'un million l'an dernier,
00:21 dont plus de la moitié d'auto-entrepreneurs.
00:24 C'est enthousiasme, cela pour vous, non ?
00:26 Oui, c'est enthousiasme, vous savez en fait l'entrepreneuriat c'est la liberté, c'est d'être son propre patron.
00:33 Et je trouve ça formidable que d'abord une majorité de jeunes veulent être entrepreneurs
00:37 et que ça se passe en France.
00:39 Ça se passe depuis pas mal de temps, une dizaine d'années peut-être.
00:42 Et ça c'est très important.
00:44 Alors vous, vous connaissez très bien l'univers de l'entreprise.
00:46 Président du directoire de Radia, l'entreprise familiale,
00:49 votre père Yvon Gattaz a aussi été à la tête de l'ancêtre du MEDEF, le CNPF.
00:54 Vous êtes aujourd'hui dans le Vignoble, en Provence.
00:57 Dans votre livre, vous dites que vous vous êtes battu quand vous étiez à la tête du MEDEF
01:01 pour améliorer l'écosystème des entreprises, à la fois administratif et fiscal.
01:06 Aujourd'hui, est-ce que vous saluez la baisse de la fiscalité sur les entreprises qui a été engagée
01:11 par Emmanuel Macron, baisse de l'impôt sur les sociétés, baisse des impôts de production également ?
01:15 Oui, et je dois rendre hommage, et je rends hommage dans ce livre d'ailleurs à Manuel Valls,
01:20 qui a fait des réformes en fait assez impopulaires à l'époque,
01:23 sur la baisse de la fiscalité, puisque le taux d'IS est tombé de 33% à 25%.
01:27 Il y a eu des réformes du Code du Travail, de simplification avec les réformes El Khomri.
01:31 Et Emmanuel Macron a continué à simplifier et à baisser la fiscalité, notamment la suppression de l'ISF.
01:38 Et tout ça a permis de redonner le moral aux entrepreneurs, qu'ils aient moins peur d'embaucher.
01:44 Ça a changé au fait l'image internationale de la France aussi.
01:48 Moi je sais qu'en 2013-2014, il y avait quand même l'arrivée de François Hollande,
01:51 qui était assez mal vu dans les milieux économiques, avec un certain nombre de postulats un peu difficiles,
01:56 de cadeaux aux entreprises, etc.
01:58 Et en fait, progressivement, je rends hommage au fait que l'entreprise n'est pas politique.
02:02 Et l'entreprise est un bien commun, ça permet de créer de l'emploi, de créer, je dirais, de la vie, du travail.
02:09 Et c'est ça qui est important depuis 10 ans, je salue le travail qui a été fait,
02:12 et qui a permis de baisser le chômage de 10% à 7%.
02:15 Et ça veut dire qu'aujourd'hui, on a vraiment un gouvernement pro-business ?
02:20 - Que l'écosystème est beaucoup plus favorable ?
02:22 - Oui, l'écosystème est bon, si vous voulez, après il ne faut pas retourner sur les vieilles lunes de la fiscalité.
02:27 Vous savez, on a encore un niveau de fiscalité qui est plus élevé que tous les pays européens.
02:31 Pourquoi ? Parce que nous avons encore des dépenses publiques de 57% du PIB.
02:35 Et j'explique dans ce livre qu'il faut appliquer des méthodes de management et de RH modernes
02:39 que nous mettons en oeuvre dans nos entreprises.
02:42 Le fonctionnaire moyen est un type très engagé, très bien, comme nos salariés.
02:46 Il faut lui faire confiance, il a plein d'idées, plein de solutions.
02:49 Quand je vois des infirmières qui courent dans tous les sens dans les hôpitaux,
02:52 on ne leur demande pas jamais "est-ce que vous avez des idées pour régler votre problème ?"
02:55 - Oui, c'est ce que vous dites, c'est que vous dites qu'en fait, quand le gouvernement,
02:58 enfin quand la fonction publique prend des méthodes RH qui viennent du privé,
03:02 en fait elles ne comprennent pas très bien comment ça se passe et qu'elles prennent plutôt le mauvais
03:05 de ce qu'il y a dans l'entreprise. C'est une sorte de caricature de l'entreprise.
03:08 - Mais exactement, on ne prend que le mauvais côté, qui est de dire "profit, profit, profit,
03:12 tenez votre budget et dépense, on les baisse, on les baisse, on les baisse".
03:15 Ça ne marche pas comme ça dans les entreprises. Dans les entreprises, vous embarquez vos salariés.
03:19 En fait, surtout dans les boîtes familiales que je connais bien,
03:22 la ressource fondamentale, c'est les ressources humaines.
03:24 On veut aller loin, on veut rester 10 ans, 20 ans, 30 ans.
03:27 Donc on fait attention aux équipes et en faisant attention aux équipes,
03:29 on leur demande toute la journée ou toutes les semaines "dites-moi les problèmes que vous voyez
03:34 et on va essayer de trouver des solutions avec vous". Et souvent, ils ont les solutions.
03:37 Et bien, à force, je dirais, de les impliquer dans un processus et d'une vision quand même enthousiasmante
03:43 d'un futur qui n'existe pas encore en France.
03:45 - Et qui n'existe pas dans la fonction publique ?
03:48 - Qui n'existe pas dans la fonction publique. Malheureusement.
03:51 Et moi, je trouve qu'il y aurait sans doute cette vision, cette raison d'être
03:54 qu'il faut pousser dans la fonction publique et un management moderne qui permettrait d'associer
03:58 tout le monde, je dirais, à un objectif de service, de qualité de service
04:04 et d'en faire profiter les fonctionnaires eux-mêmes.
04:06 Nous, on a des primes de l'intéressement, de la participation, on récompense.
04:10 Et je trouve que tout ça n'existe pas dans la fonction publique, malheureusement.
04:13 - Alors, on se souvient évidemment de votre pince "1 million d'emplois".
04:17 Bruno Le Maire dit que 2 millions d'emplois ont été créés depuis 2017.
04:22 Comment est-ce qu'on atteint le plein emploi ? C'est l'objectif du gouvernement.
04:25 Est-ce que ça suppose notamment de durcir encore les règles d'accès à l'assurance chômage ?
04:30 - Alors, moi, je crois si vous voulez que, en effet, la France est au milieu du gué.
04:33 Il y a eu des choses formidables qui ont été faites et c'est pour ça que je suis enthousiaste
04:36 et optimiste sur la France. On est passé de 10% de chômage à 7%.
04:40 - Mais est-ce qu'on peut arriver à 5% ?
04:41 - Je pense que vraiment, on peut arriver à 5%, mais il faut continuer d'avoir confiance
04:45 dans les entreprises et les communautés humaines des entreprises.
04:47 - Et donc ça ne passe pas par des réformes de l'assurance chômage,
04:50 mettre également les bénéficiaires du RSA au travail, 15 heures hebdomadaires d'activité obligatoire ?
04:54 Est-ce que ça passe par ces réformes, Xavier Tass ?
04:56 - Il faut continuer de faire des réformes importantes qui consistent en effet à travailler plus pour gagner plus.
05:02 Je suis désolé de reprendre un vieux slogan, mais en effet, le travail c'est la dignité humaine, c'est la liberté.
05:07 Et en France, on a trop souvent opposé l'entreprise et l'humain.
05:11 Et moi, j'essaye depuis 10 ans, 15 ans, 20 ans de réconcilier l'entreprise et l'humain.
05:16 Nos salariés, dans la plupart des boîtes, adorent leur boîte, adorent leur travail.
05:20 - Oui, mais vous dites également "gagner plus", "gagner plus",
05:22 on sait qu'il y a une conférence sociale sur les salaires qui arrivent mi-octobre.
05:26 Est-ce que ça suppose aussi d'augmenter les salaires et notamment les bas salaires ?
05:29 - Alors, ce que je propose dans mon livre, c'est d'abord de baisser les dépenses publiques
05:31 par des méthodes de ménage-vente modernes.
05:33 Et puis de faire le tri, nous avons 7 niveaux dans les territoires,
05:36 vous vous rendez compte ? Communes, communautés de communes, agglomérations...
05:39 - Vous pourriez aussi baisser les exonérations de cotisations au-dessus de 2,5 SMIC.
05:45 - Ce que je vous propose, c'est que quand on donne 100 euros nets à quelqu'un dans sa poche,
05:49 ça coûte 200 euros à l'entreprise.
05:52 Il faut réduire ce matelas de charges sociales et patronales
05:55 en redistribuant les trois quarts des bénéfices aux salariés, à nos salariés.
05:59 C'est-à-dire qu'en fait, là j'adorerais que les partenaires sociaux se mettent autour d'une table
06:02 pour dire comment on peut réduire ces charges sociales et patronales.
06:05 Alors on touche à la retraite, certes, il faut continuer,
06:07 l'assurance chômage, certes, qui a déjà été modifiée,
06:10 mais il y a toute la partie maladie, santé, prévoyance, et je ne dis pas de baisser...
06:14 - Vous voulez encore baisser les cotisations ?
06:15 - Non, mais je veux baisser les cotisations pour pouvoir baisser le coût du travail
06:18 tout en augmentant les salaires nets des gens.
06:20 Parce que ma préoccupation que j'ai...
06:21 - Mais vous savez bien que ça finance la protection sociale, les cotisations ?
06:24 - Oui, mais la protection sociale, si vous l'avez vue, elle est française.
06:26 Il y a des pays, il faut regarder comment font d'autres pays qui marchent extrêmement bien.
06:30 La Suède, la Scandinavie, l'Allemagne, la Suisse, l'Autriche...
06:33 Il y a plein de pays qui font beaucoup mieux avec beaucoup moins.
06:36 Et je pense que ça c'est intéressant, c'est ça l'idée.
06:38 Et l'idée c'est de le faire avec les fonctionnaires eux-mêmes.
06:40 Et de voir comment on peut améliorer toute la partie hôpital, la santé, la prévoyance.
06:45 Il y a des assurances privées qui peuvent fonctionner.
06:47 - Tout en baissant les cotisations.
06:49 - Oui, mais surtout en redonnant du salaire net aux gens.
06:51 Et moi j'insiste là-dessus, je veux faire de l'économie humaine et environnementale.
06:55 C'est ça, c'est pas l'horrible économie financière que je n'ai jamais pratiquée.
07:00 - Merci beaucoup Pierre Gattaz, ancien président du MEDEF, auteur de "Enthousiasmez-vous" aux éditions du Rocher.