"Il serait logique d'aider les ménages les plus pauvres à faire face à leurs dépenses alimentaires," selon Pierre-Yves Cusset de France Stratégie

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00:00 L'invité éco, Isabelle Raymond.
00:04 Bonsoir, quel est l'effet de notre lieu de vie sur notre porte-monnaie ? C'est sur
00:09 cette question que nous allons nous pencher ce soir avec l'invité éco.
00:12 Pierre Yves Cussez, bonsoir.
00:14 Vous êtes agrégé de sciences économiques et sociales, auteur pour France Stratégie,
00:18 organisme d'analyse relié à Matignon, une note consacrée au reste à dépenser.
00:24 Alors dites-nous simplement, si vous le pouvez et en quelques mots, comment cette notion
00:28 nous éclaire sur le pouvoir d'achat réel des Français ?
00:30 Alors d'abord, le reste à dépenser, nous on le définit comme ce qui reste aux ménages
00:33 une fois qu'ils ont fait face à leurs dépenses d'alimentation, de transport et de logement.
00:38 Trois dépenses nécessaires.
00:39 Trois dépenses nécessaires et qui représentent en moyenne à peu près 50% du revenu des
00:43 ménages, donc trois gros postes de consommation.
00:46 Et pourquoi on a développé cette notion de reste à dépenser ? C'est pour avoir une
00:50 notion de l'aisance financière des gens qui ne soient pas celle du revenu, parce que
00:54 le revenu a des limites et notamment en fonction de là où on habite, les prises peuvent être
00:57 différentes et donc ce reste à dépenser permet de capter une partie de ces différences
01:00 de prix.
01:01 Et alors une fois que vous avez vu justement, que vous avez déterminé cette notion, vous
01:07 avez voulu voir quel était l'effet de notre lieu de vie sur le reste à dépenser.
01:13 En gros, si on habite un village des Cévennes, le centre de Lyon ou la banlieue de Belfort,
01:17 est-ce que ça a une influence et on voit que c'est complètement contre-intuitif, il
01:21 n'y a pas beaucoup d'effet ?
01:22 Alors il n'y a pas beaucoup d'effet quand on contrôle du revenu, c'est-à-dire que
01:25 pour un ménage donné, qui a un revenu donné, qui a une configuration familiale donnée,
01:28 qui est locataire ou propriétaire, quel que soit l'endroit où il habite, il va dépenser
01:32 à peu près la même chose sur l'ensemble de ses trois postes, avec une exception, la
01:35 région parisienne, où il va dépenser nettement plus parce que le prix du logement est important.
01:40 Alors pourquoi on a cette égalité ?
01:42 Mais vous êtes d'accord que c'est contre-intuitif ?
01:44 C'est contre-intuitif, mais en fait ce dont on s'aperçoit, c'est qu'en fait les ménages,
01:47 tout se passe comme s'ils avaient une sorte de fonction de consommation implicite, ils
01:51 ne veulent pas dépenser plus qu'un certain pourcentage de leur revenu pour ces trois
01:56 postes, et donc pour ça ils font des arbitrages entre transport et logement, donc plus de
01:59 transport, mais un logement plus proche de son lieu de travail, ou au contraire, et puis
02:04 au sein du logement évidemment ils arbitrent entre des logements plus petits au centre
02:08 des agglomérations, ou des logements plus grands, plus loin des agglomérations.
02:12 Et alors vous montrez que ces arbitrages sont notamment très importants concernant le
02:15 logement, logement, premier poste des dépenses, 30% des dépenses.
02:19 Alors c'est effectivement le plus gros poste de dépenses, et effectivement cet arbitrage
02:25 est extrêmement fort, on a même calculé le sacrifice que faisaient les ménages locataires
02:30 lorsqu'ils vivent dans des agglomérations où les prix sont chers, donc on pense évidemment
02:33 à Paris, et donc là ce qu'on montre c'est que le reste à dépenser des parisiens, en
02:37 fait il est plus élevé que les autres, non pas parce que le coût de la vie est plus
02:40 cher, mais parce qu'ils gagnent mieux leur vie.
02:42 Mais si on intègre le fait qu'ils vivent dans des logements plus petits, et que s'ils
02:46 voulaient vivre dans des logements comme en province, disons, et bien alors là leur
02:49 reste à dépenser serait le plus faible en fait de tous les ménages.
02:53 - Et ce qui est intéressant dans le fait de prendre en compte le logement dans vos
02:56 études, c'est que l'INSEE ne le fait pas, il prend en compte que les locataires, pas
02:59 les propriétaires, ce que vous faites, il considère que ces dépenses en fait, le remboursement
03:05 du prêt fait partie du patrimoine, et du coup il exclut toute une partie de la population
03:10 dans ces études, ce que vous avez décidé de ne pas faire.
03:12 - Alors il n'exclut pas parce qu'il y a tout l'entretien de la maison, il y a plein d'autres
03:15 dépenses et d'énergie.
03:16 - Mais n'empêche que ça n'entre pas en compte dans les statistiques de l'INSEE.
03:18 - Et nous on est dans une optique de ce qui reste concrètement aux gens en euros à la
03:22 fin du mois, et donc quand on est en phase d'acquisition de sa propriété, évidemment
03:27 on a des remboursements d'emprunts et donc ils ne sont plus disponibles pour les dépenser.
03:31 - Alors Pierre-Yves Cussez, quelles conséquences est-ce qu'on peut en tirer en matière de
03:34 priorité de politique publique, le fait que le lieu géographique n'a pas beaucoup d'influence
03:40 sur ce reste à dépenser ?
03:42 - Effectivement, pourquoi en fait on a fait cette étude ? Ca sortait après les Gilets
03:46 jaunes et on s'était dit peut-être qu'on a raté quelque chose.
03:49 Peut-être que dans les endroits qui sont à la périphérie des grandes villes, il y
03:52 a une notion de coût qu'on n'a pas vue.
03:54 En l'occurrence, ce n'est pas le cas.
03:56 Il y a bien des difficultés, mais c'est ce qu'on montre dans cette note, c'est que le
03:59 reste à dépenser, donc là je vous dis pour un ménage donné, quand il se déplace finalement
04:02 ça ne change pas grand-chose.
04:03 Mais les gens qui vivent dans les différents territoires, ils n'ont pas les mêmes revenus.
04:06 Les revenus sont beaucoup plus faibles, soit dans l'hyper-centre des agglomérations, soit
04:10 au contraire très loin des agglomérations.
04:12 Pourquoi ? Parce que dans l'hyper-centre on trouve des logements sociaux, donc c'est
04:15 possible d'avoir des revenus faibles et d'y vivre.
04:17 Et quand on n'est pas forcément éligible à ces logements sociaux, ou qu'on souhaite
04:21 tout simplement avoir un logement comme une maison individuelle, on va s'expatrier assez
04:26 loin des centres.
04:27 Et donc on trouve des ménages avec des revenus assez faibles, loin des centres, dans cette
04:31 France périphérique dont on a beaucoup parlé.
04:33 - Et donc ça veut dire qu'il ne vaut mieux pas avoir de politique différenciée ? C'est
04:37 une tentation régulière sur certaines politiques publiques.
04:40 - Oui, je pense qu'il est préférable de cibler des types de ménages, pas forcément
04:44 en fonction de là où ils habitent, mais en fonction de leurs revenus.
04:47 Et puis là on voit avec l'inflation, qu'est-ce qu'on fait ? On essaie d'aider les ménages
04:50 à faire face à des factures énergétiques typiquement.
04:53 Donc on leur donne des chèques en fonction évidemment de leurs revenus.
04:57 Tout le monde a un droit à ces chèques, mais on ne cible pas des territoires, on cible
05:01 bien des ménages.
05:02 On vient continuer à cibler plutôt des ménages que des territoires.
05:06 On a vu la question du chèque alimentaire revenir, avec cette proposition de loi écologiste
05:11 qui sera débattue demain, qui demande la mise en place d'un chèque alimentaire pour
05:15 les bénéficiaires du RSA dès cet été.
05:18 Est-ce que ça va dans votre sens ? On voit notamment que les prix de l'alimentaire ont
05:23 augmenté de 16% sur un an, alors que l'inflation stagne.
05:27 - Effectivement.
05:28 En 2020, on a fait des chèques plutôt énergie, parce que c'était l'énergie qui était
05:31 vraiment motrice dans l'inflation.
05:33 En 2023, on a des niveaux de prix énergétiques qui sont très élevés, mais aujourd'hui
05:37 ils sont à peu près stabilisés, voire ils décroissent un petit peu, alors que l'alimentation
05:40 est toujours très dynamique.
05:41 Donc dans cette logique, ça serait assez logique justement d'aider les ménages les
05:45 plus pauvres à faire face aujourd'hui à leurs dépenses alimentaires.
05:48 - Donc alimentaire, logement, transport, ce sont les trois postes principaux de dépenses
05:54 et ce sont là-dessus qu'il faut en priorité axer les politiques publiques.
05:58 - Je le pense.
05:59 - Merci beaucoup Pierre-Yves Cusset, agrégé de sciences économiques et sociales, chef
06:03 de projet à France Stratégie, invité Echo de France Info ce soir.
06:07 - Au revoir.
06:08 ♪ ♪ ♪

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