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Antoine Foucher, ancien directeur de cabinet de Muriel Pénicaud et fondateur de Quintet, cabinet de conseil en stratégie RH, était l'invité éco de franceinfo le 20 février 2023.

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Transcription
00:00 Bonsoir à tous, on parle beaucoup inflation, salaire, partage de la valeur.
00:05 Intéressamment, c'est même le thème de la convention Renaissance, le parti d'Emmanuel Macron qui se tient aujourd'hui.
00:11 Et pour en parler, Antoine Fouché est notre invité.
00:14 Vous êtes le fondateur de Quintet, un groupe que vous dirigez, qui fait du conseil en stratégie RH.
00:20 On rappelle aussi que vous étiez directeur de cabinet de Muriel Pénicaud, l'ancienne ministre du travail.
00:25 Et vous êtes aussi passé par de nombreuses entreprises, des grands groupes comme Schneider Electric.
00:30 Merci d'être avec nous ce soir.
00:32 Alors, que faut-il penser de ce que l'on vient d'apprendre d'Elisabeth Borne,
00:37 qui va reprendre dans la loi le compromis, l'accord trouvé par les partenaires sociaux, syndicats et patronats,
00:45 sur le partage de la valeur.
00:47 C'était il y a une dizaine de jours, ils se sont mis d'accord et le gouvernement va suivre.
00:50 Oui, je pense que la première ministre là-dessus a raison.
00:53 D'abord, c'est cohérent par rapport à la méthode qu'elle apprenait, c'est-à-dire de la négociation, de la concertation.
00:58 Et ensuite, le gouvernement reprend la main pour donner un effet légal à ce qui a été négocié.
01:04 Et il se trouve, c'est pas toujours le cas, mais là il se trouve qu'il y a du contenu dans cet accord.
01:09 Et il y a notamment le fait que pour les salariés des entreprises de 11 à 50 salariés, ça fait quand même 6 millions de personnes,
01:16 il y aura, dès qu'il y a un peu de bénéfice, un dispositif d'intéressement au partage de la valeur.
01:22 Soit participation, soit intéressement.
01:24 Alors qu'aujourd'hui, ça n'est pas le cas.
01:26 C'est obligatoire uniquement pour les salariés des entreprises de plus de 50 salariés.
01:31 Donc là, on redescend, on passe de 11 à 49.
01:34 Pour l'instant, même si c'est optionnel, il y a 19% des entreprises qui sont couvertes.
01:39 Donc on peut considérer en ordre de grandeur que ça peut bénéficier à terme,
01:44 parce que ça va commencer au 1er janvier 2024,
01:46 à terme, ça va faire du partage de la valeur pour 4 à 5 millions de salariés en plus dans le pays.
01:51 Donc c'est quand même une bonne nouvelle, et politiquement,
01:54 et pour plein de raisons, la Première Ministre a vraiment, je me sens utile,
01:57 raison d'annoncer tout de suite qu'elle va reprendre l'accord.
02:00 Donc c'est un petit coup de pouce actuellement, enfin qui interviendra, vous l'avez dit, en 2024.
02:04 Mais là, les gens pensent, les salariés, ils ont envie d'avoir des augmentations de salaire cette année.
02:08 Geoffroy Roux de Bézieux, le patron du Menef, hier disait que les patrons allaient certainement
02:15 lâcher du laisse en la matière, c'est vrai ? Vous le constatez ?
02:18 Je pense que le patron du Menef a raison, c'est pas courant là aussi que le patron du Menef
02:23 dit que les entreprises vont être obligées d'augmenter les salaires.
02:27 Il a raison, c'est une analyse très réaliste de la situation.
02:31 Le rapport de force entre les salariés, au niveau macroéconomique,
02:33 et après il faut regarder territoire par territoire,
02:35 mais au niveau macroéconomique, le rapport de force entre les salariés et les entreprises
02:39 est en train de s'inverser, durablement, pour une raison toute bête mais très forte,
02:44 qui est la démographie. La population active en France n'augmente plus.
02:48 Elle a augmenté des années 2000 à 2020, elle n'augmente plus, elle ne va plus augmenter.
02:54 On va rester à 30 millions d'actifs, on était 27 millions en 2000,
02:57 il y avait plus de 100 000 personnes chaque année en plus sur le marché du travail.
03:01 Ils rentraient.
03:02 Donc du coup ça faisait de la main d'oeuvre pour les entreprises, ça permettait de dire
03:06 si vous n'êtes pas d'accord, écoutez, allez voir ailleurs.
03:08 Là c'est plus possible parce qu'il n'y a pas assez de main d'oeuvre
03:11 par rapport aux besoins des entreprises, et donc l'une des manières, pas la seule,
03:15 mais l'une des manières de retenir les gens, de retenir les salariés,
03:18 c'est d'augmenter les salaires. Et d'ailleurs on a commencé à le voir
03:21 parce que l'année dernière, en moyenne, les salaires ont augmenté de plus de 3%,
03:24 ça faisait 15 ans qu'on n'avait pas vu ça.
03:26 Mais c'est loin encore de l'inflation, on le rappelle, qui était à 6%.
03:29 Exactement.
03:29 Est-ce que ce raisonnement va tenir si on demande aux gens de rester plus longtemps dans l'emploi,
03:33 puisqu'on voit bien que le gouvernement veut aussi repousser l'âge légal de la retraite
03:37 et donc maintenir un certain nombre de seniors plus longtemps sur le marché du travail ?
03:41 Le maintien dans l'emploi, il me semble que c'est plus une question de conditions de travail que de salaire.
03:47 Et là-dessus, nous Français, notamment sur les fins de carrière,
03:50 on n'est pas bons, pour le dire très simplement,
03:53 parce qu'on ne donne pas la liberté suffisante, pour le dire de façon très simple,
03:58 aux seniors de dialoguer avec leur entreprise pour aménager leur fin de carrière
04:02 et pour être très concret, de travailler moins,
04:05 tout en gardant leur droit à la retraite calculé sur un salaire à temps plein.
04:09 Les pays du Nord, qui ont des taux d'emploi des seniors plus forts que nous,
04:12 certes, ils ont aussi un âge de départ légal plus âgé que nous,
04:16 mais ils ont ce type de dispositif.
04:18 Donc, ils travaillent plus longtemps...
04:19 Et en même temps, les employeurs français sont assez frileux.
04:22 Ils sont assez frileux, mais c'est systémique.
04:25 C'est-à-dire qu'il n'y a pas non plus de dispositif public
04:27 qui incite les entreprises à pousser, ou qui permettent, pour être plus clair,
04:32 qui permettent aux gens d'avoir un droit de diminution de leur temps de travail
04:36 sans diminuer leur droit à la retraite.
04:38 C'est ce qui se passe dans les pays du Nord.
04:39 Et si on avait ça, je pense que les gens,
04:41 beaucoup de gens, en tout cas, accepteraient de travailler plus longtemps
04:44 parce que les cinq ou les dix dernières années de sa vie active, on travaille moins.
04:47 C'est peut-être un sujet qui va être porté aujourd'hui,
04:48 puisque Renaissance tient sa convention.
04:51 Il y a la bataille de la réforme des retraites qui se tient.
04:53 Vous connaissez bien les syndicats.
04:55 Comment vous voyez ce conflit ?
04:56 À quoi faut-il s'attendre le 7 mars ?
04:58 Il va y avoir...
05:00 Ça va être un tournant, je pense, parce que
05:03 l'unité syndicale a dit "bon, jusqu'à présent, on a fait des manifestations massives,
05:08 et c'est vrai, c'est factuel, mais on n'a pas été entendus,
05:11 donc on monte d'un cran, on va à l'arrêt",
05:13 pour reprendre leur expression.
05:15 Ça, ça sera le 7.
05:16 Et donc la question, ce qui va se passer après,
05:18 c'est qu'il va y avoir, me semble-t-il,
05:20 deux possibilités qui pourraient fissurer l'unité syndicale.
05:25 Une première option qui est une option de pression morale,
05:27 en disant "on continue de manifester pacifiquement, dignement"
05:32 Ça, c'est la position de la CFDT.
05:34 Plus la proposition, me semble-t-il, la ligne de la CFDT.
05:36 Laurent Berger a redit ce matin "on continuera d'être dignes",
05:40 en référence implicite au débat pas très honorable qu'il y a eu à l'Assemblée nationale.
05:45 Et puis la ligne de la pression morale, celle de la CFDT,
05:47 et puis vous avez la ligne du blocage,
05:49 qui est plus portée, me semble-t-il, par la CGT,
05:51 même si derrière, même si pour l'instant, il y a une unité,
05:53 et qui dit "de toute façon, manifester, c'est sympa,
05:56 mais ils ne nous écoutent pas, il faut qu'on bloque,
05:58 sinon le projet de loi va passer".
05:59 Et c'est ça la discussion qu'ils vont avoir à partir du 7.
06:01 La tension qu'il va y avoir au mois de mars,
06:03 en tout cas entre le 7 et puis peut-être la fin de l'examen de ce projet de loi au Sénat,
06:07 c'est celle-ci, c'est le risque de fissure, vous nous dites, du bloc syndical.
06:12 Merci beaucoup d'être venu avec nous Antoine Fouché,
06:15 vous étiez l'invité ce soir de France Info.
06:18 Merci à vous.

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