L'histoire de la tuerie de Chasselay

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Transcript
00:00 On a pensé que c'était une question de grâce.
00:02 La preuve c'est qu'ils n'ont pas tué les français.
00:04 Se faire massacrer
00:07 lâchement, leurs fureurs disaient que les troupes noires sont des sauvages.
00:12 Ce qui me touchait le plus c'était de penser que tous ces pauvres gens ils avaient une famille au Sénégal
00:19 qui pour la plupart n'avaient pas les moyens de venir sur prier sur leur tombe.
00:23 Est-ce qu'ils avaient su ?
00:25 Ces petits railleurs africains se sont battus avec courage pour la France
00:28 mais ils ont été victimes d'un massacre raciste et sont tombés dans l'oubli.
00:32 Voici l'histoire de la tuerie de Chasselet.
00:35 En juin 1940, la France est envahie par l'Allemagne.
00:38 Des tirailleurs africains du 25ème régiment et leurs officiers blancs
00:42 continuent à résister dans le village de Chasselet, près de Lyon.
00:45 Originaires du Sénégal, du Mali, de Guinée ou encore de Mauritanie,
00:49 certains ont été enrôlés de force, d'autres étaient volontaires.
00:52 C'était des derniers combats pour essayer de retenir la puissance allemande.
00:57 Ils ont livré bataille jusqu'à la dernière cartouche
01:00 mais évidemment ils ne faisaient pas le poids par rapport à la force allemande.
01:03 Encerclés, les combattants se rendent le 20 juin 1940.
01:06 Les soldats nazis séparent alors les noirs des blancs.
01:09 Et au milieu d'un champ, ils abattent une cinquantaine de tirailleurs africains à coups de mitraillettes.
01:14 Les tirailleurs ont été rangés du côté droit de la route.
01:18 Une fois les tirailleurs fusillés, ils sont passés dessus avec les chairs.
01:24 J'ai appelé, j'ai dit "est-ce qu'il y a des vivants ?"
01:27 Et il y en avait un, un qui avait 20 ans, on aurait dit un gosse.
01:31 Il avait les deux jambes complètement écrasées, le temps qu'il avait passé dessus.
01:35 Il me disait "tu crois qu'on va m'emmener à l'hôpital ?"
01:38 J'ai dit "ben bien sûr, ça va arriver, je veux rester avec toi" il me disait.
01:42 J'ai réussi à aller le voir mais il était mort.
01:44 Vous voyez, j'en pleure près de repos.
01:46 Et puis il y en a eu d'autres aussi.
01:51 Les jours suivants, les tirailleurs qui sont parvenus à s'échapper
01:54 seront tués ou faits prisonniers par les Allemands.
01:57 Certains habitants ont tout fait pour les sauver, parfois au risque de leur vie.
02:01 Il fallait quand même avoir du cran pour les héberger.
02:03 On a hébergé deux chez elles et c'était quand même dangereux.
02:06 Contre la vie du maire et contre la vie de pas mal de la population.
02:10 Qui disait qu'elle allait faire massacrer toute la population.
02:14 Au lendemain de la tuerie, des villageois enterrent les cadavres des soldats africains
02:18 afin de leur rendre un dernier hommage.
02:21 Et ce, malgré l'interdiction des nazis.
02:23 En quelques jours, des centaines de soldats africains seront exécutés en France
02:27 par le 3ème Reich en raison de leur couleur de peau.
02:30 Considérés comme des sous-hommes, ils incarnaient pour l'occupant la décadence
02:33 et la contamination raciale de la France.
02:35 Craint pour la bravoure qu'ils avaient démontrée en 14-18,
02:38 ils étaient décrits comme des violeurs par la propagande nazie
02:41 qui interdisait notamment des couples mixtes.
02:43 Il y a eu des exactions comme ça tout au long du parcours de l'armée allemande.
02:47 Et les nord-africains aussi ont été victimes de ces massacres.
02:51 Contrairement au Royaume-Uni, qui a engagé des poursuites
02:54 pour les exactions commises par certains soldats allemands,
02:56 la France ne réclamera jamais justice.
02:59 C'était des crimes de guerre.
03:01 Et la France n'a strictement rien fait.
03:03 Alors évidemment, on pourrait penser que parce que c'était des tyrailleurs,
03:06 c'était des galets ou des nord-africains, la France n'a pas engagé de poursuite.
03:11 Oui, sans doute, parce que si ça avait été des prisonniers de guerre blancs,
03:16 il y aurait eu un crime de guerre qui aurait été reconnu.
03:19 En 1942, un ancien combattant nommé Jean-Marc Yanni
03:22 érigera un monument funéraire en leur mémoire à Chastelet.
03:25 Surnommé Tata, ou Enceinte sacrée en Wolof,
03:28 le lieu rassemblait des pouilles de près de 200 tyrailleurs,
03:30 dont une cinquantaine sont anonymes.
03:32 C'est dommage qu'il n'y ait que le seul Tata Chastelet.
03:35 J'ai vu à Brianson des tombes de tyrailleurs sénégalais.
03:38 J'ai vu dans les Vosges des tombes de tyrailleurs sénégalais.
03:41 J'ai vu en Bretagne des tombes de tyrailleurs sénégalais.
03:43 Aujourd'hui, ce sont presque des morts, en vrai.
03:46 Des personnalités appellent désormais à renommer des lieux publics
03:49 en hommage à ces soldats et à inclure ce chapitre sanglant
03:52 de l'histoire de France dans les manuels scolaires.
03:54 En janvier 2022, deux plaques où figurent les noms de 25 soldats
03:58 ont été dévoilées par le gouvernement.
04:00 Mais selon l'historienne Armel Mabon, elles contiennent de nombreuses erreurs.
04:03 La chercheuse dénonce une falsification de l'histoire à des fins politiques
04:07 et a écrit au ministre des armées.
04:08 On ne sait même pas si ces hommes sont inhumés au Tata Chastelet,
04:11 c'est pas un hommage, c'est un outrage.
04:13 Plusieurs experts demandent aujourd'hui à ce que le lieu ne soit pas instrumentalisé
04:16 politiquement et que la mémoire de ces hommes soit respectée,
04:19 tant par la France que par l'Allemagne,
04:21 afin qu'ils ne soient plus jamais oubliés.
04:25 Sous-titrage Société Radio-Canada
04:29 [SILENCE]

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