ÉDITO - "Il faut arrêter de prendre le référendum pour une baguette magique"

  • l’année dernière
Devant le Conseil constitutionnel, le chef de l'État a expliqué vouloir élargir le champ du référendum, aux contours actuellement très stricts tout comme à "la simplification" du référendum d'initiative partagée, tout en se gardant d'un mode d'emploi précis.
Transcript
00:00 On va parler de référendum, Mathieu, parce qu'Emmanuel Macron l'a annoncé hier dans un discours devant le Conseil constitutionnel,
00:05 il est prêt à élargir les conditions du référendum en France.
00:09 Oui, alors en fait il a proposé deux choses. La première proposition, c'est l'élargissement du champ du référendum.
00:14 Aujourd'hui, l'article 11 de la Constitution, il permet au Président de faire un référendum sur des sujets institutionnels,
00:20 de politique économique, sociale ou environnementale, mais pas sur des sujets de société.
00:24 Par exemple, ce n'est pas possible de faire un référendum sur la fin de vie, ou ce n'est pas possible d'en faire un sur l'immigration,
00:29 comme le réclament aujourd'hui la droite et l'extrême droite.
00:32 La deuxième proposition du Président de la République, c'est assouplir les conditions de mise en œuvre du référendum d'initiative partagée.
00:37 Vous vous souvenez, ce serpent de merde dont on a beaucoup parlé pendant la réforme des retraites,
00:41 en fait c'est un article de la Constitution qui semble avoir été pensé pour ne jamais être appliqué,
00:45 parce que c'est très compliqué, il faut réunir d'abord 10% du corps électoral, ça fait quand même 5 millions de signatures,
00:49 puis 1/5ème des députés, puis ensuite le Parlement se saisit du sujet, mais rien ne l'oblige forcément à l'appliquer.
00:55 Bref, ce truc-là ne tient pas la route. Dans sa campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait fait une proposition,
00:59 abaisser le seuil des signatures par exemple à 1 million, ce qui rendait les choses déjà plus faisables.
01:03 Est-ce que pour autant ça veut dire qu'il va y avoir, Mathieu, beaucoup plus de référendums qu'avant ?
01:06 Ben non, c'est pas sûr. Pourquoi ? Parce que le référendum c'est un thème à la mode pour résoudre la crise démocratique,
01:12 redonner la parole aux Français, les réconcilier avec la politique, avec les dirigeants,
01:16 mais c'est un sujet dont tout le monde parle à froid très facilement, c'est une promesse facile en particulier quand on est dans l'opposition,
01:21 mais une fois au pouvoir c'est une autre affaire. Personne n'en fait, il y a eu 10 référendums depuis le début de la Ve République,
01:26 et puis les champs ont déjà été élargis, puisqu'on peut en faire sur des sujets de politique sociale, économique, environnementale,
01:31 il n'y a jamais eu de référendum sur ces sujets-là. Ensuite, Emmanuel Macron a prévenu, on peut peut-être élargir, assouplir,
01:37 mais pas n'importe comment non plus, pas question par exemple de profiter d'un référendum pour se soustraire à l'État de droit
01:43 ou à des traités européens, coucou les LR, coucou l'extrême droite, qui veulent s'affranchir des règles européennes par exemple,
01:48 et pas question non plus d'utiliser le référendum d'initiative partagée pour revenir sur une loi déjà votée,
01:53 coucou la gauche qui voulait abroger la réforme des retraites.
01:57 Donc ce que vous nous dites c'était une occasion manquée ?
02:00 On va voir ce que donne le texte, d'abord c'est pas gagné parce que pour faire modifier les règles de la Constitution,
02:04 je vous rappelle qu'il faut 3/5e du Parlement, et on sait qu'Emmanuel Macron n'a déjà pas de majorité à l'Assemblée.
02:09 Ensuite, il faut arrêter de prendre le référendum pour une baguette magique, parce que son usage est souvent dévoyé,
02:14 vous savez on le dit, on répond moins à la question qu'à celui qui la pose, donc en fait c'est toujours un pour ou contre le Président.
02:19 Ensuite, parce que faire un référendum c'est trouver une question simple à proposer aux Français,
02:23 mais les choix politiques ils répondent pas forcément à des questions binaires,
02:27 oui, non, pour, contre, la politique c'est pas la somme des intérêts particuliers, on l'a souvent dit ici, qui fait l'intérêt général,
02:33 c'est parfois trouver des compromis, élaborer une solution.
02:35 Et puis enfin, parce que faire un référendum, d'accord, mais à condition de le respecter,
02:39 je vous donne deux exemples, par le passé, 2005, les Français ferment la porte au traité constitutionnel,
02:43 ça revient par la fenêtre au sommet de Lisbonne, à Notre-Dame-des-Landes, référendum local cette fois-ci,
02:47 en 2016, les habitants disent oui à l'aéroport, le projet est abandonné,
02:51 donc pour réconcilier les Français avec la politique, il faut d'abord les respecter.
02:55 Chah et chaudé, crin au froid.
02:56 Merci Mathieu, culturez-vous.
02:58 Laurène.

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