Loi asile-immigration : l'attentat d’Arras va peser lourdement
Avec Philippe Fontana, avocat au barreau de Paris et auteur de “La vérité sur le droit d’asile” (Editions de l’Observatoire).
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00:00 Comment Mohamed Mogouchkov, 20 ans, a-t-il pu ne pas être expulsé étant donné la
00:08 dangerosité de son profil ? C'est la question qu'on va se poser avec notre invité Philippe Fontana.
00:12 Bonjour à vous. Bienvenue à vous sur Sud Radio. Vous êtes avocat au barreau de Paris et auteur
00:17 de ce livre "La vérité sur le droit d'asile". C'est publié aux éditions de l'Observatoire.
00:21 Mohamed Mogouchkov était le frère d'un homme condamné pour association de malfaiteurs
00:26 terroristes. Il avait déjà défié ses enseignants. Il avait déjà tenu des propos dangereux. Il était
00:31 même prévu qu'il publie les photos, les vidéos de l'attentat de son frère il y a quelques années.
00:36 Malgré tout, il était toujours en France. Pourquoi ? Parce que cela illustre les difficultés de la
00:43 politique en matière d'immigration en France et surtout le dévoiement du droit d'asile. En fait,
00:50 il faut rappeler que cette famille avait sollicité l'asile en France, qu'elle en avait été déboutée
00:56 qu'elle avait fait l'objet d'une reconduite à la frontière de cette décision-là et qu'elle n'a
01:01 pas été exécutée, notamment par l'action des associations. Effectivement, c'est ce qui s'est
01:08 passé. Il y a quelques années, la polémique était née en Bretagne. La famille avait été interpellée
01:13 et des associations, des partis politiques, le parti communiste notamment, s'étaient opposés à
01:18 cette expulsion. Alors bon, il faut reconnaître qu'à l'époque, Mohamed Mogouchkov avait 9 ans.
01:22 Ce n'était pas forcément un terroriste en puissance. Mais pourtant, le profil de la famille,
01:25 même du père, fait que malgré tout, on se demande pourquoi ils ne sont pas repartis en Russie.
01:30 - Parce que la difficulté, c'est que la Cour européenne des droits de l'homme condamne la
01:36 France lorsque l'État décide de renvoyer les déboutés de la demande asile chez Tchétchène
01:45 en Russie. - Alors là, c'était une famille Ingush, c'est une région juste à côté dans le Caucase,
01:49 toujours en Russie, son nationalité russe. Mais effectivement, pourquoi c'est impossible ?
01:54 - Parce que la CDH considère que la Russie, ayant une application envers la Tchétchénie et l'Ingushie,
02:04 eh bien la personne qui a sollicité l'asile en France, même si elle est déboutée, pourrait
02:08 avoir des difficultés, pourrait être mise en cause dans son retour dans le pays d'origine.
02:13 - Elle pourrait concrètement se mettre en danger. Sauf qu'effectivement, il y a une répression en
02:18 Russie, on ne va pas se mentir, c'est tout, sauf une démocratie et dans les régions du Caucase,
02:21 notamment, ça a été particulièrement compliqué. Pourtant, on ne peut pas dire que cette famille
02:25 aimait particulièrement la France, notamment le père, celui qui finalement sera expulsé lui-même.
02:31 Donc pourquoi, malgré tout, les garder en France ? - Parce qu'à l'époque, il n'y avait pas les
02:36 dispositions de l'article L711-6 qui prévoit aujourd'hui l'obligation, lorsque vous déboutez
02:44 une demande d'asile, que l'OFPRA examine si votre profil est une menace pour la sécurité de l'État
02:51 ou même une menace pour la société. À l'époque, lorsque vous demandiez l'asile, si effectivement
02:59 vous étiez persécuté dans votre pays d'origine, la France avait l'obligation, quel que soit votre
03:05 profil, de vous accueillir. - Que vous aimiez la France ou non, en d'autres termes ? - C'est
03:09 cette vraie difficulté dans l'application du droit d'asile en France, l'État n'a pas ce mot à dire.
03:14 D'abord, l'État délègue la plupart du temps son action à des associations. Ensuite, même si c'était
03:20 un établissement public, l'OFPRA, l'État n'a pas ce mot à dire. Ce sont des officiers de protection
03:26 qui décident ou pas si vous réunissez les critères pour obtenir une protection internationale. Et
03:33 ensuite, l'État n'a toujours pas ce mot à dire lorsque les déboutés de l'OFPRA présentent une
03:38 demande devant la Cour nationale du droit d'asile. Donc, que vous aimiez ou pas la France, c'est ça,
03:43 la vraie difficulté aujourd'hui dans la gestion du droit d'asile, c'est que vous pouvez détester
03:48 la France et obtenir néanmoins l'asile en France. - C'était le cas, en tout cas, du père de ce jeune
03:54 homme, Mohamed Moukouchkov, qui a finalement été expulsé en Russie, mais qui continue à les
03:58 radicaliser manifestement à distance. Parlons de ce que vient de dire le ministre de l'Intérieur,
04:02 Gérald Darmanin. Il annonce l'expulsion systématique, je le cite, de tous les
04:08 étrangers dangereux. Est-ce que c'est crédible ? - D'abord, c'est une volonté, il faut saluer
04:15 cette volonté. Sans volonté, on ne peut pas appliquer une politique. Maintenant, la difficulté,
04:21 c'est que l'État est confronté à un manque de moyens matériels. Je vais vous donner un chiffre,
04:26 qui est le nombre de places dans les CRAS. Les CRAS, ce sont les centres de rétention
04:29 administratif. Aujourd'hui, il y en a 1800. Ils ont quasiment déjà été doublés et l'objectif
04:34 du ministre, avant la fin du quinquennat du président de la République, c'est d'en construire
04:39 3000. Il y a eu 45 000 personnes qui ont été placées en centre de rétention administrative
04:46 l'année dernière. Donc, on se heurte. - Et faisons une précision, 45 000 personnes placées en centre
04:53 de rétention administrative, loin, sans faute, tous n'étaient pas dangereux, même très peu
04:57 d'entre eux étaient dangereux. Là, on parle de profils très particuliers. - Justement, en fait,
05:01 la gestion aujourd'hui des centres de rétention administrative, c'est plutôt une gestion de ceux
05:06 qui représentent une menace pour l'ordre public. C'est-à-dire que le chiffre de 145 000 au QTF...
05:13 - Obligation de quitter le territoire français. - Oui, ça c'est la reconduite à la frontière.
05:17 Eh bien, il faut bien considérer aujourd'hui que c'est ceux qui portent atteinte ou qui ont un risque
05:23 de porter une atteinte à l'ordre public, qui sont placés dans les centres de rétention
05:26 administrative. C'est-à-dire qu'en fait, la personne qui reçoit une QTF, si elle est tranquille,
05:30 si elle a un travail, même si elle ne dérange personne, elle a peu de chances d'être reconduite
05:37 à la frontière. Donc, en fait, quand vous arrivez en France, même si vous n'obtenez pas un titre de
05:41 séjour, même si vous êtes débouté de votre demande d'asile, vous avez très peu de chances
05:45 d'être reconduite à la frontière. Et la reconduite à la frontière ne doit pas être mélangée,
05:49 confondue avec l'expulsion. En fait, l'expulsion, c'est réservé à ceux qui représentent une
05:56 menace. Et dans ces cas-là, même s'ils représentent une menace, s'il n'y a pas un caractère terroriste,
06:01 dans ces cas-là, il y a beaucoup de difficultés à les expulser parce qu'il y a un certain nombre
06:04 de protections qui leur sont accordées. - Ce qui paraît logique, on est un état de droit.
06:08 - Mais en fait, ce n'est pas une question de logique, c'est une question de curseur. Lorsque
06:12 vous me parliez de la famille Mogouchkov et quand vous me parliez des personnes qui sollicitent
06:17 l'asile en France, même si elles ne décèssent, le curseur est à déplacer d'un côté à l'autre.
06:21 - Évidemment. - Au minimum, il y a des personnes qui sont indifférentes à la France lorsqu'elles
06:25 sollicitent l'asile, mais en même temps, quel est le curseur dans lequel on va les placer ? Est-ce
06:31 qu'on doit examiner leur dossier avant ? Est-ce qu'on doit privilégier ceux qui aiment la France ?
06:36 Est-ce qu'on doit privilégier l'expulsion de ceux qui représentent une menace ? C'est toute une
06:41 question de curseur. Évidemment que nous sommes dans un état de droit, d'où les difficultés,
06:45 parce que je revenais à mon propos initial, il y a des catégories qui sont quasiment inexpulsables.
06:50 Les personnes qui sont en France depuis l'âge de 13 ans, et même je vais vous dire ce que peu de
06:56 gens connaissent, si vous bénéficiez d'une rente en France à cause d'un accident du travail ou si
07:02 vous êtes en maladie professionnelle, vous êtes quasiment inexpulsable. - Dernière question,
07:06 qu'est-ce qui peut changer et qu'est-ce qui doit changer d'après vous dans la prochaine loi
07:10 asile-immigration ? - Alors déjà on a perdu huit mois parce qu'elle revient en l'état devant la
07:16 commission des lois au Sénat le 6 novembre prochain. Encore une fois, il y a des avancées dans le
07:22 projet de loi présenté par Gérard Lamanin. Ce qu'il faudrait changer à mon sens, c'est l'examen
07:28 des demandes à l'extérieur des frontières françaises. Dans ce cas-là, il y aurait moins
07:33 difficulté à reconduire la personne parce que celle-ci ne saurait jamais entrer sur le territoire
07:38 national. - Effectivement, en tout cas l'enquête continue d'avancer autour de l'entourage de ce
07:45 jeune homme Mohamed Mogouchkov, l'assassin de Dominique Bernard, l'enseignant poignardé au coup
07:49 mortellement à Arras il y a deux jours, puisqu'en ce moment la police enquête avec quelqu'un qui
07:55 s'entretenait avec lui, un détenu entendu par les policiers depuis vendredi, condamné pour
07:59 terroriste. Il a échangé avec Mogouchkov quelques heures avant le passage à l'acte, vous voyez,
08:03 on va en reparler dans la revue de presse de Morgane Thomas dans un bon quart d'heure. Merci
08:06 beaucoup d'être intervenu sur Sud Radio pour cet éclairage, Philippe Fontanard. - Je vous en prie.
08:11 Je rappelle la référence de votre ouvrage "La vérité sur le droit d'asile", c'est un sujet qui
08:16 continuera à faire débat en France dans les semaines et les mois qui viennent. C'est publié
08:20 aux éditions de l'Observatoire, vous êtes par ailleurs avocat au barreau de Paris. Allez,