Violences contre les élus des Pyrénées-Orientales : "Chaque fois, il faut le signaler à la justice"

  • l’année dernière
L'Association des maires des Pyrénées-Orientales organise des réunions d'information pour présenter aux maires les procédures à suivre en cas d'agressions ou de menaces à leur encontre. Le parquet de Perpignan compte déjà six procédures depuis le début de l'année.
Transcript
00:00 En attendant 7h47, pourquoi tant de violences contre nos élus ?
00:05 Depuis le début de l'année, 6 procédures judiciaires ouvertes auprès du parquet de Perpignan
00:09 pour des insultes, des menaces, carrément des agressions contre des maires.
00:13 Une réunion d'information s'est tenue hier en conflans à Aulette
00:17 pour informer les élus sur les procédures à suivre en cas de violence.
00:19 Cette réunion organisée notamment par l'association des maires des Pyrénées-Orientales.
00:24 Son président est votre invité ce matin, Suzanne Chaudjaï.
00:27 Bonjour Edmond Jorda.
00:28 Bonjour.
00:29 Il y a eu des procédures judiciaires depuis le début de l'année dans le département.
00:31 Est-ce qu'à l'échelle des Pyrénées-Orientales c'est beaucoup ?
00:34 Ça vous inquiète ?
00:35 Écoutez, c'est déjà trop.
00:37 Voilà ce que je peux vous dire.
00:39 Effectivement, nous sommes inquiets parce que le phénomène des violences,
00:43 des agressions, des menaces contre les élus est relativement exponentiel
00:49 depuis la fin de la crise Covid.
00:51 Donc l'association des maires avec le parquet, avec la gendarmerie
00:55 et avec la préfecture est aux côtés des élus, bien entendu, dans ces moments difficiles.
01:00 Il y a ces six procédures judiciaires et j'imagine qu'il y a toutes celles
01:03 qui ne sont pas arrivées jusqu'en justice.
01:06 Votre téléphone, est-ce qu'il sonne beaucoup pour ce genre de cas ?
01:08 Alors effectivement, il y a ce qu'on appelle un chiffre noir
01:11 de ce type de comportement, d'agression.
01:15 Oui, des maires m'appellent, s'interrogent.
01:18 Certains ne veulent pas porter plainte parce qu'ils estiment que cela mettrait un peu d'huile sur le feu.
01:23 Et vous savez, le maire, il vit au milieu de sien, au milieu de la société
01:27 et donc il est là pour apaiser, rassérer.
01:30 Et puis certains estiment que finalement, ça fait partie du job, de la fonction
01:36 de subir peut-être des menaces, peut-être des insultes,
01:41 ce qui bien entendu n'est pas acceptable.
01:43 Vous vous dites que ce n'est pas normal.
01:44 Non, ce n'est pas normal du tout.
01:46 Ce n'est pas normal déjà dans une vie en société.
01:49 On respecte bien entendu autrui dans notre société.
01:54 Et puis c'est encore moins normal lorsqu'il s'agit de quelqu'un
01:57 qui porte une part de l'autorité publique.
02:00 Alors on parle de quoi exactement ?
02:01 Vous dites insultes, menaces, ça peut aller jusqu'à l'agression physique dans certains cas ?
02:05 On le voit, ça peut aller jusqu'à l'agression physique.
02:08 Ça a été le cas pour certains de mes collègues.
02:11 Le maire de Millas notamment ?
02:12 Notamment, mais il y a d'autres maires, je ne peux pas bien entendu les citer,
02:16 ou adjoints qui ont été agressés.
02:20 Pour certains faits, cela a été relaté dans la presse.
02:24 Oui, donc les maires sont là encore en première ligne.
02:27 Vous dites que c'est allé crescendo depuis le Covid.
02:30 Vous savez à quoi c'est dû ?
02:31 Vous savez, c'est difficile d'apporter une analyse sociologique très fine.
02:36 Mais effectivement, on a une société, on le voit avec les actualités malheureusement,
02:41 qui aujourd'hui n'est pas sereine.
02:45 Certains de nos concitoyens se remettent mal aussi de la crise Covid, des restrictions.
02:52 Et donc, on sent quand même que notre société vacille parfois sur ses bases.
02:58 Et vous vous dites aux maires qui nous écoutent peut-être,
03:01 vous leur dites peut-être au téléphone quand ils vous appellent,
03:03 "porte-plante, fais-le, va le signaler".
03:06 Oui, tout à fait.
03:07 À chaque fois ?
03:08 Très clairement, oui, bien entendu.
03:10 Même si tous les faits ne doivent pas forcément passer devant une audience, devant le tribunal,
03:15 au moins ils peuvent faire l'objet d'un rappel à la loi.
03:18 Et bien souvent, c'est suffisant.
03:21 Le fait aussi d'être entendu par la gendarmerie, c'est parfois suffisant.
03:26 Les maires ont besoin d'être accompagnés.
03:28 C'est pour cela que l'association des maires a décidé de se porter désormais,
03:31 systématiquement, partie civile dans les cas de menaces et d'agressions.
03:35 Ce qui n'était pas le cas auparavant.
03:36 Ce n'était pas le cas parce que la loi ne nous le permettait pas.
03:39 Désormais, la loi nous le permet, le conseil d'administration, sur ma proposition,
03:43 s'est décidée et déclarée à l'unanimité, favorable à cette voie de droit.
03:47 7h50 sur France Bleu Russie, on notre invité Suzanne Chaudjahi.
03:54 Edmond Jordan, maire de Sainte-Marie et président de l'association des maires du département.
03:58 Plus tôt sur notre antenne, on a évoqué plusieurs cas assez récents,
04:02 notamment celui du maire d'Espirat-de-la-Glie, Philippe Fourcade,
04:05 qui a porté plainte pour outrage après des insultes sur les réseaux sociaux.
04:10 Il est là aussi aujourd'hui le danger, c'est que, comme le harcèlement scolaire,
04:14 les insultes sont ramenées à la maison, en fait.
04:17 Je vous remercie vraiment d'en parler, parce que c'est un phénomène de société qui nous inquiète.
04:22 Effectivement, il y a ce qui relève de l'expression démocratique, et c'est tant mieux.
04:27 Effectivement, on peut critiquer l'action d'un maire, on peut critiquer ses choix politiques,
04:32 c'est tout à fait sain et c'est normal.
04:34 En revanche, on ne peut pas s'attaquer personnellement à lui, on ne peut pas l'insulter.
04:39 On ne peut pas insulter non plus sa famille, je tiens à le dire, on ne peut pas agresser sa famille.
04:44 Ça fait partie des agressions.
04:45 Ça fait partie des agressions qui sont reconnues, comme étant des agressions envers les élus.
04:49 Et donc, c'est vrai, j'en avais alerté le procureur de la République à ce sujet,
04:55 c'est vrai qu'il faut prendre en considération cette dimension désormais.
04:58 Les réseaux sociaux, c'est le lieu, j'ai l'impression, d'expression de ce que j'appellerais les passions tristes.
05:06 Voilà.
05:07 Et elles sont en plus favorisées par ce sentiment d'anonymat et d'impunité qu'il faut absolument briser.
05:14 Il n'y a pas d'impunité, y compris sur les réseaux sociaux.
05:17 Et là aussi, systématiquement, à la moindre insulte sur les réseaux sociaux, il faut que les maires fassent un signalement.
05:23 Oui, il faut signaler, effectivement.
05:25 Il ne faut pas laisser la porte entre-ouverte.
05:28 Il y a eu aussi cet exemple au Soleil, un commerçant poursuivi pour menace de mort sur la mer du Soleil.
05:35 Là, cet homme a été relaxé en juillet.
05:38 Ça avait d'ailleurs suscité une vive émotion chez les élus locaux.
05:41 Vous diriez aujourd'hui que les élus ont confiance en la justice, est-ce qu'ils se sentent assez soutenus ?
05:46 Oui, franchement, nous avons confiance en la justice.
05:49 La décision qui a été prise, elle a été prise en droit, par rapport aux éléments qui ont été apportés.
05:54 Effectivement, c'est difficile de comprendre la façon dont cela a été jugé.
06:01 Et ça peut décourager d'autres élus de porter plainte ?
06:04 Je ne pense pas, non, franchement, je ne pense pas.
06:07 Mais en tout cas, ce que je peux vous dire, c'est qu'on se sent soutenus.
06:10 Et puis, les élus, la justice, l'État, nous sommes tous ensemble, quand même, main dans la main,
06:19 pour faire en sorte que dans notre société, les choses se passent bien.
06:23 Donc, je ne ferai pas de distinction.
06:26 Justement, il y a ces réunions que vous organisez ensemble avec la préfecture, le parquet de Perpignan,
06:30 et donc l'association des maires du département.
06:32 Il y en avait une hier à Olet, une réunion d'information pour dire aux élus comment procéder.
06:38 Il y a une vraie attente, vous sentez qu'ils ont besoin d'aide en fait ?
06:41 Oui, oui, tout à fait, on le voit, il y a un véritable succès pour ces réunions.
06:45 La troisième et dernière se tiendra à Rivesaltes le 30 octobre.
06:49 Il y aura déjà beaucoup d'inscrits, donc effectivement, les maires ont besoin d'informations par rapport à ces cas-là.
06:56 Et a fortiori, je tiens à le dire, les maires ruraux.
06:59 Pourquoi les maires ruraux ? Parce que quand vous habitez dans un petit village,
07:03 forcément, votre agresseur, vous le croisez tous les jours.
07:06 Votre famille le croise tous les jours.
07:08 C'est quelque chose de très difficile à vivre.
07:10 Et donc, ils ont besoin de ce soutien, ils ont besoin de se sentir entendus.
07:14 C'est ce que nous faisons dans le cadre de ces réunions,
07:16 et c'est ce que nous faisons, vous le rappelez, tout au long de l'année,
07:19 puisque les maires m'appellent, me consultent, et donc on avance ensemble.
07:24 Les élus locaux de plus en plus victimes d'insultes, d'agressions en tout genre.
07:28 Merci beaucoup Edmond Jordat d'avoir expliqué tout ça, la situation sur notre site internet.
07:34 Oui, votre interview est à réécouter sur notre site.
07:37 Vous êtes le maire de Sainte-Marie et le président de l'association des maires du département.
07:40 Bonne journée.
07:41 Au revoir.

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