Le Nouveau Passé-Présent : Les intellos de gauche dans la collaboration

  • l’année dernière
Après l'étude de la presse de gauche collaborationniste, "Passé-Présent" continue son exploration de la gauche collabo en évoquant les intellectuels de gauche qui ont su traverser l’occupation en fréquentant de près ou de loin l’occupant allemand et qui ont réussi à se faire une virginité après l’occupation. Il s’agit encore une fois et toujours de déconstruire le mythe collabos de droite et résistants de gauche. Et il convient également de rappeler que les deux principaux chefs de partis de la collaboration étaient des hommes venus de la gauche à savoir Jacques Doriot et Marcel Déat. Cette période trouble est évoquée par Dominique Lormier, auteur de "Les vérités cachées de la France sous l'Occupation".

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00:00 *Musique épique*
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00:06 *Musique épique*
00:35 Chers amis téléspectateurs de TV Liberté, bonjour et bienvenue dans Passé-présent,
00:40 votre émission historique présentée en partenariat avec la revue d'histoire européenne.
00:46 Nous allons continuer notre série sur la gauche collabo,
00:49 commencée lors de l'émission précédente avec l'évocation de la presse collaborationniste,
00:54 pour aborder en compagnie de notre invité le sujet épineux,
00:57 enfin épineux pour la gauche, des intellectuels de gauche
01:00 qui ont su traverser l'occupation en fricotant de près ou de loin avec l'occupant
01:05 et qui ont réussi à se faire une virginité après l'occupation.
01:10 Il s'agit encore une fois et toujours de déconstruire le mythe collabo de droite et résistant de gauche.
01:16 Et il convient de rappeler que les deux principaux chefs de partie de la collaboration
01:21 étaient des hommes venus de la gauche, à savoir Jacques Doriot et Marcel Déat,
01:26 ce que va nous expliquer plus en détail Dominique Lormier.
01:30 Dominique Lormier, bonjour.
01:31 Bonjour.
01:32 Les téléspectateurs de Passé-présent vous connaissent bien,
01:35 auteur prolifique, spécialiste de la seconde guerre mondiale.
01:37 Vous avez au sujet de la collaboration commis trois ouvrages,
01:41 "Les 100 000 collabos, le fichier interdit de la collaboration française" paru en 2017,
01:47 "L'Encherche Midi", "Les années interdites, auteurs, journalistes et artistes dans la collaboration"
01:52 paru en 2018 chez Archipel et enfin "Les vérités cachées de la France sous l'occupation"
01:58 aux éditions du Rocher en 2021 et qui vient d'être réédité chez Litos Histoire en début 2023.
02:07 Alors je voudrais en introduction nous intéresser à ceux que j'appelle les frères ennemis de la collaboration,
02:13 à savoir Jacques Doriot et Marcel Déat,
02:15 deux personnages qui ont dominé la vie politique sous l'occupation,
02:20 deux hommes de profils très différents que tout oppose,
02:23 la formation intellectuelle, le milieu,
02:25 mais qui ont en commun devenir chacun de la gauche,
02:29 l'un Doriot du Parti Communiste, l'autre Déat du Parti Socialiste.
02:32 Autre point commun qu'il est bon de rappeler,
02:35 ce sont tous les deux de vaillants combattants de la grande guerre.
02:40 Alors pouvez-vous nous retracer ce que fut le parcours politique de ces hommes
02:46 au sortir du premier conflit mondial
02:48 et puis jusqu'à leur rupture de leur parti respectif ?
02:52 Oui, alors Marcel Déat vient effectivement de la gauche,
02:54 il était socialiste, c'est un normalien, c'est un intellectuel,
02:58 il a déjà écrit, il a déjà publié, c'est un homme brillant intellectuellement,
03:04 il va être très proche à un moment donné de Léon Blum, il va ensuite s'en séparer.
03:09 Il fait partie de ces intellectuels de gauche qui ont été fascinés
03:13 par les réussites sociales du régime de Mussolini durant les années 1920 et 1930
03:17 et qui finalement, tout comme Mussolini d'ailleurs lui-même qui avait été socialiste,
03:21 il convient de le rappeler aussi, va être séduit justement par un nouveau courant
03:25 qui va s'appeler le néo-socialisme,
03:27 qui aura notamment un maire célèbre qui sera Adrien Marquet à Bordeaux,
03:31 qui sera une des têtes pensantes de ce mouvement, avec justement Marcel Déat.
03:36 Ils vont faire partie donc de ces nombreux intellectuels de gauche
03:40 séduits par le fascisme et qui finalement vont basculer dans la collaboration.
03:44 Du fait également que ce sont aussi des pacifistes,
03:47 notamment Marcel Déat, c'est quand même un personnage qui s'est illustré
03:50 durant la première guerre mondiale, il s'est très vaillamment battu au front,
03:55 il a été plusieurs fois décoré, mais il fait partie de ces gens qui estime
03:59 qu'il ne faut plus jamais ça, c'est-à-dire quitte à s'entendre jusqu'au bout
04:02 avec l'Allemagne pour éviter un nouveau bain de sang comme on a connu
04:05 durant la première guerre mondiale.
04:07 Donc petit à petit, il s'engage dans une collaboration du fait de son néo-socialisme
04:12 qui est un socialisme finalement, qui se rattache également,
04:16 qui est anticommuniste et également nationaliste et également pro-européen.
04:20 Et il pense que Hitler va être, je dirais, le vecteur qui va permettre
04:25 l'unification de l'Europe, bien que ça se fasse sous la haute aide de l'Allemagne,
04:28 mais où la France pourrait éventuellement retrouver son rang.
04:32 Mais durant les 20 années qui séparent la fin de la première guerre mondiale
04:35 et le début de la seconde, grosso modo, le parcours de Déat
04:39 il est dans l'appareil du parti socialiste.
04:42 Absolument, il sera même à un moment donné, il aura un poste de ministre
04:45 sous le Front populaire.
04:47 Et puis il va avoir cette rupture finalement avec, je dirais, les socialistes
04:53 qui restent attachés à la figure de Léon Blum et ceux qui finalement basculent
04:58 dans une sorte de néo-socialisme qui est en vérité un socialisme
05:02 qui est fasciné par le régime de Mussolini.
05:05 Et concernant donc l'autre...
05:09 Alors Jacques Doriot, lui, il vient du Parti communiste.
05:12 C'est un militant, c'est également un vaillant combattant de 14-18,
05:16 donc pacifiste également aussi après.
05:18 Mais néanmoins, on peut dire que Marcel Déat est un intellectuel.
05:22 Doriot est un tribun, c'est-à-dire, c'est vraiment quelqu'un qui parle avec ses trits,
05:26 qui arrive à remuer les foules.
05:28 Il sera plusieurs fois élu maire en Seine-Saint-Denis.
05:31 C'est véritablement une personnalité.
05:33 Il sera également député communiste.
05:35 Il va aller plusieurs fois à Moscou également.
05:37 Il sera reçu par les instances dirigeantes du Parti communiste soviétique.
05:41 Donc c'est vraiment quelqu'un qui va être très engagé.
05:43 Et à partir, je dirais, il fait partie aussi de ces hommes de gauche
05:47 qui vont être fascinés par le régime de Mussolini
05:49 avec le volet social et nationaliste et national.
05:53 Et il va basculer petit à petit dans la collaboration
05:56 avec notamment la fondation du PPL, du Parti populaire français,
05:59 et qui va être très engagé aux côtés des Allemands dans la collaboration.
06:04 Il aura un parcours, je dirais, au niveau politique,
06:07 sur ses choix politiques, assez proche finalement de Marcel Déat.
06:10 C'est-à-dire, il pense que la France a été vaincue en 1940
06:13 et qu'il faut néanmoins s'entendre avec les Allemands.
06:15 Ils sont plutôt critiques vis-à-vis du régime de Vichy
06:18 qu'ils trouvent beaucoup trop conservateurs à leurs yeux.
06:21 Ce sont des révolutionnaires dans l'âme,
06:23 comme l'était d'ailleurs aussi Benito Mussolini.
06:26 Ils sont véritablement pour une Europe
06:28 où la France retrouverait son rang aux côtés de l'Allemagne.
06:31 Ce qui est surprenant, c'est que tous les deux,
06:33 au début des années 1930, se déclarent antifascistes.
06:37 On voit que Durvio manifeste après la 6 février 1934
06:42 et que Déat, lui, est membre du comité de vigilance
06:44 des intellectuels antifascistes.
06:46 Néanmoins, à partir de la fin des années 1930,
06:49 ils vont basculer véritablement dans, je dirais,
06:52 une fascination pour le fascisme italien surtout
06:55 et également ensuite pour l'Allemagne nationale socialiste.
06:58 – On ne peut pas dire aussi que finalement,
07:00 l'appareil auquel ils appartenaient,
07:01 ne leur a pas donné toutes les ouvertures politiques
07:04 qu'ils ont souhaitées.
07:05 Il n'y a pas de question d'ambition aussi.
07:06 – C'est vrai surtout pour Dorio.
07:07 Dorio espérait prendre un jour la direction
07:10 du parti communiste français.
07:12 Néanmoins, les autres dirigeants étaient très méfaits
07:14 en vis-à-vis de lui, voyant en lui un opportuniste
07:17 qui n'est d'ailleurs pas entièrement faux.
07:19 Néanmoins, Dorio avait été hostile aux accords de Munich.
07:24 Il faut le savoir.
07:25 Donc, il pensait que l'Allemagne, à cette époque-là,
07:28 représentait un danger pour l'Europe
07:30 avant la défaite de 1940 et après la défaite de 1940
07:35 durant laquelle d'ailleurs, il s'est vaillamment comporté.
07:37 Il s'est battu sur la Loire, il aura même la croix de guerre.
07:40 Il combattra dans une unité d'infanterie
07:43 en lien avec les cadets de Saumur.
07:45 Néanmoins, par la suite, c'est véritablement le basculement,
07:48 je dirais, le traumatisme psychologique de la défaite
07:51 où la France, qui était réputée avoir la première armée du monde
07:54 est défaite en six semaines.
07:56 Et à ce moment-là, il s'engage véritablement
07:59 dans une collaboration avec l'Allemagne hitlérienne.
08:01 - Est-ce qu'on peut dire que pendant la guerre,
08:05 ils ont eu un parcours en parallèle.
08:08 Leur rapport avec les Allemands et leur rapport avec Vichy
08:12 sont coincés un peu entre deux feux ?
08:14 - Alors, D.A. a de meilleurs rapports avec Vichy que Dorio.
08:18 D'abord, le maréchal Pétain se méfie énormément
08:21 de cet ancien communiste qui est devenu, il voit en lui,
08:24 un opportuniste.
08:26 Et surtout, le régime de Vichy, de toute façon,
08:29 est, je dirais, dans une position entre deux
08:31 vis-à-vis de l'Allemagne et vis-à-vis des alliés.
08:34 Donc, véritablement, ça hérisse les ultras de la collaboration
08:38 qui, eux, veulent véritablement une alliance
08:41 et une guerre aux côtés de l'Allemagne.
08:43 - Ils ont vraiment des muscles.
08:44 - Ce que ne veut pas, bien entendu, le maréchal Pétain.
08:46 D'ailleurs, D.A. va s'engager dans la LVF,
08:50 donc il participera à la guerre contre le bolchevisme,
08:53 cet ancien bolcheviste lui-même.
08:55 Donc, c'est assez amusant, entre guillemets.
08:57 Et, véritablement, il va s'engager au combat
09:01 de la guerre contre les partisans
09:03 durant les combats qui ont lieu sur le front soviétique.
09:06 Et on le verra même avec une photo
09:10 où il sera à côté de Robert Brasiak
09:13 dans un voyage que Brasiak fera en Allemagne également.
09:16 Et d'ailleurs, le général de Gaulle
09:18 confondra Brasiak avec Doriot.
09:20 Et ce sera une des causes du refus de la grâce
09:24 concernant Brasiak, où de Gaulle sera persuadé
09:27 de voir en uniforme allemand Brasiak,
09:30 alors qu'il s'agit en vérité de Doriot.
09:32 - Lui, D.A., est moins un homme d'action, du moins.
09:37 - Oui, oui. Alors, il est moins un homme d'action.
09:39 Néanmoins, il a fondé le Rassemblement National Populaire
09:43 qui existe déjà avant la guerre,
09:45 mais qui va prendre une réelle ampleur sous l'occupation.
09:48 Alors, je dirais que le RNP est plus de tendance socialiste
09:52 et que le PPF est plus proche, finalement,
09:55 d'une certaine forme de rouge brun, de néo-stalinisme.
10:00 - Chacun garde son ADN de départ, finalement.
10:02 - Voilà, chacun garde un peu son ADN de départ.
10:05 Et surtout, Doriot est, dans un premier temps,
10:08 assez, je dirais, en retraite vis-à-vis de l'Allemagne.
10:11 Il a encore le réflexe du patriote qui s'est battu en 1418.
10:14 Et néanmoins, après, il va véritablement s'engager
10:16 dans la collaboration avec l'Allemagne.
10:18 - Est-ce qu'on peut dire,
10:20 parce que c'est le sujet de l'émission "Les collabos de gauche",
10:23 que ces deux hommes, Doriot et D.A.,
10:25 sont restés tout le long de la guerre,
10:28 tout le long de la collaboration, des hommes de gauche ?
10:30 - On peut dire d'une certaine manière.
10:32 De même que Benito Mussolini, ça a été démontré.
10:35 Il suffit de regarder l'entourage de Benito Mussolini
10:37 à l'époque où il est le chef de l'Italie.
10:40 La plupart de ses lieutenants viennent de la gauche
10:43 et sont restés des hommes de gauche.
10:45 D'ailleurs, le fascisme italien,
10:47 il y a effectivement le nationalisme qui est hérité, lui, de droite.
10:50 Bien que le nationalisme soit hérité de la Révolution française,
10:53 est emprunt également de valeurs de gauche.
10:55 C'est indéniable.
10:57 Et surtout, il y a, je dirais,
10:59 tout le programme social de Mussolini
11:01 qui est, je dirais, très proche du socialisme.
11:04 D'ailleurs, il faut savoir, et on l'ignore souvent,
11:06 que Mussolini a essayé de s'entendre de nouveau
11:09 avec son parti dont il était à l'origine,
11:12 le Parti Socialiste italien.
11:14 Et que ce sont les éléments les plus extrémistes
11:16 du fascisme italien qui s'y sont opposés fermement
11:20 en menaçant même de l'assassiner.
11:22 C'est-à-dire, avant même la marche sur Rome,
11:24 Mussolini avait essayé de renouer un lien
11:26 avec le Parti Socialiste pour créer une alliance
11:28 véritablement de gauche et patriotique ou nationaliste.
11:31 Et on lui a barré la route
11:33 avec les éléments les plus conservateurs du fascisme italien.
11:36 Concernant Dorio et Déa.
11:38 Alors concernant Dorio et Déa,
11:39 ils sont restés véritablement, je dirais,
11:41 des hommes de gauche.
11:42 Ça c'est indéniable.
11:43 De toute façon, il y a eu une collaboration de gauche,
11:45 il y a eu une gauche dans la résistance
11:47 et une gauche dans la collaboration,
11:48 mais qui est réellement restée avec des valeurs de gauche aussi.
11:50 Du moins en partie.
11:52 Déa, lui, va finir ministre du Méditerranée.
11:56 De l'Union Etatienne, absolument.
11:57 Ministre du Travail.
11:58 Dorio, lui, va être plutôt sur le front.
12:00 Voilà.
12:01 Comment se passe la fin de la guerre pour lui ?
12:03 La fin du conflit ?
12:04 Alors, Dorio, ça va être dramatique pour lui
12:06 parce qu'il va se réfugier à Sint-Mairingen
12:09 où il essaie de remonter, je dirais,
12:11 les centres de son parti.
12:12 Et puis finalement, il va être abattu par un avion allié
12:15 lors d'un voyage dans une voiture décapotable.
12:19 Donc il va mourir à ce moment-là,
12:22 à la fin de la guerre.
12:23 Et Déa, lui, va se cacher dans des monastères en Italie
12:27 où d'ailleurs il va se convertir au catholicisme.
12:30 Et dans une tendance véritablement mystique.
12:33 Voilà.
12:34 Et il va rester, je dirais, caché jusqu'à sa mort
12:37 donc dans des monastères italiens
12:39 où il a trouvé la foi alors qu'à l'origine
12:41 il était totalement athée.
12:43 Et véritablement, il va faire son salut,
12:45 je dirais, à ce moment-là.
12:46 Oui.
12:47 Alors, si ça se trouve, il serait ressorti dans les années 50 ?
12:49 Il n'aurait pas forcément été inquiété
12:51 étant donné qu'il y avait eu les différents doigts de mystique,
12:53 il avait été voté.
12:55 Et puis que Déa n'a pas commis de crimes de guerre
12:58 durant ces périodes-là.
13:00 Alors, est-ce qu'on peut dire,
13:02 on va terminer sur le sujet,
13:03 que ces deux hommes-là ont aussi peut-être été
13:05 un peu les marionnettes des Allemands ?
13:06 Est-ce qu'ils ont été manipulés par les Allemands ?
13:08 On peut le penser, oui, effectivement.
13:09 Ils ont vu leur côté un peu opportuniste
13:11 donc Otto Abetz, qui était un francophile
13:14 qui connaissait bien le tempérament français,
13:16 il savait que quand les flattant,
13:18 ils arriveraient à pouvoir les manipuler facilement.
13:21 Effectivement, ils ont cru véritablement
13:24 que Hitler voulait faire une Europe
13:26 alors qu'en vérité, ça aurait été surtout une Allemagne
13:29 qui aurait mis l'Europe sous sa botte.
13:31 Ça a été, je dirais, la déconvenue de pas mal de Français
13:34 qui se sont même engagés dans la division Charlemagne
13:36 et qui ont reconnu par la suite
13:38 que finalement, il y avait quand même un pant de germanisme
13:40 qui était extrêmement fort dans l'idéologie hitlérienne.
13:43 Mais en moins, il y avait quand même
13:45 une certaine considération pour l'histoire de France
13:47 et pour la France,
13:48 et une reconnaissance du haut commandement allemand
13:50 pour la valeur des soldats français
13:52 durant la Première Guerre mondiale et par la suite.
13:54 Alors, il me paraît intéressant,
13:56 en parallèle, d'évoquer rapidement
13:58 les premiers résistants
14:00 qui n'étaient pas finalement ceux que l'on croit
14:02 puisqu'ils venaient majoritairement
14:04 de la droite nationale
14:06 voire de mouvements monarchistes.
14:08 On peut penser par exemple au colonel Rémy par exemple.
14:12 Absolument, le colonel Rémy venait de l'Action française.
14:15 Conscient participant du 6 février 1934.
14:17 Voilà, absolument, il était très proche
14:19 des milieux de la droite nationaliste.
14:21 Il en faisait même partie
14:23 et il a fondé la Confrérie de Notre-Dame
14:25 qui recrutait beaucoup d'officiers et de militaires
14:27 qui avaient les mêmes idées que lui.
14:29 Il y avait notamment Louis de Labardony en Dordogne
14:31 qui était un monarchiste convaincu.
14:33 Donc c'est des gens qui agissaient en zone libre,
14:35 en zone occupée.
14:37 En zone occupée, en zone libre,
14:39 le Confrérie de Notre-Dame a été certainement
14:41 le plus important réseau de la résistance française
14:43 qui a joué un rôle important dans la victoire des alliés
14:45 parce que c'est eux qui ont donné les plans
14:47 sur l'ensemble des fortifications allemandes
14:49 du mur de l'Atlantique, ce qui a décidé
14:51 de se battre en Normandie.
14:53 Et également un rôle important dans la bataille dans l'Atlantique
14:55 puisqu'il fournissait des renseignements
14:57 extrêmement précis sur les va-et-vient
14:59 des sous-marins allemands et italiens
15:01 qui combattaient dans l'Atlantique.
15:03 Et on estime d'ailleurs, Winston Churchill a dit
15:05 que le réseau du colonel Rémy avait fortement contribué
15:07 à la victoire de l'Atlantique des alliés
15:09 contre les sous-marins allemands et italiens
15:11 justement en lutte dans l'océan de l'Atlantique.
15:13 Et également Rémy aussi a par la suite
15:15 renoué un peu avec ses origines
15:17 puisqu'il a essayé de
15:19 faire le nécessaire pour que le maréchal Pétain
15:21 soit enterré à Verdun.
15:23 Et à ce moment-là, il a subi les foudres
15:25 des gaullistes purs et durs.
15:27 On estimait qu'il avait trahi la cause gaulliste
15:29 et il a été mis un peu au rebut
15:31 alors que ça avait été un des premiers
15:33 à avoir rejoint le général de Gaulle
15:35 et a été une des figures tutélaires
15:37 de la résistance et certainement
15:39 un des plus grands résistants.
15:41 D'ailleurs, Winston Churchill estimait
15:43 que ça avait été un des plus grands agents secrets
15:45 de la Seconde Guerre mondiale du côté des alliés.
15:47 Donc il n'est pas forcément devenu gaulliste
15:49 100% pur jus.
15:51 Alors si, il était rattaché à la mouvement
15:53 gaulliste la plus à droite.
15:55 C'est-à-dire elle existait.
15:57 D'ailleurs, il y avait beaucoup de gens d'Action française
15:59 notamment le secrétaire de Jean Moulin,
16:01 Daniel Cordier, était un camelot du roi.
16:03 Donc il y avait véritablement au sein
16:05 du parti du général de Gaulle,
16:07 le RPF, des gens véritablement
16:09 attachés à des valeurs nationalistes
16:11 et très à droite. D'ailleurs, de Gaulle lui-même
16:13 avait été un lecteur de l'Action française
16:15 de Maurice Barès.
16:17 Il ne s'en est d'ailleurs jamais caché.
16:19 Et puis d'ailleurs, beaucoup d'idées
16:21 sur l'indépendance nationale, la désuasion nucléaire
16:23 sont des valeurs qui viennent de la droite.
16:25 Et donc, effectivement, le général de Gaulle,
16:27 bien qu'il se situait,
16:29 il voulait se situer au-delà de la mêlée,
16:31 avait néanmoins des valeurs qui étaient plutôt
16:33 j'allais dire ancrées à droite.
16:35 Mais s'il y a également des valeurs, j'allais dire,
16:37 du christianisme de gauche
16:39 avec les valeurs de Charles Peggy,
16:41 etc. Les valeurs de charité
16:43 qui sont également
16:45 des valeurs qu'on peut retrouver dans certains mouvements
16:47 de gauche vis-à-vis
16:49 des plus démunis. Donc ce sont
16:51 effectivement un des traits de caractère
16:53 du colonel Rémy, qui était
16:55 à la fois un chrétien mystique, très ancré
16:57 dans sa foi chrétienne
16:59 et également un, je dirais,
17:01 un résistant de la première heure et qui a voulu
17:03 établir,
17:05 je dirais, une forme
17:07 de réconciliation entre les pétainistes
17:09 qui avaient essayé de résister
17:11 aux allemands et les
17:13 résistants de la première heure. Et ça n'a pas plu à certains
17:15 français libres, à ces sectaires qui eux
17:17 estimaient que tout était noir d'un côté
17:19 et blanc de l'autre.
17:21 - On peut aussi citer Georges
17:23 Loustonot-Lacaux. - Oui, alors lui qui a
17:25 fondé le réseau Alliance, qui est le deuxième grand
17:27 réseau de résistance. D'ailleurs c'est assez
17:29 amusant de comparer que les deux plus grands
17:31 importants mouvements de la collaboration qui ont été
17:33 le PPF et le RNP
17:35 ont été fondés par des hommes de gauche.
17:37 Et les deux plus importants réseaux
17:39 reconnus en tant que tels par les alliés
17:41 qui a été le réseau de la confrérie
17:43 de Notre-Dame et les réseaux Alliance,
17:45 ont été fondés par des nationalistes de droite.
17:47 - Qui est sous-genre... - Loustonot-Lacaux qui était un
17:49 officier multidécoré
17:51 de 14-18,
17:53 qui était même un petit peu antisémite, etc.
17:55 Et qui néanmoins était
17:57 extrêmement germanophobe, comme l'était également
17:59 le colonel Rémy, qui a fondé le réseau
18:01 Alliance, avec également
18:03 Marie-Madeleine Fourcade, qui a fait la suite.
18:05 - Oui, elle a l'air une sacrée personnalité.
18:07 - Oui, alors elle, c'était vraiment une personnalité
18:09 hors du commun. Elle a eu ensuite
18:11 un engagement politique aux côtés du
18:13 général Le Gaulle par la suite.
18:15 Mais c'était une femme également qui était dans la mouvance
18:17 de Loustonot-Lacaux, qui ailleurs avait
18:19 milité dans des mouvements très à droite.
18:21 - Un sac à goulard, non ? - Voilà, absolument.
18:23 Et qui, effectivement,
18:25 et puis par la suite, s'est engagée dès 1940
18:27 dans la résistance par germanophobie.
18:29 Parce qu'on oublie souvent que l'Action Française était également
18:31 germanophobe. Donc, je dirais
18:33 que dans l'océan de l'Action Française, il y a ceux
18:35 qui ont été séduits par la collaboration
18:37 comme Darnan, et bien qu'il y ait
18:39 traîné les pieds d'ailleurs au début, et ceux
18:41 qui se sont engagés dès 1940 dans la résistance
18:43 comme Daniel Cordier, qui sera
18:45 notamment le secrétaire de Jean Moulin,
18:47 ou également, bien entendu, Loustonot-Lacaux
18:49 ou le colonel Rémy.
18:51 - On peut aussi évoquer Destien D'Orbes.
18:53 - Oui, et voilà,
18:55 effectivement, qui a été un des premiers fusillés
18:57 français de la France libre, si ce n'est le premier,
18:59 et également d'autres figures.
19:01 Néanmoins, il convient aussi de modérer
19:03 également ce que j'ai pu dire,
19:05 parce qu'il y a eu également des gens de gauche qui se sont
19:07 engagés dans la résistance dès 1940. Je pense notamment
19:09 au colonel Guingouin, Georges Guingouin,
19:11 qui était communiste et qui a rejoint la résistance
19:13 dès 1940, et qui sera d'ailleurs,
19:15 je dirais, échappera à plusieurs
19:17 attentats des staliniens à la libération,
19:19 parce que les staliniens ne supporteront pas
19:21 qu'ils se soient engagés dès 1940 dans la résistance,
19:23 et qu'il n'ait pas attendu
19:25 l'invasion de l'Union Soviétique pour s'engager.
19:27 - Voilà. Et parmi tous ces
19:29 résistants de droite,
19:31 venus de l'Action Française,
19:33 - D'autres mouvements.
19:35 - Le colonel de la Roque également, il y en avait beaucoup.
19:37 D'ailleurs, le colonel de la Roque sera déporté dans les camps nazis.
19:39 - On avait fait une émission sur lui.
19:41 Est-ce que ces gens-là,
19:43 après la guerre, ont tous suivi
19:45 le général de Gaulle, adhéré au Parti Gaulliste,
19:47 ou bien ont pu rejoindre
19:49 leur mouvement d'origine ?
19:51 - Il y en a eu un certain nombre. Il y a notamment
19:53 le capitaine Conan,
19:55 dont je cherche le nom,
19:57 mais ça me reviendra,
19:59 et puis l'ALOS, etc.
20:01 Et puis, Chateau-Jaubert,
20:03 voilà, exactement,
20:05 qui était également un résistant de la première heure.
20:07 Il y en a eu beaucoup, hein. Vous avez eu beaucoup.
20:09 Il y a eu une cassure avec le général de Gaulle
20:11 au moment de l'Algérie française.
20:13 - Bien sûr.
20:15 - Qui n'ont pas supporté l'abandon de l'Algérie française,
20:17 qui ont estimé que c'était une trahison, alors que parmi eux,
20:19 vous aviez beaucoup de compagnons de la Libération.
20:21 Le général König, le héros d'Affrancibe,
20:23 avait des idées, également,
20:25 proches de l'Action Française et de droite.
20:27 Il a été un des compagnons de route
20:29 du général de Gaulle, le héros de Bir-Hakeim,
20:31 etc., compagnon de la Libération.
20:33 Et il a rompu avec de Gaulle la cause de l'histoire
20:35 de l'Algérie française, aussi. Ainsi que d'autres.
20:37 Donc, néanmoins, il y en a d'autres qui sont restés
20:39 contre vent et marée, fidèles jusqu'au bout
20:41 au général de Gaulle, et qui avaient également
20:43 milité dans des mouvements nationalistes
20:45 durant l'entre-deux-guerres.
20:47 - Alors, pour la deuxième partie
20:49 de cette émission, je voudrais évoquer maintenant
20:51 avec vous
20:53 quelques personnages, plutôt engagés
20:55 à gauche,
20:57 qui, sans avoir vraiment pratiqué
20:59 une collaboration active, sont bien
21:01 accommodés, finalement, de l'occupation.
21:03 On fréquentait des Allemands,
21:05 souvent le Gratin, mais qui,
21:07 surtout, ça qui est intéressant, après la guerre,
21:09 sont vraiment érigés en résistants,
21:11 voire en épurateurs,
21:13 et qui, pour certains,
21:15 d'ailleurs, sont devenus des icônes intouchables
21:17 de l'intelligentsia de la gauche
21:19 française après-guerre.
21:21 Alors, je vous propose, Dominique Lormier,
21:23 de commencer par Marguerite Duras.
21:25 - Alors, Marguerite Duras, c'est un cas intéressant.
21:27 Elle était née en Indochine.
21:29 C'est une intellectuelle.
21:31 Elle va défendre, d'ailleurs,
21:33 le colonialisme français durant l'entre-deux-guerres.
21:35 Elle écrira plusieurs articles,
21:37 d'ailleurs, scéniques, à ce sujet.
21:39 - Vous citez quelques articles.
21:41 - Elle mettra même en avant, je dirais,
21:43 la prétendue supériorité de la race blanche
21:45 sur les autres races. Donc, c'est assez
21:47 étonnant. - Si vous permettez, pour nos téléspectateurs,
21:49 je vais lire. Alors,
21:51 elle écrit notre...
21:53 Alors, elle parle des indigènes.
21:55 L'indigène n'a jamais été traité en vaincu.
21:57 Non seulement nous avons des devoirs envers lui,
21:59 mais nous lui reconnaissons des droits sociaux
22:01 et politiques, et surtout celui d'acquérir
22:03 des connaissances nouvelles. Certes,
22:05 ce n'est pas à lui qu'il appartient de décider
22:07 à quel moment il pourra user de ses
22:09 capacités. C'est à nous, au moment voulu,
22:11 d'alléger notre tutelle.
22:13 - Oui, oui. C'est un texte
22:15 tout à fait significatif de l'esprit qui existait
22:17 au sein de la gauche française durant
22:19 le centre de guerre, qui était
22:21 favorable au colonialisme.
22:23 Enfin, une partie de la gauche
22:25 finalement qui traitait les indigènes
22:27 comme des, je dirais,
22:29 des citoyens de seconde zone.
22:31 Ils avaient véritablement le statut
22:33 comme on l'indique
22:35 d'indigène. Donc, c'était des
22:37 gens qu'on
22:39 pouvait considérer comme de race
22:41 inférieure, d'après les critères de l'époque.
22:43 Qui étaient également aussi dans la
22:45 lignée de l'idéologie de Jules Ferry,
22:47 qui avait été un des grands partisans
22:49 du colonialisme, comme quoi on devait apporter
22:51 le progrès à ces peuples, soit disant,
22:53 dégénérés, ou au
22:55 nul moins... - Ils étaient des races supérieures
22:57 de civilisées, des races inférieures,
22:59 disait Jules Ferry. - Voilà, absolument.
23:01 Donc, c'était partagé par une large partie de la gauche.
23:03 Alors néanmoins, Marie-Héliose
23:05 d'Euras, ensuite, bien entendu, rejetait
23:07 ce qu'elle avait écrit à cette époque-là.
23:09 Et par la suite, donc, elle va
23:11 fréquenter... - En 40.
23:13 - En 40, elle se marie.
23:15 Voilà, avec Antelme,
23:17 qui sera d'ailleurs proche
23:19 du ministre de l'Intérieur de Vichy,
23:21 avec qui il va collaborer, donc il va
23:23 avoir un parcours d'abord plutôt... - Qui était le ministre ?
23:25 - Pucheux. - Donc un ancien
23:27 du PPF. - Voilà, un ancien du PPF
23:29 et qui a été... qui a fondé
23:31 les sections spéciales pour juger
23:33 résistants communistes et autres.
23:35 Qui a été très engagé à la collaboration.
23:37 Il a essayé de se réhabiliter par la suite,
23:39 mais le De Gaulle l'a fait fusiller
23:41 lorsqu'il avait rejoint l'Afrique du Nord,
23:43 parce qu'il était vraiment très engagé
23:45 dans les combats contre la résistance.
23:47 Et Antelme, quant à lui,
23:49 a rejoint la résistance grâce à Morlan,
23:51 le mari de Marguerite Duras.
23:53 Il a rejoint la résistance à la fin 43,
23:55 comme d'ailleurs François Mitterrand,
23:57 qui avait été décoré de la Francis de Pétain
23:59 et qui avait travaillé à Vichy lui aussi.
24:01 Et qui, lui-même, dans les années 30,
24:03 avait fréquenté des mouvements nationalistes.
24:05 D'ailleurs, il s'en est
24:07 jamais caché.
24:09 Et par la suite, donc...
24:11 Oui, Renaud à Marguerite Duras.
24:13 Oui, alors Marguerite Duras,
24:15 elle est un peu plus en retrait,
24:17 néanmoins, elle va collaborer
24:19 dans la presse de la collaboration.
24:21 Elle écrit des articles.
24:23 Elle est secrétaire également au sein d'une organisation
24:25 qui distribue le papier
24:27 pour les journaux
24:29 collaborationnistes et les auteurs,
24:31 les écrivains engagés dans la collaboration.
24:33 Donc, elle s'occupe en quelque sorte
24:35 de la censure, entre ceux
24:37 à qui on peut distribuer du papier,
24:39 parce qu'ils prêchent la bonne parole
24:41 de la collaboration.
24:43 Sans avoir un grand pouvoir décisionnaire,
24:45 elle est quand même au sein du système.
24:47 Oui, elle est au sein du système.
24:49 Elle fréquente le gratin de la collaboration,
24:51 notamment la femme de Ramon Fernandez
24:53 qui vient du Parti Populaire Français.
24:55 Qui est ce Ramon Fernandez ?
24:57 C'est un intellectuel de gauche
24:59 qui a été un membre des partis antifascistes
25:01 et qui a rejoint le PPF de Dorio
25:03 et a basculé dans la collaboration
25:05 avec les Allemands.
25:07 Et qui est fasciné également
25:09 par Mussolini et par Hitler.
25:11 Donc, véritablement engagé dans la collaboration.
25:13 Et qui va, heureusement pour lui,
25:15 décéder à la veille de l'épuration.
25:17 Ce qui va lui éviter certainement le poteau d'exécution.
25:19 Et qui est néanmoins...
25:21 Et qui a eu un fils célèbre
25:23 qui est Dominique Fernandez
25:25 qui serait le romancier célèbre que l'on connaît.
25:27 Et qui a publié de nombreux romans
25:29 aux éditions Gallimard.
25:31 Et donc, Marguerite Duras,
25:33 elle, elle habite rue Saint-Benoît à Paris.
25:35 - Et son salon...
25:37 - Son salon, elle reçoit...
25:39 Elle reçoit Pierre de Rieux-La Rochelle.
25:41 Elle reçoit Brasillac, etc.
25:43 Mais tout en étant
25:45 un peu en retrait quand même.
25:47 C'est-à-dire, elle ne met pas en avant ses idées, etc.
25:49 Mais néanmoins, elle a des contacts
25:51 également avec un agent de la Gestapo.
25:53 Aussi un Français qui travaille pour la Gestapo.
25:55 Et puis, surtout,
25:57 elle fréquente la femme de Raymond Fernandez.
25:59 Donc, avec qui elle est très liée.
26:01 Puis, par la suite du fait
26:03 de l'engagement de son mari
26:05 qui a rejoint finalement la résistance.
26:07 Le fameux réseau Morland
26:09 qui était dirigé par François Mitterrand.
26:11 Qui est un réseau d'évasion
26:13 qui est chargé de
26:15 récupérer les prisonniers de guerre qui se sont évadés.
26:17 Donc, son mari est malheureusement arrêté
26:21 et déporté dans les camps nazis.
26:23 Et elle, véritablement, c'est à ce moment-là qu'elle bascule
26:25 dans la résistance. Mais une résistance aussi
26:27 qui n'est pas particulièrement remarquable.
26:29 Et d'ailleurs, comme l'écrit un journaliste,
26:31 elle n'a rien fait de particulièrement, je dirais,
26:33 choquant dans la collaboration.
26:35 Et rien de particulièrement
26:37 héroïque et notable
26:39 dans la résistance.
26:41 Ce qui ne va pas l'empêcher, après la guerre,
26:43 et plus longtemps après, de critiquer tout ce qui pouvait être.
26:45 Ah bah oui, alors, sa spécialité, d'ailleurs,
26:47 sa cite, ce sera Jean-Marie Le Pen, comme par hasard.
26:49 Elle estime que les électeurs et les militants
26:51 du Front National font partie,
26:53 non pas du peuple français, mais de la populace.
26:55 Alors, je m'amuse à rappeler
26:57 d'ailleurs dans l'article que parmi cette populace,
26:59 il y a un certain nombre de compagnons
27:01 de la Libération, qui ont été des compagnons
27:03 de route de Jean-Marie Le Pen.
27:05 Et également,
27:07 un certain nombre de résistants de la 1ère heure.
27:09 Je pense aux 3 frères Massard, dont un a été
27:11 compagnon de la Libération,
27:13 et qui a commandé l'escalier de chasse
27:15 de l'île de France,
27:17 Francis Massard. Olivier Massard,
27:19 qui a été
27:21 également évadé de France,
27:23 et qui a été au groupe de chasse ardennes.
27:25 Et également, un autre des frères Massard,
27:27 qui était au 1er régiment de chasseurs
27:29 parachutistes, et qui sera
27:31 d'ailleurs un proche compagnon de Jean-Marie Le Pen,
27:33 et qui a été un résistant de la 1ère heure,
27:35 lui aussi, ainsi que d'autres figures,
27:37 je rappelle d'autres personnalités,
27:39 le commandant sauvage, héros de l'Union soviétique,
27:41 qui a été suppléant de Jean-Marie Le Pen.
27:43 Donc effectivement, là nous avons des parfaits
27:45 représentants, entre guillemets, de la populace.
27:47 - Exactement.
27:49 Alors, je voudrais maintenant m'attaquer à un couple infernal.
27:51 Simone de Beauvoir
27:53 et Jean Porchsart.
27:55 Alors je vous propose de commencer par
27:57 Simone,
27:59 si ce qu'il me permet.
28:01 Donc Simone de Beauvoir,
28:03 elle est née en 1908,
28:05 et donc elle a...
28:07 - Dans une famille de l'aristocratie, comme son nom l'indique.
28:09 Néanmoins, qui a perdu
28:11 un certain nombre de, je dirais,
28:13 de moyens financiers, du fait des
28:15 turpitudes du père, qui dépense
28:17 l'argent sans compter.
28:19 Néanmoins, c'est une intellectuelle,
28:21 elle va franchir différents
28:23 diplômes universitaires, qui va lui
28:25 permettre de l'enseigner à la philosophie dans différents
28:27 établissements.
28:29 C'est une femme féministe,
28:31 engagée dans le combat féministe,
28:33 et qui, durant l'occupation, va
28:35 travailler à plusieurs reprises au sein de Radio
28:37 Vichy. - Oui, voilà, parce qu'elle rencontre Sartre au début
28:39 des années 30. - Voilà, avant la guerre.
28:41 Sartre est mobilisé en 1940,
28:43 j'aurai l'occasion de vous en reparler par la suite.
28:45 Et...
28:47 - Donc il faut bien vivre. - Voilà, il faut bien vivre.
28:49 Donc elle accepte de prendre des postes
28:51 qui souvent, d'ailleurs, étaient des postes
28:53 qui avaient été occupés par des
28:55 juifs qui ont été victimes de l'épuration
28:57 nazie et du régime
28:59 de Vichy. Et donc,
29:01 elle prend leur poste
29:03 sans se poser trop de questions.
29:05 Et elle va surtout collaborer à Radio Vichy,
29:07 qui, vraiment, reçoit le gratin de la collaboration.
29:09 - Elle s'insère à Vichy ou elle reste à Paris ? - Alors, elle reste à Paris
29:11 tout en travaillant à Radio Vichy.
29:13 Elle écrit des jurés, des
29:15 sujets historiques sur le thème du
29:17 Moyen-Âge, mais néanmoins, dans une radio
29:19 qui est clairement, je dirais,
29:21 ouverte à la collaboration avec les Allemands et qui reçoit,
29:23 je dirais, les grands
29:25 plumitifs littéraires de la collaboration.
29:27 - Oui, la radio, média
29:29 primordial à cette époque.
29:31 - Ah oui, oui, absolument. Comme Radio France
29:33 aujourd'hui, donc Radio Vichy
29:35 est véritablement, je dirais,
29:37 la radio phare de l'époque.
29:39 - Et elle reçoit du... Est-ce qu'elle fréquente
29:41 également un peu plus du grand ? - Alors, oui, effectivement.
29:43 Elle fréquente un certain nombre d'auteurs
29:45 et des personnalités de la collaboration
29:47 sans état d'âme.
29:49 Et néanmoins, par la suite, elle est censée
29:51 avoir rejoint la Résistance, mais on ne retrouve,
29:53 bien entendu, aucune trace réelle
29:55 d'après l'historien Henri Noguer, qui a été
29:57 un résistant de la première heure et qui a écrit des monumentales
29:59 dits tomes sur l'histoire de la Résistance.
30:01 Et on aura l'occasion d'en reparler aussi
30:03 concernant Jean-Paul Sartre.
30:05 - Alors, vous citez une amie
30:07 du couple, Bianca Lomblin.
30:09 Qu'est-ce qu'il lui est arrivé ? - Oui, oui. Alors, c'était
30:11 une juive, malheureusement,
30:13 qui a été raflée et qui...
30:15 qu'ils auraient pu sauver.
30:17 Malheureusement, ils ont regretté par la suite,
30:19 après la guerre, de ne pas l'avoir sauvée.
30:21 Voilà. Un regret un peu tardi.
30:23 - Donc, on récapitule.
30:25 Vous vous voyez pendant toute la guerre,
30:27 elle a travaillé à Radio Vichy ?
30:29 - Alors, elle a travaillé d'une manière intermittente
30:31 à Radio Vichy tout en ayant des cours
30:33 dans des établissements scolaires
30:35 au niveau de la philosophie.
30:37 Mais on ne peut pas dire qu'elle a été
30:39 véritablement une collaborationniste.
30:41 Elle a collaboré, je dirais intellectuellement,
30:43 certainement pour survivre, etc.,
30:45 à Radio Vichy,
30:47 et sans véritablement d'étiquette politique
30:49 au sein même de Radio Vichy.
30:51 - Alors, nous allons conclure avec,
30:53 à mon sens, le pire d'entre eux,
30:55 Jean-Paul Sartre. - Oui.
30:57 Alors, on dirait le pire d'entre eux parce que
30:59 il a véritablement collaboré avec les Allemands
31:01 et surtout, il a fait partie
31:03 du comité d'épuration par la suite.
31:05 Donc, il avait honte de rien, comme on dit.
31:07 Pour reprendre une expression
31:09 d'audiard. - Donc, Sartre, il
31:11 a été mobilisé en 39, comme tout le monde.
31:13 - Voilà. Dans l'unité de troufions
31:15 de l'arrière de l'Université de Médérologie.
31:17 - Il n'avait quand même pas une très bonne vue, donc j'imagine que c'était pas...
31:19 - Non, non, non. Il avait des problèmes de vue.
31:21 Il était dans les Vosges, il a été fait prisonnier dans le carré des Vosges
31:23 en juin 1940.
31:25 Il a été envoyé dans un camp
31:27 de militaires, de prisonniers militaires.
31:29 Et il a été libéré par Pierre Drieu-Larochelle,
31:31 qui appréciait ses écrits
31:33 et ses qualités littéraires.
31:35 Donc, Pierre Drieu-Larochelle avait dressé une liste.
31:37 - Quel pouvoir avait Pierre Drieu-Larochelle ?
31:39 - Pierre Drieu-Larochelle dirigeait la NRF
31:41 et véritablement c'était le grand patron, je dirais,
31:43 de l'édition
31:45 collaborationniste.
31:47 C'était un homme d'ailleurs aussi qui avait
31:49 flirté avec la gauche. Il avait été ami de Louis Aragon
31:51 et il avait hésité entre le fascisme
31:53 et le communisme et finalement avait basculé
31:55 dans le fascisme, mais qui avait
31:57 été séduit par le communisme
31:59 dans les années 1920 et 1930, puisqu'il
32:01 fréquentait notamment, il était très ami avec
32:03 Louis Aragon et d'autres intellectuels de gauche.
32:05 Et par la suite, il s'est
32:07 engagé, comme vous le savez, dans la collaboration
32:09 jusqu'au bout, en restant fidèle
32:11 jusqu'au bout, et ses idées. - Et donc c'est lui qui
32:13 fait libérer Sartre ? - C'est lui qui fait libérer Sartre
32:15 et Sartre en profite pour reprendre
32:17 son poste d'enseignant
32:19 et il va collaborer à Comedia
32:21 et à différentes revues culturelles,
32:23 ultra-collaborationnistes, antisémites,
32:25 pro-allemandes, etc. où il écrit un certain
32:27 nombre d'articles. - Mais il écrit des articles de quel ordre ?
32:29 - Alors, plutôt de
32:31 philosophie, plutôt assez neutre,
32:33 mais néanmoins dans des revues qui sont,
32:35 elles, très teintées, je dirais,
32:37 au sein de la collaboration. Et surtout,
32:39 également, il écrit des pièces de théâtre,
32:41 il a écrit un roman remarqué
32:43 qui a failli lui avoir le prix Goncourt
32:45 avant la guerre, "La nausée", mais qui a été
32:47 très apprécié aussi, même par des intellectuels
32:49 allemands, notamment le philosophe
32:51 allemand Martin Heidegger, avec qui il tisse
32:53 des liens intellectuels,
32:55 et qui a été membre du parti nazi.
32:57 Et effectivement, on retrouve dans certains aspects
32:59 de la philosophie de
33:01 Sartre, je dirais,
33:03 des emprunts que l'on retrouve
33:05 dans celles de Martin Heidegger.
33:07 Un certain
33:09 désentanchement
33:11 vis-à-vis du monde moderne, etc.
33:13 Une recherche d'absolu que
33:15 Heidegger va finalement retrouver
33:17 dans les philosophies orientales,
33:19 et je dirais,
33:21 Sartre dans l'existentialisme,
33:23 qui a été, je dirais,
33:25 la philosophie très à la moche
33:27 chez les intellectuels de gauche, après la guerre.
33:29 - Ce qui est assez ignoble
33:31 avec Sartre, finalement,
33:33 c'est que
33:35 le poste qu'il occupe au lycée Condorcet
33:37 était occupé par
33:39 un juif.
33:41 - Oui, qui a été malheureusement arrêté,
33:43 mis à l'écart, et sans être
33:45 Adam, Sartre occupe son poste.
33:47 Et puis par la suite,
33:49 alors il rejoint
33:51 très tardivement la Résistance,
33:53 fin 1943, début 1944,
33:55 par l'entremise de Camus,
33:57 où il va écrire quelques articles
33:59 dans la revue "Combat",
34:01 mais ça s'arrête là.
34:03 Après la guerre, il va faire croire qu'il avait
34:05 créé un mouvement socialiste,
34:07 mais liberté, dont d'ailleurs Henri Heidegger
34:09 n'a jamais entendu parler.
34:11 Et surtout, il va faire partie
34:13 du comité de l'Impuration, c'est-à-dire
34:15 il va se permettre de juger des gens qui avaient collaboré,
34:17 alors que lui n'a pas eu un parcours particulièrement
34:19 brillant durant ces périodes-là,
34:21 dans les rangs de la Résistance.
34:23 - Ça se passait comment, notamment pour les pièces de théâtre ?
34:25 Je vois dans la revue d'Histoire européenne,
34:27 vous signez un article.
34:29 - Surtout, jouer au théâtre de la Cité,
34:31 c'est écrit en tout petit "ex-Sarah Bernard".
34:33 - Oui, oui, "ex-Sarah Bernard",
34:35 parce qu'on a enlevé le nom, parce que c'était un nom juif.
34:37 - Et donc il joue quoi ?
34:39 Il y a deux pièces importantes de Sartre qui sont jouées
34:41 pendant le dépassat, "Sans des mouches", "Au micro".
34:43 - Voilà, avec un parcours de tout le gratin
34:45 des officiers allemands de Paris.
34:47 Il a des relations avec, notamment,
34:49 Ernst Juncker, mais néanmoins,
34:51 Ernst Juncker aussi en position de retrait
34:53 vis-à-vis du nazisme, comme on le sait,
34:55 à travers ses écrits. Néanmoins, il est quand même
34:57 une des figures du nationalisme allemand,
34:59 il ne faut pas l'oublier aussi.
35:01 - Oui, puis il était attaché à l'ambassade d'Allemagne.
35:03 - Voilà, absolument. Et puis également,
35:05 il a des liens avec un certain nombre d'intellectuels allemands.
35:07 Ça lui pose sans inquiétude,
35:09 sans état d'âme.
35:11 - Ce qu'il faut bien se rendre compte,
35:13 c'est que les pièces de Sartre, "Les mouches", comme "Mucklo",
35:15 passaient sous les fourches
35:17 de la censure. - Oui, oui, oui.
35:19 - De la censure allemande.
35:21 - Elles passaient sans problème,
35:23 et puis il reprenait des thèmes philosophiques
35:25 qui étaient celles de Martin Heidegger,
35:27 qui a été un des maîtres à penser du national-socialisme.
35:29 Même s'il a eu
35:31 également des positions qui pouvaient
35:33 être jugées parfois hostiles, néanmoins,
35:35 il a été un des maîtres à penser du national-socialisme.
35:37 Du fait qu'il, également, avait été
35:39 très influencé par la philosophie
35:41 du surhomme de Nietzsche.
35:43 Une philosophie d'ailleurs qui est très, je dirais,
35:45 très différente
35:47 de l'origine
35:49 de l'expression de la philosophie de Nietzsche.
35:51 Parce que Nietzsche
35:53 est mort bien avant le national-socialisme.
35:55 - Oui, il ne faut pas lui reprocher ça.
35:57 - Dans un état, malheureusement, de démence.
35:59 Et il y a eu une récupération qui a été faite par les mouvements
36:01 panzermanismes, qui ont, je dirais,
36:03 en quelque sorte, changé un certain
36:05 nombre d'écrits de Nietzsche, en lui faisant
36:07 attribuer des idées qui n'étaient pas les siennes.
36:09 Et notamment la sœur de Nietzsche,
36:11 et des membres de sa famille, qui étaient proches des mouvements
36:13 panzermanismes, et qui ont laissé croire
36:15 que la philosophie de Nietzsche était une
36:17 philosophie qui aurait inspiré
36:19 le national-socialisme. Alors, effectivement,
36:21 la philosophie du surhomme, etc.
36:23 Néanmoins, il faut savoir que
36:25 suite à la guerre de 1970, auquel
36:27 Nietzsche avait participé
36:29 comme infirmier, il était devenu
36:31 totalement pacifiste. Et donc, il n'était pas
36:33 assez éloigné du panzermanisme, etc.
36:35 - Alors, on a essayé de dire
36:37 après la guerre, que dans les
36:39 pièces de théâtre de Sartre, il y avait un message caché.
36:41 - Oui. - Qu'en réalité,
36:43 il dénonçait la dictature, etc.
36:45 - Pas du tout. - Mais j'imagine que la censure allemande...
36:47 - Non, non. La censure allemande, qui était extrêmement...
36:49 très attentive là-dessus,
36:51 n'a rien vu. - Ce n'était pas des apothécatiques premières non plus.
36:53 - Et puis, en plus, il y avait également la censure
36:55 des collaborationnistes, qui était même
36:57 quelques fois plus sévère vis-à-vis des...
36:59 à ce sujet-là que les Allemands
37:01 eux-mêmes. Et s'ils n'ont rien vu, c'est qu'il n'y avait
37:03 rien de... - C'est qu'ils n'avaient rien à voir.
37:05 - Oui, oui. On peut toujours rattraper les choses comme on veut.
37:07 - Mais finalement, on voit qu'en
37:09 juin 1944, Sartre s'inquiète
37:11 plus de savoir s'il va y avoir de l'électricité.
37:13 - Oui. - Pour la
37:15 représentation de Huyclo. - Oui.
37:17 - Que de savoir ce qui se passait sur le front... - Sur le front
37:19 en Normandie. - Sur le front de Normandie.
37:21 On peut faire un parallèle intéressant
37:23 avec un autre
37:25 dramaturge, autre écrivain, qui faisait finalement
37:27 son métier. - Oui. - Comme Sartre le faisait
37:29 d'ailleurs. - Oui, oui. - Qui est Sacha Guitry,
37:31 qui lui a connu un sort tout à fait différent.
37:33 - Oui, parce qu'il avait des idées plutôt
37:35 de droite, et une...
37:37 certaines valeurs aristocratiques.
37:39 Il venait également
37:41 d'une famille de Russe blanc, donc effectivement
37:43 on a été plus critiques vis-à-vis
37:45 de lui, alors qu'il n'a fait exactement que
37:47 ce qu'avait fait Jean-Paul Sartre.
37:49 - Sacha Guitry n'a pas été libéré d'Abril,
37:51 il a été libéré Tristan Bernard. - On sait également qu'il a
37:53 caché un certain
37:55 nombre de juifs, Sacha Guitry, ça a été reconnu
37:57 par la Suisse. - Il a été libéré Tristan Bernard.
37:59 - Effectivement, et d'autres
38:01 personnalités aussi.
38:03 - Et donc Sartre, juste après la guerre,
38:05 au moment de la libération,
38:07 il s'incruse tout de suite au comité
38:09 d'épuration ? - Voilà, il s'incrise au comité
38:11 d'épuration, et il fait partie
38:13 des intellectuels antifascistes,
38:15 mais il est vrai que les antifascistes n'ont
38:17 jamais été aussi nombreux qu'après la seconde guerre mondiale.
38:19 - Il était créé par qui ce comité d'épuration ?
38:21 - Il avait été créé par,
38:23 je dirais, il y avait certainement
38:25 le parti communiste qui tenait les reines,
38:27 et puis également les gaullistes,
38:29 et du moins les différents mouvements
38:31 de la résistance, mais surtout
38:33 un certain nombre de communistes qui avaient réussi
38:35 à s'infiltrer pour essayer
38:37 de faire la pluie et le bouton, et faire oublier
38:39 que le parti communiste français
38:41 avait soutenu le pacte germano-soviétique
38:43 en 1939.
38:45 - C'est ça, il vient d'émuler Fabri.
38:47 Dominique Lormier, merci infiniment pour ces éclairages.
38:49 Je renvoie les téléspectateurs
38:51 à votre livre,
38:53 "Les vérités cachées de la France
38:55 sous l'occupation", et puis les deux autres livres
38:57 que j'ai cités en introduction.
38:59 Je renvoie également à l'article
39:01 que vous avez signé dans le numéro
39:03 de la revue d'histoire européenne,
39:05 qui est toujours dans les caisses,
39:07 il y a aussi un article sur les cégétistes
39:09 du Maréchal,
39:11 il y a un article également sur les Dreyfusards
39:13 qui ont pu collaborer,
39:15 un article sur
39:17 comment l'humanité,
39:19 le parti communiste, on en a parlé dans la précédente émission,
39:21 voulait faire reparaître
39:23 l'humanité,
39:25 la presse de gauche collaborationniste en a parlé,
39:27 et puis les intellectuels, donc,
39:29 peu résistants, dont nous
39:31 venons de parler.
39:33 Vous allez maintenant retrouver
39:35 Christophe Erlan et "La petite histoire",
39:37 en attendant, vous n'oubliez pas de cliquer sur le pouce
39:39 levé sous la vidéo, et de vous
39:41 abonner, bien sûr, à notre chaîne YouTube.
39:43 A bientôt !
39:45 [Générique]
40:05 Concrètement, la colonisation en tant que
40:07 projet réfléchi commence à partir
40:09 des années 1870.
40:11 Avant cela, le rapport des pays européens
40:13 à l'Afrique, notamment,
40:15 était concentré autour des côtes,
40:17 avec le commerce d'esclaves,
40:19 et puis les établissements côtiers. D'ailleurs, en parlant
40:21 d'esclavage, sachez que j'ai aussi fait un épisode
40:23 sur la traite arabo-musulmane.
40:25 Mais là, par contre, pour les personnes dont j'ai
40:27 parlé dans l'intro, je vous déconseille
40:29 fortement de commencer par là,
40:31 au risque de vous exposer à un AVC.
40:33 Bref, dans les années 1870, la colonisation
40:35 de l'Afrique devient un véritable
40:37 enjeu pour les pays
40:39 européens, en particulier pour l'Angleterre,
40:41 qui est soucieuse d'étendre
40:43 son empire commercial face à la montée
40:45 de l'Allemagne, et pour la France, tout juste
40:47 vaincue par cette même Allemagne
40:49 en 1871 sur le continent.
40:51 Et pour entrer dans le vif du sujet,
40:53 à savoir le rapport entre la gauche
40:55 républicaine de l'époque et la
40:57 colonisation, eh bien, c'est Léon Gambetta,
40:59 donc républicain de gauche,
41:01 qui ouvre le bal en 1872.
41:04 Je cite, "Pour reprendre
41:06 véritablement le rang qui lui appartient
41:08 dans le monde, la France se doit de
41:10 ne pas accepter le repliement sur elle-même.
41:12 C'est par l'expansion, par le
41:14 rayonnement dans la vie du dehors,
41:16 par la place qu'on prend dans la vie générale
41:18 de l'humanité que les nations persistent et qu'elles
41:20 durent. Si cette vie s'arrêtait,
41:22 s'en serait fait de la France."
41:24 Donc, pour résumer la pensée de Gambetta,
41:26 on a perdu l'Alsace-Moselle,
41:28 on a été des branques, maintenant,
41:30 nous, lumière de l'humanité,
41:32 on va renoncer à la puissance
41:34 continentale pour se concentrer sur
41:36 le rayonnement universel.
41:38 Et notez que, déjà, à l'époque, on parle de
41:40 repliement sur soi-même, c'est pas mignon ?
41:42 Et puis, il y a Victor Hugo, qui est une autre
41:44 icône républicaine, rockstar,
41:46 qui en rajoute une couche en 1879,
41:49 dans un discours où il s'exclame,
41:51 oui, parce que Hugo ne parle pas,
41:53 il s'exclame, toujours. Alors, je cite
41:55 Victor Hugo, "Cette Afrique
41:57 farouche n'a que deux aspects. Peuplée,
41:59 c'est la barbarie, déserte,
42:01 c'est la sauvagerie. Allez, peuple,
42:03 emparez-vous de cette terre,
42:05 prenez-la. À qui ? À personne.
42:07 Prenez cette terre à Dieu.
42:09 Dieu donne l'Afrique à l'Europe.
42:11 Prenez-la, non pour le canon,
42:13 mais pour la charrue. Non pour le sabre,
42:15 mais pour le commerce. Non pour la bataille,
42:17 mais pour l'industrie."
42:19 Voilà, donc ces terres ne sont
42:21 à personne, et il faut s'en emparer
42:23 pour le commerce et l'industrie.
42:25 Ah, c'est pas beau ? En 1884-85,
42:28 étant donné que la découverte de
42:30 richesses insoupçonnées, comme par
42:32 exemple les mines de diamants du Transvaal,
42:34 a provoqué la ruée
42:36 des Européens sur l'Afrique,
42:38 une conférence est organisée à Berlin
42:40 pour fixer les règles de la colonisation
42:42 et surtout le partage de l'Afrique.
42:44 Et c'est là qu'intervient
42:46 notre cher Jules Ferry. Alors lui,
42:48 convient de pas me dire qu'il est pas
42:50 l'incarnation absolue de la gauche
42:52 laïque et républicaine.
42:54 Bref, Jules Ferry, suite à la conférence
42:56 de Berlin, déclare
42:58 en juillet 1885,
43:00 donc la même année, devant la Chambre,
43:02 je cite, "il faut dire ouvertement
43:04 que les races supérieures ont un droit
43:06 vis-à-vis des races inférieures.
43:08 Je répète qu'il y a pour les races
43:10 supérieures un droit, parce qu'il y a
43:12 un devoir pour elles. Elles ont le devoir
43:14 de civiliser les races
43:16 inférieures." Ben voilà !
43:18 Tout est dit, hein, faut se lâcher de temps en temps,
43:20 Jules. Et puis en plus, après, nous,
43:22 ça nous fait des phrases cultes à ressortir, comme ça,
43:24 c'est toujours agréable. Plus tard, c'est Léon Blum,
43:26 autre monument de la gauche,
43:28 qui reprenait, peu ou prou,
43:30 le même discours que Jules Ferry,
43:32 toujours devant la Chambre, alors je cite
43:34 Léon, "nous admettons le droit
43:36 et même le devoir des races supérieures
43:38 d'attirer à elles celles qui ne sont pas
43:40 parvenues au même degré de culture
43:42 et de les appeler au progrès réalisé
43:44 grâce aux efforts de la science
43:46 et de l'industrie."
43:48 Ah, il y en a plein d'autres, comme ça, je vous ai dit,
43:50 tiens, j'en ai un autre. Jean Jaurès,
43:52 la vache, si on jouait au jeu des sept
43:54 familles en catégorie bonne grosse
43:56 gauche républicaine, là, je les aurais
43:58 quasiment tous. "Alors, les grands hommes de la France,
44:00 Léon Blum, Jean Jaurès, ensuite
44:02 Mitterrand." Ah ben non, vous voyez, il en manque un,
44:04 mais bon, celui-là, il est connu pour...
44:06 autre chose. Donc, je disais,
44:08 Jean Jaurès, en 1903,
44:10 toujours devant la Chambre, je cite,
44:12 "la civilisation que représente
44:14 la France en Afrique auprès des indigènes
44:16 est certainement supérieure à
44:18 l'état présent du régime marocain."
44:20 Bon, là, il parlait que du
44:22 Maroc, mais par extension,
44:24 vous avez compris où il voulait en venir.
44:26 Et là, bien sûr, dans ces exemples, je ne parle
44:28 que de la gauche française, parce que c'est le sujet.
44:30 Mais en Europe, et même dans le monde,
44:32 c'est à peu près le même topo.
44:34 Regardez, Friedrich Engels, le collaborateur
44:36 de Marx, donc on peut difficilement
44:38 faire plus à gauche,
44:40 explique à propos de l'invasion du Mexique
44:42 par les États-Unis, et là, attention, c'est drôle,
44:44 je cite, "Est-ce un malheur que
44:46 la splendide Californie soit arrachée aux Mexicains
44:48 paresseux qui ne savent qu'en faire?"
44:50 Oui, moi, je trouve ça marrant, désolé.
44:52 Ça, vous allez me dire, c'est à propos du Mexique.
44:54 Ok, mais au sujet de la conquête de l'Algérie par
44:56 la France, c'est pareil, puisque Engels
44:58 estime que, je cite,
45:00 "L'écrasement de la révolte en Algérie
45:02 est une chose positive, puisque
45:04 les Bédouins sont une nation
45:06 de voleurs." Ouais, il était chaud,
45:08 Friedrich, quand il s'y mettait. Et puis, Marx,
45:10 il est pas mal non plus à propos de la colonisation
45:12 brutale de l'Inde
45:14 par les Anglais. Il dit qu'en voyant,
45:16 je cite, "ces myriades
45:18 d'organisations sociales, patriarcales
45:20 et laborieuses se dissoudre,
45:22 nous ne devons pas oublier que
45:24 ces communautés villageoises idylliques,
45:26 malgré leur aspect inoffensif,
45:28 ont toujours été une fondation
45:30 solide du despotisme oriental."
45:32 Franchement, celle-là, fallait aller la chercher, hein.
45:34 Marx, hein ! Alors, oui, pour revenir
45:36 en France, il y a bien une voix dissonante
45:38 parmi tout ce jacassement laïcard
45:40 et gauchiste, et bien, c'est Clemenceau.
45:42 Et bon, Dieu sait que
45:44 je ne porte pas spécialement Clemenceau
45:46 dans mon cœur, mais il faut bien dire ce qui est au sein
45:48 de la gauche, au sein des radicaux à l'époque,
45:50 Clemenceau était l'un des seuls
45:52 à s'opposer à la colonisation.
45:54 Le 30 juillet 1885,
45:56 dans sa célèbre réponse
45:58 à Jules Ferry qui parlait des "races supérieures"
46:00 qui "civilisent les races inférieures",
46:02 et bien Clemenceau déclarait
46:04 "Voilà en prose la thèse de
46:06 M. Ferry, et l'on voit le gouvernement français
46:08 exerçant son droit sur les
46:10 races inférieures, il le dit ironiquement,
46:12 en allant guéroyer contre elles et en les
46:14 convertissant de force au bienfait
46:16 de la civilisation." Mais voilà,
46:18 Clemenceau, côté
46:20 grande figure j'entends, c'est à peu près
46:22 tout. Et puis maintenant,
46:24 pour conclure en beauté, posons-nous
46:26 une question innocente.
46:28 Et la droite dans tout ça ? Et bien la droite
46:30 dès le départ, dès les années 1870,
46:32 elle était farouchement
46:34 anticolonialiste. Pourquoi ?
46:36 Tout simplement parce que la droite
46:38 jugeait que c'était une perte
46:40 de temps, d'énergie et
46:42 d'argent, et que la véritable priorité
46:44 de la France était de préparer la revanche
46:46 contre l'Allemagne et la reprise
46:48 de l'Alsace-Moselle. Oui, c'est ce qu'on appelle
46:50 avoir le sens des priorités
46:52 et du réalisme. A ce propos, il y a cette phrase
46:54 célèbre de Paul Deroulaide, le fondateur
46:56 de la Ligue des Patriotes, qui
46:58 s'était exclamé à la tribune
47:00 "J'ai perdu deux sœurs, l'Alsace et la Lorraine,
47:02 et vous m'offrez vin domestique."
47:04 Pour la droite de l'époque, c'est-à-dire
47:06 les monarchistes et les nationalistes,
47:08 la colonisation non seulement
47:10 détourne la France de ses provinces perdues,
47:12 l'Alsace et la Moselle, mais aussi
47:14 la ruine économiquement. Ça, c'était
47:16 l'épisode d'il y a deux semaines. C'est ce que dit
47:18 le sénateur monarchiste Albert de Broglie
47:20 en 1884.
47:22 Je cite "Les colonies
47:24 affaiblissent la patrie qui les fonde,
47:26 bien loin de la fortifier,
47:28 elles lui soutirent son sang et ses forces."
47:30 En 1883, le député bonapartiste
47:32 Paul de Cassagnac s'adresse
47:34 directement à Jules Ferry, à la tribune,
47:36 et il lui dit "Au lieu de vous
47:38 lancer à courir après des colonies nouvelles
47:40 agrémentées de prétendus gisements d'or
47:42 que vous ne connaissez pas,
47:44 de prétendus mines de houille que vous
47:46 indiquez sur vos cartes fantaisistes
47:48 pour que l'opinion publique vous
47:50 accompagne dans cette aventure lointaine,
47:52 la France vous dira de ne pas regarder si loin.
47:54 C'est en France qu'il faut regarder.
47:56 C'est la misère qui est en France
47:58 qu'il faut soulager." Et là,
48:00 on retrouve dans les paroles de Paul de
48:02 Cassagnac la dénonciation de
48:04 toute l'hypocrisie de gauche
48:06 qui, sous couvert d'humanisme
48:08 et d'universalisme,
48:10 vient piller
48:12 la terre entière enloucédée derrière
48:14 un masque bienveillant et
48:16 civilisateur. En gros, c'est la
48:18 colonisation à visage humain, la
48:20 conquête pour l'émancipation,
48:22 la libération des peuples sous la
48:24 bannière des Lumières qu'il faudrait
48:26 absolument apporter au monde.
48:28 Et justement, à ceux qui avaient cette démarche-là,
48:30 cette démarche bien
48:32 de gauche, à vouloir faire de tout le
48:34 monde des citoyens, j'aurais envie de
48:36 dire deux choses. Premièrement,
48:38 le monde ne vous a rien demandé,
48:40 c'est fait. Et deuxièmement,
48:42 la misère et les problèmes existent aussi en France
48:44 et en tant que Français, en tant que
48:46 représentant Français, eh bien,
48:48 commencez plutôt par là. Le pire, c'est que, vous avez vu ce que je
48:50 viens de dire, ce discours est toujours valable 150
48:52 ans plus tard. Mais bon, de toute façon.
48:54 Ça va être dur ce que je vais dire là, et vous allez
48:56 savoir pourquoi, mais bon, quand je vois ça,
48:58 à la limite, je préfère la colonisation
49:00 à l'anglaise. Non pas parce qu'elle est
49:02 plus douce, mieux ou moins brutale,
49:04 c'est même tout l'inverse, tout le contraire,
49:06 mais au moins, elle était directe,
49:08 franche, "franc du collier" comme on dit,
49:10 sans maquillage grotesque, c'est-à-dire
49:12 en gros, les Anglais, ils arrivent, ils disent
49:14 "voilà, on est une puissance commerciale, on veut
49:16 s'étendre, votre pays nous intéresse, maintenant
49:18 il est à nous, basta, au revoir". Sinon, il y a la version
49:20 française qu'on peut aller chercher
49:22 chez les économistes classiques, comme par exemple
49:24 Jean-Baptiste C, qui nous dit
49:26 "les vraies colonies d'un peuple commerçant,
49:28 ce sont les peuples indépendants
49:30 de toutes les parties du monde". Eh bien,
49:32 vous voyez, ça aussi, ça me va. Mais bref, pour
49:34 revenir à ce qui ne me va pas, justement, à
49:36 l'hypocrisie de la gauche, je conclurai
49:38 avec une citation, parce que ça fait toujours classe.
49:40 Alors, pourquoi s'en priver ?
49:42 Elle est de Régis Debray, que vous connaissez
49:44 sûrement. Alors, je cite Régis Debray
49:46 "Il existe un lien obscur entre
49:48 l'universalisme dit civilisateur
49:50 et le colonialisme du mépris.
49:52 Et il faudra bien que le discours républicain
49:54 tire un jour au clair son
49:56 refoulé colonial". Merci,
49:58 bonsoir.
50:00 (musique)
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