Les Conversations de Paul-Marie Coûteaux n°31 : Laurence Trochu, l’essor du courant conservateur en France

  • l’année dernière
Mère de famille nombreuse, professeur de philosophie, présidente du Mouvement Conservateur qui a pris la suite de "Sens Commun", Laurence Trochu veille à fonder son engagement sur deux piliers qu’elle concilie mieux que ne le font nos vieux élus : une action politique qui la vit rejoindre parmi les premières la campagne d’Eric Zemmour et le parti "Reconquête !" dont elle est une des dirigeantes, mais aussi une réflexion de fond constante, depuis ses études de philosophie qui lui ont permis de fréquenter les classiques grecs, Parménide, Platon et Aristote, jusqu’aux auteurs plus récents tels Burke ou Tocqueville et, plus près de nous, l’un des plus précieux penseurs de "l’urgence conservatrice", le prophétique Roger Scruton. A l’approche d’une importante "Journée des Conservateurs" que son Mouvement organise à Asnières le 14 octobre prochain, Laurence Trochu raconte ici sa vie, enracinée en terre chouane, mais aussi ses combats et par-dessus tout l’état d’esprit extraordinairement combatif qui l’anime et qui, dans le sillage d’une "alliance des conservateurs" en train de se construire, devrait recomposer de fond en comble la droite française.
Transcript
00:00:00 [Musique]
00:00:24 Bonjour ma chère Laurence Trochu, je suis vraiment très heureux de vous recevoir.
00:00:28 Merci Paul-Marie, heureuse d'être avec vous.
00:00:31 Au siège du Nouveau Conservateur, revue à laquelle vous contribuez très régulièrement.
00:00:37 Ce dont je vous remercie mais qui est assez naturel parce que comme on le sait,
00:00:42 vous dirigez le seul parti qui ait le mot conservateur dans son titre,
00:00:46 c'est-à-dire le mouvement conservateur.
00:00:49 Et cela depuis je crois 2018, c'est ça ?
00:00:52 Alors le changement de nom date je crois de 2020.
00:00:55 Alors vous parlez de changement de nom parce qu'auparavant c'était sens commun.
00:00:59 Exactement.
00:01:00 Vous avez pris la tête en 2018.
00:01:02 Exactement, changement de nom parce qu'il y a quand même cette date 2017
00:01:07 où Emmanuel Macron se réclame progressiste officiellement,
00:01:11 c'est la ligne politique à laquelle il se raccroche et les faits l'ont prouvé.
00:01:17 Et puis ce flottement dans le paysage politique où plus personne ne sait où il habite
00:01:23 puisque M. Macron prétend être et de droite et de gauche ou bien ni de droite ni de gauche.
00:01:29 Et puis il désigne son adversaire, en l'occurrence Marine Le Pen, comme étant populiste.
00:01:35 Et là, moi je ne me reconnaissais pas dans cette appellation
00:01:41 alors que pour autant je me déclarais farouche adversaire d'Emmanuel Macron
00:01:46 et de ce qu'il représentait.
00:01:48 Et j'ai cherché à comprendre quels étaient les sous-bassements de sa vision de la société,
00:01:56 chose que précisément les Républicains ne faisaient pas.
00:02:00 Et je pense que c'est d'ailleurs pour ça qu'ils sont aujourd'hui pas simplement en peine d'inspiration
00:02:07 mais tout simplement en interrogation pour savoir quelle est leur place dans le rôle politique.
00:02:13 Mais ils ne s'interrogent même pas justement.
00:02:14 Oui, ils ne s'interrogent pas.
00:02:15 Ils ne savent pas du tout quel est leur cœur intellectuel.
00:02:21 C'est ça. Et donc il fallait comprendre d'abord qui était Emmanuel Macron,
00:02:25 c'est-à-dire quel était ce progressisme qu'il revendiquait.
00:02:30 Et il m'est apparu assez nettement qu'il y avait trois axes qui pouvaient caractériser sa pensée
00:02:39 et puis les choix qui en étaient la conséquence.
00:02:42 Le premier c'est qu'il est dans une approche post-nationale
00:02:45 puisqu'il ne réfléchit plus et il ne pense plus la politique à l'échelle de la nation.
00:02:51 Deuxième évidence, il est dans une approche transhumaniste.
00:02:55 Quand quelqu'un dans son gouvernement est capable de dire qu'un père ça peut être une grand-mère,
00:03:00 bon voilà, on est au-delà de l'entendement certes.
00:03:04 Et puis le troisième axe, multiculturaliste, c'est quand même lui qui nous a dit qu'il n'y avait pas de culture française.
00:03:09 Voilà, donc je me suis dit que ces trois manières qu'il a de comprendre la société,
00:03:14 de dessiner la politique qui va avec, il faut qu'on en prenne le contre-pied exact sur ces trois points.
00:03:20 Vous avez soulevé une grande question, notamment à propos des LR qui fuient longtemps votre famille politique.
00:03:29 On va le voir, nous allons un peu parler de votre versant politique,
00:03:33 mais il y a aussi votre versant qui m'intéresse au moins autant, qui est plus philosophique.
00:03:37 D'abord vous êtes professeur de philosophie et vous avez beaucoup creusé la question du conservatisme.
00:03:46 Donc il n'était pas du tout étonnant que vous donniez ce nom à votre mouvement
00:03:51 quand il avait prouvé le besoin de quitter le nom de Sens commun en 2020.
00:03:56 Et très tôt vous donnez la réponse à la question de la droite et la gauche,
00:04:01 la question qui ne se pose pas justement à LR, je disais qu'ils ont perdu leur cœur,
00:04:07 en fait ils ont perdu leur tête, leur instrument de réflexion.
00:04:13 Vous, dès votre mémoire d'études en philosophie, vous faites à mon avis, vous faites très fort,
00:04:23 vous pointez l'opposition entre Parménide et Héraclite.
00:04:29 Héraclite était au fond, alors là on était au VIe siècle avant Jésus-Christ,
00:04:35 mais quand même ça va loin, le fondateur de la gauche, c'est-à-dire il explique que tout est mouvement,
00:04:41 c'est là le bon critère, il est faux de dire que droite et gauche c'est la même chose,
00:04:45 il y a vraiment deux représentations du monde.
00:04:47 Héraclite, c'était un de vos premiers travaux, pose que la loi du monde c'est le mouvement,
00:04:53 et Parménide, qui a votre préférence, comme la mienne d'ailleurs, qui est d'ailleurs un ancêtre de Platon,
00:04:59 que vous avez beaucoup fréquenté et que vous aimez, qui a beaucoup fréquenté Roger Scroton,
00:05:03 que vous avez vous-même fréquenté et que vous aimez, je fais un peu l'introduction à notre conversation,
00:05:09 mais il y a beaucoup de cohérence chez vous.
00:05:11 Parménide répondait à Héraclite que tout n'est pas mouvement, qu'il y avait des permanences,
00:05:17 qu'il y avait des éléments de stabilité, ou en tous les cas de longue durée,
00:05:21 et c'est la fameuse image du fleuve, Héraclite disait "on ne se peigne jamais dans la même eau",
00:05:26 et Parménide répondait "oui mais c'est toujours le même fleuve".
00:05:29 Alors selon que l'on met l'accent sur les permanences, à tout le moins la durée,
00:05:35 la question de savoir s'il y a des choses permanentes c'est une question métaphysique,
00:05:40 mais la durée c'est une question qui est à notre portée.
00:05:45 C'est ce que les conservateurs aussi désignent sous le nom d'enracinement.
00:05:50 Enracinement de tradition.
00:05:52 Contrebalancer largement ce que c'est incontestable, le monde peut avoir de mouvement.
00:05:59 La loi du monde n'est pas unique, elle est faite de mouvement et de constance.
00:06:04 Et à ce propos, souvenons-nous quand même qu'Emmanuel Macron avait baptisé son parti "En Marche".
00:06:10 Vous voyez ?
00:06:12 Pour signifier ce mouvement.
00:06:14 Alors vous allez peut-être me dire "mais oui, mais vous avez appelé votre parti "mouvement conservateur".
00:06:20 Et j'ai joué sur ce choix des mots volontairement.
00:06:23 Ah j'avais même pas perçu ça.
00:06:25 Parce que vous savez en France, où il n'y a pas une tradition conservatrice aussi développée qu'outre-Manche notamment...
00:06:31 Ca va venir grâce à vous et à quelques autres.
00:06:34 Et aux nouveaux conservateurs.
00:06:36 Et on nous disait "en fait le conservatisme c'est la naphtaline, c'est la boîte de conserve,
00:06:40 c'est la chose statique qui ne bouge pas, c'est le réactionnaire".
00:06:46 Enfin bref, des caractéristiques qui étaient plutôt signes de quelque chose d'enquilosé.
00:06:52 Et on a choisi d'accoler mouvement et conservateur pour bien montrer que...
00:07:00 Vous aviez les deux pieds.
00:07:02 Exactement, que nous avions les deux pieds et qu'il ne s'agissait pas d'être enfermé de manière un peu nostalgique dans le passé.
00:07:09 Mais bien au contraire, le conservateur il est animé par la transmission.
00:07:14 Et la transmission c'est un mouvement.
00:07:16 C'est le mouvement qui consiste à allégèrement...
00:07:18 C'est aussi le mouvement du temps, de toute façon.
00:07:20 Notamment la transmission dans une famille.
00:07:25 Je sais que vous mettez beaucoup l'accent sur la famille.
00:07:28 Vous avez été chargé de la famille, je crois que ça a beaucoup compté dans votre vie politique,
00:07:34 auprès de François Fillon, dont vous fuite porte-parole, en tous les cas, de la campagne victorieuse de la primaire de 2016.
00:07:43 Vous étiez déjà élue, je crois, assez jeune d'ailleurs.
00:07:47 Oui, j'ai été élue en 2014 comme conseillère municipale.
00:07:53 Puis conseiller départemental, je crois.
00:07:55 Puis conseiller départemental en 2015.
00:07:57 Un peu par hasard, parce que je m'étais aperçue en 2014 que le jeune candidat qui se présentait à Guyancourt était en fait un voisin.
00:08:10 Donc je me suis dit, je vais quand même le recevoir pour un café, savoir un peu quelles sont ses motivations.
00:08:16 Et au terme de deux heures d'entretien fort sympathique, il me dit "mais moi je vous veux sur ma liste".
00:08:21 Et on était en...
00:08:22 Ah, ça s'est passé comme ça.
00:08:23 Ça s'est passé comme ça et je crois qu'on était en janvier 2014 pour une élection qui avait lieu en mars.
00:08:28 Et en fait, moi j'étais pas du tout...
00:08:30 Il a fallu vous décider vite.
00:08:31 J'étais pas du tout dans cette optique-là.
00:08:33 J'avais un bébé que j'allais t'aider encore.
00:08:35 Enfin, j'étais pas du tout dans l'idée de passer de l'autre côté de la barrière.
00:08:42 Et puis c'est mon mari en fait qui m'a encouragée, qui m'a dit "écoute, vas-y, c'est un garçon extra, il faut le soutenir.
00:08:48 Et puis en arrivant en janvier dans la campagne, de toute façon tu seras à la fin de la liste, donc tu ne seras pas élue,
00:08:54 donc ça ne changera pas grand-chose dans notre vie".
00:08:56 Et finalement, vous le fûtes.
00:08:57 Et voilà, parce qu'au moment où il a déposé sa liste...
00:09:00 Voilà, comme moi je sais pas faire les choses à moitié, même si je n'ai fait que deux mois de campagne, je les ai fait à fond.
00:09:05 Et donc...
00:09:06 Il vous a monté.
00:09:07 Et bah il m'a monté et au moment du dépôt à la préfecture, il m'a dit "au fait, je t'ai mise en numéro 4
00:09:11 et comme je compte bien qu'on sera au moins cinq élus, bah tu seras élue".
00:09:16 Et voilà comment ça a commencé.
00:09:17 C'est pas quoi le hasard de nos vies ? Parce que vous n'étiez pas prédisposé à faire une carrière politique ?
00:09:21 Pas du tout.
00:09:22 En plus vous aviez vos enfants.
00:09:24 C'est ça, j'étais...
00:09:25 Je crois que vous aviez six enfants à l'époque.
00:09:27 Six enfants, j'étais à Monsour...
00:09:29 Vous les aviez déjà à l'époque, il y a 8 ans ?
00:09:31 Ah oui, le bébé dont je vous parle, c'était le dernier qui a aujourd'hui 10 ans, du coup vous voyez.
00:09:35 Je viens dans votre équipe pour rendre service.
00:09:38 C'était pour rendre service parce que de fait, il faut constituer une liste, ce qui n'est pas chose facile.
00:09:44 Il y a un coup de collier à donner pour finir l'écriture du programme.
00:09:48 Donc je viens donner un coup de main, c'était vraiment la disposition intérieure
00:09:53 dans laquelle j'étais pour rentrer dans cette campagne.
00:09:57 Et ça m'a frappée parce que je me suis dit en fait, c'est cela qu'il faut garder comme état d'esprit.
00:10:03 Je fais de la politique pour rendre service.
00:10:05 Et je crois que ça donne une grande liberté.
00:10:08 C'est la vieille tradition chrétienne de la politique.
00:10:11 Le service.
00:10:12 Exactement.
00:10:13 C'est la tradition machiavélienne qui a tout envahi, qui a complètement envahi, je parle à la philosophe.
00:10:18 Le champ politique a été envahi par la lecture machiavélienne.
00:10:23 Presque machiavélique pour certains, on peut le dire.
00:10:26 Machiavélique pour certains, ce qui est une réduction de machiavél d'ailleurs.
00:10:29 Alors que pour nous, chrétiens et catholiques, faire de la politique obéit à une autre logique, c'est du service.
00:10:36 Et là c'est tout à fait le destin qui frappe à votre porte, votre voisin, qui vous engage.
00:10:41 Alors vous ne connaissez pas simplement comme élu.
00:10:44 Quand vous travaillez le terrain, en 2022, vous avez fait un assez joli score aux législatives de Versailles.
00:10:52 Je coupe à travers champs, je crois que vous étiez à 12 ou 13%.
00:10:56 20 à Versailles même.
00:10:58 Et 20 à Versailles, oui, la circonscription débordait un peu à Versailles.
00:11:01 Bon, alors, on voit à peu près vers où vous vous dirigez.
00:11:05 Pourquoi, alors même que nous avions cette coopération avec les Républicains, nous avons fait le choix de soutenir Éric Zemmour ?
00:11:14 Eh bien parce que, en plein Covid, quand l'exercice politique était devenu impossible, puisque chacun était calfeutré
00:11:21 et que donc il n'y avait plus aucune forme de militantisme ou d'exercice de l'amitié politique,
00:11:27 nous avons lancé une grande consultation avec les moyens du bord, l'équipe des bénévoles du mouvement conservateur.
00:11:35 Nous avons lancé une consultation pour aller d'une autre manière à la rencontre des Français qui étaient forcément devant leurs écrans,
00:11:42 puisque c'était ce qui nous restait.
00:11:44 Et en l'occurrence, 240 000 participations sur cette consultation, donc un succès énorme.
00:11:52 Et nous les invitions à raisonner en termes de priorité, c'est-à-dire qu'est-ce qui est prioritaire pour vous
00:11:59 dans cette future campagne pour la présidentielle qui va s'ouvrir.
00:12:03 Nous en avons fait un manifeste du conservatisme, un petit livret de 50 pages.
00:12:09 Nous étions allés remettre aux parlementaires et à Christian Jacob, qui était le président de LR, ce manifeste du conservatisme en disant
00:12:16 « Voilà la contribution des conservateurs à la campagne, à la future campagne présidentielle ».
00:12:22 J'ai vite compris que ça avait été mis sur l'étagère et que ça avait pris la poussière et que ça n'avait pas suscité un grand intérêt.
00:12:34 Et vous voilà engagé derrière Éric Zébourg.
00:12:36 Avant même qu'il n'ait déclaré sa candidature, parce qu'on est au printemps 2021.
00:12:40 Et je ne le savais pas à l'époque.
00:12:43 Ça tombait bien. Un autre mouvement conservateur avec qui vous avez des liens de plus en plus proches,
00:12:48 et je souhaite qu'il le soit de plus en plus proches, le parti qui s'appelait à ce moment-là PCD,
00:12:53 qui est devenu Via la Voix du Peuple, dirigé par Jean-Frédéric Poisson, avait fait un peu à mon instigation d'ailleurs le même choix.
00:13:01 Et nous allons peut-être revenir sur ces convergences à la fin de notre conversation avec différents mouvements conservateurs.
00:13:08 Il y a aussi le CNIP de Bruno Nort. Je crois que vous avez créé une alliance des conservateurs.
00:13:16 Et j'espère que, alors là je le dis tout de go, j'espère que cette alliance va prendre son essor, y compris par son implantation locale.
00:13:23 Mais justement, ne nous attardons pas plus qu'il nous faut sur la politique, cher Laurence Trochu,
00:13:29 parce que ce qui m'intéresse beaucoup chez vous, c'est cette recherche de cohérence intellectuelle
00:13:33 et l'infatigable passion avec laquelle vous creusez le mot conservateur, au point d'ailleurs de rencontrer des personnages conservateurs.
00:13:44 Je crois qu'il y avait Jean-Philippe Vincent qui a disparu, après avoir écrit un livre, j'aurais pas écrit le même, mais enfin un livre sur le conservatisme.
00:13:59 Entre vous, j'aime pas tellement le substantif, je préfère parler de l'esprit conservateur, le réflexe,
00:14:06 parce que nous sommes nous conservateurs des anti-idéologues, donc le is et le systématisme va mal.
00:14:13 Donc alliance des conservateurs et non pas alliance conservatrice, ça me paraît très bien, mais justement il faut savoir ce qu'il y a derrière ce mot.
00:14:21 Et si quelqu'un le sait, c'est quelques philosophes en France, on va dire Éric Rouvillois ou les auteurs du Nouveau Conservateur, j'en parle encore.
00:14:29 Mais c'est vous parce que vous avez aussi, outre Vincent, développé des relations avec des penseurs authentiques,
00:14:37 et notamment le grand Roger Scrotton que vous avez fréquenté, connu, disparu hélas en janvier 2020, un peu tôt, il avait 75 ou 76 ans,
00:14:48 et qui a laissé une trace énorme, un travail très méconnu en France.
00:14:51 Oui, oui, qui reste à exploiter.
00:14:53 Et que vous exploitez, voilà. D'autant mieux que vous l'avez connu personnellement, par circonstance d'ailleurs, l'avez-vous connu personnellement ?
00:15:00 Parce que nous voulions créer un événement, quand nous avons décidé de puiser aux sources de la pensée conservatrice,
00:15:11 évidemment on s'est tourné vers les penseurs contemporains qui étaient à même de la développer,
00:15:18 et Jean-Philippe Vincent avait une approche intéressante mais très historique, c'est-à-dire c'était plus un historien du conservatisme que un penseur du conservatisme.
00:15:28 Et donc là, il y avait...
00:15:29 Justement, il le référait à Platon, je crois.
00:15:30 Exactement.
00:15:31 Et Cicéron.
00:15:32 Exactement, et Cicéron.
00:15:33 Et qui sont en effet des sources d'inspiration.
00:15:35 Et donc c'est là que j'ai eu connaissance des travaux de Roger Scruton, et puis j'ai frappé à sa porte.
00:15:42 C'est-à-dire, vous lui avez téléphoné ?
00:15:44 Oui, par mail je crois, et il m'a répondu tout de suite.
00:15:48 Et je lui ai dit, voilà, mon projet c'est de fonder un projet politique dans la pensée conservatrice,
00:15:56 et il avait bien compris en le lisant qu'il ne s'agissait effectivement pas d'un système, d'une idéologie, encore moins d'un prêt-à-penser,
00:16:05 mais qu'il s'y référait comme à un état d'esprit.
00:16:10 Qu'est-ce que c'est l'état d'esprit conservateur ?
00:16:13 C'est ça.
00:16:14 Voilà.
00:16:15 Qui peut varier selon les âges, selon les lieux.
00:16:18 Rien ne vous prédisposait à être philosophe, pas plus qu'être politique.
00:16:22 Une appétence malgré tout qui...
00:16:24 Peut-être, tôt, tôt venu.
00:16:25 Dès l'époque du lycée.
00:16:27 Donc vraiment une volonté, mais une volonté de faire de la philosophie, et pas seulement de l'histoire de la philosophie.
00:16:36 Parce que c'était il y a 30 ans, donc les facultés accessibles à ce moment-là étaient dans une approche plus historique de la philosophie.
00:16:50 Et c'est la raison pour laquelle j'ai fait le choix d'un double cursus.
00:16:54 J'étais à la Sorbonne, mais j'étais aussi au Centre d'études philosophiques,
00:16:59 donc une école supérieure privée.
00:17:01 Mais à Paris.
00:17:03 À Paris.
00:17:04 Qui explorait la pensée aristotélicienne, et qui finalement m'a donné cet amour des présocratiques.
00:17:16 C'est là qu'est né finalement...
00:17:19 Aristote est plutôt un post-socratique, mais on oppose toujours Platon et Aristote.
00:17:22 Les vrais philosophes savent qu'ils ne s'opposent pas du tout.
00:17:25 Et qu'Aristote était un disciple qui a discuté Platon, mais qui était un disciple d'abord de Platon.
00:17:32 Mais pourquoi présocratique ?
00:17:34 Parce que justement la question qui me hantait en voyant tout ce que Socrate déjà avait pu découvrir,
00:17:42 notamment autour de la question métaphysique de l'être premier,
00:17:45 c'était finalement quelles étaient les traces dans une pensée polythéiste et empreinte de mythologie
00:17:51 de ce que Aristote avait commencé à percevoir,
00:17:55 à savoir un principe fondateur qu'il n'appelait pas Dieu, mais qui en avait les attributs.
00:18:03 Oui, l'idée suprême c'est presque le début du monothéisme.
00:18:06 Exactement.
00:18:07 On peut dire que Platon esquisse le christianisme.
00:18:10 Exactement.
00:18:11 Et Aristote aussi, notamment dans la pensée aristotélicienne et thomiste
00:18:16 qui a irrigué tout le Moyen-Âge et la civilisation chrétienne.
00:18:19 C'est comme ça qu'est venue ma volonté de toujours remonter à la source.
00:18:23 Ça excite la curiosité des jeunes filles si je veux bien le croire.
00:18:25 Oui, de toujours remonter à la source.
00:18:27 Et je crois qu'aujourd'hui, y compris dans l'exercice politique,
00:18:30 un des problèmes de méthode pour faire de la politique
00:18:34 vient précisément du fait qu'on ne remonte pas aux causes des problèmes
00:18:38 et qu'on se contente de mettre des pansements qui ne soigneront en rien le mal dont on peut souffrir.
00:18:46 Rien n'est pire que de prendre un problème, notamment un problème international,
00:18:50 à un moment donné sans comprendre la chaîne des causes.
00:18:53 Pour faire l'affaire d'Ukraine par exemple, qui est une illustration caricaturale.
00:18:57 Mais alors là, nous sommes déjà à Paris,
00:19:00 mais votre lycée je crois qu'il est en Loire-Atlantique.
00:19:03 Loire-Atlantique, exactement.
00:19:04 Et vous êtes née dans un village de Loire-Atlantique qui est tout près de l'île Évilaine, si j'ai bien compris.
00:19:09 Au confins de...
00:19:10 Qui s'appelle Villepot.
00:19:11 Qui s'appelle Villepot et qui s'écrit avec un accent circonflexe.
00:19:14 Les recherches étymologiques sont parties dans plusieurs directions,
00:19:19 mais il y avait quand même un consensus pour dire que ce village,
00:19:22 un peu ce village gaulois, était Villeposte, c'est-à-dire le dernier village.
00:19:28 Parce qu'effectivement, au confins du département de la Loire-Atlantique,
00:19:31 il y avait d'ailleurs une légende, on va appeler ça comme ça,
00:19:36 qui a hanté mon enfance parce que mon père me disait
00:19:40 "Voilà, il y a un endroit dans la forêt d'Arez qui jouxte ce village
00:19:44 où on sait que les préfets de Loire-Atlantique,
00:19:50 donc les préfets de département Loire-Atlantique,
00:19:51 Île Évilaine, Ménéloire et Mayenne,
00:19:55 pourraient déjeuner à la même table,
00:19:57 chacun restant chez soi, ayant sa chaise dans son propre département.
00:20:03 Et moi j'ai ce souvenir d'avoir enfourché mon vélo
00:20:08 pour parcourir cette forêt avec mes cousins,
00:20:11 à la recherche de l'endroit que je n'ai jamais trouvé,
00:20:14 introuvable,
00:20:15 mais qui faisait partie de mon imaginaire d'enfant.
00:20:19 C'est la Bretagne malgré tout.
00:20:22 C'est la Bretagne, oui.
00:20:24 Vous vous sentez bretonne ? Vous vous dites bretonne ?
00:20:26 Je me dis bretonne d'autant plus que ma maman, pour le coup,
00:20:29 est née en Île Évilaine.
00:20:31 Et puis que j'ai envie de dire, la question théorique de la Loire-Atlantique
00:20:36 est-elle bretonne ou pas, moi je ne me la suis pas posée.
00:20:39 Parce que la vie quotidienne...
00:20:40 Elle est récente ?
00:20:41 Oui, c'est une question récente et puis surtout,
00:20:43 la vie quotidienne était faite des traditions bretonnes, celtiques, etc.
00:20:47 Les chants, les folklores, les fesnozes.
00:20:52 Moi j'ai été bercée avec du triane et malicornes.
00:20:57 Donc j'ai envie de dire, c'est...
00:20:59 La question ne se pose pas, administrative.
00:21:01 La question ne se posait pas.
00:21:02 Enfin administrative, malgré tout, votre père était secrétaire de mairie.
00:21:04 Exactement.
00:21:05 C'est-à-dire que c'était une introduction à la politique.
00:21:08 Il parlait des affaires de la commune à table.
00:21:10 Oui, il en parlait notamment parce qu'il a été à un moment
00:21:13 où il y avait quand même des grands chantiers,
00:21:16 notamment les grands chantiers de décentralisation,
00:21:19 les grands chantiers ruraux de remembrement.
00:21:22 Remembrement, oui.
00:21:23 Vous voyez, ma langue à fourcher, j'ai dit "démembrement".
00:21:25 J'étais prête à dire "démembrement".
00:21:27 Parce que vous pensez que c'est un démembrement.
00:21:29 C'est comme ça que les paysans l'ont vécu.
00:21:32 Et je tiens justement à employer ce mot de paysan
00:21:35 parce que ce remembrement, il a transformé la tradition paysanne.
00:21:39 Il l'a détruite.
00:21:41 Il l'a détruite et il a transformé les paysans en agriculteurs.
00:21:45 Vous voyez ? Et pour moi, ce n'est pas la même chose.
00:21:47 Ah ben oui.
00:21:48 Et c'est vrai qu'il y a eu...
00:21:50 Être paysan, c'est un état.
00:21:51 L'agriculteur, c'est une profession.
00:21:52 Exactement.
00:21:53 Il y a eu cette dépossession.
00:21:54 L'état fond la profession en principe.
00:21:55 Il y a eu cette dépossession et moi j'étais très frappée
00:21:57 parce que je les voyais venir consulter les plans,
00:22:03 les cadastres, etc.
00:22:05 et ne plus savoir finalement qu'elle allait être le chez soi.
00:22:10 Et là, je rebondis sur l'analyse que fait Scruton.
00:22:13 C'est beau.
00:22:14 On prend soin de ce qui nous appartient.
00:22:18 Il y avait de ce à quoi on est attaché.
00:22:21 Et c'est ce qui fonde d'ailleurs l'écologie telle que Scruton l'a développée
00:22:25 dans "Graine philosophique".
00:22:26 Oui, exactement.
00:22:27 En fait, vous avez vécu toute votre enfance à Villepeau.
00:22:30 A toute mon enfance, oui.
00:22:31 Un peu paysanne, il y a combien ? 500, 600 habitants ?
00:22:34 600 habitants.
00:22:35 C'est rural.
00:22:38 C'était très rural et mes camarades de classe
00:22:41 savaient conduire un tracteur avant de passer à un permis de conduire pour la voiture.
00:22:45 Donc, ils étaient toujours...
00:22:46 T'as l'impression d'être mis à la patte, vous avez ramassé des pommes de terre.
00:22:51 Ah oui, la cueillette des haricots.
00:22:53 Vous savez, avec les feuilles qui collent.
00:22:55 Les feuilles de haricots collent.
00:22:58 Donc, quand vous ramassez les haricots,
00:23:00 vous pouvez vous amuser quand vous êtes enfant
00:23:02 à coller les feuilles sur le dos de celui qui fait la cueillette avec vous.
00:23:05 C'est très drôle.
00:23:06 C'est un jeu.
00:23:07 C'est un jeu, exactement.
00:23:08 Vous avez travaillé un peu.
00:23:09 Oui, oui, mais j'ai pas gardé une...
00:23:13 Je pense que je ne suis pas très douée pour ça.
00:23:16 Je pouvais exécuter, mais je n'avais pas la main verte.
00:23:19 Et aujourd'hui, c'est pas moi qui saurais fleurir un jardin.
00:23:24 Je sais le contempler, mais je saurais pas.
00:23:26 Déjà, vous étiez orientée, peut-être que vos parents en parlaient justement à ta table,
00:23:29 orientée vers les choses plus théoriques et vers la philosophie.
00:23:32 Et vers la philosophie.
00:23:33 Oui, vers la philosophie.
00:23:34 J'étais la Miss, on m'appelait la Miss Pourquoi.
00:23:40 Je demandais toujours...
00:23:41 Ah, tu es bien partie.
00:23:42 Voilà.
00:23:43 Et ça, vous l'avez creusé pendant votre scolarité.
00:23:46 Voilà, exactement.
00:23:47 Alors, cette fois au lycée à Nantes, puis à Paris.
00:23:49 Lycée à Châteaubriand.
00:23:51 À Châteaubriand, pardon.
00:23:52 Et puis à Paris, effectivement, avec ce double cursus.
00:23:55 Vous n'avez pas fait des études à Nantes, donc vous avez sauté les tables de Nantes.
00:23:58 Je suis allée à Nantes après ma licence pour faire une maîtrise, justement, sur Parménide.
00:24:04 Ah oui, alors plus tard.
00:24:05 Exactement.
00:24:06 Parce que vous n'en finissiez pas de chercher.
00:24:08 Parce qu'en fait...
00:24:09 Pour une femme politique ou un homme politique, c'est rare.
00:24:12 En fait, quand j'ai terminé ma licence...
00:24:13 Vous continuez à chercher.
00:24:14 Quand j'ai terminé la licence et que j'ai su que je voulais travailler sur Parménide,
00:24:19 j'ai découvert que le spécialiste de Parménide, il était à Nantes.
00:24:23 Donc je me suis dit, je vais aller travailler à la fac de Nantes pour l'avoir comme directeur de mémoire.
00:24:29 Et de fait, après, je m'y suis installée, puisque c'est là que j'ai rencontré mon mari.
00:24:34 Bon, avant de revenir à Paris, en région parisienne...
00:24:38 Exactement, faire un deuxième mémoire.
00:24:40 Faire un deuxième mémoire, et cette fois sur Tocqueville d'ailleurs.
00:24:42 Exactement, je vous l'ai apporté.
00:24:44 C'est un autre homme de ma vie, Tocqueville.
00:24:46 Avec Tocqueville, on le montre sur cette caméra.
00:24:49 C'est le fameux "De la démocratie en Amérique", mais c'est plus...
00:24:53 Ah oui, c'est le tome 1.
00:24:55 Oui, parce que c'est plus gros.
00:24:56 Oui, il y a deux tomes.
00:24:58 Prémonitoire à un point stupéfiant.
00:25:00 Exactement.
00:25:01 Il décrit les dérives de la société...
00:25:05 Inhérente à la démocratie.
00:25:07 Inhérente à la démocratie.
00:25:08 Qui critique.
00:25:09 Exactement, c'est-à-dire qu'elle contient en elle-même les dérives qu'on lui connaît
00:25:14 et qu'on a sous les yeux aujourd'hui.
00:25:16 Et les remède.
00:25:17 Parce que là, j'ai amené le tome 1, mais...
00:25:20 Les remèdes qu'il préconise sont aujourd'hui inopérants.
00:25:25 Les remèdes.
00:25:27 Alors là, je vous regarde avec des yeux ronds, parce que j'ai lu le premier tome, mais pas le second.
00:25:30 D'accord.
00:25:31 Dites-nous, quels remèdes ?
00:25:32 En fait, ce que dit Tocqueville, c'est que le souci d'égalité,
00:25:36 qui, on va dire, énerve le principe démocratique,
00:25:40 conduit nécessairement à un repli sur soi.
00:25:45 C'est-à-dire qu'à partir du moment où je suis l'égal de l'autre, j'ai les mêmes droits.
00:25:50 Donc, j'ai autant que l'autre le droit d'avoir ceci ou cela, quoi qu'il arrive.
00:25:56 Et quoi que je fasse, et quoi que je puisse faire, ou sache faire.
00:26:00 Et il y a une...
00:26:03 Tocqueville parle des petites ambitions, avec un peu de regard critique dans l'expression.
00:26:08 Il dit finalement, les hommes vont pouvoir acquérir ce qui va être facilement à leur portée.
00:26:13 Autrement dit, la démocratie va les conduire à s'enfermer dans le matérialisme.
00:26:19 J'ai autant le droit que mon voisin de posséder une maison, une voiture...
00:26:24 Il a fait un muscériel de droits, un écran plat...
00:26:27 Droit à la télévision, droit au repos...
00:26:29 Exactement. À la paresse.
00:26:31 Je me défendrai un peu.
00:26:33 Voilà. Donc, il y a chez Tocqueville cette analyse
00:26:37 de ce que peut donner le système démocratique,
00:26:40 dès lors qu'il s'enferme dans le matérialisme et dans l'individualisme.
00:26:45 Et l'égalitarisme.
00:26:47 Mais tout cela étant la conséquence d'une vision égalitariste.
00:26:51 Non pas qu'il critique le nouveau régime.
00:26:54 Il se dit maintenant, moi je suis un penseur de la modernité,
00:26:58 je ne suis pas en train de dire qu'il va falloir revenir à un ancien régime.
00:27:01 Simplement, dans cette modernité,
00:27:04 comment allons-nous faire pour à la fois sauver l'individu
00:27:11 qui est advenu par le phénomène révolutionnaire,
00:27:15 et sauver le citoyen, c'est-à-dire celui qui doit continuer
00:27:20 à se préoccuper du bien commun pour que la société soit possible.
00:27:24 Et il propose comme solution le principe de l'association,
00:27:30 qu'elle soit civile ou politique,
00:27:32 parce que l'association c'est ce qui va nous décentrer de nous-mêmes,
00:27:36 même si nous pouvons nous y investir,
00:27:40 peut-être d'abord parce qu'on y trouve un intérêt,
00:27:43 c'est ce qu'il appelle l'intérêt bien entendu.
00:27:45 Sortir de l'individualisme, qui est une perversion sans fin.
00:27:49 C'est-à-dire que si au bout de mon jardin,
00:27:51 il y a un chemin qui m'est utile, mais qui est aussi utile aux voisins,
00:27:55 on va trouver une solution, chacun y aura son intérêt.
00:27:58 Et Tocqueville dit petit à petit, en s'intéressant à ce qui est commun,
00:28:03 nous allons rentrer dans une logique de bien commun et de service.
00:28:10 On en revient à ce mot.
00:28:12 - A ces deux notions aussi, bien commun.
00:28:14 - Exactement.
00:28:15 - Une vieille notion.
00:28:16 - Donc ça c'est le premier remède qu'il propose.
00:28:18 Et puis le deuxième remède, parce que là c'est l'antidote à l'individualisme,
00:28:22 c'est le fait religieux.
00:28:26 C'est-à-dire pas l'appartenance à une religion en particulier,
00:28:30 le fait religieux en tant qu'il nous relie à quelque chose qui nous dépasse.
00:28:35 Et précisément, qui nous empêche de nous enfermer dans une approche uniquement matérialiste.
00:28:39 - Et dans nos pauvres vies.
00:28:40 - Exactement.
00:28:41 Et le constat que je fais aujourd'hui, c'est que précisément,
00:28:46 ces deux ressorts-là qui seraient à même de sauver la démocratie,
00:28:53 ne sont plus actifs, ne sont plus opérants.
00:28:56 Et je me demande même si depuis l'épisode Covid,
00:28:59 il n'y a pas eu une aggravation du désengagement de ce qui nous est commun.
00:29:05 - La solitude devant l'écran.
00:29:07 - La solitude devant l'écran.
00:29:08 - Ce à quoi nous condamnent les progressistes.
00:29:09 - Et la société de consommation.
00:29:11 - En rompant les liens si nécessaire pour contrebalancer en effet.
00:29:15 - Exactement.
00:29:16 - Pour nourrir la démocratie et prévenir de la perversion individualiste.
00:29:21 - Vous avez effleuré une question qu'on ne peut pas laisser de côté,
00:29:24 libéralisme à propos de Tolgui, libéralisme et conservatisme.
00:29:27 Une question que l'on retrouve beaucoup chez Scroton justement.
00:29:31 Scroton, grand penseur conservateur, on aurait pu dire, on aurait pu croire,
00:29:37 on va le présenter un peu, qu'il aurait été un des inspirateurs du Parti conservateur.
00:29:44 Et notamment de la grande figure du Parti conservateur du XXe siècle,
00:29:48 c'est-à-dire Thatcher, qui l'a refusé de soutenir et qui l'a beaucoup critiqué.
00:29:57 En disant et en pensant presque une incompatibilité,
00:30:02 alors j'ai peur de ce mot parce que je ne crois pas qu'il faut aller si loin,
00:30:07 entre le libéralisme et le conservatisme.
00:30:09 Lui, Scroton, il faut dire, issu d'une famille carrément...
00:30:14 - Avec un père communiste.
00:30:15 - Oui, c'est ça.
00:30:16 - Et qui connaissait très bien, parce qu'il est aussi présenté comme un dissident,
00:30:21 Rodius Scroton.
00:30:22 - Une famille ouvrière, il faut dire.
00:30:23 - Dissident par rapport à sa propre histoire familiale, notamment...
00:30:28 - Je crois qu'il est né vers 1950, quelque chose comme ça.
00:30:30 - Oui, par rapport à ce que son père vivait comme ouvrier dans un monde communiste.
00:30:37 Et puis dissident aussi parce que, souvenons-nous,
00:30:41 il a mené une sorte de fronde dans les universités des pays de l'Est,
00:30:51 pour faire ce contre-pouvoir intellectuel à même de les libérer du communisme.
00:30:58 Donc il a une aspiration à la liberté comme moteur aussi de son engagement intellectuel et politique.
00:31:07 - Je suis un intellectuel français d'origine anglaise, dont le cœur bat pour la Tchécoslovaquie.
00:31:13 - C'est ça, exactement.
00:31:14 - Je crois que j'avais dit ça.
00:31:15 - Oui, c'était à peu près ça.
00:31:16 - En effet, il a fait beaucoup de choses contre le communisme,
00:31:18 qui était certainement une réponse durable à son père.
00:31:23 Mais alors, il a marqué les esprits en Grande-Bretagne.
00:31:28 Il a longtemps dirigé une revue qui s'appelait la Salisbury Review,
00:31:33 qui a été un des creusets de la pensée conservatrice.
00:31:36 J'en reviens à ce point parce que nos téléspectateurs vont se poser la question.
00:31:41 Il refuse le libéralisme, en tous les cas la loi du marché,
00:31:46 qui est l'alpha et l'oméga du satchérisme et d'une bonne partie du Parti conservateur britannique,
00:31:52 en lui opposant justement le bien commun.
00:31:55 - En lui opposant le bien commun et la beauté.
00:31:57 - Alors ?
00:31:58 - Ce qui échappe aux lois du marché et la personne humaine.
00:32:02 - Voilà, merveilleux. Venons-en à ce centre de l'iceberg.
00:32:06 C'est d'abord un esthéticien, ce n'est pas quelqu'un qui vous maquille.
00:32:09 C'est un esthéticien, c'est un penseur de la beauté.
00:32:11 - C'est un penseur de la beauté.
00:32:12 - Alors, venons-en à ce point.
00:32:14 - C'est un deuxième... ça a été ma deuxième porte d'entrée.
00:32:18 Quand j'ai commencé Scrotum, j'ai commencé avec l'ouvrage
00:32:21 "De l'urgence d'être conservateur",
00:32:23 dont le titre me paraissait correspondre exactement à ce qu'on vivait en 2018,
00:32:28 quand on a vu ce progressisme s'installer avec Emmanuel Macron.
00:32:33 L'urgence, elle était vraiment là.
00:32:35 Donc, je suis rentrée dans la pensée de Roger Scrotum par ce livre-là.
00:32:40 Et puis, petit à petit, j'ai découvert l'immensité de l'œuvre
00:32:43 et notamment son attachement à la beauté et à l'écologie.
00:32:47 Alors, non pas l'écologie...
00:32:48 - Ça va te perdre.
00:32:49 - Ça va te perdre. Non pas l'écologie...
00:32:50 - La conservation de la nature.
00:32:51 - Exactement. Non pas l'écologie telle qu'on nous la sert,
00:32:54 mais ce qu'on a fait tous les soirs ici, sur tous les plateaux,
00:32:58 avec des porte-voix qui sont discrédités d'ailleurs aujourd'hui
00:33:03 quand il s'agit de parler de la préservation de l'environnement.
00:33:08 - Ils sont même opposés aux lois naturelles.
00:33:10 - Exactement.
00:33:11 Et il y a quelque chose qui m'a frappée chez Roger Scrotum,
00:33:14 justement, c'est qu'échappait à la considération marchande
00:33:24 ce qui constituait les permanences de l'humanité
00:33:29 et parmi lesquelles, bien évidemment, la personne humaine.
00:33:34 J'ai presque envie de dire même une certaine idée de la France, la nation.
00:33:39 L'environnement au sens de ce qu'il y a de plus proche, de plus immédiat.
00:33:45 - C'est pas théorique.
00:33:46 - Exactement. C'est pas l'écologie où on va sauver la planète,
00:33:49 vous voyez, complètement déconnectée.
00:33:50 - Scrotum, par exemple, a de belles pages sur l'agacement
00:33:52 que lui procurent les promenades dans la campagne anglaise,
00:33:57 jonchées de bouteilles de bière et de canettes,
00:34:00 en disant que les producteurs de produits et de sodas et de choses de ce genre
00:34:05 externalisent une partie de leur compagnie et ne les recyclent pas.
00:34:09 - Exactement. Et puis la manière même...
00:34:11 - Ça, ça suppose une intervention de l'État.
00:34:12 - Exactement.
00:34:13 - C'est pas le marché libre qui va comme il va.
00:34:15 - Et la manière même dont il conçoit la ville,
00:34:19 parce qu'il fait une écologie de la ville,
00:34:21 en pensant la ville à travers ses différents quartiers
00:34:25 comme un être vivant avec des artères,
00:34:28 avec les portes et les fenêtres qui sont les yeux de la maison,
00:34:36 avec les rues qui permettent le lien social.
00:34:40 Aujourd'hui, nous avons des villes, notamment les villes modernes,
00:34:43 là où j'habite moi, à Saint-Quentin-en-Yvelines,
00:34:46 où chaque quartier est refermé sur lui-même.
00:34:49 Il y a des grandes artères qui sont des deux fois deux voies,
00:34:52 qui ne permettent pas la communication du quotidien.
00:34:55 - Entre un goût et l'autre, la vie.
00:34:56 - Et vous savez que juste avant de mourir,
00:34:58 puisqu'il était malade d'un cancer,
00:35:02 le Noël qui a précédé sa mort,
00:35:05 le jour de Noël, on a un petit échange par mail,
00:35:10 et il m'envoie des pages traduites et une sorte de synthèse
00:35:15 de son ouvrage "Green Philosophy".
00:35:17 Parce que ça faisait des mois et des mois que je lui disais
00:35:19 qu'il faut que cet ouvrage soit traduit.
00:35:22 Ce livre, personne n'en avait de traces exploitables,
00:35:25 et n'oubliez pas que moi, le livre m'intéressait
00:35:30 si je pouvais en retirer des orientations
00:35:36 pour une politique qui permette de décliner
00:35:40 une écologie conservatrice.
00:35:43 Et donc cette synthèse qu'il m'a envoyée,
00:35:45 il me l'a envoyée un peu sous la forme d'un testament.
00:35:48 Et je n'ai pas compris le message tout de suite.
00:35:50 - Il se savait mourir.
00:35:51 - Voilà, parce qu'il se savait mourir quelques semaines après.
00:35:54 Et moi je m'en veux parce que bêtement je lui ai dit
00:35:57 "c'est magnifique, revoyons-nous à Paris pour en parler".
00:36:00 - C'était ce qu'il fallait dire.
00:36:01 - J'étais complètement à côté de la plaque.
00:36:03 Mais je pense que c'était avec beaucoup de pudeur
00:36:06 sa manière de dire au revoir sans le dire vraiment, vous voyez.
00:36:09 - Vous l'avez beaucoup perdu.
00:36:11 - Donc c'était très touchant.
00:36:13 Mais je me suis sentie, dans la mesure où je l'ai reçu
00:36:15 comme un héritage, je me suis sentie obligée ensuite
00:36:18 de le traduire.
00:36:21 Alors je n'en avais pas la compétence
00:36:23 parce que c'est quand même un gros pavé.
00:36:25 - Il a écrit un nombre de livres considérables.
00:36:27 - Inconsidérable. Laëtitia Strauss-Bonhart
00:36:29 qui est sa traductrice française officielle
00:36:31 m'a vite fait comprendre qu'elle s'était tellement
00:36:33 arrachée les cheveux, elle y avait passé des jours
00:36:35 et des nuits pour les précédents
00:36:37 qu'elle ne serait pas volontaire pour recommencer.
00:36:40 Donc au mouvement conservateur, on a la chance
00:36:42 d'avoir des personnes qui maîtrisent très bien l'anglais.
00:36:46 - L'anglais classique en plus.
00:36:48 - En fait on a découpé le livre.
00:36:50 On s'est dit on va faire un travail.
00:36:52 Chacun va travailler sur des chapitres.
00:36:55 Et puis après il nous faudra avoir une vision d'ensemble
00:36:57 que je me proposerais de développer.
00:37:01 Notre traduction n'a rien d'officiel,
00:37:05 elle n'a rien de labellisé.
00:37:07 Mais elle nous a permis de dessiner
00:37:10 l'état d'esprit conservateur à partir duquel
00:37:12 on pouvait penser le défi de l'écologie.
00:37:16 - Margaret Thatcher ne s'est jamais inspirée de lui,
00:37:18 ne l'a jamais rencontrée, ne l'a pas lue,
00:37:21 les conservateurs britanniques sont restés,
00:37:24 pas tous, mais en partie à l'écart du personnage.
00:37:29 C'est ce qu'il ne faut pas faire en France.
00:37:32 - En fait ce que je me dis,
00:37:34 vous voyez, nul n'est prophète en son pays.
00:37:36 Et je suis convaincue qu'on n'en est qu'au tout début
00:37:40 de l'aventure Rogers-Crotton.
00:37:42 - C'est un héritage à faire prospérer.
00:37:47 - Exactement. Et la fondation du Pont Neuf,
00:37:49 que vous avez citée Frédéric Rouillois,
00:37:51 a consacré l'hiver dernier un colloque
00:37:55 à peu près au moment de l'anniversaire de sa mort.
00:37:59 Justement pour développer, avec des intervenants
00:38:03 qui étaient à même de développer...
00:38:06 - Rouillois qui décrit justement
00:38:09 l'esprit conservateur comme une urgence.
00:38:13 - Oui, exactement.
00:38:14 - En proposant un titre de Scrotton.
00:38:16 Alors Scrotton était un peu français,
00:38:18 je le disais d'ailleurs, je suis un peu français.
00:38:20 - Il aimait le vent.
00:38:21 - Il aimait le vent.
00:38:22 - Il a aussi écrit des livres sur le vent.
00:38:23 - Il a aimé la France, il a aimé Paris.
00:38:27 Une partie importante de sa vie, courte mais décisive,
00:38:31 fut encore une coïncidence.
00:38:33 - Mai 68.
00:38:34 - Mai 68, où il était en études,
00:38:39 en prolongeant ses études à Paris.
00:38:42 Parce que pour tout Britannique, il se respecte.
00:38:44 Quand on est philosophe, on ne sait pas Paris.
00:38:46 - C'est un passage obligé.
00:38:47 - Je le précise.
00:38:49 Et il voit 68 sous ses yeux, avec un profond dégoût.
00:38:54 - Oui, oui.
00:38:55 - C'est ça qui le conforte.
00:38:57 - Qui a été un moteur.
00:38:58 Ça a été un moteur parce qu'il a vu en mai 68
00:39:03 le principe même de la destruction.
00:39:05 On pourrait dire déconstruction,
00:39:06 parce que c'était l'époque des philosophes.
00:39:09 Et donc le mot était celui-ci.
00:39:11 Mais d'une déconstruction qui était aussi
00:39:13 une destruction au sens physique du terme.
00:39:15 On enlevait les pavés et on leur cassait tout.
00:39:17 - Grégoire, Barthes, Foucault.
00:39:19 - C'est ça.
00:39:20 - Des déconstructeurs qui sont des destructeurs.
00:39:22 - Exactement.
00:39:23 Et dont on voit l'aboutissement aujourd'hui.
00:39:25 - Et qui règne sur les esprits aujourd'hui.
00:39:26 - C'est ça.
00:39:27 - Au pouvoir des esprits.
00:39:28 - Exactement.
00:39:29 - Parce qu'il reste du pouvoir.
00:39:30 - Avec notamment l'influence qu'ils ont eue sur l'éducation,
00:39:34 sur l'instruction.
00:39:36 Parce qu'ils ont inspiré ceux qu'on appelle aujourd'hui
00:39:41 les pédagogistes et qui ont fait cette révolution
00:39:45 considérant que finalement, il n'y avait plus
00:39:49 de maîtres et d'élèves.
00:39:52 Il n'y avait plus que des gens qui cherchaient ensemble
00:39:57 à connaître et à comprendre.
00:39:59 Et vous savez que quand j'ai enseigné, d'ailleurs,
00:40:01 c'était une des premières choses que j'ai faites
00:40:05 en prenant possession d'une classe.
00:40:07 Vous savez où les tables étaient disposées en U
00:40:10 parce que les élèves avaient tout sans tête, d'ailleurs,
00:40:13 qu'un cours de philosophie, c'était un vaste débat.
00:40:15 - C'était, voilà.
00:40:16 - Voilà.
00:40:17 Et moi, j'avais 23 ans.
00:40:20 - On papote.
00:40:21 - Et j'étais sans doute le plus jeune professeur
00:40:24 de l'établissement.
00:40:26 Et j'ai fait remettre les tables les unes derrière les autres.
00:40:31 - Parce qu'il y a le professeur et il y a les élèves.
00:40:33 - Exactement.
00:40:34 Alors, ils étaient étonnés que...
00:40:35 - La déconstruction va tellement loin.
00:40:36 Alors ça, c'est Platon qui serait horrifié.
00:40:38 D'ailleurs, Platon a des phrases terribles
00:40:40 sur les situations de décadence
00:40:43 quand les pères deviennent des fils.
00:40:44 - Exactement, oui.
00:40:45 - Et les professeurs des élèves.
00:40:46 J'entendais un professeur l'autre jour dire
00:40:48 "Ah, c'était une bonne année, j'ai beaucoup appris de mes élèves."
00:40:51 - Oui.
00:40:52 - Vous voyez le renversement des choses.
00:40:53 - Le renversement.
00:40:54 - La déconstruction, c'est bien ce que vous dites.
00:40:56 Alors, puisque je vous tiens, Laurence Trochu,
00:40:58 je vais vous poser deux questions
00:41:00 dont j'espère qu'elles ne sont pas trop théoriques.
00:41:02 Mais avec vous, on ne se perd pas
00:41:05 dans les échafaudages théoriques.
00:41:08 Et c'est assez précieux.
00:41:10 Première question, vous disiez tout à l'heure
00:41:12 "Mille les prophètes en son pays".
00:41:14 Il y a une grande tradition conservatrice
00:41:18 en Grande-Bretagne.
00:41:23 Il y en a une aux États-Unis,
00:41:25 assez différente d'ailleurs.
00:41:27 Et il n'est pas utile de dire que les néoconservateurs,
00:41:29 par exemple, qui polluent ce mot,
00:41:31 sont presque...
00:41:33 - Contre-productifs.
00:41:34 - Oui, c'est contre-productif.
00:41:35 Mais observons qu'ils sont presque tous des démocrates.
00:41:37 En réalité, ils ne sont pas du parti conservateur.
00:41:39 - Ils sont réels, complètement.
00:41:40 - Les néocons, comme on dit,
00:41:42 inutile de les citer tous,
00:41:45 sont plutôt des démocrates.
00:41:48 Les réalistes, comme Kissinger,
00:41:49 sont plutôt des républicains.
00:41:50 Donc on joue à fond renversé.
00:41:51 Vous voyez les mots, les mots, les mots.
00:41:53 S'il faut exercer en tant que conservateur
00:41:57 un exercice physique quotidien,
00:41:59 c'est se méfier des mots, les repolir.
00:42:01 - Mais c'est pour ça qu'on a fait ce pari
00:42:03 de reprendre le mot conservateur,
00:42:05 dont on nous disait
00:42:06 "Oh là là, ça ne marchera jamais."
00:42:09 Regardez, c'était en 2019-2020.
00:42:14 Aujourd'hui, ça fait partie des mots
00:42:16 à travers lesquels on pense le registre politique.
00:42:19 - C'est exactement ma question.
00:42:20 Le mot a mauvaise presse.
00:42:22 C'est un défi que nous relevons
00:42:24 avec le mot conservateur.
00:42:26 Parce que le mot conservateur, en France,
00:42:29 il était bien parti avec Châteaubriand,
00:42:33 avec l'équipe du conservateur, première manière.
00:42:36 - Oui, c'est ça, la première mouture.
00:42:38 - Bonald, etc.
00:42:41 - Burke, on a aussi...
00:42:43 - Oui, il y avait Burke.
00:42:45 Maistre était encore vivant,
00:42:46 il a collaboré,
00:42:47 mais ce n'était pas le noyau dur du conservateur.
00:42:49 Il faut citer, bien sûr, Burke,
00:42:51 qui est peut-être le plus gros monument,
00:42:54 avec une simplicité désarmante,
00:42:56 à visiter quand on veut s'initier
00:42:58 à la pensée conservatrice.
00:42:59 Mais ensuite, le mot en France,
00:43:01 qui était plutôt bien parti
00:43:03 avec ses plumes prestigieuses,
00:43:05 s'est affadé.
00:43:07 Au fond, le conservateur,
00:43:09 c'est un type qui est assis sur un fauteuil,
00:43:11 comme nous le sommes,
00:43:13 en beau bourgeois,
00:43:14 il nous manque la pipe, le cigare,
00:43:16 la tasse de thé...
00:43:18 - La pipe, pour moi, ça va être dur, mais...
00:43:20 - Ou bien le verre d'alcool.
00:43:22 Mais...
00:43:25 Et puis, les charantaises aux pieds.
00:43:29 Enfin, je veux dire, le conservateur...
00:43:31 - Le cliché, oui.
00:43:32 - Il a fini...
00:43:33 - La naftaline.
00:43:34 - Oui, la naftaline.
00:43:35 Il a fini par prendre un très mauvais sens.
00:43:37 Mais je me pose une question,
00:43:39 et je vous la pose.
00:43:40 Est-ce que le mouvement conservateur,
00:43:42 en France, dans son histoire,
00:43:44 n'a pas pris d'autres mots ?
00:43:46 À la fin du XIXe siècle,
00:43:50 et surtout au début du XXe,
00:43:52 au fond, l'esprit conservateur français
00:43:55 est devenu ce qu'il était à l'origine,
00:43:57 au fond, contre-révolutionnaire,
00:43:59 c'est-à-dire royaliste.
00:44:01 Est-ce que l'action française n'a pas été
00:44:03 le grand mouvement...
00:44:04 C'est une thèse de Rouvillois,
00:44:06 dont nous parlons encore.
00:44:07 Nous allons l'inviter, Frédéric Rouvillois,
00:44:09 pour poursuivre notre réflexion
00:44:10 sur l'esprit conservateur.
00:44:12 Est-ce que l'action française n'a pas été
00:44:14 le grand mouvement conservateur
00:44:16 du XXe siècle,
00:44:19 avec son rejeton "Tout trouvé",
00:44:21 qui est le gaullisme.
00:44:23 De Gaulle a lu l'action française
00:44:25 du début à la fin,
00:44:27 jusqu'en 1938, en tous les cas,
00:44:29 d'après ce que disait sa soeur Agnès,
00:44:32 sa soeur aînée,
00:44:34 sans faire de référence nécessaire à Maurras,
00:44:38 encore qu'il en a fait.
00:44:40 Ce mouvement "Action française et gaullisme"
00:44:44 n'ont-ils pas été essentiellement
00:44:46 conservateurs à la française ?
00:44:48 À la française ?
00:44:49 Oui, par ce souci des permanences.
00:44:53 Ce souci des permanences,
00:44:55 cette volonté de considérer que
00:44:58 l'histoire n'a pas commencé
00:45:03 à la révolution française,
00:45:05 et que ces différentes étapes ont forgé,
00:45:09 et l'expression est de De Gaulle,
00:45:11 ont forgé l'âme française.
00:45:13 Et je pense que notre rôle aussi
00:45:16 est de ranimer cette âme française.
00:45:19 Et la continuité, ainsi que pour tous les peuples.
00:45:21 Exactement, le droit à la continuité historique.
00:45:24 Quand il parle de la Russie
00:45:26 qui a absorbé le communisme comme un buvard,
00:45:28 ça c'est typiquement conservateur.
00:45:30 C'est-à-dire que l'essence,
00:45:32 et c'est même platonicien,
00:45:34 l'essence de la Russie est plus forte
00:45:36 que ce que les mots,
00:45:38 on revient à la vieille chorale des mots et des choses,
00:45:40 ce que les mots qu'on colle sur lui ou sur elle,
00:45:44 qui sont passagers et qui se détériorent.
00:45:46 La France, c'est la France !
00:45:48 Et vous savez cette anecdote quand il va à Fécamp,
00:45:50 tout le monde s'est fichu de lui,
00:45:52 "je salue Fécamp, petit port de pêche,
00:45:54 et qui entend le rester".
00:45:56 C'est une tautologie très platonicienne
00:45:58 qui veut dire qu'une chose est une chose
00:46:00 et doit le rester.
00:46:02 Fécamp est un port de pêche,
00:46:04 il est au bord de la mer,
00:46:06 il ne va pas s'installer dans le son.
00:46:08 Vous voyez à quel point ce genre d'évidence
00:46:10 pourrait ne plus en être aujourd'hui.
00:46:12 Et voilà, je voulais en venir là.
00:46:14 En fait, on n'a même plus
00:46:16 la liberté de parole
00:46:18 sur la réalité.
00:46:20 Et je pense que
00:46:22 l'une des grandes caractéristiques
00:46:24 de l'état d'esprit conservateur,
00:46:26 c'est de revenir au réel.
00:46:28 Et c'est là qu'il y a aussi une filiation
00:46:30 présente
00:46:32 dès la création de "Sens commun".
00:46:34 Le slogan de "Sens commun"
00:46:36 à sa naissance en 2013,
00:46:38 c'était "réconcilier la politique
00:46:40 avec le réel".
00:46:42 C'est très prémonitoire.
00:46:44 C'est très prémonitoire.
00:46:46 Quel an il est, dites-vous ?
00:46:48 2013, il y a 10 ans.
00:46:50 Oui, un peu dans la foulée de la manif.
00:46:52 C'est pour ça que je suis sur cette année 2013,
00:46:54 c'était la grande année des grandes manifestations.
00:46:56 Et puis des manifestations qui étaient en réponse,
00:46:58 souvenez-vous, à cette parole
00:47:00 malheureusement prophétique de Christiane Taubira,
00:47:02 parce que la prophétie a été
00:47:04 accomplie et est en train de se réaliser.
00:47:06 Cette loi de 2013
00:47:08 ouvrant le mariage
00:47:10 aux personnes de même sexe,
00:47:12 c'est un changement de civilisation.
00:47:14 Elle l'a présenté en ces termes.
00:47:16 Quand on réactive aujourd'hui
00:47:18 la notion de droite civilisationnelle
00:47:20 portée par Éric Zemmour
00:47:22 dans la campagne présidentielle
00:47:24 et qu'on continue à porter,
00:47:26 il y a bien ces deux dimensions
00:47:28 dans la droite civilisationnelle.
00:47:30 Il y a la civilisation comme
00:47:32 identité, comme culture,
00:47:34 comme mœurs.
00:47:36 Et puis il y a
00:47:38 une civilisation qui a été façonnée
00:47:40 par
00:47:42 la chrétienté
00:47:44 et qui a dessiné
00:47:46 la notion de personne humaine.
00:47:48 C'est cette deuxième
00:47:50 jambe, j'ai envie de dire,
00:47:52 que le mouvement conservateur
00:47:54 porte en tant qu'allié de reconquête
00:47:56 dans le champ politique.
00:47:58 Vous avez participé aux
00:48:00 grandes manifestations de 2012 et 2013.
00:48:02 Oui, bien sûr.
00:48:04 Ludovine de la Rochère.
00:48:06 Elles ont contribué
00:48:08 l'une et l'autre aux nouveaux conservateurs.
00:48:10 Elles ont illustré quelque chose
00:48:12 de très important. On a dit que ce mouvement
00:48:14 était un mouvement anti-homosexuel.
00:48:16 Des conneries pour les journalistes.
00:48:18 Excusez-moi de dire le mot, mais il n'y en a pas d'autres.
00:48:20 Alors que ce que nous défendions
00:48:22 c'est l'essence des choses.
00:48:24 C'est la pérennité.
00:48:26 L'essence et le sens.
00:48:28 Un père est un père, une mère est une mère.
00:48:30 Il faut un père et une mère pour faire un enfant
00:48:32 qui est un enfant
00:48:34 et qui est un être à respecter.
00:48:36 Et non pas que l'on achète.
00:48:38 Et pas un objet, exactement.
00:48:40 Oui, un objet de marchandise.
00:48:42 C'est-à-dire que nous ramenions les choses
00:48:44 à leur principe.
00:48:46 Et à la réalité.
00:48:48 Et cette série de grandes manifestations
00:48:50 qui ont bien marché
00:48:52 ont prouvé qu'un réflexe
00:48:54 d'ordre philosophique, en réalité,
00:48:56 pouvait mobiliser un million, un million et demi.
00:48:58 De personnes dans la rue.
00:49:00 Plus qu'un million et demi.
00:49:02 Ce qui était assez prometteur.
00:49:04 Et c'est devenu politiquement sens commun.
00:49:06 Mais hélas, ça n'a pas renouvelé
00:49:08 la droite au sens de la...
00:49:10 de la droite
00:49:12 qui ne l'est plus en tous les cas.
00:49:14 Qui a perdu ses références aux permanences
00:49:16 et à la pensée des continuités, notamment nationale.
00:49:18 Complètement. Et qui en fait...
00:49:20 Cette droite qui a toujours
00:49:22 considéré qu'elle avait
00:49:24 liberté de vote sur les sujets
00:49:26 dits sociétaux.
00:49:28 Cette expression.
00:49:30 Mais...
00:49:32 En faisant ce choix-là,
00:49:34 elle traduit tout simplement qu'elle n'a pas
00:49:36 de cadre anthropologique
00:49:38 pour penser
00:49:40 la société. Parce que si on ne sait pas
00:49:42 qui est l'homme avec un grand H,
00:49:44 comment peut-on prétendre
00:49:46 diriger une société ?
00:49:48 Et elle se fait cueillir par le transhumanisme rampant.
00:49:50 Exactement. C'est-à-dire les manipulations
00:49:52 biologiques, où on ne sait plus ce qu'est l'homme.
00:49:54 Et la perte de vue de la
00:49:56 conception de l'homme
00:49:58 que postule le transhumanisme.
00:50:00 Puisqu'il veut faire un homme nouveau.
00:50:02 Et l'antispécisme.
00:50:04 Ah, et l'antispécisme.
00:50:06 Je pense qu'en fait,
00:50:08 maintenant que plus
00:50:10 personne ne sait ce qu'est un être humain,
00:50:12 précisément parce qu'il y a eu cette
00:50:16 déconstruction des repères et des limites,
00:50:18 les limites étant pour les conservateurs
00:50:20 quelque chose qui protège
00:50:22 et non pas quelque chose qui enferme.
00:50:24 Il y a eu cette déconstruction
00:50:26 qui fait que l'homme aujourd'hui est pris
00:50:28 en sandwich entre
00:50:30 l'antispécisme qui prétend que
00:50:32 l'homme n'est rien de plus
00:50:34 qu'un animal comme les autres.
00:50:36 Et puis,
00:50:38 le transhumanisme
00:50:40 qui prétend que
00:50:42 l'homme peut aussi
00:50:44 être une machine. Il peut être augmenté
00:50:46 par la machine. L'abolition de toutes les
00:50:48 distinctions. Exactement.
00:50:50 Vous voyez cette
00:50:52 fluidité que d'ailleurs, Frédéric
00:50:54 Rouvillois décrit très très bien
00:50:56 dans le livre qu'il a consacré
00:50:58 à comprendre les ressorts d'Emmanuel Macron
00:51:00 en faisant remonter au saint-simonisme.
00:51:02 Ah, saint-simon, oui.
00:51:04 Sa filiation philosophique.
00:51:06 Et bien, il montre
00:51:08 très bien ça. C'est la
00:51:10 fluidité,
00:51:12 le gender fluid en est une expression
00:51:14 ...
00:51:16 Tout ça est très cohérent. Mais ça dit quelque chose.
00:51:18 Tout ça est très cohérent.
00:51:20 Il y a chez nos adversaires une vraie cohérence.
00:51:22 Eux, ils savent où ils vont.
00:51:24 Ils savent ce qu'ils veulent. Ils savent où ils vont.
00:51:26 Et ils n'ont pas de pudeur sur les
00:51:28 chemins à...
00:51:30 Voilà, ils peuvent dire des énormités
00:51:32 mais ils les disent quand même, vous voyez.
00:51:34 Et c'est probablement ce qui manque aujourd'hui
00:51:36 aux conservateurs,
00:51:38 aux gens qui se reconnaissent dans cet état d'esprit,
00:51:40 qu'ils soient engagés ou non
00:51:42 en politique. C'est cette...
00:51:44 Cette niaque, cette ténacité.
00:51:46 Parce que ça fait dix ans qu'on est dans l'opposition.
00:51:48 Alors, on va finir
00:51:50 sur les questions politiques.
00:51:52 Notre conversation est vraiment, je vous le dis tout de coup,
00:51:54 je ne dis pas toujours passionnante et je pense qu'on pourrait
00:51:56 rester quelques heures parce que vous avez
00:51:58 beaucoup de choses à dire, beaucoup de répondants.
00:52:00 Ma deuxième question, un peu théorique,
00:52:02 avant de finir sur
00:52:04 les perspectives politiques, il faut y venir aussi.
00:52:06 Et la suivante.
00:52:08 On me demande
00:52:10 souvent, bon,
00:52:12 vous dirigez le Nouveau Conservateur, mais dites-moi ce que c'est
00:52:14 qu'être conservateur.
00:52:16 Alors, je réponds, il y a deux choses.
00:52:18 C'est d'abord pas un système, et je voudrais savoir votre réponse.
00:52:20 Je vous propose ma réponse,
00:52:22 vous allez bien en avoir à critiquer, il le faut.
00:52:24 D'abord,
00:52:26 la croyance en quelques principes
00:52:28 qui ne sont pas de l'ordre idéologique
00:52:30 mais qui sont des observations immuables.
00:52:32 Alors, il faut dire la liberté,
00:52:36 il faut dire
00:52:38 l'appartenance
00:52:40 à une communauté,
00:52:42 les animaux sociaux, ça c'est
00:52:44 anthropologique.
00:52:46 C'est-à-dire, communauté à la fois au sens historique et au sens géographique.
00:52:48 Oui, c'est-à-dire aussi bien le village
00:52:50 que la tradition.
00:52:52 Scrotone m'avait dit, la porte d'entrée dans le conservatisme en France,
00:52:54 c'est la nation.
00:52:56 C'est intéressant qu'il ait dit ça, parce que
00:52:58 vous savez, il y a quelque chose que je constatais
00:53:00 quand je commençais, voilà,
00:53:02 personnellement à me dire
00:53:04 conservatrice.
00:53:06 On me dit, ah oui, mais moi aussi, je suis conservateur sur les sujets
00:53:08 de société, je suis libérale en économie,
00:53:10 je suis patriote
00:53:12 ou je suis européiste
00:53:14 sur les sujets régaliens, etc.
00:53:16 Il y avait cette manie de découper
00:53:18 les secteurs.
00:53:20 Et ce que j'ai compris en travaillant avec Rogers Scrotone,
00:53:22 c'est que
00:53:24 le conservatisme permettait d'unifier
00:53:26 tout cela. Et ce qu'on a
00:53:28 traduit, nous, au mouvement conservateur,
00:53:30 à travers cinq verbes.
00:53:32 Des verbes d'action.
00:53:34 Justement parce que...
00:53:36 Recevoir.
00:53:38 C'est-à-dire, nous sommes les héritiers
00:53:40 d'une culture, d'une civilisation, d'une géographie,
00:53:42 d'une conception
00:53:44 de la personne humaine, des relations hommes-femmes,
00:53:46 tout ce que vous voulez. Aimer.
00:53:48 C'est-à-dire à rebours des progressistes
00:53:50 qui sont là pour détruire.
00:53:52 Nous aimons le réel, nous aimons
00:53:54 les gens,
00:53:56 nous aimons la... - La création.
00:53:58 - La création, mais la création
00:54:00 habitée. Vous voyez, parce que je pense
00:54:02 qu'on ne s'engage pas en politique si on n'aime pas
00:54:04 les gens qu'on veut servir.
00:54:08 Protéger.
00:54:10 Parce que les menaces, on ne va pas s'y attarder,
00:54:12 on les a déjà explicitées.
00:54:14 - Elles sont tout autour de nous. - Améliorer.
00:54:16 Parce que le conservateur n'est pas l'ennemi du progrès.
00:54:18 Il est l'ennemi du progressiste,
00:54:20 mais il n'est pas l'ennemi du progrès. - Avec pragmatisme.
00:54:22 - Et... - C'est-à-dire selon les circonstances.
00:54:24 - Exactement. - Qu'est-ce que l'on peut faire.
00:54:26 - Et transmettre. Parce que ce que nous faisons,
00:54:28 enfin, je veux dire, si on y passe autant de temps,
00:54:30 voilà, c'est parce qu'on a cette conscience
00:54:32 que nous ne sommes pas
00:54:34 propriétaires,
00:54:36 précisément, de cet héritage,
00:54:38 et que notre engagement, il est
00:54:40 pour les générations futures. Et là, c'est aussi
00:54:42 la maman qui vous parle. Parce que quel monde
00:54:44 allons-nous laisser... - Mère de six enfants, on l'a dit.
00:54:46 - À nos enfants. Exactement.
00:54:48 - Mais alors, il y a un point sur lequel
00:54:50 il faut insister parmi ces cinq verbes, c'est protéger.
00:54:52 Et justement,
00:54:54 il y a derrière cela un paradigme
00:54:58 dont nous pourrions faire aussi un paradigme
00:55:00 central, c'est la nature. C'est la protection
00:55:02 de la nature, mais la nature humaine aussi.
00:55:04 - Humaine. - Et les lois de la nature
00:55:06 qui sont immémoriales.
00:55:08 Et puis,
00:55:10 la loi de nature.
00:55:12 Je cite toujours cet exemple
00:55:16 fou, très symbolique du passage
00:55:18 au monde, au progressisme.
00:55:20 L'anecdote de la vache folle,
00:55:24 elle m'a passionné. On s'est mis à
00:55:26 donner à un
00:55:28 carnivore
00:55:30 des farines.
00:55:32 À un herbivore des farines
00:55:34 carnées.
00:55:36 Et elles sont devenues folles.
00:55:38 C'est-à-dire, ça ne marche pas.
00:55:40 Il y a des lois de nature. On ne peut pas
00:55:42 tout faire avec des résonances, bien entendu,
00:55:44 sur les manipulations génétiques
00:55:46 qu'on nous prépare aujourd'hui, à base de
00:55:48 prétendus vaccins qui sont des injections
00:55:50 expérimentales. - Et puis, des manipulations
00:55:52 génétiques qui, indépendamment de ce sujet-là,
00:55:54 sont déjà dans la loi de bioéthique
00:55:56 de 2020,
00:55:58 puisqu'on y trouve... Alors, personne ne l'a vu
00:56:00 parce que tout le monde a été focalisé sur l'article 1
00:56:02 permettant l'APMA
00:56:04 pour les femmes
00:56:06 voulant avoir
00:56:08 des enfants ensemble.
00:56:10 Mais quand même,
00:56:12 n'oublions pas que dans les articles,
00:56:14 je crois que c'est l'article 17,
00:56:16 on a aussi l'introduction
00:56:18 de cellules...
00:56:20 Alors, je ne sais plus dans quel sens c'est,
00:56:22 de cellules humaines dans l'animal.
00:56:24 - Oui, c'est les fameuses chimères.
00:56:26 - Les chimères.
00:56:28 - Et la loi a été votée.
00:56:30 - Oui, oui, oui.
00:56:32 On ne sait pas à quel point on avance vers
00:56:34 le transhumanisme, à grand pas,
00:56:36 mais secret, silencieux, incompris
00:56:38 et d'autant moins jaugé.
00:56:40 On a perdu les références, c'est ça,
00:56:42 la grande damnation du monde moderne.
00:56:44 Ma fesselie était assez
00:56:46 prolixe sur le sujet. On a perdu
00:56:48 le sens des choses,
00:56:50 le sens des mots, la vérité
00:56:52 d'une chose telle qu'un mot
00:56:54 est censé la traduire plus ou moins bien,
00:56:56 et sans les tripoter.
00:56:58 Alors redites-nous ces 5 verbes,
00:57:00 parce que je pense qu'on tient
00:57:02 un bon point.
00:57:04 - Recevoir, aimer,
00:57:06 protéger, améliorer,
00:57:08 transmettre.
00:57:10 Et vous voyez, je reviens
00:57:12 de Budapest.
00:57:14 - C'est le sens commun ?
00:57:16 C'est déjà le sens commun ?
00:57:18 - Non, c'est le mouvement conservateur.
00:57:20 Je reviens de Budapest, puisqu'il y avait
00:57:22 le sommet de la démographie.
00:57:24 - Septembre 2023.
00:57:26 - Voilà, exactement,
00:57:28 au cours duquel intervenaient
00:57:30 Viktor Orban, Georgia Melony,
00:57:32 Cathaline Novak, la présidente de Hongrie.
00:57:34 Et j'ai été frappée aussi par
00:57:36 le président de la Bulgarie,
00:57:38 qui était là, et qui disait
00:57:40 "On encourage nos enfants,
00:57:44 on les pousse
00:57:46 pour qu'ils réussissent
00:57:48 leur vie professionnelle, leur vie sociale,
00:57:50 mais est-ce qu'on les encourage
00:57:52 à fonder une famille ?"
00:57:54 La question était
00:57:56 très pertinente, parce que
00:57:58 en même temps, vous avez vu l'actualité,
00:58:00 c'est Lampedusa, c'est 11 000
00:58:02 migrants qui arrivent sur cette petite
00:58:04 île de 20 km²,
00:58:06 c'est Marion Maréchal qui fait ce déplacement
00:58:08 express pour aller
00:58:10 soutenir
00:58:12 Georgia Melony, abandonnée par l'Union Européenne.
00:58:14 Et ce défi
00:58:16 démographique, qui est le nôtre,
00:58:18 et que nous ne sommes plus en mesure de relever,
00:58:20 précisément parce que
00:58:22 ce changement de civilisation que
00:58:24 Christiane Taubira a amorcé il y a 10 ans
00:58:26 portait
00:58:28 sur la racine même
00:58:30 de la famille,
00:58:32 et de la loi naturelle
00:58:34 de la fécondité.
00:58:36 Peut-être que l'origine c'était encore avant Taubira,
00:58:38 c'est l'avortement, c'est 1974.
00:58:40 Oui, mais là il y a eu
00:58:42 avec Christiane Taubira
00:58:44 la mise en mot
00:58:46 d'un projet
00:58:48 qui était annoncé de manière
00:58:50 totalement décomplexée.
00:58:52 C'est-à-dire que c'est nous qui avions
00:58:54 des pudeurs parce que
00:58:56 on a peur d'être traité de ci,
00:58:58 de ça, etc.
00:59:00 Nous, les gens de droite, on a aussi
00:59:02 notre responsabilité. Parce que
00:59:04 la nature a horreur du vide,
00:59:06 et nos adversaires occupent
00:59:08 la place que nous leur laissons.
00:59:10 Et c'est la raison
00:59:12 pour laquelle Tocqueville,
00:59:14 et je reviens ici à
00:59:16 l'engagement sur lequel il insiste,
00:59:18 le désengagement du citoyen
00:59:20 fait un État fort,
00:59:22 trop fort, et fait des citoyens des moutons.
00:59:24 Il y a des
00:59:26 passages qui correspondent exactement
00:59:28 à la description
00:59:30 du Parlement dans le premier
00:59:32 quinquennat d'Emmanuel Macron. On a l'impression
00:59:34 que le Parlement reprend des couleurs cette fois-ci.
00:59:36 Et en Hongrie, pour le coup,
00:59:38 Victor Orban a
00:59:40 très bien dit les choses. C'est qu'il a dit
00:59:42 la question de la démographie et de la natalité,
00:59:44 bien sûr, c'est dans nos poches.
00:59:46 Et il a su répondre à cela
00:59:48 avec une politique
00:59:50 familiale absolument incroyable.
00:59:52 "Vous ne payez
00:59:54 plus d'impôts dès lors que vous avez
00:59:56 trois ans." - C'est ce qu'a fait la France avec de Gaulle.
00:59:58 - Une vraie politique nataliste.
01:00:00 - Au début, la France était en état de public, et après, la libération.
01:00:02 - Exactement. Donc c'est dans nos poches, mais il dit aussi
01:00:04 c'est dans nos têtes, c'est-à-dire dans nos mentalités.
01:00:06 Et c'est là que la référence
01:00:08 que je faisais
01:00:10 au président bulgare était intéressante.
01:00:12 Parce que nous sommes
01:00:14 là face à un choix de civilisation qui va
01:00:16 réconcilier ces deux approches de la
01:00:18 droite civilisationnelle, la culture, les
01:00:20 mœurs, avec le problème de l'immigration,
01:00:22 et puis
01:00:24 la famille comme
01:00:26 cellule de base, la conception
01:00:28 de la personne humaine,
01:00:30 la nature humaine qu'on évoquait tout à l'heure.
01:00:32 C'est-à-dire que l'une est solution de l'autre.
01:00:34 Si aujourd'hui,
01:00:36 le défi démographique
01:00:38 est relevé
01:00:40 par le choix de l'immigration,
01:00:42 c'est parce qu'ont été détruites
01:00:44 les autres solutions, et à commencer
01:00:46 par celle de la natalité.
01:00:48 - Alors, j'en reviens
01:00:50 à mon idée de réponse
01:00:52 à donner à la question
01:00:54 qu'est-ce qu'être conservateur ?
01:00:56 Vous avez cité cinq
01:00:58 piliers, qui sont des principes
01:01:00 où on peut les adapter,
01:01:02 et puis je crois qu'il y a une autre
01:01:04 branche.
01:01:06 C'est
01:01:08 un certain pragmatisme,
01:01:10 l'idée que ce qui est valable ici
01:01:12 n'est pas valable là,
01:01:14 et que le choix politique était
01:01:16 toujours contingent en fonction des circonstances,
01:01:18 autre thème du général de Gaulle,
01:01:20 et peut-être que ce qui guide
01:01:22 le choix des circonstances,
01:01:24 c'est justement peut-être l'esthétique,
01:01:26 la beauté.
01:01:28 Alors là, nous revoilà chez Platon,
01:01:30 la beauté comme symptôme,
01:01:32 comme signalement de la vérité.
01:01:34 - Oui, et vous voyez,
01:01:36 j'ai été étonnée, agréablement surprise,
01:01:38 alors j'attends de voir la réalisation,
01:01:40 mais la semaine dernière,
01:01:42 vous savez, Emmanuel Macron a annoncé
01:01:44 vouloir
01:01:46 modifier,
01:01:48 faire quelque chose
01:01:50 sur l'aménagement du territoire,
01:01:52 prenant conscience
01:01:54 de la laideur
01:01:56 des zones artisanales,
01:01:58 industrielles, commerciales.
01:02:00 - La laideur de ce monde, le condamne.
01:02:02 - Exactement, la laideur de ce monde.
01:02:04 - On sait qu'il a tort
01:02:06 parce qu'il fait des choses laides.
01:02:08 - Exactement.
01:02:10 - Et nous, en revanche,
01:02:12 nous magnifions la beauté,
01:02:14 non seulement le lieu, les lieux,
01:02:16 mais dans notre
01:02:18 mission
01:02:20 propagandiste, presque.
01:02:22 Vous savez à qui je pense ? C'est à votre presque voisin,
01:02:24 Philippe de Villiers. - Oui.
01:02:26 - C'est une œuvre esthétique,
01:02:28 avant tout,
01:02:30 qui a restauré une tradition
01:02:32 et une succession de vérités à portée universelle.
01:02:34 - Oui. - Très ancrée
01:02:36 et très universelle. - Et très universelle.
01:02:38 Et c'est aussi ça que j'ai vu en Hongrie
01:02:40 cette semaine. C'est qu'il y a une...
01:02:42 Là-bas, il magnifie
01:02:44 des traditions.
01:02:46 D'abord, le sommet avait lieu
01:02:48 au Musée des Beaux-Arts,
01:02:50 qui était un endroit magnifique.
01:02:52 Et il met en valeur
01:02:54 des traditions
01:02:56 folkloriques, etc.
01:02:58 Chez nous, moi je me souviens, je vous ai parlé
01:03:00 de ma vie à la campagne, dans les années
01:03:02 80-90,
01:03:04 quand on cherchait à perpétuer
01:03:06 ces traditions, on était les bouseux.
01:03:08 - Oui. - C'est-à-dire que... - Expérience
01:03:10 à quelques kilomètres de chez vous
01:03:12 que vivait au même moment Philippe de Villiers.
01:03:14 - Philippe de Villiers, exactement. C'est-à-dire que
01:03:16 ce patrimoine dont nous héritions,
01:03:18 que nous recevions, il ne fallait plus l'aimer.
01:03:20 - Oui, oui. - Voyez ? Et il fallait
01:03:22 s'en détacher pour prendre comme modèle
01:03:24 ce qu'on n'appelait pas encore les métropoles,
01:03:26 mais qui était ce
01:03:28 culte du pratique.
01:03:30 Voyez ? Où on ne rentre plus dans
01:03:32 les villes, on est dans les...
01:03:34 - Un magma est pouvant... - Voilà.
01:03:36 - Et notre guide, c'est bien ce que je disais, c'est la
01:03:38 beauté, c'est l'esthétique. - C'est la beauté, exactement.
01:03:40 - La réussite du puit du fou,
01:03:42 qui parle beaucoup...
01:03:44 J'aventurerais une question qui pourrait
01:03:46 vous gêner, que pensez-vous de la Révolution française ?
01:03:48 Justement, est-ce que vous vous sentez un peu
01:03:50 chouane ? Parce que la Loi
01:03:52 Atlantique, ce qui est aujourd'hui la Loi Atlantique,
01:03:54 a été chouane aussi. - A été chouane.
01:03:56 En fait, moi j'en vois
01:03:58 ce
01:04:00 beau souci de la
01:04:02 liberté,
01:04:04 mais
01:04:06 j'en vois surtout ce qui a été
01:04:08 un des...
01:04:10 Comment dire ?
01:04:12 Je sais pas
01:04:14 quel mot employer, parce qu'il y a quelque chose
01:04:16 de douloureux, je pense, y compris
01:04:18 pour les Français qui
01:04:20 font aujourd'hui
01:04:22 le constat d'un pays
01:04:24 qui est complètement divisé. - Et oui,
01:04:26 qui est divisé contre lui-même.
01:04:28 - Divisé contre lui-même, c'est-à-dire qu'il y a eu...
01:04:30 Je vais vous raconter
01:04:32 une anecdote et vous allez comprendre.
01:04:34 Il y a eu quelque chose de cassé.
01:04:36 Un jour,
01:04:38 je suis
01:04:40 sollicité
01:04:42 par l'institutrice
01:04:44 de mon fils aîné
01:04:46 qui
01:04:48 me demande de venir en entretien.
01:04:50 Alors j'étais un peu étonnée,
01:04:52 je me disais "bon, c'est un bon élève,
01:04:54 que se passe-t-il ?"
01:04:56 Et puis elle me dit "voilà, vous êtes
01:04:58 probablement royaliste,
01:05:00 peut-être monarchiste,
01:05:02 pourquoi vous me dites-vous ça ?"
01:05:04 Je comprenais pas où elle voulait en venir.
01:05:06 - C'était acquisitorial à un point inacceptable.
01:05:08 - Elle me met sous les yeux,
01:05:10 c'était une classe de CM2, donc elle me met sous les yeux
01:05:12 la copie de mon fils.
01:05:14 La question
01:05:16 qui avait été posée
01:05:18 en interrogation, en devoir, c'était
01:05:20 "quels sont les grands principes
01:05:22 fondateurs de la révolution ?"
01:05:24 Donc elle attendait
01:05:26 comme réponse "liberté,
01:05:28 égalité, fraternité".
01:05:30 Et mon fils avait répondu
01:05:32 "qu'est-ce que la liberté
01:05:34 pour un... non, qu'est-ce que le droit
01:05:36 pour un peuple qui
01:05:38 tue son roi ?" Il avait
01:05:40 9 ans. - Ça avait choqué
01:05:42 la République. - C'est pas que ça l'avait
01:05:44 choqué, non, parce qu'elle n'était pas
01:05:46 idéologue. - Elle n'était pas révoltée, d'accord.
01:05:48 - Non, non, c'était pas l'objectif de l'entretien.
01:05:50 Mais voyez, un enfant de 9 ans
01:05:52 avait été capable de comprendre
01:05:54 que quand on revendiquait
01:05:56 à tout bout de champ des droits,
01:05:58 des droits pour ci, des droits pour ça, etc.,
01:06:00 ben quelle crédibilité
01:06:02 on avait quand on avait tué son roi.
01:06:04 J'ai trouvé, c'est des anecdotes,
01:06:06 vous voyez,
01:06:08 la vérité sort de la bouche des enfants.
01:06:10 Et c'est ça qui a été,
01:06:12 qui aujourd'hui, dont souffre
01:06:14 notre nation,
01:06:16 c'est qu'elle
01:06:18 se refuse comme héritière
01:06:20 en fait, d'une
01:06:22 conception des relations
01:06:24 humaines
01:06:26 qui était celle
01:06:28 mêlant, je dirais,
01:06:30 certes,
01:06:32 certainement des injustices,
01:06:34 mais aussi la protection.
01:06:36 - Oui, alors, hélas,
01:06:38 cet entretien touche à sa fin, mais vous me
01:06:40 faites penser, on a encore un petit volet
01:06:42 politique, à ce que
01:06:44 disait ce micro
01:06:46 lors d'une précédente conversation,
01:06:48 François Martin, que vous connaissez bien,
01:06:50 qui est un des contributeurs
01:06:52 constants de
01:06:54 le Nouveau Conservateur,
01:06:56 il disait "la France est malheureuse, les Français
01:06:58 sont malheureux parce qu'ils sont divisés
01:07:00 contre eux-mêmes, ils ont perdu les trois piliers
01:07:02 de ce qu'ils font, l'être français".
01:07:04 Alors,
01:07:06 Dieu, le roi,
01:07:08 et il ajoutait la paysannerie.
01:07:10 - On a parlé de la paysannerie tout à l'heure.
01:07:12 - Et Dieu,
01:07:14 est-ce qu'on peut dire quand même
01:07:16 que ça va de soi
01:07:18 que vous êtes chrétienne et que ça fait partie
01:07:20 du logiciel conservateur ? Attention,
01:07:22 la question est piquante.
01:07:24 - La question est piquante parce que... - La foi catholique,
01:07:26 qui elle aussi, d'ailleurs, je vous
01:07:28 mets une parenthèse, comme le Puy du Fou,
01:07:30 s'est imposée peu à peu dans les Gaules
01:07:32 par la beauté,
01:07:34 par les rites, par les cathédrales,
01:07:36 par l'encens, par le chant,
01:07:38 par la musique, par la peinture.
01:07:40 Cette extraordinaire
01:07:42 floraison d'art et de
01:07:44 beauté qui a été le signal
01:07:46 d'une vérité
01:07:48 qui était la transcendance.
01:07:50 - Oui, mais je dirais finalement... - L'encens du sacrifice.
01:07:52 - Ce que vous décrivez là, c'est plus
01:07:54 la chrétienté que le christianisme.
01:07:56 - Peut-être, oui. Comme culture.
01:07:58 - C'est ce que ça a façonné.
01:08:00 Je parlais tout à l'heure de la conception
01:08:02 humaine, de la conception,
01:08:04 pardon, de la personne humaine. Elle nous
01:08:06 vient du christianisme.
01:08:08 Si aujourd'hui,
01:08:10 c'est flagrant,
01:08:12 prenez le cas de la relation
01:08:14 homme-femme. Elle nous vient du christianisme.
01:08:16 Dans notre tradition occidentale.
01:08:18 - L'égalité. - C'est bien la raison pour
01:08:20 laquelle le
01:08:22 choc avec la civilisation musulmane
01:08:24 - C'est fort. - est si fort.
01:08:26 Et je crois que c'est ce qui l'illustre le mieux.
01:08:28 Mais on est là,
01:08:30 dans cet héritage
01:08:32 dont vous avez
01:08:34 décrit les manifestations
01:08:36 visibles à travers
01:08:38 l'art, à travers
01:08:40 ce qui finalement
01:08:42 a façonné notre
01:08:44 culture.
01:08:46 Le problème, effectivement,
01:08:48 il est aussi quand on le coupe
01:08:50 de sa source. Et là,
01:08:52 je crois que
01:08:54 la loi de 1905
01:08:56 sur la laïcité, etc.
01:08:58 - Le casse-coute. - Eh bien,
01:09:00 on est le révélateur.
01:09:02 C'est-à-dire qu'aujourd'hui,
01:09:04 il y avait un
01:09:06 très très bon article dans
01:09:08 le Figaro ce week-end
01:09:10 à ce sujet. Et ça s'est fait dans la douleur.
01:09:12 La Troisième République, ça a été
01:09:14 extrêmement violent. - Il y a un très bon livre de Jean
01:09:16 Sevilla sur la violence qu'ont accompagné
01:09:18 la loi de 1905. Terrible.
01:09:20 - Au point que, voyez cet héritage...
01:09:22 - La police investissant et saccageant
01:09:24 des masses. - Exactement. Mais cet héritage
01:09:26 chrétien que vous mentionnez,
01:09:28 cet héritage culturel chrétien que vous mentionnez,
01:09:30 ce sont les mêmes
01:09:32 qui le déboulonnent.
01:09:34 C'est-à-dire qu'aujourd'hui,
01:09:36 le courant woke
01:09:38 s'attaque
01:09:40 en faisant une
01:09:42 analyse très
01:09:44 sectaire de la
01:09:46 loi de 1905, s'attaque pas
01:09:48 simplement à la transcendance
01:09:50 aux religieux et à la pratique
01:09:52 que chacun peut avoir. Il s'attaque
01:09:54 au signe
01:09:56 de ce passé-là.
01:09:58 - Bien sûr. Il faut se souvenir que dans cet épisode
01:10:00 que vous avez mentionné et qui est tellement révélateur
01:10:02 et glaçant, c'est-à-dire
01:10:04 l'enfermement,
01:10:06 le...
01:10:08 les mesures
01:10:10 anti-Covid, prétendument
01:10:12 anti-Covid, j'ai dit enfermement, ça s'appelait
01:10:14 un autre nom...
01:10:16 - Confinement. - Le confinement.
01:10:18 Oui, pardon. J'allais droit au but.
01:10:20 Une des mesures phares a été
01:10:22 la fermeture des aiguilles. C'est que même
01:10:24 la Révolution n'avait jamais osé faire.
01:10:26 Ça ne s'est jamais fait dans l'Histoire.
01:10:28 On est arrivé à fermer d'autorité.
01:10:30 D'ailleurs de quoi ?
01:10:32 La Via a marqué un point
01:10:34 en portant la question devant le Conseil d'État et en
01:10:36 obtenant un gain de cause.
01:10:38 Jean-Frédéric Poisson et ses équipes.
01:10:40 Alors...
01:10:42 Hélas, hélas, hélas, il faut que nous conclions
01:10:44 par la politique.
01:10:46 Que faire ?
01:10:48 Vous savez ce que disait Bergson ? L'avenir
01:10:50 n'est pas ce qui va arriver.
01:10:52 L'avenir, c'est ce que nous allons faire.
01:10:54 - Exactement. - Alors, qu'allons-nous faire ?
01:10:56 J'aime bien cet anti-fatalisme.
01:10:58 Et d'ailleurs, c'est ce que disait
01:11:00 Mélanie en Hongrie
01:11:02 la semaine dernière.
01:11:04 Elle disait "Le déclin
01:11:06 est un choix, ce n'est pas une fatalité."
01:11:08 Je pense que
01:11:10 le réveil
01:11:12 des Français
01:11:14 doit passer par
01:11:16 l'espérance.
01:11:18 On a évoqué tout à l'heure
01:11:20 l'héritage
01:11:22 chrétien. L'espérance
01:11:24 en est une
01:11:26 part qui, je pense, aujourd'hui
01:11:28 est probablement
01:11:30 la vertu à réactiver.
01:11:32 Et le travail
01:11:34 intellectuel.
01:11:36 - Et le travail intellectuel, bien sûr, mais ça va te faire.
01:11:38 - Pardon, vous êtes en grain de sel.
01:11:40 Je voudrais que vous fassiez dans chaque numéro
01:11:42 du Nouveau Conservateur une tribune.
01:11:44 Vous avez trop de choses à dire.
01:11:46 - Oui, oui, j'accepte.
01:11:48 - C'est fait. C'est fait devant
01:11:50 quelques dizaines de millions de spectateurs.
01:11:52 - Exactement, donc je ne pourrais pas me déviner.
01:11:54 L'espérance. Parce que le travail intellectuel,
01:11:56 c'est un moyen comme un autre.
01:11:58 Mais si vous perdez l'espérance,
01:12:00 vous n'avez plus la force pour travailler.
01:12:02 Et c'est pour ça
01:12:04 que l'espérance est, je pense,
01:12:06 ce qu'on doit
01:12:08 réactiver. Parce que
01:12:10 sans espérance, il n'y a plus d'avenir
01:12:12 possible. Ça commence par prendre
01:12:14 une adhésion à un
01:12:16 parti. Ça commence par
01:12:18 soutenir financièrement un parti pour lui
01:12:20 donner les moyens. Parce que tous ceux qui s'engagent
01:12:22 en politique, et c'est peut-être ça qui nous préserve
01:12:24 d'être des politiciens comme les autres,
01:12:26 on le fait de manière
01:12:28 bénévole. C'est ce qui nous garantit
01:12:30 aussi de ne jamais perdre pied avec la réalité.
01:12:32 Parce que quand je quitte cet entretien,
01:12:34 juste après,
01:12:36 ma préoccupation, ça va être de faire les
01:12:38 courses et puis à 17h
01:12:40 de récupérer mes enfants. Ce que je veux dire, c'est
01:12:42 qu'il y a une unité de vie qui
01:12:44 doit garantir que
01:12:46 la politique reste un service,
01:12:48 la politique reste
01:12:50 les deux pieds sur terre,
01:12:52 connectée à la réalité,
01:12:54 mais avec le cœur
01:12:56 et la tête emplis
01:12:58 d'une espérance qui fait qu'on
01:13:00 n'abandonnera pas. Parce que tout simplement, on n'a pas le droit
01:13:02 d'abandonner. - Alors, est-ce qu'on va donner corps,
01:13:04 enfin, à cette alliance des conservateurs
01:13:06 que j'attends depuis des années, que vous avez esquissée
01:13:08 - Oui, qui est esquissée - avec Bruno
01:13:10 Norte, le CNIP, - Qui est une vraie volonté.
01:13:12 - Jean-Fréderic Poisson et son équipe,
01:13:14 dont je suis d'ailleurs, je le signale, je suis
01:13:16 porte-parole de Via, et de Via,
01:13:18 je voudrais vraiment pousser les feux pour qu'il y ait une force conservatrice.
01:13:20 - Oui. - Je rends ce refuge.
01:13:22 Ça c'est entre nos mains, il faut que nous le fassions.
01:13:24 - On a cette réunion d'ailleurs, déjeunée demain,
01:13:26 réunion mensuelle avec
01:13:28 Bruno Norte pour
01:13:30 le CNIP, Jean-Frédéric Poisson
01:13:32 pour Via. Vous savez,
01:13:34 nos troupes ont appris à
01:13:36 travailler ensemble pendant la campagne
01:13:38 présidentielle. - Au sein de Reconquête, de toute façon.
01:13:40 - En étant les alliés de Reconquête.
01:13:42 - En étant très aidés d'ailleurs par Marion
01:13:44 Maréchal, Guillaume Pelletier,
01:13:46 enfin on a des correspondants
01:13:48 qui nous suivent. - Et c'est vrai que nos responsables
01:13:50 locaux, - Et Eric Zemmour, bien sûr.
01:13:52 - Nos responsables locaux
01:13:54 ont vécu
01:13:56 quelque chose de paisible pendant
01:13:58 cette campagne, au sens où
01:14:00 ils ont pu être,
01:14:02 ils ont pu travailler ensemble
01:14:04 derrière le même candidat, ce qui n'avait pas été le
01:14:06 cas, forcément,
01:14:08 dans les années passées, ou bien
01:14:10 ne serait-ce qu'à l'échelle locale,
01:14:12 ils pouvaient être engagés sur
01:14:14 des listes qui n'étaient pas les mêmes.
01:14:16 Et on a vraiment, en créant
01:14:18 cette alliance des conservateurs, on a voulu répondre
01:14:20 à leur demande, qui était de dire
01:14:22 "Mais, voilà, on veut
01:14:24 continuer à travailler ensemble,
01:14:26 parce que, voilà,
01:14:28 quand on...
01:14:30 L'union fait la force." C'est d'ailleurs le
01:14:32 titre de cette journée
01:14:34 des conservateurs que nous organisons le 14 octobre.
01:14:36 - Alors, parlons-en, c'est très
01:14:38 près. - C'est très près. - Le 14 octobre,
01:14:40 que va-t-il se passer, là, en ce moment ?
01:14:42 - Alors, je suis... - Organisé par le mouvement
01:14:44 conservateur. - Organisé par le mouvement conservateur.
01:14:46 - Et pas encore l'alliance des conservateurs. - Non, mais ils seront associés
01:14:48 très étroitement, ne serait-ce que
01:14:50 parce qu'ils seront présents, comme intervenants.
01:14:52 Je me suis dit,
01:14:54 ben, voilà, on a évoqué les conservateurs
01:14:56 à l'étranger,
01:14:58 on a vu la Hongrie,
01:15:00 on a vu l'Italie,
01:15:02 on a vu la Grande-Bretagne,
01:15:04 on a vu l'Espagne, presque
01:15:06 gagnante. - Pas loin, pas loin.
01:15:08 - Et je me suis dit,
01:15:10 il faut qu'on aille voir ce qui se passe
01:15:12 dans ces pays, c'est-à-dire,
01:15:14 sur quoi ont-ils réussi à faire l'union ?
01:15:16 Qu'est-ce qui a permis que ce soit
01:15:18 gagnant dans les urnes ?
01:15:20 - Ben, en Espagne, c'est flagrant. - Alors, exactement.
01:15:22 Je fais donc venir des parlementaires
01:15:24 de tous ces pays
01:15:26 conservateurs qui
01:15:28 ont gagné,
01:15:30 pour qu'ils nous disent, tout simplement,
01:15:32 quelles sont
01:15:34 les permanences
01:15:36 universelles, c'est-à-dire communes
01:15:38 à tous ces pays qui se
01:15:40 reconnaissent dans l'état d'esprit conservateur,
01:15:42 qui ont répondu aux
01:15:44 aspirations de leur peuple,
01:15:46 au point qu'ils ont été
01:15:48 choisis pour
01:15:50 prendre la tête dans leur pays.
01:15:52 Donc ça, ce sera vraiment
01:15:54 les enseignements que nous aurons
01:15:56 à tirer de nos
01:15:58 aînés. Vous savez, Victor Orban nous a dit
01:16:00 la semaine dernière, "Je conçois la Hongrie comme
01:16:02 un incubateur pour
01:16:04 le conservatisme. Venez
01:16:06 regarder chez nous
01:16:08 comment on s'y prend."
01:16:10 - Alors, que faut-il faire pour participer
01:16:12 à ces journées, Laurence Trochus ?
01:16:14 - Alors, il faut aller sur le site du
01:16:16 Mouvement conservateur, mouvementconservateur.fr,
01:16:18 tout simplement.
01:16:20 Regardez aussi les publications sur les réseaux sociaux.
01:16:22 - Il faut s'inscrire à la banque, peut-être ? - Il faut s'inscrire.
01:16:24 Vous avez en plus la possibilité
01:16:26 d'y déjeuner. Donc, si vous voulez
01:16:28 avoir
01:16:30 le panier repas, eh bien,
01:16:32 c'est en option et vous pouvez
01:16:34 le signaler. On fait en sorte que la journée
01:16:36 soit, je dirais,
01:16:38 la plus simple possible du point de vue
01:16:40 logistique pour que vous puissiez vous
01:16:42 concentrer sur les contenus.
01:16:44 - Et en option, on pourra trouver un nouveau conservateur.
01:16:46 - Exactement, parce que nous avons des partenaires.
01:16:48 - Le premier numéro, on a eu du nez,
01:16:50 qui date de septembre,
01:16:52 septembre 21,
01:16:54 "Covid et totalitarisme".
01:16:56 On avait vu juste,
01:16:58 parce qu'au fond, le grand adversaire
01:17:00 des conservateurs,
01:17:02 c'est l'esprit totalitaire.
01:17:04 - C'est l'esprit totalitaire. - Et la machine totalitaire qui avance.
01:17:06 - Avec son langage, avec ses codes,
01:17:08 avec ce qu'elle veut nous imposer,
01:17:13 en nous faisant croire que c'est
01:17:15 bon pour nous. Parce que derrière tout ça,
01:17:17 c'était le même mécanisme, d'ailleurs,
01:17:19 dans la manière dont
01:17:21 le Covid a été géré.
01:17:23 C'est bon pour vous.
01:17:25 Et en fait, voilà.
01:17:27 - Quelle importance nous avons
01:17:29 - Exactement. - Lutter contre ce totalitarisme
01:17:31 qui se met en place.
01:17:33 - Et donc, ces partenaires, vous en êtes,
01:17:35 Paul-Marie, je vous en remercie. Il y aura le nouveau conservateur,
01:17:37 il y aura l'ICEP, il y aura l'IFP,
01:17:39 il y aura ZEU, NIDELEY. - Il y a une floraison, le tout s'est unifié.
01:17:41 - L'uni... - Et transformé en force politique.
01:17:43 - Exactement. The European Conservative,
01:17:45 qui sera là aussi.
01:17:47 - Les Espagnols.
01:17:49 - Exactement. On aura...
01:17:51 - Les parlementaires européens. - Et oui, et puis,
01:17:53 deux tables rondes, parce que, vous savez,
01:17:55 moi j'ai toujours considéré que l'engagement politique
01:17:57 allait reposer sur ces deux piliers,
01:17:59 où vous respirez de ces deux poumons,
01:18:01 c'est-à-dire l'action et l'engagement,
01:18:03 à proprement parler, d'où mon invitation
01:18:05 à destination des parlementaires,
01:18:07 mais aussi la réflexion.
01:18:09 Je crois que notre entretien l'a illustré.
01:18:11 Et donc, il y aura deux tables rondes.
01:18:13 La première, comment protéger
01:18:15 notre patrimoine culturel.
01:18:17 Et la deuxième table ronde,
01:18:19 comment protéger notre patrimoine naturel.
01:18:21 Voilà. Avec des intervenants
01:18:23 qui seront issus de
01:18:25 Singtang, voilà,
01:18:27 qui viendront de ces mêmes pays que j'ai cités.
01:18:29 - De Singtang, de Singtang, de Singtang,
01:18:31 de Cirque de Pensée.
01:18:33 - De Cirque de Pensée.
01:18:35 Voilà. Exactement, vous voyez...
01:18:37 - Je vous taquine. Vous savez comment on dit en latin
01:18:39 "Qui bene habat, bene taquina".
01:18:41 - Exactement. Vous avez raison.
01:18:43 - Voilà. En tous les cas, il faut que nous devenions une force.
01:18:45 Et les Français doivent découvrir
01:18:47 qu'ils ont, pour la portée,
01:18:49 quelques beaux esprits.
01:18:51 Une véritable
01:18:53 égérie que vous êtes,
01:18:55 avec une sacérité et une volonté
01:18:57 remarquables. - Merci.
01:18:59 - Que j'espère, promises à un très grand avenir.
01:19:01 - Et l'espérance. - Et l'espérance.
01:19:03 Quittons-nous sur cette petite
01:19:05 fille d'espérance. - Exactement.
01:19:07 - Merci Laurence Rochus. - Merci Paul-Marie.
01:19:09 - Merci beaucoup. A bientôt. - A bientôt.
01:19:11 (générique)
01:19:13 ---
01:19:15 Sous-titrage Société Radio-Canada

Recommandée