Association France énergie éolienne et autres [Déplafonnement des avoirs des contrats de complément de rémunération bénéficiant aux producteurs d’électricité à partir d’énergies renouvelables]
Lien vers la décision :
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2023/20231065QPC.htm
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00:00 Bien, bonjour, l'audience est ouverte.
00:01 Nous avons 2 questions prioritaires de constitutionnalité
00:05 à l'ordre du jour, alors qu'elles sont très différentes.
00:08 Nous allons commencer avec la QPC
00:12 sous le numéro 2023-1065,
00:16 qui porte sur l'article 38
00:19 de la loi 2022-1157
00:23 du 16 août 2022
00:24 de finances rectificatives pour 2022.
00:29 Mme la greffière, dites-nous un peu où nous en sommes.
00:32 -Merci, M. le président.
00:34 Le Conseil constitutionnel a été saisi le 26 juillet 2023
00:37 par une décision du Conseil d'Etat
00:39 d'une question prioritaire de constitutionnalité
00:41 posée par l'association France Énergie et Éolienne,
00:44 le syndicat France Hydroélectricité
00:46 et les sociétés PSW-SAS, TTR Énergie,
00:50 ACO Énergie, SAS, Boralex Europe SRL,
00:54 CEH Clean Energy Holding AG,
00:57 EOS Wind France, SAS, H2R,
01:00 JP Énergie Environnement,
01:01 NEOEN, QEIF, Général Partner, SARL,
01:05 UNITE, Valéco, Valorem, Volkswagen GBH,
01:09 Voltalia, VSB Green Yield One GmbH,
01:15 Web Parc et Aux Liens des Vallées, SAS,
01:18 Enerpark AG, Parc et Aux Liens des Ustrolles, SAS,
01:22 Sidélia Énergie 44 et WPD One Shore France.
01:26 Portant sur la conformité aux droits et libertés
01:28 que la Constitution garantit de l'article 38
01:30 de la loi numéro 2022, 1157 du 16 août 2022
01:34 de finances rectificatives pour 2022.
01:37 Cette question relative au déplafonnement
01:38 des avoirs des contrats de complément de rémunération
01:41 bénéficiant aux producteurs d'électricité
01:43 à partir d'énergie renouvelable
01:44 a été enregistrée au secrétariat général
01:46 du Conseil constitutionnel
01:47 sous le numéro 2023-1065 QPC.
01:51 La SCP Rocheteau, Usan, Sarano et Goulet
01:54 a produit des observations dans l'intérêt
01:56 de l'association France Énergie et Eolienne
01:58 et du syndicat France Hydroélectricité
02:00 les 4 août et 4 septembre 2023.
02:03 Maître Romaric Lazerge et Olivier Texidor
02:06 ont produit des observations
02:07 dans l'intérêt des sociétés TTR Énergie,
02:10 AQE Energie, Boralex Europe,
02:12 CEH Clean Energy Holding,
02:15 AG EOS Wind France, H2R,
02:18 JP Énergie Environnement, NEOEN,
02:20 QEIF, Général Partner SARL,
02:24 UNITE, Valeco, Valorem,
02:27 Wax Wind GmbH,
02:30 Voltalia, VSB Green Yield One GmbH,
02:35 Web Parc Éolien des Valais,
02:37 Enerpark AG, Parc Éolien des Usrolles,
02:39 Sidelia Énergie et WPD One Shore France
02:43 les 11 août et 4 septembre 2023.
02:45 Maître Claire Vanini, Céline Clochet, Dubois
02:48 et Ariane Rollin ont produit des observations
02:50 dans l'intérêt de la société PSTW-ASAS
02:54 les 14 août et 4 septembre 2023.
02:56 La Première ministre a produit des observations
02:58 le 16 août 2023.
03:00 Seront entendues aujourd'hui les avocats des parties requirantes
03:02 et le représentant de la Première ministre.
03:04 -Merci, madame.
03:06 Alors, on va commencer avec maître Romaric Lazerge,
03:12 qui est avocat au Barreau de Paris,
03:14 qui représente la société TTR Énergie.
03:18 Et comme chacun ici connaît l'alphabet,
03:21 je dirais les 18 autres parties requirantes.
03:24 Maître, nous vous requérons.
03:26 Nous vous écoutons, plutôt.
03:28 -M. le président, mesdames et messieurs
03:32 les membres du Conseil constitutionnel,
03:34 vous êtes donc saisi ce matin d'une disposition
03:36 qui, non seulement, porte gravement atteinte
03:38 à des contrats en cours,
03:39 mais qui est aussi contraire à l'intérêt général
03:42 de développement accéléré de ces énergies
03:43 à un moment qui est crucial pour notre pays.
03:47 Avant de revenir évidemment sur ces points,
03:48 quelques mots au préalable sur les sociétés
03:50 que je représente avec mon confrère Olivier Texidor.
03:53 Donc, vous avez devant vous une coalition de 20 producteurs,
03:56 certains étrangers.
03:58 Leur nombre vous donne, je crois,
03:59 un indice de l'inquiétude du secteur
04:01 et aussi, je dois le dire, d'une certaine colère.
04:04 Et je souligne aussi que ce sont des producteurs indépendants
04:06 des grands groupes énergétiques
04:08 et, à ce titre, sont donc plus vulnérables
04:10 aux revirements contractuels qui peuvent être imposés
04:13 par le Parlement et par l'Etat en général.
04:16 Revenons-en à l'objet du litige,
04:17 vraiment pour schématiser,
04:19 parce que vous avez reçu de notre part
04:21 des observations écrites détaillées.
04:23 Les contrats dont nous parlons ce matin
04:24 sont donc des contrats de complément de rémunération
04:26 qui sont conclus entre des producteurs et EDF
04:29 qui agit donc à la demande de l'Etat.
04:31 Ils reposaient, au moment de leur conclusion,
04:32 sur un principe simple.
04:34 Lorsque le prix de marché auquel on vend l'électricité
04:37 est inférieur à un tarif garanti
04:39 qui s'appelle le tarif de référence,
04:40 des aides publiques sont versées.
04:42 Si, en revanche, la situation s'inverse
04:44 et que le tarif de marché devient supérieur
04:47 au tarif de référence,
04:48 alors les producteurs doivent rembourser les aides,
04:50 et ce avec intérêt.
04:52 Et une fois les aides perçues et remboursées,
04:54 ils conservent ensuite les revenus du marché.
04:56 C'était ça l'équilibre qui avait été consenti.
04:58 Et c'est ce qu'on appelait le plafonnement
05:00 des remboursements des aides.
05:01 L'article 38 est donc l'objet de la QPC
05:04 qui nous amène devant vous.
05:05 L'article 38 de la LFR pour 2022 a supprimé ce plafonnement.
05:09 Et cet article prévoit qu'au-delà d'un prix
05:10 qui s'appelle prix seuil,
05:12 qui est fixé par arrêté du gouvernement,
05:14 tous les revenus de marché sont reversés à l'Etat
05:16 et non plus conservés par les producteurs.
05:19 Il s'agit donc d'un revirement, et j'insiste sur ce point,
05:21 absolument majeur sur l'équilibre économique
05:23 et financier de ces contrats,
05:25 puisque on vient capter des recettes
05:28 qui étaient dans les mains des producteurs.
05:30 C'est aussi un revirement sur la philosophie même
05:32 de ces contrats, puisque c'est l'Etat,
05:35 et il faut insister sur ce point,
05:36 c'est l'Etat qui avait fait ce choix
05:38 pour attirer les investisseurs
05:40 de pouvoir, dans la circonstance
05:42 où il y aurait une hausse des prix,
05:44 d'intéresser les producteurs
05:46 à des revenus de marché additionnels.
05:48 Pour répondre à la QPC qui est soulevée devant vous,
05:51 vous devrez apprécier,
05:53 conformément à votre jurisprudence,
05:54 si cette atteinte portée donc au droit au maintien
05:57 des contrats en cours est justifiée.
05:59 Alors nous pourrions être très brefs.
06:02 Nous ne le serons pas complètement,
06:03 mais nous le serons un peu.
06:05 Et nous pourrions rappeler simplement
06:06 que l'Etat a agi uniquement par intérêt financier,
06:09 avec l'objectif donc de capter des recettes de marché
06:11 pour augmenter ces recettes
06:12 au bénéfice du budget général de l'Etat.
06:14 Or, conformément à votre jurisprudence,
06:16 qui est sur ce point parfaitement claire
06:18 et tout à fait constante,
06:20 l'augmentation des recettes de l'Etat
06:22 ne constitue pas un intérêt général suffisant
06:24 pour qu'il soit porté à atteinte
06:25 à des contrats légalement conclus.
06:27 Alors il se trouve, et c'est heureux,
06:28 que le gouvernement connaît votre jurisprudence.
06:30 Et c'est pour ça que devant le Parlement,
06:32 lorsqu'il a proposé cette mesure,
06:33 il a avancé un certain nombre de justifications
06:35 qui sont autres que financières.
06:37 Et je vais y revenir désormais,
06:38 je fabriquerai en ce sens deux séries d'observations
06:41 et une troisième conclusive.
06:43 Ma première observation,
06:45 c'est que pour tenter de justifier cette mesure,
06:48 le gouvernement joue une sorte de petite musique
06:50 qui, au fond, n'est pas très juridique
06:52 et selon laquelle, au fond,
06:54 l'Etat serait plus légitime que les producteurs
06:56 à bénéficier de ses revenus de marché additionnels
06:59 au-delà du prix seuil.
07:01 Disons-le d'emblée, cette petite musique,
07:02 elle sonne faux,
07:04 et elle sonne faux pour une raison simple,
07:05 c'est qu'elle repose sur des présupposés
07:06 qui sont tous grossièrement inexactes.
07:08 Première idée fausse,
07:10 le gouvernement soutient que l'Etat
07:12 est le seul à prendre le risque de marché
07:13 par le biais des contrats de complément de rémunération.
07:16 Alors, cette affirmation est d'abord trompeuse
07:18 puisque, dans le système du plafonnement,
07:20 l'Etat bénéficiait déjà des revenus de marché additionnels
07:22 qui peuvent être procurés
07:24 puisqu'il se voit rembourser toutes les aides,
07:26 ce qu'on peut considérer parfaitement légitime par ailleurs.
07:29 Mais il faut souligner ce point.
07:30 Mais surtout, l'idée est fausse
07:32 parce que, dans ce système
07:34 qui repose sur ce qu'on appelle une régulation exsantée,
07:37 c'est-à-dire avec un prix garanti qui est fixé en amont,
07:40 en réalité, les producteurs ont certes un prix garanti,
07:42 mais ils ont un risque qui est majeur,
07:44 et ce risque est double,
07:46 c'est de produire de l'électricité,
07:47 donc il y a un risque volume d'électricité,
07:49 et c'est aussi les coûts,
07:51 puisque le tarif est garanti,
07:52 mais les coûts ne sont pas garantis.
07:53 Or, les coûts, et j'y reviendrai,
07:55 ont augmenté très fortement
07:57 dans la période la plus récente.
07:59 Deuxième idée fausse,
08:00 selon l'Etat, les producteurs ne pouvaient pas anticiper
08:03 les hausses au prix de marché.
08:07 Là aussi, cet argument est assez surprenant
08:09 parce qu'on voit mal,
08:10 dans un État de droit ou dans une économie de marché,
08:12 qu'elle devrait être la justification
08:14 à ce que lorsque quelqu'un a des revenus additionnels,
08:16 quand bien même il ne les aurait pas anticipés,
08:19 on devrait le priver de ses revenus.
08:21 Mais passons.
08:22 Factuellement, cet argument est de toute façon inexact.
08:25 Le principe d'une hausse des prix
08:27 était parfaitement prévisible,
08:28 et il l'était notamment
08:30 parce que ce sont les autorités publiques,
08:31 notamment la CRE, la Commission de Régulation de l'énergie,
08:34 RTE,
08:35 qui, dès 2016, dès 2017,
08:37 avaient alerté sur des risques de tensions
08:39 à la hausse sur le marché,
08:40 compte tenu de facteurs structurels.
08:42 On pourrait y revenir tout à l'heure si vous le souhaitez.
08:44 Il était donc parfaitement légitime,
08:45 pour un investisseur avisé,
08:47 d'anticiper dans son plan d'affaires
08:49 de ces hausses potentielles de prix
08:50 sur le marché de l'électricité,
08:52 et c'est ce que les investisseurs ont fait.
08:54 Et je souligne aussi
08:56 que le fait que l'État ait prévu le système de plafonnement,
08:58 c'est la démonstration
09:00 que l'État lui-même avait anticipé
09:03 des possibles hausses sur ce marché
09:06 et avait aussi considéré qu'il était parfaitement judicieux
09:08 que les producteurs en bénéficient.
09:11 Troisième idée fausse.
09:15 Selon l'État,
09:16 le système de plafonnement aurait placé tous les producteurs
09:19 en situation de surrentabilité
09:22 dans le contexte de l'augmentation des prix de l'énergie.
09:24 Là aussi, deux séries de remarques.
09:26 La première, c'est que sur le terrain des principes,
09:28 on se demande bien ce qui peut déranger l'État
09:31 à ce que des investisseurs, des producteurs
09:33 qui prennent des risques dans un secteur vertueux
09:36 puissent, le cas échéant, gagner davantage qu'il est prévu
09:38 et ce, après avoir remboursé toutes les aides publiques
09:41 dont ils ont pu bénéficier et comme je l'ai indiqué, avec intérêt.
09:44 Au contraire, on pourrait considérer
09:47 que ça devrait être vu positivement par l'État
09:49 puisque ce serait le gage d'investissement futur.
09:51 Par ailleurs, juridiquement, cette idée ne tient pas.
09:54 Il n'y a absolument aucune exigence dans le Code de l'énergie
09:56 à ce qu'il y ait une sorte,
09:58 et c'est ce que le gouvernement viendra soutenir sans doute tout à l'heure,
10:00 mais il n'y a aucune exigence dans le Code d'énergie
10:03 de rémunération raisonnable
10:04 lorsque la rémunération n'est plus liée à des aides
10:07 mais est exclusivement liée à des revenus de marché.
10:09 Mais au-delà des questions de principe,
10:11 je voudrais juste, et je peux aussi renvoyer
10:13 au rapport économique qu'on a produit devant vous,
10:16 qu'il y aurait l'idée qu'il y aurait en espèce une surentabilité
10:19 du fait de ce plafonnement.
10:20 Elle est factuellement totalement erronée.
10:22 Et elle est au moins à deux titres.
10:23 La première, je l'ai déjà indiquée,
10:25 c'est qu'il y a un risque évolution des coûts
10:28 qui pèsent sur les producteurs
10:29 et il se trouve que ces coûts sont volatiles
10:31 et il se trouve que ces coûts ont très fortement évolué
10:34 de près de 40 % pour les coûts d'investissement
10:36 au cours des deux dernières années.
10:38 La deuxième, c'est que la suppression du plafonnement,
10:41 au-delà même, la question des coûts,
10:43 on vient rogner sur les marges de rentabilité des producteurs,
10:47 mais au-delà, il y a deux situations bien précises
10:49 dans lesquelles, en réalité, la suppression du plafonnement
10:52 vient placer les producteurs qui sont devant vous
10:55 en situation de perte nette.
10:56 Première situation, ce sont tous les producteurs
10:58 qui, dans la période récente,
11:00 mais avant que la loi entre en vigueur,
11:02 ont acquis des parts qui étaient déjà existantes
11:05 et lorsqu'ils les ont acquis,
11:06 ils ont fait comme un investisseur avisé,
11:08 ils ont valorisé dans leur prix d'acquisition
11:11 l'environnement réglementaire et contractuel tel qu'il existait
11:13 et donc ils ont tenu compte du plafonnement
11:16 et donc des revenus additionnels qui étaient liés à ce plafonnement.
11:19 Aujourd'hui, avec cette loi de finances rectificatives,
11:22 on vient les priver de ces revenus
11:24 et on vient remettre en cause leur valorisation
11:26 si les producteurs sont en perte nette.
11:29 Deuxième cas de figure qui est dommageable,
11:32 c'est le cas des appels d'offres qui sont lancés par la creux
11:34 puisque vous savez sans doute qu'il y a des guichets ouverts
11:37 et il y a aussi des appels d'offres,
11:38 donc on répond à des appels d'offres qui sont lancés par la creux
11:40 et on propose un tarif de référence qui permet d'être retenu.
11:43 Évidemment, l'intérêt du producteur est de proposer un tarif de référence,
11:46 donc tarif garanti, qui est le plus bas possible
11:48 et compte tenu des anticipations qui étaient légitimes,
11:51 les producteurs ont proposé des tarifs de référence
11:54 en anticipant sur des hausses futures
11:55 et donc des revenus additionnels
11:56 compte tenu du système de plafonnement
11:59 qui était plus bas que ce qu'ils auraient fait en l'absence du plafonnement.
12:01 Aujourd'hui, ces producteurs se trouvent aussi floués.
12:04 Donc en définitive, vous le voyez,
12:06 aucune des idées avancées par le gouvernement
12:08 ne résiste à une analyse qui est objective.
12:11 J'en viens à ma deuxième série d'observations.
12:14 Cette deuxième série, c'est que l'État tente aussi,
12:18 pas tellement d'ailleurs devant le Parlement,
12:20 plutôt devant vous dans ses observations écrites,
12:22 dans une posture d'apparence plus juridique,
12:25 de se raccrocher aux branches de votre jurisprudence
12:28 et d'invoquer des intérêts généraux
12:30 que vous avez pu retenir dans nos affaires précédentes.
12:32 Mais il se trouve que ces intérêts généraux
12:34 sont ici sans la moindre pertinence.
12:36 Je ne reviendrai pas sur les deux premiers intérêts généraux
12:39 qui ont été invoqués par l'État.
12:41 Assurer le fonctionnement concurrentiel,
12:43 la protection des consommateurs
12:45 ou encore un meilleur équilibre de la relation contractuelle
12:47 entre les producteurs et EDFOA.
12:49 Ça n'a absolument aucune pertinence ici.
12:51 Je renvoie à nos observations écrites.
12:53 Je renvoie aussi aux conclusions de la rapporteur publique
12:55 devant le Conseil d'État qui a qualifié ces allégations de fragiles,
12:58 ce qui, comme on sait, est au Conseil d'État
13:00 une manière diplomatique de dire que cela ne tient pas.
13:03 Je ne serai pas beaucoup plus long
13:05 sur le troisième intérêt général invoqué
13:07 qui est l'objectif de bon usage des données publiques.
13:10 Celui-ci n'a pas plus de consistance.
13:12 Sur ce point, l'État, d'une manière qui n'est pas très subtile,
13:15 essaie d'habiller son objectif
13:17 qui, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, est purement financier,
13:20 capter des recettes privées,
13:22 sous le paravent de la protection des données publiques.
13:24 Et pour ce faire, le gouvernement invoque devant vous
13:28 à tort la décision que vous avez pu rendre en 2020
13:31 qui concernait un dispositif d'obligation d'achat
13:34 pour le domaine de l'énergie solaire.
13:36 Mais ce précédent n'a rien à voir.
13:38 Cette décision, la décision 2020-813,
13:41 dans cette affaire était en jeu une réduction des dépenses publiques
13:45 qui était liée à des aides considérées alors comme trop importantes.
13:49 Et donc, effectivement, l'objectif de bon usage des données publiques
13:51 était parfaitement pertinent.
13:53 Ici, cela n'a rien à voir.
13:54 L'enjeu, c'est la captation de recettes de marché,
13:56 c'est l'augmentation des recettes de l'État.
13:58 Et comme l'a indiqué, là encore,
14:00 la rapporteur publique devant le Conseil d'État,
14:02 en réalité, la mesure que l'on discute ce matin devant vous,
14:05 elle s'assimile à une imposition à 100% au-delà du prix seuil.
14:10 L'article 31 n'a donc absolument rien à voir
14:12 avec le bon usage des données publiques.
14:14 Alors, il est vrai que l'État, le gouvernement,
14:17 tente un ultime tour de passe-passe juridique
14:19 dans ces observations écrites.
14:20 Et alors qu'ils ne l'avaient jamais fait jusque-là,
14:22 ni devant le Parlement,
14:24 ni dans les écritures devant le Conseil d'État d'ailleurs,
14:27 devant vous, il vient maintenant justifier
14:30 qu'au fond, le dispositif prix seuil,
14:33 la suppression du plafonnement, viseraient à redistribuer
14:36 et financer le bouclier tarifaire
14:38 qui a été mis en place dans le contexte de la crise énergétique.
14:41 Alors, cette idée, elle ne tient pas du tout debout
14:44 pour une raison simple.
14:45 Ce n'est pas l'article 38 qui finance le bouclier tarifaire,
14:48 c'est le budget général de l'État.
14:49 Il n'y a, dans l'article 38, aucune affectation juridique
14:53 à une politique publique en particulier.
14:55 Et vous ne trouverez, dans l'exposé des motifs
14:57 du projet de loi de finances rectificatives
14:59 ou dans l'exposé des motifs de l'amendement
15:02 qui a conduit à cette disposition,
15:03 aucune référence au bouclier tarifaire.
15:06 Donc, pour toutes ces raisons,
15:07 vous devrez conclure qu'il n'y a aucun intérêt général.
15:10 Je ne développe pas davantage devant vous
15:12 la question de la proportionnalité
15:13 qui est tout à fait détaillée dans nos écritures.
15:15 J'ajoute enfin, sur le terrain juridique,
15:18 c'est un point qui est également essentiel,
15:21 que nous avons évoqué dans le détail à l'écrit,
15:24 que cette disposition est par ailleurs frappée
15:27 d'incompétence négative.
15:29 Mon confrère Cédric Huzon-Sarano développera davantage ce point.
15:32 Mais en un mot, l'article 38 ne fixe aucun principe
15:36 guidant la fixation du fameux prix seuil.
15:39 La loi livre ainsi les producteurs
15:41 à la plus parfaite discrétion du gouvernement
15:43 sans référence à aucun critère ni finalité.
15:47 Et de ce fait, il y a aussi une atteinte grave
15:49 aux droits des producteurs.
15:50 Il n'y a en définitive, avant de...
15:53 Dernière observation conclusive, brève, je vous rassure,
15:56 rien qui puisse sauver cette disposition.
15:58 Elle est mal pensée, elle repose sur des présupposés
16:01 qui sont tous entièrement faux.
16:02 Elle n'a aucune justification juridique
16:04 et elle est au surplus, c'est la question
16:06 de l'incompétence négative, extrêmement mal ficelée.
16:10 Je voudrais en terminer de façon brève
16:13 avec une dernière observation plus générale
16:16 pour vous dire que l'enjeu de cette QPC,
16:21 c'est bien sûr de rétablir dans leur droit
16:24 les producteurs qui sont devant vous, derrière moi,
16:26 mais c'est aussi un enjeu collectif.
16:29 Si la France veut être au rendez-vous
16:33 de ses engagements internationaux
16:34 et de ses engagements européens en matière climatique,
16:37 il n'y aura pas d'autre choix,
16:39 c'est d'ailleurs RTE qui le dit à longueur de rapport,
16:42 c'est le président de RTE qui l'a rappelé très récemment,
16:45 que de développer radicalement, brutalement,
16:48 selon un rythme jamais vu,
16:50 les énergies renouvelables dans ce pays.
16:53 Et pour ce faire, il n'y aura pas d'autre choix non plus
16:55 que de mobiliser évidemment de l'argent public,
16:57 mais massivement de l'argent privé, massivement,
16:59 comme jamais on ne l'a fait.
17:01 Il faut donc réorienter les investissements privés
17:03 vers l'économie verte et vers les énergies renouvelables
17:05 et il y a quelques principes simples
17:06 pour se faire observer.
17:07 Rien ne sera simple en la matière,
17:09 mais il y a quelques principes
17:10 qui sont des conditions pas suffisantes, mais nécessaires
17:12 et qui rejoignent les principes constitutionnels
17:14 que j'ai discutés devant vous à l'instant
17:16 et ces principes, c'est celui de ne pas changer
17:18 les règles en cours de parti.
17:19 Quand vous modifiez des contrats en cours
17:21 pour capter des revenus privés,
17:23 vous portez atteinte aux marges d'investissement
17:24 des acteurs et vous portez atteinte
17:26 à leur capacité d'investissement
17:27 sur des investissements futurs.
17:28 Mais ce n'est pas tout.
17:29 Vous portez atteinte à la confiance des investisseurs
17:31 et je ne parle pas ici seulement
17:33 des investisseurs qui sont derrière moi,
17:34 qui sont des gens qui ont été convaincus,
17:36 des convaincus de la première heure
17:37 des investissements dans le secteur vertueux
17:39 de l'économie verte et des énergies renouvelables.
17:42 Je parle de tous ceux qui ne sont pas encore là.
17:44 Je parle de tous ceux qui investissent encore
17:46 dans des énergies qui ne sont pas renouvelables
17:49 et qui sont souvent des plus rentables, plus sûrs.
17:52 Et donc, en définitive, censurer,
17:54 en censurant cette disposition
17:56 et ce, de manière immédiate,
17:57 et ma consœur et mon confrère y reviendront,
18:00 vous rétablirez d'abord les producteurs
18:01 dans l'endroit, bien légitime,
18:03 mais vous aiderez d'une certaine façon aussi
18:05 l'État à respecter sa parole contractuelle
18:07 et à tenir un cap de long terme
18:08 pour ce secteur majeur
18:09 pour notre avenir collectif
18:11 et vous enverrez aussi un message fort
18:12 pour régler l'investissement privé
18:14 vers l'économie verte.
18:16 Je vous remercie.
18:18 Alors, maintenant, nous allons écouter
18:21 maître Claire Banini,
18:23 qui est avocate au barreau des Hauts-de-Seine,
18:25 qui représente la société PSTW,
18:30 une partie requérante.
18:32 Maître, vous avez, comme votre prédécesseur,
18:34 10 minutes. Nous vous écoutons.
18:36 -Monsieur le Président, mesdames, messieurs,
18:38 les membres du Conseil constitutionnel,
18:40 donc, je n'interviens, je dirais,
18:42 que pour la société PSTW,
18:45 qui est l'exploitant de deux parcs solaires
18:48 situés en Moselle sur d'anciens sites miniers reconvertis
18:51 qui ont, eux aussi, tous deux été affectés
18:54 par les dispositions de l'article 38
18:56 de la loi de finances rectificatives pour 2022.
18:59 Briefement, qui est PSTW ?
19:02 PSTW est une société française
19:04 qui a été constituée par le groupe Wirkon,
19:06 qui est un groupe allemand qui développe
19:08 et exploite des projets d'énergie renouvelable
19:11 en Allemagne, bien sûr,
19:13 mais également dans d'autres pays de l'Union européenne.
19:16 Ainsi que le rappelait mon confrère à l'instant,
19:19 la capacité de la France à atteindre ses objectifs climatiques
19:23 et notamment à attirer les investisseurs étrangers en France
19:27 repose en grande partie sur la stabilité
19:30 et la prévisibilité du cadre réglementaire.
19:33 C'est vraiment un élément clé pour les investisseurs privés.
19:37 Quelle est la situation de PSTW ?
19:40 Donc, PSTW a répondu en 2017
19:44 à deux appels d'offres de la Commission de régulation de l'énergie
19:47 pour développer deux projets de parcs solaires
19:50 de production d'électricité.
19:52 Et ayant été lauréat de ces deux appels d'offres,
19:55 elle a pu bénéficier d'un contrat
19:57 dit de complément de rémunération
19:59 dont mon confrère vous a rappelé les principes.
20:01 Je crois utile, à nouveau, d'insister sur ce mécanisme
20:05 de soutien de complément de rémunération
20:07 qui est fondamentalement différent
20:10 de celui qui a accompagné le déploiement
20:12 des énergies renouvelables au début des années 2000
20:15 qui s'appelait l'obligation d'achat
20:17 et dont vous avez déjà eu à connaître en 2020.
20:21 Il existe, à mon sens, quatre différences fondamentales
20:24 entre ces deux mécanismes de soutien
20:26 qui sont d'importance dans l'analyse que vous porterez
20:29 de la constitutionnalité de cet article 38.
20:32 La première qui est de taille
20:34 est que dès le démarrage du contrat,
20:36 l'électricité est vendue par le producteur
20:39 au prix du marché, sur le marché
20:41 et non achetée par l'État,
20:43 en l'occurrence EDF, obligation d'achat,
20:45 à un prix administré fixé hors marché.
20:48 La seconde qui découle de la première
20:50 est que l'aide de l'État ne se matérialise pas
20:53 par le versement intégral d'un prix administré
20:56 mais intervient uniquement sous forme de garantie
20:59 d'un prix de vente minimal.
21:01 Comme cela a très bien été rappelé par mon confrère,
21:03 le producteur vend sur le marché son électricité
21:07 et ce n'est qu'en cas de prix inférieur
21:09 à un prix de référence censé couvrir les coûts
21:12 plus une rentabilité normale des capitaux
21:14 que l'État verse une prime au producteur.
21:17 Le troisième est qu'en cas de prix de marché
21:20 supérieur au prix de référence,
21:22 le producteur rembourse à l'État les aides perçues,
21:26 ce qui en soit déjà un mécanisme vertueux
21:29 et protecteur des données publiques.
21:31 Et enfin, dans le cas de la société PSTW,
21:35 le prix de référence a été fixé
21:38 à la suite d'un appel d'offres concurrentiel,
21:41 c'est-à-dire que PSTW a été choisi
21:44 car c'était l'opérateur qui demandait
21:46 la garantie la moins élevée à l'État.
21:49 Ces effets vertueux du mécanisme
21:51 de complément de rémunération,
21:53 moins mobilisateur des données publiques
21:55 et plus protecteur du fonctionnement concurrentiel
21:57 du marché ont d'ailleurs été imposés
22:00 aux États membres par la Commission européenne
22:02 précisément pour favoriser
22:04 un fonctionnement concurrentiel du marché.
22:07 C'est important que vous les ayez bien en tête
22:09 car le gouvernement,
22:10 dans le cadre de la justification du dispositif
22:13 et de certains des motifs d'intérêt général qu'il invoque,
22:16 me semble parfois affirmer
22:18 quelques contre-vérités à ce sujet.
22:21 J'en reviens maintenant à la situation de PSTW.
22:24 Donc, compte tenu de la hausse des prix du marché
22:27 qui avait déjà démarré en 2021,
22:29 à la fin de l'année 2021,
22:31 PSTW avait remboursé la totalité
22:35 des primes versées par EDFOA
22:37 et donc des aides dont il avait bénéficié
22:40 lorsque les prix étaient inférieurs
22:42 à son tarif de référence.
22:44 Il pouvait donc,
22:45 à partir du 1er janvier 2022,
22:47 espérer légitimement conserver
22:50 les gains réalisés sur le marché
22:52 pendant toute la durée
22:54 restant à courir de son contrat.
22:56 C'est à cette espérance
22:58 que le dispositif de l'article 38
23:00 de la loi de finances rectificatives
23:02 a brutalement et rétroactivement,
23:04 j'insiste là-dessus, porté atteinte.
23:06 Donc, PSTW estime,
23:08 comme les autres producteurs,
23:10 que ce dispositif porte atteinte
23:12 d'une part à la garantie des droits
23:14 et d'autre part à l'économie
23:16 des contrats légalement conclus.
23:18 Pour sa part, le gouvernement
23:20 ne nie pas l'existence de ces deux atteintes
23:22 mais considère qu'elle répondrait
23:24 aux trois motifs d'intérêt général suivant
23:26 que mon confrère vous a rappelés.
23:28 Le premier serait le fonctionnement concurrentiel
23:30 du marché et la stabilité des prix.
23:32 Le deuxième, le rééquilibrage
23:34 de la part de la nouvelle entre les producteurs
23:36 et EDFOA.
23:38 Et le troisième, le bon emploi
23:40 des deniers publics.
23:42 À supposer que ces motifs existent,
23:44 nous y reviendrons,
23:46 le dispositif est soit inapte
23:48 à les atteindre,
23:50 soit disproportionné.
23:52 Nous avons largement développé ces points
23:54 dans nos écritures, c'est pourquoi
23:56 je me limiterai aux quelques remarques suivantes.
23:58 Tout d'abord, pour justifier
24:00 globalement du dispositif,
24:02 le gouvernement se réfère
24:04 à l'idée que l'Union européenne aurait adopté
24:06 un règlement qui viendrait, lui aussi,
24:08 instaurer un plafond de recettes
24:10 que les producteurs d'électricité
24:12 peuvent conserver et qu'in fine,
24:14 l'article 38 de la loi de finances rectificatives
24:16 poursuivrait le même objectif.
24:18 Je relèverai seulement
24:20 que le mécanisme prévu
24:22 par le règlement européen
24:24 est le strict opposé
24:26 de ce qu'a fait le législateur
24:28 au cas d'espèces.
24:30 Le règlement est limité dans le temps
24:32 à une période très courte
24:34 et l'article 38 s'applique à toute la durée
24:35 du contrat, soit potentiellement 20 ans.
24:38 Le règlement n'a aucune portée rétroactive,
24:40 mais ménage au contraire
24:42 une période transitoire
24:44 entre la publication du règlement
24:46 et l'entrée en vigueur du mécanisme de plafonnement,
24:48 contrairement au dispositif français
24:50 qui, lui, comporte une année de rétroactivité.
24:52 Et enfin, le règlement fait obligation
24:55 d'affecter les recettes à des mesures
24:57 de soutien aux consommateurs,
24:59 ce qui n'est absolument pas prévu ici.
25:02 Ensuite, si l'on reprend chacun des motifs
25:04 invoqués par le gouvernement,
25:06 on constate que, premièrement,
25:08 pour ce qui concerne le fonctionnement concurrentiel
25:10 du marché et la baisse des prix,
25:12 le dispositif est totalement inadéquat,
25:15 car, comme l'a justement rappelé
25:17 la rapporteure publique
25:19 dans ses conclusions devant le Conseil d'Etat,
25:21 les prix se forment sur des marchés
25:23 de gros, de dimension européenne
25:25 qui reposent sur les coûts
25:27 de la dernière centrale appelée,
25:30 généralement, au gaz ou au charbon.
25:31 Et le fait que des producteurs français
25:34 reversent des gains de marché à l'Etat français
25:37 et a fortiori de manière rétroactive
25:39 n'a aucune incidence sur la formation des prix
25:42 et le fonctionnement du marché.
25:44 Deuxièmement, pour ce qui concerne
25:46 le rééquilibrage des relations contractuelles
25:48 avec le DFOA, le gouvernement considère
25:50 que les gains de marché réalisés par les producteurs
25:52 engendreraient un effet d'aubaine
25:54 et que l'Etat, ayant assumé le risque de marché,
25:57 ne devrait pas en être exclu.
25:59 Elle est supposée valable,
26:01 aucun de ces deux motifs ne justifie
26:03 qu'il soit demandé un reversement rétroactif
26:06 des gains de marché,
26:08 une telle atteinte étant manifestement disproportionnée.
26:11 Par ailleurs, si un éventuel partage des gains
26:14 avec l'Etat peut être conceptuellement envisageable,
26:17 la captation à 100 % de profits réalisés
26:21 par les producteurs sans limitation dans le temps,
26:24 j'insiste bien là-dessus,
26:26 est totalement disproportionnée et confiscatoire.
26:29 Troisièmement, et j'en terminerai par là,
26:32 pour ce qui concerne le bon emploi des deniers publics,
26:34 je rappellerai trois choses.
26:36 Comme mon confrère vous l'a déjà rappelé,
26:38 il ne s'agit pas ici de diminuer un montant d'aides publiques
26:42 et donc de faire réaliser des économies à l'Etat,
26:45 mais de capter des revenus de marché
26:47 réalisés par des producteurs.
26:49 Or, un objectif de rendement budgétaire
26:51 n'a jamais été à lui seul, vous le savez,
26:53 reconnu comme un motif général suffisant
26:56 par votre jurisprudence et a fortiori,
26:58 quand il s'agit de conférer à ce dispositif
27:01 une portée rétroactive.
27:02 Alors, le gouvernement tente maladroitement
27:05 de venir prétendre que cette mesure
27:07 aurait pour objectif de financer le bouclier tarifaire,
27:10 qui est une mesure de protection du consommateur
27:13 contre la hausse des prix de détail.
27:15 Là-dessus, il est vrai que cette mesure
27:17 a bien été évoquée une fois
27:19 par le ministre de l'Économie lors des débats,
27:21 parmi de nombreuses autres considérations générales,
27:25 mais on ne peut pas considérer que cet objectif
27:27 ait dû en lui-même justifier le dispositif en question
27:30 pour trois raisons.
27:31 Aucun chiffrage préalable des recettes nécessaires
27:33 n'a été effectué, qui aurait permis
27:35 de calibrer le dispositif de manière proportionnée
27:38 à la dépense à financer.
27:39 Les recettes issues du mécanisme de plafonnement
27:42 du règlement européen financent déjà ce dispositif
27:45 et le bouclier tarifaire est limité dans le temps
27:48 alors que les recettes générées par le dispositif
27:51 de l'article 38 sont potentiellement à durée illimitée.
27:55 Tous ces éléments nous conduisent à conclure
27:58 que la mesure est, quoi qu'il arrive,
28:00 disproportionnée et qu'elle devra donc être censurée.
28:04 Enfin, et j'en terminerai très rapidement par là,
28:07 je souhaitais en quelques mots souligner à nouveau
28:10 que la censure que vous serez amené à prononcer
28:12 devra nécessairement prendre effet immédiatement
28:16 puisqu'elle ne présente aucune conséquence
28:18 manifestement excessive et que tous les effets
28:21 liés à la rétroactivité de cette mesure
28:24 devront nécessairement être éliminés.
28:27 Merci.
28:28 -Merci, maître.
28:30 Alors, nous allons maintenant écouter
28:34 maître Cédric Usan-Sarano, qui est avocat au Conseil,
28:38 qui représente l'association France Énergie et Eolienne
28:42 et le syndicat France Hydroélectricité,
28:46 parti requérant. Maître.
28:48 -Merci, M. le Président.
28:50 M. le Président, M. les membres du Conseil consignel,
28:52 je représente donc devant vous aujourd'hui
28:54 l'association France Énergie et Eolienne,
28:56 qui s'appellera bientôt France Renouvelable,
28:59 et le syndicat France Hydroélectricité,
29:01 des organisations professionnelles représentant
29:03 et défendant les intérêts collectifs
29:05 des filières de production d'énergie renouvelable.
29:08 Ces organisations professionnelles,
29:10 ce sont des interlocutrices régulières
29:12 des pouvoirs publics sur des sujets
29:14 que nous savons tous évidemment majeurs,
29:16 majeurs pas seulement pour les opérateurs des filières,
29:19 mais plus généralement pour la transition écologique
29:22 et énergétique, et donc l'intérêt général.
29:25 Je veux dire devant vous que ces acteurs institutionnels,
29:28 ce n'est jamais à la légère ni de gaieté de cœur
29:31 qu'ils s'engagent dans un contentieux contre l'État,
29:34 et encore moins qu'ils décident de contester
29:37 la constitutionnalité d'une norme adoptée par le législateur.
29:41 S'ils ont estimé être contraints de le faire ici,
29:45 c'est parce que le dispositif légal contesté
29:47 vient porter une atteinte à des intérêts essentiels
29:49 des filières de production d'énergie renouvelable.
29:52 Les organisations que je représente ont centré,
29:55 dans le cadre de l'instruction écrite
29:57 à laquelle je vous renvoie évidemment,
29:59 leur critique sur deux aspects particulièrement problématiques
30:02 de la disposition légale en cause.
30:04 D'abord la rétroactivité conférée par le législateur
30:07 au dispositif de déplafonnement des contrats
30:09 en lui faisant prendre effet à compter du 1er janvier 2022.
30:12 D'autre part, l'incompétence négative
30:14 reprochable au législateur qui n'a pas inscrit
30:17 dans la loi elle-même des garanties essentielles
30:19 pour que les droits et libertés des opérateurs concernés,
30:22 tels que protégés par la constitution, ne soient pas méconnus.
30:25 Je veux ce matin insister sur les enjeux de la QPC
30:30 qui sont cruciaux pour les filières dont je porte la parole devant.
30:35 La rétroactivité tout d'abord.
30:38 Cette rétroactivité que nous dénonçons,
30:42 elle fait que la loi ne vient pas simplement
30:45 porter atteinte à des espérances légitimes de gains futurs.
30:49 Elle vient confisquer des gains déjà réalisés
30:52 par les opérateurs concernés qu'ils avaient d'ores et déjà
30:55 intégrés à leur équation économique et à leur plan d'investissement
30:58 et qu'ils avaient donc un droit légitime à conserver
31:01 comme leur étant définitivement acquis.
31:04 Ça a été très bien expliqué par mon confrère et ma consoeur.
31:07 L'État est venu rétrospectivement bouleverser complètement
31:10 l'économie des contrats et placer les opérateurs dont nous parlons
31:14 de manière totalement imprévisible,
31:17 sans aucun délai de prévenance,
31:19 sans aucune période transitoire dans une situation
31:22 d'insécurité juridique et économique totale.
31:25 Cela vous a été démontré, je n'y reviens pas.
31:28 Il n'y a strictement aucun motif d'intérêt général
31:31 qui puisse justifier une telle remise en cause rétroactive
31:34 de situations et de droits légalement acquis.
31:37 Sur le bon emploi des deniers publics, je n'y reviens pas.
31:40 Je veux juste vous rappeler les termes de Mme Guybet
31:43 dans sa conclusion devant le Conseil d'État,
31:45 sur ce point absolument essentiel.
31:47 "Il n'est pas question ici d'alléger un poste de dépense publique,
31:51 "mais d'accroître les recettes de l'État
31:54 "en obligeant des opérateurs économiques
31:56 "à lui reverser leurs recettes de marché."
31:59 Fin de citation.
32:01 Je crois qu'il n'y a pas de doute sur l'inconstitutionnalité
32:05 de l'atteinte rétroactive portée à des droits acquis.
32:08 Alors ce sur quoi je veux spécialement attirer votre attention ce matin,
32:12 c'est sur les conséquences concrètes absolument délétères
32:17 de cette mesure rétroactive sur la situation
32:20 des filières de production d'énergie renouvelable.
32:23 Il faut bien comprendre l'impact économique et industriel
32:27 pour ces filières de cette captation rétroactive
32:30 des recettes de 2022.
32:32 Compte tenu de l'évolution des prix du marché de l'électricité,
32:35 ça vous a été très bien expliqué,
32:37 les producteurs se sont retrouvés obligés
32:40 de rembourser à travers ce qu'on appelle la prime négative
32:43 l'intégralité du complément de rémunération qu'ils avaient perçu.
32:46 Ça, c'est le fonctionnement normal
32:48 du contrat de complément de rémunération.
32:50 Là où ce n'est plus du tout normal,
32:52 c'est qu'ils ont été contraints en même temps de reverser à l'État
32:56 l'intégralité de leurs recettes de marché pour l'année 2022
32:59 alors qu'ils comptaient évidemment sur ces gains.
33:01 Et ce cumul de reversements à l'État
33:04 les a placés dans une situation absolument critique.
33:08 Il faut bien comprendre une chose, M. le Président,
33:11 Mesdames, Messieurs les membres du Conseil,
33:13 les gains d'aujourd'hui, ou plutôt d'hier,
33:16 puisque nous parlons d'une atteinte rétroactive,
33:18 ce sont les investissements de demain.
33:21 Cette captation rétroactive des gains sur l'année 2022
33:25 vient obéir gravement les capacités d'investissement
33:28 des filières de production d'énergie renouvelable.
33:30 À un moment, ça a été expliqué, absolument crucial,
33:33 puisque nous devons développer massivement
33:36 le développement des énergies renouvelables en France.
33:39 Nous devons plus que doubler la capacité
33:42 et la puissance installée dans les 10 années qui viennent.
33:45 Alors, en termes de balance, je veux simplement vous dire ceci.
33:49 Du côté de l'État, cette rétroactivité,
33:53 c'est le gouvernement qui le dit dans ses écritures,
33:55 ça représente à peu près 2 milliards et demi.
33:58 2 milliards et demi que l'État est venu,
34:00 passez-moi l'expression un peu familière,
34:02 grappiller à travers cette mesure rétroactive
34:05 et 2 milliards et demi qu'il faut rapporter
34:08 au budget général de l'État pour l'année 2023,
34:11 c'est-à-dire 450 milliards d'euros.
34:13 Ces 2 milliards et demi se sont dilués dans le budget de l'État
34:16 parce que ça a été très bien expliqué par mon confrère,
34:18 il n'y a eu aucun fléchage de ce dispositif rétroactif
34:22 vers un objectif spécifique
34:24 et en particulier vers le bouclier tarifaire.
34:26 Ça, c'est du côté de l'État un but strictement financier et budgétaire,
34:30 je n'y reviens pas.
34:32 Maintenant, quand on regarde du côté des filières,
34:35 alors là, ça n'est pas du tout la même chose.
34:37 Ces 2 milliards et demi dont nous parlons,
34:39 c'est plus d'une fois et demi, presque deux fois,
34:42 la capacité totale annuelle d'investissement,
34:46 par exemple de la filière éolienne.
34:48 C'est considérable.
34:50 Ce qu'il faut que vous compreniez,
34:52 c'est que cette captation rétroactive que nous dénonçons,
34:55 elle a pour effet de porter non seulement atteinte
34:58 à la confiance des investisseurs,
35:00 mais d'obérer et d'assécher gravement
35:03 la capacité d'auto-financement des filières de production
35:06 des énergies renouvelables,
35:08 c'est-à-dire la capacité des industriels du secteur
35:11 à porter et financer de nouveaux projets.
35:14 Alors que nous avons besoin, ça a été rappelé,
35:18 d'investissements absolument massifs
35:20 de la part des acteurs économiques des secteurs concernés.
35:23 Et ce coût porté par le législateur
35:26 à cette capacité d'investissement,
35:28 aujourd'hui, il est d'autant plus préjudiciable
35:31 avec la conjoncture économique et en particulier
35:34 le rehaussement des taux d'intérêt,
35:36 l'équation de financement des projets a totalement évolué.
35:39 Hier, les porteurs de projets pouvaient financer
35:42 en apportant seulement 10 % de fonds propres.
35:45 Les banques, les investisseurs financiers,
35:48 suivaient avec 10 % de fonds propres.
35:50 Aujourd'hui, c'est 30 à 40 % de fonds propres
35:53 qu'on exige des porteurs de projets.
35:55 Mais ces fonds propres, ils ne les ont plus.
35:58 Ce sont les gains de 2022 que l'Etat leur a pris.
36:01 Voilà la mise en balance que vous devez faire
36:04 et dont il résulte que le caractère injustifié
36:07 et disproportionné de la captation rétroactive des recettes
36:10 n'est pas discutable ici et que l'intérêt général,
36:13 il est clairement du côté de la censure de cette atteinte
36:16 et du remède qu'il vous faut impérativement apporter
36:19 à cette situation.
36:21 Concernant le remède, M. le Président,
36:24 je veux vous dire ceci.
36:26 Parce que l'atteinte inconstitutionnelle dont nous parlons
36:30 procède irréductiblement du caractère rétroactif de la mesure,
36:34 alors la seule sanction qui puisse conférer à votre décision
36:38 un effet utile, c'est précisément de faire disparaître
36:42 tous les effets rétroactifs produits
36:45 par la disposition légale litigieuse.
36:47 Il faut absolument qu'il ressorte,
36:49 sans la moindre équivoque de votre décision,
36:51 que l'abrogation des dispositions litigieuses
36:53 conférant un effet rétroactif
36:55 à un dispositif de déplafonnement
36:57 n'est non seulement à effet immédiat,
36:59 mais s'accompagne de l'effacement de tous les effets
37:02 produits par cette rétroactivité.
37:04 Concrètement, il faut que votre décision
37:07 contraigne l'État à rendre aux filières concernées
37:10 les sommes qu'il leur a inconstitutionnellement confisquées
37:13 au titre de l'année 2022.
37:15 Sinon, votre décision sera platonique
37:17 et l'État bénéficierait du fait accompli.
37:20 Voilà sur la rétroactivité.
37:22 D'un mot, et je vais plus vite, sur l'incompétence négative.
37:26 Sur ce point, ce qu'on peut fondamentalement reprocher
37:29 au législateur, c'est de n'avoir pas inscrit dans la loi
37:32 les garanties indispensables
37:34 pour que soit respectée la volonté
37:36 qu'il a pourtant lui-même exprimée
37:38 lors des travaux préparatoires.
37:40 Parce que lors des débats parlementaires,
37:42 ayant précédé l'adoption qui a institué ce déplafonnement,
37:45 le législateur a clairement reconnu l'existence
37:48 d'espérance légitime de gains sur le marché
37:51 allant au-delà du tarif de référence pour les opérateurs
37:54 et que ces opérateurs pouvaient raisonnablement anticiper.
37:57 Et le législateur s'est engagé à préserver
37:59 ces espérances légitimes.
38:01 Mais le problème, c'est qu'il n'a pas fait ce qu'il avait dit.
38:04 Il n'a pas inscrit dans la loi une définition claire
38:07 de la notion de prisseuil, alors que c'est le pivot
38:10 et le cœur du dispositif de déplafonnement.
38:12 Et il n'a pas prévu le cadre minimal
38:15 pour que soit respectée la logique de partage
38:18 qu'il avait lui-même promue
38:20 par le député de l'Etat parlementaire.
38:22 Cette incompétence négative aussi
38:24 constitue un motif de censure de votre part
38:26 qui doit être à effet immédiat.
38:28 Je conclue, M. le Président.
38:30 M. le Président, Mesdames les membres du Conseil,
38:35 en guise de conclusion, je voudrais tenter
38:38 très modestement de faire un pont
38:40 entre les deux QPC qui vous occupent ce matin.
38:42 Alors je vous rassure immédiatement,
38:44 je ne vais pas plaider la QPC sur les générations futures
38:47 et je rassure également mon confrère Texas.
38:50 Ce que je voudrais vous dire d'un mot,
38:52 c'est que les générations futures,
38:54 elles sont présentes dans les problématiques
38:56 que je viens d'évoquer devant vous,
38:58 même si ça paraît un peu plus délicat.
39:00 Parce que quand la PPE fixe des objectifs
39:02 de développement des énergies renouvelables
39:04 à 10 ou 20 ans, quand le droit de l'Union européenne
39:06 fixe lui aussi des objectifs très ambitieux
39:08 de développement des énergies renouvelables
39:10 à horizon 2040, quand l'accord de Paris
39:13 fixe aux États des objectifs
39:15 que nous espérons voir reconnus chaque jour
39:18 plus contraignants en matière de réduction
39:19 des émissions de gaz à effet de serre,
39:21 quand RTE, ça a été rappelé
39:23 dans tous les scénarios de neutralité carbone
39:26 déployés à horizon 2035, à horizon 2050,
39:29 quels que soient les efforts de sobriété,
39:31 quel que soit le mix énergétique retenu,
39:33 quelle que soit la place du nucléaire,
39:35 nous dit l'impérieuse nécessité
39:37 de développer massivement les énergies renouvelables,
39:40 c'est de nous qu'il s'agit,
39:42 mais c'est aussi et surtout des générations futures,
39:44 nous avons, vous le savez,
39:47 un grand défi historique
39:48 auquel tous les autres sont subordonnés aujourd'hui,
39:50 c'est réussir la transition écologique et énergétique,
39:54 c'est un défi existentiel,
39:56 c'est à la fois une dette morale
39:57 que nous avons envers les générations futures,
39:59 mais c'est aussi une ardente obligation de résultat,
40:02 nous n'avons pas le droit d'échouer.
40:04 Alors, et c'est mon dernier mot, monsieur le Président,
40:06 mais ces grands principes que je viens de rappeler,
40:09 comment les met-on concrètement en œuvre ?
40:12 Eh bien, on les met en œuvre projet par projet,
40:16 par kéolien, par par kéolien,
40:17 centrale hydroélectrique après centrale hydroélectrique,
40:20 en faisant sortir de terre
40:22 les centaines, les milliers de mégawatts d'énergie renouvelable
40:25 sans lesquels on ne redressera pas
40:27 la trajectoire d'émissions de gaz à effet de serre,
40:30 c'est ça la réalité.
40:31 Nous avons la chance d'avoir en France et en Europe
40:34 des acteurs industriels extraordinaires
40:36 qui, évidemment, sont des acteurs économiques,
40:38 qui ont des attentes économiques,
40:39 mais qui ont des aspirations
40:41 qui dépassent largement ces éléments économiques
40:44 et qui ont le sentiment puissant de contribuer à l'intérêt général
40:47 et la puissance publique doit à ses opérateurs
40:50 de la cohérence, de la stabilité,
40:53 un cadre d'intervention qui garantisse la sécurité juridique.
40:56 Or, ici, vous l'avez compris,
40:58 c'est tout l'inverse qu'a fait la mesure litigieuse.
41:01 C'est pourquoi c'est sans état d'âme
41:03 que vous censurez cette disposition
41:05 et que vous accueillerez la QPC.
41:07 Merci, Maître.
41:10 Alors, maintenant, nous allons écouter M. Canguilhem
41:14 pour la 1re ministre.
41:16 Merci, M. le Président.
41:19 Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel,
41:21 pour favoriser la réalisation des objectifs
41:23 en matière de développement des énergies renouvelables
41:26 qu'il s'est fixé,
41:27 le législateur a mis en place des mécanismes de soutien.
41:30 Cela a pu initialement prendre la forme,
41:32 cela a été dit,
41:33 des mécanismes d'obligation d'achat à un tarif déterminé.
41:36 Cela prend également la forme qui nous intéresse aujourd'hui
41:39 des contrats de complément de rémunération.
41:41 Ces contrats d'une durée de 20 ans
41:43 dont la souscription, cela mérite d'être souligné,
41:45 n'est pas obligatoire,
41:46 permettent aux producteurs de bénéficier
41:48 d'un niveau de rémunération
41:49 leur assurant une rentabilité normale,
41:52 en tout cas assurée.
41:54 Cette prime est versée par EDF Obligation d'Achat, EDF OA,
41:57 et correspond à la différence entre un tarif de référence
42:00 fixé par arrêté ou par le contrat
42:03 et la différence avec le prix de marché.
42:07 La prime est positive
42:08 lorsque le prix sur le marché d'électricité
42:10 est inférieur au tarif de référence,
42:12 elle est négative lorsque le prix de marché
42:14 est supérieur au tarif de référence
42:17 où le producteur devra alors verser la somme correspondante
42:20 dans la limite des montants totaux perçus
42:22 depuis le début du contrat
42:24 au titre du complément de rémunération.
42:25 C'était le mécanisme initial.
42:27 Ce mécanisme de plafonnement, cette limite,
42:29 a été supprimée pour les contrats à venir
42:32 par le décret du 17 décembre 2021.
42:36 Cela signifie concrètement que les producteurs
42:37 doivent reverser l'intégralité
42:39 des gains de marché supérieurs
42:41 aux tarifs contractuels de référence
42:43 quand bien même ces gains dépasseraient
42:45 le montant des aides publiques reçues.
42:47 C'est bien le mécanisme du déplafonnement.
42:49 L'augmentation extrêmement significative
42:51 des prix de l'électricité à compter de l'automne 2021
42:54 est venue perturber l'équilibre de ce mécanisme
42:57 qui était initialement et en théorie parfaitement symétrique.
43:01 Un effet domaine est donc apparu
43:03 pour les producteurs qui ont ainsi pu
43:05 dégager des profits excessifs
43:07 par rapport à la normale
43:09 et par rapport à ce qui pouvait être escompté.
43:12 La Commission de régulation de l'énergie
43:14 estime ainsi les gains au-delà du plafond
43:17 pour vous donner un ordre d'idée
43:19 à 132 millions d'euros en 2021
43:22 et à 2,4 milliards d'euros en 2022,
43:25 ce qui donne la mesure de la surrentabilité constatée.
43:30 Afin donc de limiter ces surprofits
43:32 générés par l'augmentation
43:34 de l'électricité, le législateur a étendu
43:37 le déplafonnement de tous les contrats
43:39 de complément de rémunération
43:41 dans la limite d'un mécanisme de prix seuil
43:43 que nous évoquerons à compter du 1er janvier 2022.
43:47 C'est, vous l'avez compris, l'objet de l'article 38
43:49 de la loi de finances rectificatives pour 2022
43:51 qui est contesté devant vous.
43:54 Sans revenir sur le fonctionnement
43:57 de ce mécanisme tel qu'il a été exposé
44:00 par chacun dans les observations écrites,
44:02 rappelons que le fonctionnement de ce mécanisme
44:04 dépend du rapport entre 3 données,
44:06 le prix de référence applicable au contrat,
44:08 le prix seuil fixé par arrêté
44:11 et le prix du marché.
44:13 Ce système est donc construit autour du prix seuil
44:17 qui a été fixé à 44,78 euros par MWh
44:20 selon l'arrêté du 28 décembre 2022
44:24 mécanisme et prix seuil qui permet
44:27 de garantir aux producteurs une rémunération raisonnable.
44:32 Le mécanisme en cause ne méconnaît pas
44:37 le droit au maintien des contrats légalement conclus.
44:40 Votre jurisprudence impose que les atteintes
44:42 portées par l'obligatoire à ces contrats
44:44 soient justifiées par un motif d'intérêt général suffisant.
44:47 En l'espèce et formulée de manière très générale,
44:50 l'intérêt général tient ici au fait que l'Etat
44:52 qui porte le risque de marché
44:54 puisse également bénéficier des effets
44:56 de la hausse des prix ainsi que le relevé
44:59 de la réduction de l'énergie dans sa délibération
45:01 du 16 décembre 2022 portant avis sur le projet d'arrêté
45:04 fixant le prix seuil.
45:07 Cet intérêt général se décline triplement.
45:11 D'abord, ce mécanisme permet d'assurer
45:13 un meilleur équilibre de la relation contractuelle
45:15 entre les producteurs d'électricité et EDFOA.
45:18 Vous avez déjà eu l'occasion de reconnaître
45:20 qu'une telle préoccupation était constitutive
45:22 d'un motif d'intérêt général suffisant,
45:25 notamment dans votre décision 813 d'essai
45:27 du 28 décembre 2020 relative à la réduction
45:29 pour les contrats en cours du tarif d'achat
45:31 de l'électricité produite par les installations
45:33 photovoltaïques.
45:35 Vous aviez alors reconnu, nous citons,
45:37 qu'en adoptant les dispositions contestées,
45:39 le législateur a entendu remédier
45:41 à la situation de déséquilibre contractuel
45:43 entre les producteurs et les distributeurs
45:45 de l'électricité.
45:47 Vous pourriez transposer ce raisonnement
45:49 au déséquilibre qui a causé l'augmentation
45:51 du prix d'électricité au contrat de complément
45:53 de rémunération conclu entre EDFOA
45:56 et les producteurs.
45:58 Par ce dispositif, le législateur a également
46:00 entendu assurer le fonctionnement concurrentiel
46:02 du marché de l'électricité
46:04 et la protection des consommateurs
46:06 et vous avez également déjà eu l'occasion de juger
46:09 que de telles considérations pouvaient constituer
46:11 un motif d'intérêt général suffisant.
46:13 Vous voyez le considérant 32
46:15 de votre décision 715 d'essai.
46:18 Enfin, le dispositif poursuit l'objectif
46:21 de valeur constitutionnelle
46:23 de bon emploi des deniers publics.
46:25 C'est au regard de cet objectif,
46:27 combiné avec celui de rééquilibrage
46:29 des relations contractuelles,
46:31 que vous aviez écarté le grief
46:33 tiré de l'atteinte au droit au maintien
46:35 des conventions légalement conclues
46:37 dans votre décision 813 d'essai déjà évoquée.
46:39 Vous y aviez retenu que le législateur
46:41 avait pu, nous citons,
46:43 "mettre un terme aux effets d'aubaine
46:45 "dont bénéficiaient certains producteurs
46:47 "au détriment du bon usage des données publiques
46:49 "et des intérêts financiers de l'État."
46:52 Certes, le dispositif contesté ici
46:54 n'a pas pour effet direct de diminuer
46:56 les dépenses de l'État, nous ne le contestons pas.
46:59 Il a toutefois pour effet d'en accroître les recettes
47:03 environ un peu plus de 2 milliards d'euros
47:07 pour 2022, ce qui correspond
47:09 à l'intérêt financier de l'État
47:11 que vous aviez pu évoquer
47:13 dans votre décision 813 d'essai.
47:15 L'objectif de valeur constitutionnelle
47:17 s'oppose donc à ce que l'État maintienne
47:19 au profit de quelques opérateurs économiques
47:21 une situation de rémunération excessive
47:24 des capitaux investis rendus possibles
47:27 par la mobilisation initiale
47:29 de ressources financières publiques
47:31 et qui pourra permettre à ces opérateurs
47:33 de continuer de bénéficier de versements d'aides de l'État
47:35 sur la durée récente du contrat,
47:37 le cas échéant.
47:39 Sur cette question de l'emploi des données publiques,
47:43 et contrairement à ce qui a été exposé
47:46 à trois reprises de l'autre côté de la barre,
47:48 les montants ainsi collectés
47:50 par les effets du déplafonnement
47:52 sont venus en déduction directe
47:54 du montant des charges de services publics
47:58 des obligations de services publics de l'électricité
48:01 qui étaient évaluées par la Creux
48:03 à 28,5 milliards d'euros pour 2022.
48:08 Et donc dans le programme numéro 345
48:11 "Services publics de l'électricité",
48:14 les montants du déplafonnement viennent bien en déduction
48:17 des charges de services publics de l'électricité.
48:20 L'atteinte aux situations contractuelles
48:23 légalement formées est donc justifiée
48:25 par des motifs d'intérêt général suffisants
48:27 et elle ne revevait pas de caractère disproportionné.
48:30 La viabilité économique des projets
48:32 et bénéficiant d'une aide n'est pas compromise
48:34 par la révision du niveau
48:36 et des conditions de l'aide accordées.
48:38 En effet, le déplafonnement ne compromet pas
48:40 la rémunération escomptée
48:42 dans des conditions normales de marché
48:44 et la fixation d'un prix seuil
48:46 rend la mesure neutre sur le plan de la projection des coûts
48:49 de l'investissement.
48:51 Il résulte donc de l'ensemble de ces éléments
48:53 que le 1er grief devra être écarté.
48:56 En 2e lieu, un intérêt général suffisant
49:00 justifie également l'effet rétroactif du dispositif
49:03 à compter du 1er janvier 2022,
49:07 effet rétroactif sur un peu moins de 9 mois
49:10 et non pas sur un an.
49:12 Dans ce domaine également, votre jurisprudence impose
49:14 que le caractère rétroactif de la loi
49:16 soit justifié par un intérêt général suffisant.
49:19 Et en l'espèce, les motifs d'intérêt général
49:22 qui justifient l'atteinte aux situations contractuelles
49:26 imposent que le nouveau dispositif s'applique rétroactivement.
49:30 En effet, dès lors que l'objectif poursuivi
49:33 est de lutter contre les effets d'Aubaine,
49:35 l'effectivité de la mesure impose
49:38 qu'elle s'applique dès l'augmentation sensible
49:40 des prix de l'électricité,
49:42 soit dès le 1er janvier 2022.
49:45 Une application à la date d'entrée en vigueur
49:47 de la loi de finances rectificative
49:49 n'aurait permis que d'atteindre partiellement
49:50 l'objectif poursuivi de bon emploi des données publiques.
49:53 Le grief tiré de la méconnaissance de l'article 16
49:56 de la déclaration de 1789 pourra être écarté.
50:00 En 3e lieu, le législateur n'a pas davantage méconnu
50:03 l'étendue de sa compétence.
50:06 Il est reproché aux dispositions contestées
50:08 de ne pas avoir fixé les critères de détermination du prix seul.
50:12 Mais toutefois, le législateur a assorti
50:14 de garanties suffisantes la procédure de fixation de ce prix
50:18 qui est fixé chaque année par arrêté conjoint
50:20 des ministres chargés de l'énergie et du budget.
50:23 Le législateur a également explicitement prévu
50:25 le fonctionnement du mécanisme induit par ce prix seuil
50:29 lorsque le tarif de référence est supérieur
50:32 ou lorsqu'il doit être inférieur.
50:34 Le législateur a ainsi défini
50:36 de manière suffisamment claire et précise
50:38 l'objet du prix seuil,
50:40 les modalités de sa fixation
50:42 qui requièrent une appréciation économique
50:44 de la Commission de régulation énergie,
50:46 ainsi que ses effets.
50:49 Il n'a confié au pouvoir réglementaire
50:51 que le soin de déterminer les modalités pratiques
50:53 de dispositifs,
50:55 à savoir la fixation du montant du prix seuil
50:58 après avis de la Commission de régulation de l'énergie.
51:02 Avis de la Commission de régulation de l'énergie
51:06 qui, en l'espèce, s'était montré très hostile
51:09 à un relèvement de ce prix seuil
51:12 tel qu'il lui était proposé,
51:15 il estimait qu'il ne fallait pas
51:17 que le prix seuil soit trop élevé.
51:20 Au terme même de l'article L. 314-20 du Code de l'énergie,
51:23 le mécanisme de complément de rémunération
51:25 ne peut conduire à ce que la rémunération totale
51:27 des capitaux immobilisés
51:29 excède une rémunération raisonnable
51:31 prenant en compte les risques de l'activité.
51:34 Dès lors, la fixation du prix seuil
51:36 par le pouvoir réglementaire
51:38 doit nécessairement répondre à cette volonté
51:41 qui avait d'ailleurs été exprimée
51:43 dans l'exposé des motifs de l'amendement
51:45 en juillet 2022.
51:49 Vous pourrez donc également écarter ce grief
51:53 de l'incompétence négative.
51:56 En quatrième lieu, il est également soutenu
52:01 de manière peut-être plus indirecte,
52:04 mais il est également soutenu que les dispositions contestées
52:06 créent une rupture d'égalité
52:08 au détriment des producteurs d'énergie renouvelable
52:10 bénéficiaires d'un contrat de complément de rémunération
52:13 qui se verrait impliquer une captation
52:15 des gains de marché supérieure
52:17 à celle des gains réalisés par la majorité
52:19 des producteurs assujettis à la contribution
52:21 sur la rente inframarginale
52:23 instaurée par le grand 3 de l'article 54
52:25 de la loi de finances pour 2023
52:27 qui met en oeuvre le règlement lieu 2022-1854.
52:31 Très rapidement sur ce grief,
52:33 il sera relevé d'une part que les dispositions
52:35 de la loi de finances pour 2023
52:37 ne sont pas dans le champ de la présente UPC.
52:40 D'autre part, il ressort de l'évidence
52:43 que les producteurs bénéficiant d'un complément de rémunération
52:46 ne sont pas placés dans une situation comparable
52:49 à celle des autres producteurs d'énergie.
52:51 Cette différence de situation est en lien
52:53 avec l'objet de la loi qui est d'organiser
52:56 la redistribution des revenus exceptionnels
52:58 générés par les producteurs.
53:01 Enfin, le grief tiré de la méconnaissance
53:04 des exigences de l'article 16 de la déclaration de 1789
53:07 est inopérant.
53:09 Contrairement à ce qui est soutenu,
53:11 le dispositif contesté n'est pas la validation législative
53:14 d'une note d'instruction adressée à EDFOI
53:17 qui aurait prescrit la suspension du plafonnement
53:19 entre le 1er avril et le 31 décembre 2022.
53:22 D'une part, aucune décision de plafonnement
53:25 n'a été prise sur le fondement de cette note.
53:29 D'autre part, cette note n'a pas le même objet
53:32 que le dispositif contesté,
53:34 notamment en ce qui ne prévoyait pas de mécanisme de pré-seuil.
53:37 Le grief tiré de la méconnaissance des exigences
53:39 de l'article 16 de la déclaration de 1789
53:42 est inopérant.
53:44 Un mot extrêmement rapide
53:46 sur les conséquences
53:48 qu'aurait une éventuelle censure.
53:52 Pour votre information,
53:54 à ce jour, les montants effectivement récupérés
53:57 du fait de ce déplafonnement par EDFOI
54:01 s'élevaient au mois de septembre
54:03 à un peu plus de 1,7 milliard d'euros.
54:06 Aucune exigence constitutionnelle n'ayant été méconnue.
54:09 Je vous invite à déclarer les dispositions de l'article 38
54:12 de la loi de finances rectificatives pour 2022
54:14 conformes à la Constitution.
54:16 -Merci.
54:17 Alors, nous avons entendu les arguments
54:20 pour la censure, pour la validation.
54:23 Est-ce qu'un membre du Conseil a une question à poser,
54:26 à soulever ?
54:27 Oui ?
54:28 M. le conseiller Mézard.
54:29 Ensuite, M. le conseiller Pinault.
54:31 -Oui, une question à M. Canguilhem.
54:33 Depuis un an,
54:35 quelle est l'évolution du nombre de demandes de dossiers
54:38 de parcs éoliens et solaires ?
54:41 Je ne pourrais pas me répondre peut-être tout de suite,
54:46 mais encore une fois...
54:47 -De manière générale, je le peux.
54:50 Contrairement à ce qui a été soutenu,
54:54 il n'y a pas eu, au contraire,
54:58 d'effondrement du nombre de projets.
55:05 Si vous le voulez, je vous le préciserai
55:08 par une note en délibéré,
55:10 mais je peux déjà vous dire
55:12 que dans les dernières périodes d'appels d'offres
55:15 pour les filières éoliennes et photovoltaïques,
55:18 ont été sursouscrites avec des volumes supérieurs
55:21 à ce qui était attendu,
55:25 et que le raccordement des parcs éoliens et solaires
55:27 est en augmentation en 1er semestre 2023.
55:30 Donc je ne sais pas si vous voulez un complément par écrit.
55:34 -Merci.
55:35 -M. le Grossier, Pinot.
55:37 -Oui, on aura tous compris,
55:41 bien que ce soit assez cryptique,
55:44 que la fixation du prix de seuil
55:47 joue un rôle absolument crucial
55:50 dans la détermination, en réalité,
55:54 du prélèvement opéré sur les recettes.
55:58 Alors, ma question à M. Canguilhem
56:01 est de savoir où trouve-t-on dans la loi
56:05 les critères de détermination du prix de seuil.
56:09 Alors, vous avez parlé des travaux parlementaires,
56:11 c'est très bien,
56:12 mais il s'agit de fixer le montant d'un prélèvement.
56:15 Donc, c'est dans la loi, normalement,
56:19 qu'on peut trouver les critères.
56:21 -Alors, pour ce qui est une question, M. Canguilhem.
56:25 -Oui, mais je pense que la réponse est dans la question.
56:29 Le législateur a, comme je l'ai exposé,
56:34 prévu la modalité de fonctionnement,
56:38 la finalité, mais les critères,
56:40 mais c'est au regard de cette finalité
56:42 que l'arrêté conjoint doit être fixé.
56:45 Mais au-delà, effectivement,
56:46 je ne peux pas écrire dans la loi ce qui n'y est pas,
56:48 il n'y a pas de critères à proprement parler.
56:50 Il y a ses finalités.
56:52 Et également, quand même, il n'est pas interdit
56:55 de se référer aux travaux parlementaires
56:57 et à la volonté du législateur.
57:00 -Merci.
57:01 Je vous en prie, Maître.
57:03 -Très brièvement sur le sujet.
57:06 Je pense que la réponse du représentant du gouvernement
57:08 illustre bien que la loi ne fournit absolument
57:11 aucune précision sur le sujet.
57:12 J'indique aussi que M. le représentant du gouvernement
57:15 a fait référence à un avis de la Creux précédemment.
57:17 Vous ne trouverez de la même façon,
57:19 dans cet avis de la Creux, que nous contestons
57:21 dans tous ces points, dans ces présupposés
57:22 qui sont les mêmes et qui ont été repris par le gouvernement.
57:24 Je donne par exemple l'exemple.
57:26 La Creux affirme que le risque de marché
57:28 est pris uniquement par l'Etat,
57:30 ce qui est totalement faux, je n'y reviens pas.
57:32 Mais sur la question des critères que vous avez posés,
57:34 dans l'avis de la Creux, il n'y a rien.
57:36 La Creux fait une fixette budgétaire
57:38 sur cette affaire du prix seuil
57:40 et effectivement, sans surprise,
57:42 même si ce n'est pas à vous d'en juger,
57:44 puisque la question qui est devant vous,
57:46 c'est une question de conformité de la loi,
57:48 le gouvernement, puisqu'il avait les mains totalement libres,
57:50 a fixé le prix seuil à un niveau qui est très en dessous
57:53 de tous les tarifs garantis du marché,
57:55 ce qui fait que la captation de marché,
57:57 c'est au-dessus du tarif de référence
57:59 et pas au-dessus du prix seuil.
58:01 C'est ça qui s'est passé en vrai.
58:03 -Est-ce qu'il y a d'autres questions
58:05 de part de bande du Conseil ?
58:07 Non ? Vous êtes éclair.
58:09 Très bien. Nous allons réfléchir à tout cela
58:11 et nous rendrons notre décision dans 9 jours,
58:14 le 26 octobre 2023.
58:18 Merci.
58:19 Merci.
58:20 Merci.
58:21 Merci.