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Retenue à la source sur les revenus distribués à des sociétés non-résidentes

Lien vers la décision :
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2023/20231063QPC.htm

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Transcription
00:00 ...
00:20 -Bonjour à tous.
00:21 Alors, nous avons aujourd'hui, à l'ordre du jour,
00:24 2 questions prioritaires de constitutionnalité.
00:28 Nous allons commencer
00:30 par la question n°2023-1063.
00:35 Elle porte sur certaines dispositions
00:38 de l'article 119 bis du Code général des impôts
00:42 dans sa rédaction,
00:43 résultant de la loi 2009-1674
00:47 du 30 décembre 2009
00:50 de finances rectificatives pour 2001.
00:52 Mme Lagréfière, voulez-vous nous retracer
00:54 les étapes de la procédure d'instruction, s'il vous plaît ?
00:57 -Je vous remercie, M. le Président.
00:59 Le Conseil constitutionnel a été saisi le 18 juillet 2023
01:03 par une décision du Conseil d'Etat
01:05 d'une question prioritaire de constitutionnalité
01:07 posée par la société Compagnie Gervais-Danone,
01:10 portant sur la conformité aux droits et libertés
01:13 que la Constitution garantit du 2ement
01:15 de l'article 119 bis du Code général des impôts
01:19 dans sa rédaction, résultant de la loi 2009-1674
01:23 du 30 décembre 2009 de finances publiques
01:26 pour 2009.
01:28 Cette question relative à la retenue à la source
01:30 sur les revenus distribués à des sociétés non résidentes
01:33 a été enregistrée au secrétariat général
01:35 du Conseil constitutionnel
01:37 sous le numéro 2023-1063 QPC.
01:41 La société Matuschanski-Poupeau et Val-de-Lièvre
01:44 a produit des observations
01:45 dans l'intérêt de la partie requérante
01:47 les 2 et 16 août 2023.
01:50 La Première ministre a produit des observations
01:52 le 2 août 2023.
01:54 Seront entendus aujourd'hui l'avocat de la partie requérante
01:57 et le représentant de la Première ministre.
01:59 -Merci beaucoup, madame.
02:00 Alors, nous allons d'abord écouter
02:04 Maître Matuschanski,
02:07 qui est avocat au Conseil, qui représente
02:09 la société Compagnie Gervais-Danone,
02:10 partie requérante. Maître.
02:12 -M. le Président, mesdames, messieurs,
02:18 vous êtes saisis de 2 méconnaissances
02:21 du principe d'égalité devant la loi,
02:23 l'une sous les espèces classiques de la discrimination,
02:27 l'autre sous celles plus sophistiquées
02:30 de la discrimination à rebours.
02:33 Je ne reprends pas toute l'instruction écrite,
02:35 qui est fort technique,
02:37 sauf à redire que l'article 119 bis 2e ment
02:41 du Code général des impôts prévoit notamment
02:44 que les revenus distribués à une société établie hors de France
02:48 font l'objet d'un impôt prélevé à la source.
02:51 Ce qui pose problème concerne les hypothèses
02:54 dans lesquelles ces revenus sont distribués
02:56 à des sociétés déficitaires.
02:59 Je vous parlerai de la discrimination classique,
03:02 puis mon confrère Ronan Valery
03:04 vous parlera de la discrimination à rebours.
03:08 Sur la discrimination classique, je voudrais vous convaincre
03:11 que la situation est choquante
03:14 et que vous devrez déclarer la loi inconstitutionnelle
03:17 parce que l'article 119 bis 2e ment
03:21 a pour effet de soumettre à l'impôt
03:23 les revenus de source française
03:26 distribués à une société déficitaire établie à l'étranger,
03:30 alors que les mêmes revenus
03:32 distribués à une société établie en France
03:35 ne sont jamais imposés.
03:38 Jamais imposés, ai-je dit.
03:40 Cette notion de temporalité est importante.
03:43 Le Conseil d'État, en 2016, dans une affaire Sofina,
03:48 a refusé de vous renvoyer une question
03:50 de constitutionnalité similaire
03:53 en considérant à l'époque que ce texte n'instaurait
03:57 qu'une simple différence de technique d'imposition
04:00 parce que les sociétés résidentes soumises à l'impôt sur les sociétés
04:04 bénéficient d'un décalage dans le temps de l'imposition
04:07 due sur les revenus distribués,
04:10 alors que les non-résidentes acquittaient l'impôt immédiatement
04:15 par le biais de la retenue à la source.
04:17 En d'autres termes, le Conseil d'État pensait alors
04:21 qu'il n'y avait pas de différence de traitement
04:23 parce que si, pour les sociétés résidentes,
04:26 les distributions de revenus n'étaient pas immédiatement imposées,
04:30 elles le devenaient plus tard,
04:32 lorsque la société receveuse redevenait bénéficiaire.
04:36 C'est un postulat irréaliste
04:39 parce que, comme l'a relevé la Cour de justice dans l'affaire Sofina,
04:43 la société receveuse peut ne jamais redevenir bénéficiaire,
04:48 mais surtout, cet impostulat est rené en droit
04:51 parce que les entreprises résidentes, dont le résultat fiscal est déficitaire,
04:55 qui ne sont pas imposées au titre de cette opération
04:58 l'année de la distribution, ne le seront jamais.
05:03 En d'autres termes encore,
05:04 pour les résidentes, on applique le principe d'annualité de l'impôt,
05:09 d'où il résulte que les dividendes perçus
05:12 au cours d'un exercice antérieur déficitaire
05:14 ne sont jamais imposées,
05:17 alors que pour les non-résidentes, la retenue à la source est immédiate,
05:21 même en cas d'exercice déficitaire.
05:25 Les défauts du raisonnement ont conduit le Conseil d'État
05:27 à remettre en cause son postulat,
05:30 en 2023, par une décision natixis,
05:33 puis, dans la présente affaire, à en tirer la conséquence
05:37 par le renvoi de la présente question de constitutionnalité.
05:41 Tenons-nous-en à la situation décrite précédemment.
05:45 Pour les résidentes, les dividendes perçus
05:47 au cours d'un exercice antérieur déficitaire
05:49 ne sont jamais imposés,
05:52 alors que pour les non-résidentes,
05:54 la retenue à la source est immédiate,
05:56 même en cas d'exercice déficitaire.
06:00 La différence de traitement entre résidentes et non-résidentes
06:04 est donc flagrante.
06:06 Est-elle légitime ?
06:08 Non, car elle n'est pas justifiée
06:11 par une différence de situation en rapport avec l'objet de la loi.
06:16 Quel est en effet l'objet de la loi ?
06:18 Il est de garantir le paiement de l'impôt
06:20 dû sur les dividendes versés à l'étranger
06:24 pour préserver l'administration française
06:27 des difficultés qu'engendreraient un contrôle
06:30 et un recouvrement de l'impôt à l'étranger.
06:33 Or, la différence de traitement qui résulte de la loi,
06:36 je le redis, les versements à des résidentes déficitaires
06:39 ne donnent pas lieu à l'impôt
06:41 alors que les versements à des non-résidentes déficitaires
06:44 sont imposés,
06:46 cette différence de traitement, donc,
06:48 n'est pas justifiée par une différence de situation
06:51 en rapport avec l'objet de la loi.
06:54 L'objet de la loi est relatif
06:55 non pas au principe de l'imposition,
06:59 non pas au point de savoir si une opération sera imposée ou non,
07:04 mais au recouvrement de l'impôt.
07:07 En l'état d'une loi tendante à garantir
07:10 le recouvrement de l'impôt,
07:13 instituer une différence de traitement
07:15 dans la soumission à l'impôt n'est pas justifiée.
07:19 De surcroît, c'est vainement
07:21 qu'on nous opposerait votre jurisprudence
07:23 qui, dans certains cas,
07:25 admet qu'une différence de résidence fiscale
07:28 puisse justifier des différences dans la technique d'imposition.
07:32 En effet, on l'a vu,
07:34 on est en présence d'une différence
07:35 qui affecte le principe même de l'imposition
07:39 et non d'une différence dans la technique d'imposition.
07:42 Il ne pourrait être question
07:44 de différence de technique d'imposition
07:46 qu'entre deux catégories de contribuables
07:49 qui seraient l'une et l'autre imposées,
07:51 mais selon des modalités distinctes.
07:53 Ici, la différence de traitement est bien plus radicale
07:57 et en amont dans l'ordre logique,
07:59 puisque l'une des catégories de personnes concernées est imposée
08:03 et l'autre non.
08:04 J'espère vous avoir convaincu que dès l'origine
08:08 et indépendamment de ce qui vous sera dit par Renan Valery,
08:11 l'article 119 bis du Code général des impôts
08:14 est contraire au principe d'égalité devant la loi.
08:18 Merci, maître. Alors, nous écoutons maintenant
08:20 Maître Valery, qui est avocat au Borod-Paris,
08:22 qui représente la société Compagnie Gervais-Danone.
08:25 Partir au camp. Maître.
08:27 Merci, M. le Président.
08:29 M. le Président, Mesdames, Messieurs,
08:30 je souhaiterais attirer votre attention
08:32 sur deux discriminations Paris-Cochet,
08:34 c'est-à-dire née de la mise en conformité de la loi nationale
08:37 avec le droit de l'Union européenne.
08:40 Par son arrêt Sofina, la Cour de justice de l'Union européenne
08:43 a jugé les dispositions de l'article 119 bis 2
08:46 du Code général des impôts
08:47 contraires à la libre circulation des capitaux.
08:50 Cependant, s'agissant des mouvements de capitaux
08:52 avec les États tiers,
08:53 qui sont également protégés par cette liberté,
08:55 la clause de GEL permet le maintien de certaines restrictions.
09:00 Ainsi, la retenue à source de l'article 119 bis 2
09:04 du Code général des impôts ne s'applique plus que résiduellement
09:07 en cas de distribution à des sociétés déficitaires,
09:09 lorsque celles-ci sont établies en dehors de l'Union européenne
09:13 et à la condition que soit en cause un investissement direct.
09:17 D'où les deux discriminations contestées.
09:19 Premièrement, ces sociétés sont discriminées
09:22 par rapport aux sociétés établies dans l'Union européenne.
09:25 Deuxièmement, elles sont discriminées
09:27 par rapport aux sociétés établies en dehors de l'Union européenne
09:31 en l'absence d'investissement direct.
09:34 L'étape centrale déterminante de votre contrôle
09:38 des discriminations parécochées
09:39 consiste à vérifier si les exigences européennes
09:43 ont conduit à dénaturer l'objet initial des dispositions en cause.
09:47 En partant de l'objet initial de la loi,
09:50 vous vous assurez qu'il n'y a pas une incompatibilité radicale
09:53 entre ce qu'avait entendu faire initialement
09:57 le législateur français et ce qui est devenu la loi
09:59 une fois que le droit européen l'a fait évoluer.
10:02 Or, au cas particulier,
10:04 l'objet initial de l'article 119 bis 2 du Code général des impôts
10:08 était de sécuriser le recouvrement de l'impôt.
10:12 Et il y a bien une incompatibilité radicale
10:15 entre, d'une part, cet objet initial de sécurisation du recouvrement
10:19 et, d'autre part, l'inapplicabilité, dans la plupart des cas
10:23 de la retenue à la source de l'article 119 bis 2
10:26 du fait de la jurisprudence SOFINA.
10:28 Première dénaturation.
10:30 De surcroît, au regard de l'objet initial
10:33 de la retenue à la source de l'article 119 bis 2,
10:37 cette retenue à la source avait vocation à s'appliquer
10:39 à toutes les participations,
10:41 à celles qui procédaient d'une pure intention de placement financier
10:44 comme à celles qui poursuivaient au contraire
10:46 un objectif de création de liens économiques durables.
10:49 Autrement dit, le critère de l'investissement direct
10:53 est totalement étranger au dispositif fiscal en cause.
10:56 Seconde dénaturation.
10:58 L'objet initial de l'article 119 bis 2 du Code général des impôts
11:02 a donc été doublement dénaturé.
11:05 Enfin, j'insiste sur le fait que l'article 119 bis 2
11:09 du Code général des impôts n'avait pas initialement
11:12 un objet discriminatoire qui aurait simplement été accentué
11:15 par le droit de l'Union européenne.
11:17 Car certes, les dispositions contestées ont depuis l'origine
11:20 un effet discriminatoire.
11:22 C'est ce que vient de démontrer mon confrère.
11:24 Mais si cet effet discriminatoire n'avait pas été perçu
11:29 par le Conseil d'État à l'origine,
11:31 c'est bien parce que le législateur ne poursuivait pas
11:33 un objectif discriminatoire.
11:36 Dès lors, puisqu'il n'était pas discriminatoire,
11:39 l'objet initial de l'article 119 bis 2
11:43 s'est bien trouvé dénaturé par les deux discriminations contestées.
11:46 Je vous remercie.
11:48 Merci, Me.
11:50 Alors maintenant, nous allons écouter
11:52 pour la Première ministre M. Ganguilhem.
11:55 Merci, M. le Président, Mesdames et Messieurs
11:58 les membres du Conseil constitutionnel.
12:00 La présente question prioritaire de constitutionnalité
12:02 est, en ce qui concerne le 2e an de l'article 119 bis
12:05 du Code général des impôts, la dernière étape
12:07 d'un long parcours juridictionnel qu'il convient rapidement
12:10 de retracer.
12:12 Cela a été dit, les dispositions contestées,
12:14 dans leur rédaction issue de la loi du 30 décembre 2009,
12:16 impliquent que les dividendes versés par des sociétés résidentes
12:19 et des sociétés non résidentes fassent l'objet
12:21 d'une retenue à la source.
12:24 Il en résulte, il est vrai, une différence de situation
12:28 et de traitement, alors que l'imposition sera nécessairement due
12:31 pour les sociétés non résidentes, elle peut ne pas l'être
12:35 pour les sociétés résidentes lorsque celles-ci
12:39 demeurent déficitaires.
12:41 Par un arrêt Sofina de la Cour de justice de l'Union européenne
12:45 du 22 novembre 2018,
12:47 la Cour a jugé ce dispositif contraire
12:50 aux principes de libre circulation des capitaux,
12:53 en raison de l'avantage fiscal substantiel
12:56 que cela donnait aux sociétés résidentes.
12:59 Le droit interne a alors entrepris de se mettre en conformité
13:03 avec le droit de l'Union.
13:06 C'est d'abord le Conseil d'Etat qui a jugé que désormais,
13:10 le droit de l'Union faisait obstacle
13:11 à ce qu'une retenue à la source soit prélevée sur les dividendes
13:14 perçues par une société non résidente
13:16 en situation déficitaire.
13:18 Vous voyez l'arrêt du 27 février 2019,
13:20 Société Sofina, numéro 398 662.
13:24 C'est ensuite le législateur qui, par la loi de finances pour 2020,
13:28 a institué à l'article 235/4 du Code général des impôts
13:31 un mécanisme de restitution de la retenue à la source
13:37 pour les sociétés non résidentes déficitaires.
13:41 Pour autant, la mise en conformité au droit de l'Union
13:44 n'a pas conduit à l'inapplicabilité de la retenue à la source
13:48 prévue par le 2e mandat du 119 bis du Code général des impôts
13:52 à toute société non résidente déficitaire,
13:55 et cela en raison de l'application d'une norme
13:59 de l'Union européenne appelée clause de gel.
14:03 C'est cette clause de gel qui maintient pour partie
14:05 l'applicabilité de ce dispositif.
14:09 Cette clause de gel est prévue à l'article 64 du traité
14:12 sur le fonctionnement de l'Union européenne.
14:14 Elle permet aux Etats membres de maintenir
14:16 à l'égard des pays tiers des restrictions
14:19 impliquant des investissements directs,
14:21 à la condition toutefois que ces restrictions aient existé
14:24 avant le 31 décembre 1993, ce qui est le cas en l'espèce.
14:30 Il en résulte de l'application,
14:33 par le jeu de l'application du TFUE,
14:36 que la retenue à la source du 2e mandat de l'article 119 bis
14:39 du Code général des impôts continue à s'appliquer
14:42 sur les revenus distribués à des sociétés résidentes
14:45 de pays tiers déficitaires
14:47 dans le cadre d'investissements directs,
14:50 comme cela a été précisé.
14:53 Voilà pour le chemin juridictionnel et législatif
14:57 qui nous amène aujourd'hui
14:59 avec cette question préoctaire de consignalité.
15:02 La société requérante soulève un grief tiré de la méconnaissance
15:05 du principe d'égalité devant la loi,
15:07 développé en deux branches tout à fait distinctes
15:11 et se situant à des niveaux d'analyse
15:13 tout à fait différents également.
15:15 Par sa 1re branche, le grief critique l'article
15:18 dans sa version d'origine,
15:20 indépendamment de la position de la Cour de justice.
15:22 Il est alors soutenu que cet article discrimine
15:25 toutes les sociétés étrangères déficitaires
15:27 qui subissent une retenue à la source
15:30 sur les distributions de sources françaises qu'elles perçoivent,
15:32 alors que les sociétés déficitaires
15:34 bénéficiant d'une telle distribution de revenus
15:36 ne seront soumises à aucune imposition.
15:39 Vous admettez qu'une différence de résidence fiscale
15:42 puisse caractériser une différence de situation.
15:44 De nature à justifier un régime d'imposition différent.
15:48 Vous voyez votre décision 668 QPC du 27 octobre 2017
15:51 en son paragraphe 11.
15:54 Et comme le Conseil d'État l'a relevé
15:55 dans son arrêt Sofina précité,
15:58 l'objet de la loi était de garantir le paiement de l'impôt
16:03 sur les dividendes versés à des personnes
16:05 n'ayant pas leur domicile fiscal ou leur siège en France.
16:08 L'objet de la loi était de sécuriser le recouvrement de l'impôt.
16:13 La différence de résidence fiscale
16:14 constitue donc pour l'application du 2e manque du 119 bis
16:17 du Code général des impôts,
16:19 une différence de situation en lien avec l'objet de la loi.
16:23 Vous pourrez donc écarter le grief en sa première branche.
16:27 Dans sa seconde branche, le grief tiré de la méconnaissance
16:30 du principe d'égalité
16:33 vise le résultat combiné de la jurisprudence Sofina
16:37 de la Cour de justice et de l'application de la clause de GEL
16:41 qui serait constitutive d'une discrimination pari-coché,
16:45 c'est-à-dire affectant une situation externe
16:48 non régie par le droit de l'union.
16:50 Vous devez donc, pour répondre à cette seconde branche du grief,
16:54 faire application de votre jurisprudence
16:55 relative aux différences de traitement
16:57 induites par l'effet d'une décision du juge européen
17:00 dont vous avez fixé les principes
17:02 dans votre décision 830 de 833 QPC du 3 avril 2020.
17:07 Vous suivez alors en raisonnement en trois étapes
17:10 que vous serez donc amenés à suivre en l'espèce.
17:14 Dans un premier temps, vous caractérisez
17:16 l'existence de la discrimination allégée.
17:19 Celle-ci est établie car les sociétés déficitaires
17:21 établies dans des états tiers et réalisant des investissements
17:24 directs sont soumis à la retenue à la source
17:26 de l'article contesté alors que les sociétés établies
17:31 dans l'UE ou celles établies hors de l'UE
17:32 mais ne réalisant pas d'investissement direct
17:34 y échapperaient.
17:37 Dans un deuxième temps, et c'est l'essentiel de l'enjeu
17:42 que pose la question, vous contrôlez
17:43 que l'objet initial de la loi n'a pas été dénaturé
17:47 par la jurisprudence européenne.
17:50 Il s'agit de vous assurer que la différence de traitement
17:52 entretient encore un rapport logique
17:54 avec l'objet initial de la loi.
17:57 Cet objet initial, nous l'avons déjà rappelé,
17:59 était de garantir le paiement de l'impôt
18:03 dû sur les dividendes versés à des personnes
18:04 n'ayant pas leur domicile fiscal ou leur siège en France.
18:07 Cet objet n'est pas dénaturé
18:09 par l'intervention du droit de l'union.
18:12 En réalité, seul le champ de la disposition
18:15 est modifié par l'effet de celui-ci.
18:18 Or, rien dans votre jurisprudence n'indique
18:20 que la réduction du champ d'application
18:23 d'une disposition législative du fait du droit européen
18:25 serait constitutive, emporterait sa dénaturation.
18:30 Au contraire, vous avez jugé, à propos des dispositions
18:33 de l'article 223 B du Code général des impôts,
18:36 qu'il ne résulte pas de la modification
18:38 de leur portée, de ces dispositions,
18:40 nous citons, "une différence de traitement
18:42 "sans rapport avec l'objet de la loi."
18:43 Voyez votre décision 699 QPC en son paragraphe 8.
18:48 Alors certes, en l'espèce, les dispositions contestées,
18:51 la discrimination ne va continuer à produire ses effets
18:55 que dans un nombre très limité d'hypothèses
18:57 par rapport à la portée initiale
18:59 de la loi antijurisprudence sophine.
19:03 Mais sans pour autant qu'il y ait une incompatibilité radicale
19:07 entre l'objet initial de la loi et sa portée réduite,
19:12 telle qu'elle résulte de l'application
19:14 du droit de l'union.
19:16 Au contraire même, dans le cas très particulier de l'espèce,
19:20 c'est l'application d'une règle du droit de l'union,
19:25 la clause de GEL, qui a permis le maintien
19:28 d'une partie de l'application
19:31 de la discrimination dans le temps de la disposition,
19:33 même si encore une fois, le champ s'en est réduit.
19:37 Enfin, 3e temps de votre raisonnement,
19:39 vous examinez l'existence d'une différence de situation
19:41 ou d'un intérêt général susceptible de justifier
19:44 la différence de traitement au regard de l'objet de la loi alléguée.
19:48 En l'espèce, la différence de situation
19:50 est fondée sur le caractère d'investissement direct ou non.
19:54 Cette distinction entre investissement direct
19:56 et investissement dit de portefeuille
19:58 procédait de l'intention des négociateurs
20:02 des traités européens de permettre aux Etats membres
20:04 de se protéger de certains investissements
20:06 faits par des résidents d'Etat tiers à l'union.
20:10 Au terme de ce raisonnement en 3 étapes,
20:13 conformément à votre jurisprudence,
20:15 vous pourrez ainsi considérer que cette discrimination
20:17 par ricochet n'est pas contraire au principe d'égalité.
20:20 Vous pourrez donc écarter le grief pris dans sa 2e branche.
20:24 Aucune exigence constitutionnelle n'a été méconnue.
20:26 Je vous invite à déclarer les dispositions
20:28 du 2e moment de l'article 119 bis du Code général des impôts
20:30 conforme à la Constitution.
20:32 -Merci, M. Canguilhem.
20:34 Alors, nous avons entendu des points de vue contradictoires.
20:38 Est-ce qu'un membre du Conseil
20:39 souhaite poser une question très clairée davantage ?
20:43 Oui, M. le conseiller Seners, allez-y.
20:46 -Merci, M. le président. Ma question s'adresse
20:48 à maître Mathieu Chansky.
20:49 Maître, vous avez insisté très clairement
20:51 sur ce qui a été appelé la 1re branche du grief,
20:55 qui est une branche qui vise un caractère historique du texte,
20:59 qui n'est plus applicable depuis les évolutions jurisprudentielles,
21:02 comme ça a été parfaitement souligné.
21:05 Comment est-ce que nous pouvons combiner
21:06 cette critique historique, en quelque sorte,
21:11 avec les dispositions que nous appliquons
21:13 dans notre jurisprudence, selon lesquelles nous appréhendons
21:16 le texte tel qu'il est applicable à la procédure
21:18 au cours de laquelle la QPC a été soulevée ?
21:23 -Alors, qui est-ce qui veut répondre ?
21:25 Maître, allez-y.
21:27 Venez à la barre.
21:29 -Alors, en fait, la différence entre les deux moyens
21:36 tient plus à une distinction entre les situations qu'on compare,
21:40 plus qu'à une différence temporelle,
21:42 dans la mesure où la 1re branche de la QPC
21:45 compare la situation des sociétés étrangères
21:49 pour lesquelles la clause de gel est applicable
21:51 avec la situation des sociétés françaises.
21:53 Et cette discrimination persiste,
21:56 même avec l'interprétation, ceci-là,
22:00 donnée par la Cour de justice de l'Union européenne.
22:02 Cette discrimination persiste dans la mesure
22:05 où les sociétés établies en dehors de l'Union européenne
22:09 pour lesquelles la clause de gel s'applique,
22:11 comme c'est le cas de la société requérante,
22:13 sont bien soumises à retenue à la source,
22:16 alors qu'elles sont déficitaires,
22:17 tandis que les sociétés françaises déficitaires
22:20 ne sont toujours pas imposées dans l'état actuel du droit.
22:22 Donc c'est bien une discrimination qui existe encore actuellement.
22:25 -Merci. M. Goriab, vous voulez intervenir là-dessus ou non ?
22:28 Autre question ?
22:30 Il n'y en a pas un ?
22:32 Très bien. Donc nous allons réfléchir à tout cela,
22:34 et nous rendrons notre décision dans 10 jours,
22:37 le 6 octobre, au matin.

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