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Mardi 17 octobre 2023, ÉMISSIONS SPÉCIALES reçoit Moussa Kebe (Chef, Centre d'incendie et de secours de Gonesse (95)) , Ivana Eyssartier (lycéenne) et Mathieu Maucort (Délégué interministériel à la jeunesse)

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00:00 [Musique]
00:07 Ravi de vous accueillir dans cette émission baptisée "Engager"
00:12 des femmes et des hommes qui s'engagent pour une cause, pour un combat
00:16 et nous sommes ici, comme vous le découvrez évidemment derrière moi,
00:19 dans une caserne de pompiers, pas n'importe où, à Gonesse,
00:22 c'est dans le Val d'Oise, avec des pompiers qui d'ailleurs viennent de partir
00:25 il y a quelques minutes en intervention.
00:27 On va parler de l'engagement. Alors le métier de pompier c'est évidemment
00:30 un métier d'engagement, un métier de passion et on va en parler
00:34 avec quelqu'un qui lui aussi est très engagé et on voulait essayer de comprendre
00:38 ce qui poussait son engagement. Nous sommes avec Mathieu Mocore.
00:43 Bonjour Mathieu. Bonjour Arnaud Ardoin.
00:45 Très très heureux de vous accueillir. Alors vous êtes le délégué interministériel à la Jeunesse.
00:48 On est ici au milieu de cette caserne de pompiers.
00:51 Alors vous ne l'avez pas choisie par hasard cette caserne de pompiers.
00:54 Pourquoi nous sommes là et pourquoi vous avez choisi ce lieu emblématique ?
00:58 Parce que j'ai eu la chance de travailler ces derniers mois avec le capitaine
01:01 de cette caserne de Gonesse qui s'appelle Moussa Kebe,
01:04 qui est quelqu'un d'extraordinaire, qui a fondé une association
01:07 qui s'appelle Espoir Jeune et qui aide des jeunes du Blanc-Ménil et de Gonesse
01:13 à avoir du soutien scolaire, à avoir en fait un droit au rêve,
01:17 dont ils sont souvent privés. Et c'était important pour moi de lui rendre hommage
01:20 et de rendre hommage de manière plus générale aux pompiers qui sont toujours présents
01:23 chez eux, particulièrement avec les événements récents.
01:26 Donc il y a tout un symbole à cette présence aujourd'hui.
01:28 Un petit mot parce que l'émission Engagés, c'est aussi l'occasion de mettre
01:31 un coup de projecteur sur des personnalités du monde politique,
01:34 du monde associatif, du monde entrepreneurial qui s'engagent.
01:38 Vous, vous vous engagez, vous avez moins de 40 ans.
01:41 A l'origine, vous êtes très diplômé.
01:44 Tout vous destinait finalement à ne pas avoir ce type d'engagement
01:48 en direction des quartiers, en direction de ces jeunes femmes et hommes.
01:52 Il vient d'où votre engagement ?
01:54 Il vient du ventre, je crois, avant tout.
01:57 Il vient des exemples que j'ai pu avoir, je crois, dans ma famille.
02:01 Quand j'étais plus jeune, j'avais une grand-mère qui était très engagée
02:05 dans la lutte contre le cancer, une autre qui était infirmière
02:09 et qui était engagée par son travail au quotidien.
02:12 Donc c'est des exemples qui m'ont toujours marqué.
02:14 Le fait d'aller vers l'autre, de venir soigner les personnes,
02:18 quelles que soient leurs origines, quelles que soient leurs conditions sociales,
02:21 d'où qu'elles viennent, c'est quelque chose qui a toujours été très important pour moi.
02:24 Et puis, je crois que j'ai toujours ressenti, moi, ce plaisir et ce besoin
02:27 de me mélanger, d'aller dans des endroits que je ne connaissais pas.
02:31 Je ne suis pas ici, par exemple, des quartiers prioritaires de la politique de la ville,
02:34 mais maintenant, j'y passe beaucoup de temps et j'y prends un plaisir immense,
02:37 au-delà du sens que ça apporte, je crois, à mon action.
02:40 Moi, je vous suis, Mathieu Maucor, évidemment, je vous suis sur les réseaux sociaux.
02:43 Je découvre vos activités.
02:46 Vous êtes tout le temps sur le terrain, effectivement, dans les quartiers prioritaires de la ville,
02:49 en direction de jeunes.
02:52 Et quand on leur parle à ces jeunes, ils vous disent deux choses.
02:55 Ils vous disent « de temps en temps, j'aimerais qu'on me donne ma chance ».
02:58 Et je suis persuadé que vous découvrez en eux un potentiel incroyable.
03:01 Est-ce que vous avez ce sentiment-là, quand vous êtes à leur côté,
03:04 quand vous êtes au milieu d'eux, parce que fréquemment, vous êtes au milieu d'eux,
03:07 qu'est-ce que vous ressentez ?
03:10 Moi, d'abord, je ressens leur énergie, je ressens qu'on a des talents.
03:13 Je ressens un grand gâchis, parfois, de voir des talents qui ne sont pas reconnus.
03:16 Et ce que j'ai l'habitude de leur raconter,
03:19 parce que souvent, ils me demandent « expliquez-moi les codes, dites-nous comment ça se passe,
03:22 comment on doit s'adapter ? »
03:25 Vous faites Paris, vous.
03:28 Exactement. Maintenant, j'habite effectivement à Paris du fait du travail.
03:31 Mais ils me demandent « comment ça se passe pour un entretien d'embauche ?
03:34 Comment est-ce qu'il faut s'orienter dans la vie ? »
03:37 Et ce que je leur dis souvent, c'est « les amis, vous avez autant à m'apporter que moi, j'ai à vous apporter.
03:40 Vous connaissez aussi des codes que je n'ai pas forcément.
03:43 Vous savez faire des choses que je ne sais pas faire.
03:46 Vous avez des goûts musicaux que je n'ai pas forcément.
03:49 Vous connaissez, vous avez des compétences que je n'ai pas forcément.
03:52 Vous êtes parfois engagé dans des associations.
03:55 Vous savez réparer des mobilettes.
03:58 Vous savez faire des choses artistiques extraordinaires.
04:01 Vous êtes parfois super fort en maths alors que moi, je ne l'étais pas tellement, etc.
04:04 Et en fait, c'est ça qui est intéressant dans le dialogue que j'essaie d'avoir avec eux.
04:07 C'est on s'apporte l'un l'autre et on ressent le grandir tous ensemble.
04:10 J'ai vu ces séquences très fortes à Matignon.
04:13 Matignon, c'est un lieu emblématique.
04:16 Toutes les télévisions sont à Matignon. On filme la première ministre.
04:19 Des jeunes réunis, jeunes et moins jeunes d'ailleurs,
04:22 qui sont venus parler à cœur ouvert à la première ministre,
04:25 évidemment aux délégués interministériels.
04:28 Là, c'était la passerelle dans l'autre sens, c'est-à-dire que ces jeunes prenaient le RER,
04:31 prenaient leur train, allaient dans un lieu où il ne faut montrer pas de blanche,
04:34 la carte identique et enfin pouvaient s'exprimer.
04:37 J'ai trouvé que ces séquences étaient d'une très grande force.
04:40 Moi, je veux rendre hommage à la première ministre auprès de laquelle je travaille sur ça,
04:44 puisque c'est elle qui a voulu vraiment marquer cette écoute active des jeunes
04:49 et les inviter dans un espace qui est assez symbolique
04:52 et qui est souvent vu comme un peu fermé les deux rues de la République.
04:56 Souvent, on se demande ce qu'il y a derrière exactement.
05:00 Et on a vraiment ouvert Matignon tous les mois, entre janvier et mai,
05:05 en faisant des rencontres thématiques sur l'égalité des chances,
05:09 sur l'engagement, sur l'écologie, sur la vie quotidienne des jeunes,
05:13 pour prendre le temps vraiment.
05:15 Et on a pris du temps, c'était des sessions de deux heures, deux heures et demie à chaque fois,
05:18 où les jeunes jouaient un peu un jeu de si j'étais premier ministre,
05:22 voilà ce que j'aurais comme proposition, voilà ce que je ferais,
05:25 voilà la proposition que j'aurais envie de vous faire.
05:27 Et c'est vraiment sur cette base-là qu'on a ensuite construit
05:32 un certain nombre d'actions qu'on a annoncées au mois de juin dernier.
05:35 Une longue liste de propositions et d'actions.
05:37 Oui, en fait, on est vraiment reparti, on le dit souvent en politique,
05:40 on va repartir de ce que nous disent les gens.
05:43 Là, on l'a vraiment fait, on ne le fait pas toujours, là, on l'a vraiment fait.
05:47 Et voilà, on a des jeunes, par exemple, de Saône-et-Loire,
05:50 qui sont venus nous dire, oui, moi, j'ai un problème,
05:53 je n'ai pas de bus qui va dans mon petit village,
05:56 du coup, je fais comment pour les transports ?
05:59 Mes parents sont obligés de m'amener à l'arrêt de bus,
06:01 puis ensuite, je prends le bus pour aller à la ville où j'ai mon lycée.
06:04 Du coup, c'est galère, à la fois pour ma scolarité,
06:07 c'est galère pour ma vie sociale, parce qu'en plus de ma scolarité,
06:09 quand je veux rejoindre mes potes, je ne peux pas me déplacer.
06:12 Je peux avoir un scooter, mais mes parents ne sont pas à l'aise avec ça.
06:16 Et donc, ça a donné un gros travail qu'on a fait sur le permis de conduire
06:20 et le fait qu'à partir de janvier prochain,
06:22 on va avoir le permis de conduire qui va passer à l'âge de 17 ans.
06:25 Le fait de pouvoir conduire seul, on a évidemment regardé
06:27 tous les sujets de sécurité routière et vérifié que les pays qui le faisaient
06:31 n'observaient pas de surmortalité à cet âge-là.
06:34 Ce n'est pas le cas, et donc, on a donné le go.
06:36 Et c'est une mesure très concrète et qui vient vraiment des discussions
06:39 qu'on a eues avec les jeunes.
06:41 Un mot, comme avant de nous quitter, c'est très philosophique,
06:43 mais j'ai le sentiment aussi que la réussite de la France
06:45 passe par la réconciliation de ces univers.
06:48 La passerelle que vous êtes en train d'essayer de tisser, de construire,
06:51 la réussite française, elle passe aussi par le fait qu'on vive tous ensemble,
06:54 et qu'on donne la chance à tous.
06:57 Liberté, égalité, fraternité.
06:59 Le troisième mot de fraternité, il est toujours plus flou, plus filandreux.
07:03 On a du mal parfois à lui donner une concrétisation pratique.
07:06 Vous voyez, en plus, là, j'utilise une forme de novelangue,
07:09 concrétisation pratique, parce que la fraternité, en fait, elle se vit.
07:12 C'est s'engager au quotidien l'un pour l'autre, c'est se mélanger.
07:15 Et c'est ce dont on a avant tout besoin, d'une reconnaissance l'un de l'autre.
07:19 Vous savez, moi, je pense que c'est la matrice commune
07:21 aux différentes crises qui nous ont touchés ces dernières années.
07:24 Je mets le Covid, évidemment, à part, puisque c'était un sujet de virus.
07:27 Mais dans les Gilets jaunes, la crise des émeutes de la fin du mois de juin,
07:33 à chaque fois ressort ça, ce besoin de se mélanger,
07:37 ce besoin d'avoir le sentiment qu'on appartient tous à un même bateau,
07:41 à un même aventure collective.
07:43 Et je pense qu'il faut qu'on arrive à donner du concret derrière ça.
07:46 Je vous donne un exemple de concret qu'on peut donner derrière ça.
07:49 On développe depuis trois ans en France une politique
07:52 qui s'appelle "Un jeune, un mentor".
07:54 C'est l'idée que vous pouvez bénéficier d'un parrain ou d'une marraine
07:58 qui ne vient pas de votre milieu social ou de votre milieu géographique
08:01 et qui va pouvoir vous aider à vous ouvrir les yeux sur plein d'opportunités qui existent,
08:05 à vous faire bénéficier de son réseau, etc.
08:07 C'est un truc très simple qui apporte autant à la personne qui mentore
08:11 qu'à la personne au jeune qui va être mentorée.
08:13 Et c'est de la fraternité en action.
08:15 Et des programmes comme ça, moi, je suis convaincu qu'on doit les multiplier
08:18 et qu'en fait, la fraternité et la réconciliation française,
08:21 elle se fait un peu avec des politiques publiques "par le haut",
08:24 des grandes lois, des grands projets, mais elle se fait beaucoup par le bas,
08:27 au quotidien, en se croisant, en donnant tous un peu plus de temps
08:31 à ceux qui nous entourent.
08:32 Merci Mathieu Beaucor d'être venu dans cette première séquence de notre émission "Engagé".
08:36 Vous êtes un homme engagé et on va partir à la rencontre d'autres personnages.
08:40 On l'a évoqué, Moussa, le capitaine de cette caserne, il a 33 ans.
08:45 Il faut le préciser, c'est un garçon réellement exceptionnel
08:48 dans son parcours, dans ses engagements de pompier, évidemment,
08:52 mais aussi dans son engagement de citoyen.
08:55 Et c'est notre deuxième séquence, évidemment, de cette émission "Engagé".
08:58 Ici, toujours à la caserne de Gonesse.
09:01 Alors Mathieu Beaucor est toujours avec nous, le délégué interministériel à la Jeunesse.
09:09 Et puis Moussa Kebe nous a rejoint.
09:11 Alors on est ici au foyer, qui est l'endroit où on peut prendre un temps de pause
09:15 entre les interventions, le travail, les entraînements.
09:18 C'est ici que les 80 pompiers viennent souffler un peu,
09:22 parce que c'est un métier très difficile.
09:23 Moussa Kebe, on est heureux de vous parler.
09:25 Vous êtes capitaine, chef de centre, vous avez 33 ans.
09:29 Vous êtes né en Seine-Saint-Denis, vous êtes du Blanc-Ménil.
09:32 Je vous pose la même question que j'ai posée à Mathieu Beaucor.
09:35 Qu'est-ce que veut dire pour vous le mot "engagement" ou "engagé" ?
09:40 Ça veut dire beaucoup de choses.
09:43 Moi je me considère comme une personne engagée à travers mes activités personnelles et professionnelles.
09:49 En qualité de sapeur-pompier, on est forcément engagé.
09:52 Engagé pour la population.
09:54 On ne peut pas s'engager chez les sapeurs-pompiers
09:56 lorsque l'on n'est pas altruiste ou qu'on aime aider les gens.
09:59 Donc forcément, ça passe par là. L'engagement, ça veut dire ça.
10:02 Et également, nous on parle beaucoup d'engagement ici, chez les pompiers,
10:05 parce que dans ce centre de secours-là, on a des pompiers professionnels,
10:08 mais beaucoup de pompiers volontaires.
10:10 Et les pompiers volontaires qui sont présents ici, ne sont pas ici en qualité de travailleurs,
10:15 mais c'est un engagement personnel.
10:17 Ils viennent donner de leur temps personnel pour aider la population.
10:20 Ce que je trouve intéressant dans votre démarche,
10:22 c'est que vous êtes pompier volontaire pendant 9 ans.
10:25 Vous montez une association, vous n'êtes pas encore pompier,
10:28 vous êtes à la fac, comme on dit, vous êtes étudiant,
10:30 et vous créez une association qui s'appelle "Espoir Jeunesse".
10:33 Et presque simultanément, vous devenez pompier.
10:36 Qu'est-ce qui s'est passé en vous ?
10:38 Qu'est-ce qui a fait que vous vous êtes dit "il faut que je m'engage" ?
10:41 Je souhaitais m'engager quand j'étais en CE1.
10:44 CE1 ?
10:45 Oui. Quand j'étais en CE1, je souhaitais m'engager,
10:49 et c'est à ce moment-là justement que je souhaitais être sapeur-pompier.
10:52 Mais souvent, on a des envies, mais on n'arrive pas à mettre deux mots sur ces envies-là.
10:58 Donc on ne parle pas d'engagement quand on est en CE1,
11:00 quand on a 8, 9 ans, 10 ans, 11 ans, mais on sait ce qu'on veut faire.
11:04 Et j'ai eu l'occasion de le faire à la fin du lycée,
11:08 et d'entrer chez les sapeurs-pompiers volontaires.
11:10 Et parallèlement à ça, effectivement, il y a l'association,
11:13 cette volonté d'aider également les jeunes.
11:15 Et c'est un hasard en réalité que ça arrive les deux en même temps.
11:19 Je vais bien sûr poser la même question à Mathieu Maucor,
11:22 et je lui ai posé tout à l'heure cette idée d'être une passerelle entre des univers et des mondes.
11:26 Vous venez de Seine-Saint-Denis, avec tous les clichés que véhicule la Seine-Saint-Denis,
11:30 avec de la délinquance, avec des émeutes, avec des tensions, avec des violences.
11:34 Qu'est-ce que vous leur dites à ces jeunes ? Qu'est-ce que vous avez envie de leur dire ?
11:38 Ce ne sont que des clichés.
11:40 C'est-à-dire qu'on parle de ces mots-là, mais il faut savoir une chose,
11:43 c'est que c'est une très large minorité, et beaucoup de jeunes dans ces quartiers-là,
11:47 dans notre département et même d'autres, font des choses exceptionnelles.
11:52 Et autre chose, nous, on parle d'engagement, encore une fois,
11:56 chez les sapeurs-pompiers, les sapeurs-pompiers donnent cette possibilité-là
11:59 à chacun de ces jeunes de s'engager, d'aider la population, d'aller teindre des feux, etc.
12:04 Et donc moi, ce que j'ai envie de dire, c'est "Rejoignez-nous".
12:08 Je vais poser la question à Mathieu Mocor, parce qu'il est le délégué interministériel.
12:12 Vous, vous connaissez Moussa.
12:15 Mathieu, cette question, elle est simple. D'abord, comment vous vous êtes rencontré ?
12:18 Comment ça s'est passé ? Parce qu'il est très modeste, Moussa,
12:21 mais quand même, il joue un rôle d'ambassadeur incroyable pour tous ces jeunes,
12:25 dits des quartiers, qui se disent "mais il est devenu capitaine des pompiers".
12:29 C'est un ambassadeur.
12:30 Franchement, on se sent tout petit à côté de Moussa,
12:33 parce qu'il incarne non seulement l'engagement dans son travail,
12:35 mais aussi à côté, en gros, tout son temps est consacré aux autres quasiment.
12:39 Et franchement, en termes d'exemples, on n'a quasiment pas mieux.
12:43 Alors, il y a d'autres exemples de jeunes engagés,
12:46 et c'est ça, un des plaisirs aussi du travail de délégué interministériel à la jeunesse,
12:49 c'est de pouvoir identifier des 15-35 ans comme ça qui s'engagent pour les autres.
12:54 Nous, on s'est rencontré pas loin d'ici, au collège Nelson Mandela, au Blanc-Ménil,
12:58 puisque Moussa m'avait convié à faire une intervention auprès d'un petit groupe,
13:05 d'une dizaine de personnes, d'une dizaine d'élèves très méritants,
13:08 qui bénéficiaient d'une semaine, je crois, d'accompagnement intensif.
13:12 C'est une des actions que fait l'association Espoir Jeune.
13:15 J'étais venu partager mon parcours, quelques conseils, répondre à des questions,
13:19 contribuer à leur ouvrir les yeux sur un monde plus politique et public
13:23 qu'ils ne connaissaient pas forcément très bien.
13:25 Quelques mots quand même, parce qu'on n'est pas n'importe où.
13:28 Une caserne de pompiers a des règles extrêmement strictes, une organisation très codifiée.
13:33 C'est ces jeunes qui sont venus sonner.
13:35 Alors, ils viennent aussi parce qu'il y a aussi la magie de l'uniforme.
13:37 Les pompiers ont une très belle cote parmi les Français, mais ça demande de la discipline.
13:41 Il faut venir à l'heure, il faut être rigoureux, il faut s'entraîner physiquement,
13:46 il faut avoir la tête quand même bien posée.
13:49 Vous leur expliquez ça ? Parce qu'il y a un vrai débat dans notre société.
13:51 Les jeunes ne sont pas disciplinés, les jeunes des quartiers font n'importe quoi.
13:54 On entend ça. Mais comment on fait ?
13:57 Effectivement, il y a un cadre et ce cadre-là est très important.
14:01 C'est un cadre qui permet justement à beaucoup de jeunes qui ne connaissent pas forcément ce monde-là
14:08 de s'adapter et de s'intégrer dans la société.
14:12 Et de trouver un cadre.
14:13 Et de trouver un cadre. Et nous, on n'a aucune pitié.
14:15 Ceux qui viennent au centre de secours doivent se plier à ces règles-là
14:20 et doivent le faire correctement.
14:22 Et très souvent, ils arrivent à s'y faire.
14:25 Même si pour certains, c'est un peu plus compliqué que pour d'autres.
14:29 Mais en tout cas, ça se fait très bien.
14:31 Avant de donner la parole à Mathieu Mocore,
14:33 je suis resté quelques temps avec vous dans cette caserne pour m'imprégner aussi,
14:37 pour partager des moments.
14:39 J'ai trouvé que vous étiez finalement dans cette nouvelle génération des pompiers officiers,
14:43 car vous êtes un officier.
14:45 Peut-être seriez-vous destiné à une belle carrière,
14:49 parce qu'à 33 ans de capitaine, ça vous ouvre des horizons assez intéressants.
14:53 Je vous ai trouvé très cool dans votre management.
14:55 C'est ça la nouvelle génération ? C'est aussi ça que vous voulez montrer ?
14:59 En fait, moi je suis persuadé que le management c'est très important.
15:05 On a des objectifs derrière tout ça.
15:07 Aujourd'hui, 80% des pompiers en France sont volontaires.
15:12 On se doit de faire en sorte que les pompiers restent
15:16 et que les jeunes, surtout, veuillent intégrer les sapeurs-pompiers.
15:20 C'est un enjeu aussi de renouvellement.
15:22 Exactement. Et on est dans une nouvelle génération.
15:24 Avant, pour les plus enseignés, il y a des choses qu'ils avaient la capacité d'accepter
15:28 que les jeunes n'ont plus la capacité d'accepter.
15:32 Donc c'est à nous de nous adapter.
15:34 Moi, dans mon management, j'essaie de faire en sorte que tout le monde se plaise,
15:38 que tout le monde vienne avec le sourire au centre de secours.
15:41 Mais derrière tout ça, on reste quand même très ferme.
15:43 Il y a quand même une certaine discipline.
15:45 On ne laisse pas passer tout.
15:47 Mais on est quand même assez bienveillants dans ce qu'on fait.
15:50 C'est ce qui fait que dans la caserne, il y a une bonne ambiance
15:53 et que tout le monde est content de venir.
15:55 J'ai posé la question de la même manière à Mathieu Beaucor.
15:59 Il est délégué interministériel à la jeunesse.
16:01 Il porte un certain nombre de dossiers concrets.
16:05 Votre jeunesse, elle a été difficile ?
16:08 J'ai grandi dans un environnement très, très difficile.
16:12 Extrêmement difficile.
16:14 Mais j'en suis très fier.
16:16 Je pense que c'est ce qui a fait ma force.
16:18 C'est ce qui fait qu'aujourd'hui, j'arrive à aborder des sujets
16:22 ou aborder des situations avec facilité.
16:25 Pour moi, vraiment, c'est une bonne chose.
16:28 Il faut essayer d'utiliser toutes ces expériences personnelles
16:35 et les transformer dans sa vie professionnelle.
16:38 C'est quand même un choc de culture quand on regarde les états-majors
16:41 de la BSPP dans le 17e, mais des états-majors départementaux.
16:45 C'est plutôt des états-majors assez blancs quand même.
16:49 Ça tend justement à changer.
16:52 Avec vous d'ailleurs.
16:53 Ça tend justement à changer. Il y en a de plus en plus.
16:56 Et ça, justement, aujourd'hui même, l'État le permet.
17:00 Il faut qu'il y ait plus de diversité.
17:02 Quand on parle de diversité, c'est la mixité.
17:05 Même plus de femmes, effectivement, plus de jeunes des quartiers populaires.
17:10 Aujourd'hui même, ce qui est permis chez les sapeurs-pompiers,
17:13 c'est les monomissions.
17:15 On a des pompiers qui ne viennent que pour prendre l'ambulance.
17:18 Ce qui est le cas ici d'ailleurs.
17:20 Il y a un jeune de 17 ans qui ne fait que l'ambulance.
17:22 Exactement.
17:23 Et donc, ça permet à ces plus jeunes-là, et même des personnes un peu plus âgées,
17:26 de pouvoir également participer aux actions des sapeurs-pompiers.
17:29 Donc tout ça, la mixité est importante, est très importante.
17:33 Et on tend vraiment vers ça. C'est une très bonne chose.
17:36 Moussa, Mathieu, merci. L'émission n'est pas terminée.
17:38 Engagé, c'est aussi une manière de faire comme ça des passerelles et des rencontres.
17:43 Et on va partir à la rencontre d'une jeune fille brillante, scolairement brillante,
17:47 qui vient des quartiers prioritaires de la ville,
17:49 que vous accompagnez Moussa, et on part à sa rencontre.
17:53 Dernière partie de notre émission Engagé, justement à la rencontre de ces jeunes engagés.
17:59 Alors peut-être qu'ils ne le savent pas eux-mêmes qu'ils sont engagés avec nous.
18:01 Ivana Essartier. Bonjour Ivana.
18:03 Bonjour.
18:04 On est très heureux de vous accueillir.
18:05 Vous avez 15 ans, vous êtes une élève de 3e qui est allée rentrer en seconde.
18:08 Là, c'est dans quelques jours la rentrée.
18:10 Vous avez préparé Henri IV.
18:13 On reviendra évidemment sur ce désir d'intégrer Henri IV,
18:17 et accompagnée par cette association Espoir Jeune.
18:22 Et à vos côtés, Mathieu Maucor, le délégué interministériel à la jeunesse.
18:26 Et vous vous connaissez parce que Mathieu Maucor est venu faire une présentation de ses activités,
18:30 de son engagement dans votre établissement Nelson Mandela.
18:33 D'abord, Ivana, est-ce que vous avez le sentiment, puisque c'est le titre de notre émission,
18:37 d'être une jeune fille engagée ?
18:40 Oui, j'ai le sentiment d'être une jeune fille engagée parce que
18:44 j'ai toujours défendu ce que je pensais, mes idées,
18:50 mes pensées et mes valeurs auprès de plein d'activités.
18:56 Mathieu Maucor, je vous pose la question parce que vous êtes venu il y a quelques mois
18:59 dans cet établissement Nelson Mandela.
19:01 C'est là où vous croisez Ivana.
19:03 Et puis ensuite, l'aventure va se poursuivre puisqu'Ivana, très engagée,
19:07 viendra à Matignon poser des questions, s'exprimer et nous faire partager des idées.
19:11 Et faire partager à la Première Ministre son point de vue.
19:15 Comment vous la regardez, Ivana ?
19:17 Parce que le débat que je pose, c'est un débat fondamental.
19:20 Les grands médias, le regard que nous portons, nous, sur les quartiers.
19:24 Moi, j'aimerais bien qu'on voit des Ivana partout à la télévision.
19:27 D'ailleurs, merci de lui donner la parole aujourd'hui.
19:30 Parce que, vous l'avez dit tout à l'heure, Arnaud Ardouan,
19:33 moi, je suis très souvent dans les quartiers prioritaires.
19:36 Franchement, les jeunes, ils sont engagés et ils sont engagés.
19:39 Ils ont envie de s'en sortir. Ils ont souvent envie d'ailleurs de partir.
19:43 D'aller découvrir d'autres horizons.
19:46 Ils ne connaissent pas toujours les autres horizons.
19:48 Une question toute simple que je leur pose très souvent,
19:50 c'est est-ce que vous êtes déjà allé dans une autre région que la vôtre ?
19:53 Est-ce que vous avez déjà pris le TGV ?
19:55 Très souvent, une fois sur deux, la réponse est non à la question "autre région ou TGV".
20:00 Ivana, je vous pose la question parce que je sais que c'est un peu sensible ce sujet.
20:04 D'abord, l'accompagnement d'Espoir Jaune.
20:07 Si l'association n'avait pas été là, qu'est-ce que vous auriez fait ?
20:11 Qu'est-ce que vous seriez devenue ?
20:13 Est-ce que votre vie aurait été différente sans l'accompagnement de l'association ?
20:17 Bien sûr, ma vie serait différente, mais j'aurais toujours continué à me battre,
20:22 toujours continué à travailler, d'arrache-pieds.
20:25 J'aurais toujours gardé mes ambitions, mais c'est vrai que grâce à eux,
20:28 j'ai pu aller dans des endroits où je ne serais jamais allée.
20:32 Ils m'ont ouvert des portes que personne n'aurait pu m'ouvrir d'autant.
20:35 On peut le dire, vous avez fait un stage à l'ambassade du Koweït,
20:38 dans les pas de l'ambassadrice.
20:40 Oui.
20:41 C'est incroyable.
20:42 Je dirais plus que ça.
20:44 C'est inimaginable, et vous l'avez vécu.
20:48 Soutien scolaire, l'association c'est le soutien scolaire, c'est l'accompagnement scolaire,
20:52 mais vous me disiez que c'était aussi une manière de vous donner confiance,
20:56 de mettre le petit tour de manivelle pour vous faire partir.
21:00 Oui, parce qu'ils nous donnent de la confiance.
21:02 Ils nous montrent que ce n'est pas parce que vous venez de cet endroit-là
21:06 que forcément ça vous définit justement.
21:08 Vous pouvez être qui vous voulez, et c'est ça que prône l'association.
21:14 Mathieu Moccord, c'est assez émouvant ce que dit Ivana.
21:17 Ce qui est assez dingue, c'est cette détermination qui anime
21:21 beaucoup de ces jeunes qu'on croise en permanence,
21:24 cette envie d'y arriver, et qui diffuse souvent entre eux.
21:29 Parce que quand vous avez une Ivana dans une classe,
21:32 forcément ça déteint sur les camarades.
21:35 C'est un peu l'école Bonsakébé, il y a beaucoup d'humilité dans son expression.
21:40 Et détermination.
21:42 Là, on a à côté de nous un modèle aussi pour les plus jeunes
21:46 dans le collège Nelson Mandela, qui voient aussi ces parcours-là.
21:50 Je sais que parfois tu prends la parole devant eux pour expliquer tout ça.
21:53 Je trouve que c'est très inspirant pour eux de se dire qu'on ne lâche rien.
21:58 Et ce feu sacré-là, il ne faut surtout pas qu'on l'éteigne.
22:02 Et pour ne pas l'éteindre, il faut qu'on veille tous à envoyer des quartiers
22:07 une image qui est fidèle à la réalité, qui soit ni idyllique,
22:11 mais pas non plus manichéenne ou toute noire, comme on peut le dépeindre parfois.
22:17 Merci Mathieu Moccord d'être venu, d'avoir pris ce temps.
22:21 Merci aussi de nous avoir présenté, parce que c'est vous
22:24 qui nous avez présenté ces personnalités.
22:27 Ce ne sont pas des personnages, ce sont des personnalités.
22:29 Merci Ivana. Je vous dis bon vent pour la suite de votre scolarité,
22:33 pour cette rentrée en seconde dans un lycée Blanc-Ménil.
22:37 Et puis on va se recroiser du côté d'Henri IV pour la première.
22:41 On part comme ça ? Merci Ivana, merci Mathieu.
22:45 Et merci évidemment à toutes les équipes de la caserne de Gonesse,
22:50 les 80 femmes et hommes.
22:52 Merci au capitaine, au chef de centre Moussa Kebe et l'association Espoir Jaune.
22:56 Voilà l'engagement, voilà l'esprit de cette émission Engagée.
22:59 J'espère que ça vous a plu et je vous dis à très bientôt pour un prochain numéro.
23:02 Bye bye.
23:04 [Musique]