Les portraits de quatre acteurs du monde financier permettent de revenir sur la crise qui a remis en cause le sytème bancaire mondial en 2008. Parmi eux, Jérôme Kerviel, trader français de la Société générale, accusé par sa banque d'avoir perdu des milliards d'euros. Les décisions prises par Henry Paulson, secrétaire du Trésor américain, ont déstabilisé le système financier. Le départ de la panique générale peut être attribué à la faillite de la banque Lehman Borthers, dirigée par Richard Fuld. Quant à Bernard Madoff, il est désormais considéré comme le plus grand escroc boursier de tous les temps.
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00:00 Wall Street, le cœur de la finance mondiale.
00:05 Un microcosme, un monde de chiffres où se mêlent les destins, les fortunes et les tragédies.
00:11 2008 a été la Pyranus Horribilis de la finance mondiale depuis 1929.
00:17 Quatre hommes incarnent tous les péchés du capitalisme.
00:22 Jérôme Kerviel, un trader français.
00:25 Henry Paulson, le ministre des finances américain.
00:28 Richard Fuld, le patron de la banque Lehman Brothers.
00:32 Et Bernard Madoff, un financier.
00:35 Quatre hommes qui vont incarner les péchés de la finance mondiale.
00:39 Comme dans la Bible, où l'apocalypse est déclenchée par la venue de quatre cavaliers.
00:44 Ce qui chevauche sur la terre et la dévaste.
00:48 A l'image de cette prophétie, dans l'histoire de l'apocalypse financière de 2008,
00:53 Jérôme Kerviel est l'ange annonciateur.
00:58 Henry Paulson, l'ange exterminateur.
01:02 Richard Fuld, l'ange maudit.
01:06 Et Bernard Madoff, l'ange déchu.
01:13 (Musique)
01:17 Le 24 janvier 2008, c'est un coup de tonnerre dans le milieu des marchés financiers.
01:33 Une des plus importantes banques de la planète, la Société Générale,
01:38 annonce ce jour avoir été victime d'une fraude de 5 milliards d'euros.
01:42 L'annonce est faite par le PDG en personne, lors d'une conférence de presse, initiée en urgence.
01:48 "Samedi, nous avons découvert l'existence d'une position dissimulée,
01:53 complètement cachée, extérieure à nos livres à nous,
01:57 mais logée dans notre champ d'activité de marché."
02:04 Le PDG accuse un homme d'en être le responsable, Jérôme Kerviel,
02:09 l'ange annonciateur qui incarne les failles de la finance mondiale.
02:14 Jérôme Kerviel a 32 ans. Il rejoint la Société Générale en 2000.
02:19 Son travail consiste à acheter et vendre des actions, un trader sans histoire.
02:24 Mais le 24 janvier, lorsque la Société Générale annonce ses pertes historiques,
02:29 elle le désigne comme seul responsable. Que s'est-il passé ?
02:33 Jérôme Kerviel est accusé par la banque d'avoir fraudé,
02:36 pour spéculer avec des milliards d'euros sur les marchés financiers.
02:40 La banque découvre cela du jour au lendemain.
02:43 Nous nous sommes rendus à la sortie de l'Assemblée Générale des Actionnaires,
02:47 un an et demi après la découverte de la fraude.
02:50 L'affaire Kerviel est encore dans toutes les têtes.
02:53 Nous rencontrons le directeur stratégie de la banque, qui se souvient de cette journée.
02:57 "C'était une bombe, on était effondrés.
03:00 Les gens ne se rendent pas compte.
03:03 J'ai dirigé les activités de salle des marchés pendant très longtemps.
03:07 Je suis peut-être particulièrement nerveux, mais je ne crois pas.
03:10 Quand je partais le soir avec des positions qui pouvaient faire perdre
03:13 500 000 euros, 1 million d'euros, déjà moi ça me faisait mal au ventre.
03:19 Mais lui, Kerviel, il avait une position dans laquelle,
03:23 quand le CAC bougeait de 2%, il perdait 1 milliard d'euros.
03:27 Il perdait la valeur des 2 tours Société Générale,
03:30 juste sur une variation de 2% de cas."
03:33 Comment un seul trader peut-il mettre en danger une banque toute entière ?
03:37 Jordan Belfort était un des plus importants traders de Wall Street.
03:43 Il est devenu multimillionnaire en quelques années.
03:46 Puis, après des placements douteux, s'est fait arrêter par le FBI.
03:49 Aujourd'hui, il s'est rangé.
03:51 Il sait qu'à ce poste, on peut facilement péter les plombs.
03:55 "Moi, je gagnais 1 million de dollars par semaine,
03:59 à peu près 50 millions par an.
04:02 J'ai acheté beaucoup de voitures, Ferrari, Lamborghini, Rolls Royce,
04:05 tout ce qui était possible.
04:07 J'ai même acheté une Aston Martin que j'ai transformée en voiture James Bond
04:10 avec des clous et de l'huile qu'on pouvait jeter.
04:12 Vous savez, j'ai fait des choses vraiment stupides.
04:15 J'ai acheté des maisons, un yacht de 60 mètres avec un hélicoptère dessus,
04:20 un yacht Coco Chanel, je l'ai fait couler celui-là,
04:24 je l'ai planté dans une tempête car j'étais complètement drogué.
04:27 Ma vie n'avait aucun sens.
04:29 L'argent n'avait aucune importance.
04:32 Vous savez, c'est parce qu'en fait, je ne créais rien.
04:34 Et quand vous travaillez à Wall Street, tout tourne autour de l'argent."
04:38 Kerviel agissait sur les marchés à un niveau 100 fois inférieur à Jordan Belfort.
04:42 Mais problème pour le trader américain, l'histoire Kerviel sent mauvais.
04:46 Selon lui, il n'a pas pu agir en franc-tireur.
04:50 "J'avais une société moi-même.
04:52 Elle n'était pas aussi importante que la société générale.
04:54 Mais je sais une chose avec certitude.
04:56 En aucune façon, un homme seul ne peut s'engager avec autant d'argent
05:00 avec d'autres gens à côté de lui.
05:02 Je ne dis pas que d'autres gens étaient impliqués,
05:04 mais ils auraient dû être au courant.
05:06 Ils ont dû dire ok, j'en suis sûr.
05:08 Les patrons laissaient les traders s'engager car c'est la nature de ce business.
05:12 Ils ne contrôlaient pas car en fait, ils encourageaient les traders
05:15 à prendre le maximum de risques."
05:17 Deux jours après la découverte des pertes,
05:19 Kerviel est placé en garde à vue.
05:21 Il restera cinq semaines en prison.
05:23 Mise en examen pour faux et usage de faux,
05:26 piratage informatique et abus de confiance.
05:29 A sa sortie, il ne dira rien.
05:31 Le jeune homme reste discret.
05:33 Nombreux se demandent à l'époque s'il n'est pas le bouc émissaire
05:35 d'un système à la dérive.
05:37 Son avocat est persuadé que l'affaire a trop d'ampleur
05:41 pour que Jérôme Kerviel soit le seul responsable.
05:44 "On sait par exemple qu'il a pris des positions
05:47 à hauteur de 50 milliards en une journée.
05:52 Il a racheté 5% du capital de la Deutsche Bank en une journée,
05:56 fictivement, mais ça apparaissait à l'écran.
05:59 Il a acheté 15% de Porsche en une journée.
06:02 Et personne, bien sûr, à l'Association Générale, ne voyait rien.
06:06 C'est comme si moi, je vais vous dire,
06:08 je suis capable de cacher en plein Paris la Tour Eiffel
06:13 sans que personne ne la voit."
06:15 Lors de l'Assemblée des actionnaires de la Société Générale,
06:18 nous rencontrons également un ancien cadre de la banque à la retraite.
06:21 Lui aussi se pose des questions sur la capacité de Kerviel
06:25 à avoir réalisé ses opérations en cachette.
06:28 "Il a été mal contrôlé, surtout.
06:31 Je peux vous en parler parce que j'étais directeur des risques
06:33 et moi, quand je faisais 10 000 balles de dépassement,
06:36 il y avait le téléphone qui sonnait,
06:38 je me disais oh là là, attention, doucement."
06:40 "Et ça veut dire que vous, quand vous faisiez un dépassement,
06:42 c'était tout de suite vu, quoi ?
06:44 Vous vous voyiez tout de suite ?
06:45 - Bien sûr. - Et alors pourquoi ?
06:46 - Je ne sais pas parce que moi, c'était des francs
06:48 alors que lui, c'est des produits dérivés auxquels
06:50 personne n'a jamais rien compris.
06:52 - D'accord.
06:53 Et vous pensez qu'il a été mal contrôlé ou qu'on a laissé faire ?
06:57 Votre point de vue à vous, hein.
07:00 - Mon point de vue à moi, c'est que tant qu'il gagnait, c'était bon.
07:05 - Et le jour où il a perdu ?
07:08 - Panique.
07:09 Bien sûr que c'est impossible
07:11 qu'un seul homme puisse s'engager comme ça.
07:13 Et puis, il n'aurait jamais pu le faire plus d'une journée.
07:16 Un trader peut péter les plombs,
07:19 exécuter des transactions pendant quelques instants,
07:21 mais on le sait en 40 minutes
07:23 parce que ça s'affiche sur des écrans de contrôle.
07:26 Alors si en dépit de cela,
07:28 les gens à la Société Générale
07:30 n'étaient toujours pas au courant de ce qui se passait,
07:32 alors moi je dis qu'il devrait être pendu sur la place du village
07:35 pour incompétence,
07:36 pas pour avoir transgressé la loi,
07:38 pour incompétence.
07:41 Même le directeur stratégie de la banque
07:43 admet que Jérôme Kerviel a soulevé un gros problème
07:46 dans le système même des transactions financières.
07:49 - On ne peut pas avoir une fraude aussi gigantesque,
07:51 considérer que tout était parfait dans l'entreprise.
07:54 Mais voilà, il faut être honnête.
07:56 Maintenant, à la fin des fins,
07:58 pour vous être une entreprise aussi importante que la Société Générale,
08:01 il faut être vachement exigeant.
08:03 Et depuis, on a remis en place toute une série de contrôles,
08:05 on fait toute une série de choses.
08:07 Et puis, comme il l'a fait, voilà.
08:09 Quand on fait des erreurs, il faut les reconnaître après.
08:11 L'avocat de la banque n'a pas voulu nous répondre,
08:13 nous disant que l'instruction était toujours en cours.
08:15 Jérôme Kerviel risque de la prison ferme.
08:18 Tout le monde pensait à l'époque que cette histoire n'est qu'un accident.
08:21 Mais en fait, elle va servir de révélateur
08:23 et annoncer des scandales encore plus importants.
08:26 Celui qui va faire exploser le système,
08:29 dans le rôle de l'ange exterminateur,
08:31 c'est Henry Paulson, le ministre des Finances américain.
08:36 Henry Paulson devient secrétaire d'Etat au Trésor en 2006,
08:39 sous l'administration Bush.
08:41 C'est un ancien banquier.
08:43 Il a 63 ans. On le dit intraitable.
08:46 Il est surnommé "le Marteau" par ses camarades de foot.
08:49 C'est lui qui va faire basculer le système financier dans la crise.
08:53 Il va sacrifier la banque d'affaires Lehman Brothers,
08:56 une faillite retentissante
08:58 qui va entraîner un effet domino sur les banques du monde entier.
09:03 Le Manhattan, une banque créée il y a 150 ans par Emmanuel et Meyer Lehman.
09:07 Une institution, un des piliers de la finance américaine.
09:11 Mais sa tour de 180 m de haut, en plein Manhattan,
09:15 va s'écrouler en une journée.
09:17 Tout commence en février 2007,
09:21 lorsque les Etats-Unis se réveillent avec une gueule de bois financière
09:24 et se rendent compte que des millions d'Américains
09:26 ont contracté des crédits hypothécaires qu'ils ne peuvent plus rembourser.
09:32 Les banques américaines récupèrent des maisons qui ne valent plus rien
09:35 et leurs investissements dans ces institutions de crédit non plus.
09:38 C'est la crise des subprimes.
09:40 Larry MacDonald était vice-président
09:43 de la salle des marchés de la banque d'affaires Lehman Brothers.
09:46 Une banque qui investit à cette époque énormément d'argent dans ces subprimes,
09:49 sur le dos des foyers surendettés.
09:51 Notre banque faisait d'énormes bénéfices.
09:58 À cette époque, en 2007, on spéculait énormément
10:01 sur l'effondrement des compagnies de crédits immobiliers.
10:04 Et notre groupe a fait 2 milliards de dollars de bénéfices en 2007,
10:10 en vendant à la baisse des compagnies comme Freddie Mac,
10:13 Fannie Mae ou AIG.
10:15 La banque spéculait énormément à la baisse.
10:17 Les patrons au dernier étage de la tour devenaient déconnectés de la réalité.
10:27 Vous aviez une banque qui faisait beaucoup d'argent de façon normale
10:30 et vous aviez les princes et les rois dans les bureaux du haut de la tour
10:35 qui ne comprenaient plus les risques qu'ils prenaient.
10:38 La spéculation était trop forte.
10:42 Déconnectés, les banques n'ont pas vu arriver le retour de Manivel.
10:49 Henry Paulson doit renflouer d'urgence Berchtirn,
10:52 une société d'investissement qui croule sous les dettes.
10:56 Le 7 septembre, il injecte 200 milliards de dollars dans Freddie Mac et Fannie Mae,
11:01 2 établissements de refinancement immobilier.
11:03 Wall Street et avec elle les bourses du monde entier tremblent.
11:07 C'est la panique.
11:10 Les banques, pourtant d'habitude peu enclines à voir l'Etat se mêler de leurs affaires,
11:17 se retournent vers le gouvernement américain
11:19 et particulièrement vers Henry Paulson, le patron du trésor.
11:23 Elles ont toutes besoin d'argent et vite, une d'entre elles particulièrement,
11:27 l'Hemann Brothers.
11:29 A cause des subprimes, cette institution est endettée à hauteur de 32 fois son capital propre.
11:35 A la surprise générale, Henry Paulson n'envisage pour elle aucune aide.
11:40 Pourtant Anastasia Ifergan reste confiante, comme la plupart des 25 000 employés de la banque.
11:46 On savait quelque chose, enfin tout le monde le savait.
11:50 Tout le monde, même en dehors de la banque, on sentait bien que quelque chose allait se passer ce week-end là.
11:54 C'est-à-dire qu'on avait survécu au krach de 1929,
11:57 on avait survécu à toutes les grandes crises de la fin des années 90,
12:00 l'Asie, le Brésil, les emprunts russes, la faillite de l'LTCM,
12:04 l'éclatement de la bulle internet en 2000.
12:07 Et on se disait, si on a survécu à tout ça, on survivra.
12:10 Selon Christine Lagarde, le ministre des Finances français, c'est Henry Paulson
12:14 qui précipite la chute de l'Hemann.
12:16 Brutalement, la décision probablement du Trésor américain et d'Henry Paulson
12:22 de laisser l'Hemann Brothers sans solution le lundi matin,
12:28 et avec donc la perspective d'une faillite.
12:32 Je me suis réveillé dans la nuit du dimanche au lundi, à 2h du matin.
12:43 Je me suis installé devant mon ordinateur, car au moment où je me suis mis au lit,
12:49 il n'avait encore rien annoncé.
12:52 J'ai mis en marche mon ordinateur et je suis allé sur la revue de presse.
12:58 Et là, j'ai lu l'annonce de la faillite.
13:01 Je me suis assis dans la pièce, dans le noir.
13:05 J'étais très ému par tout cela.
13:08 J'ai même pleuré.
13:11 J'ai pleuré.
13:15 Au milieu de cette nuit du 14 au 15 septembre, l'inimaginable vient d'arriver.
13:21 Petit à petit, les salariés entendent parler de la rumeur et se précipitent au bureau.
13:29 Ils savent que c'est fini et viennent chercher leurs effets personnels.
13:34 C'est horrible. On vient chercher toutes nos affaires.
13:38 Qu'allez-vous faire maintenant ?
13:40 Je ne sais pas. Rentrer chez moi, voir ma femme et mes enfants et ensuite, on verra.
13:45 Expliquez-nous un peu l'ambiance à l'intérieur.
13:50 L'ambiance ? Les gens fument et boivent de la bière à l'intérieur.
13:55 Vous êtes sûrs maintenant que la faillite va être prononcée ?
13:58 Oui.
13:59 Et quel est votre sentiment ?
14:01 De la colère et de la tristesse.
14:04 Qu'est-ce que vous pensez du fait que le gouvernement n'ait pas aidé votre compagnie
14:07 alors qu'il l'a fait avec Berchtirn, Fannie Mae, Freddie Mac ?
14:11 Qu'en pensez-vous ?
14:13 Ils ne nous ont pas aidés. Ils ne nous aideront plus.
14:21 Ils ont effectivement aidé Berchtirn.
14:24 Je pense juste que nous sommes les malchanceux dans tout cela.
14:27 Après avoir débloqué six mois auparavant un budget extraordinaire de 200 milliards de dollars
14:33 pour sauver les institutions financières,
14:35 Henry Paulson dit stop au nom de la morale.
14:38 Dans la journée qui suit, il se justifie et explique pourquoi il a sauvé les autres en mars.
14:44 La situation au mois de mars, au moment du sauvetage de Berchtirn
14:51 et celle que nous affrontons en septembre est complètement différente.
14:56 Et je n'ai jamais envisagé, ne serait-ce qu'une seule fois,
15:00 qu'il était possible d'utiliser l'argent du contribuable pour sauver les Mann.
15:05 Mais cette déclaration va le projeter au cœur d'une polémique.
15:09 Paulson dit sacrifier les Mann au nom de la morale.
15:12 Curieusement, quelques jours après, il va donner un coup de pouce à une autre banque, Goldman Sachs,
15:17 la banque dont il était encore le président trois ans auparavant.
15:21 Il va réinjecter 65 milliards dans AIG, le leader mondial des réseaux d'assurance,
15:26 qui couvrent les créances de Goldman Sachs.
15:28 Problème, cette banque est le principal concurrent de Lehman Brothers.
15:33 À l'époque, beaucoup de gens ont pensé qu'ils avaient voulu faire un exemple,
15:41 donner une leçon au capitalisme exacerbé, pour permettre au système libéral de se maintenir quand même.
15:49 Mais cela n'a aucun sens si, quelques jours après, vous renflouez AIG.
15:55 Si c'était une leçon de morale, alors elle n'a duré que 24 heures.
16:00 Une leçon de morale de 24 heures.
16:04 À mon avis, c'était plutôt une raison personnelle.
16:07 Un conflit personnel, car un nouveau personnage entre en scène.
16:14 L'ange maudit, Dick Fuld, le président de Lehman Brothers.
16:24 Depuis des mois, il se livre à une guerre des nerfs avec Henry Paulson.
16:28 Et c'est Fuld qui va y laisser des plumes.
16:31 Dick Fuld entre comme stagiaire chez Lehman en 1966.
16:36 Il en deviendra le PDG 28 ans plus tard.
16:39 Il a multiplié la valeur de l'action de sa banque par 17.
16:42 On le dit arrogant.
16:44 Et surtout, ses anciens employés lui reprochent de s'entêter dans les subprimes, aveuglés par les rendements.
16:51 Selon Jordan Belfort, le trader repenti, Dick Fuld était aliéné par la cupidité.
16:56 Ce n'était pas illégal de faire ce qu'il faisait.
17:00 Mais là, on est à la limite de la morale.
17:02 À l'époque, Lehman investissait énormément dans l'immobilier.
17:06 Moi aussi, j'étais dedans.
17:07 Et comme les autres boîtes, dès qu'on avait des actions pourries, on les donnait à Lehman Brothers.
17:12 Ils achetaient tout ce qu'on leur proposait, coûte que coûte.
17:14 Ils ne se contentaient pas de leurs bénéfices.
17:17 Ils voulaient toujours faire plus.
17:19 Parce que des gens comme Dick Fuld, qui dirigeait Lehman, prenaient leurs bonus en fonction de ce que gagnaient leurs compagnies.
17:25 C'est là le cœur du problème.
17:27 Larry McCarthy était chef de département dans la banque.
17:31 Il a démissionné, selon lui, lorsqu'il a vu le PDG et son conseil d'administration s'enliser dans ses placements trop spéculatifs.
17:39 Moi, j'étais chef de service chez Lehman, ce qui était un très bon poste.
17:46 Je siégeais au comité de risque où nous faisions des réunions tous les vendredis pour passer en revue les risques de chaque service.
17:53 Et moi, j'étais contre ces risques.
17:57 On me rétorquait « Tu ne sais pas de quoi tu parles ».
18:01 Et moi, je leur ai dit qu'ils avaient de la merde dans les yeux.
18:04 Dans mon service, si on engageait un dollar, on risquait de perdre un dollar.
18:13 Eux, s'ils engageaient un dollar, ils pouvaient en perdre cinq.
18:16 Et c'est ce qui a causé des problèmes.
18:20 Il y avait des gens très importants qui faisaient partie de notre entreprise, qui ont essayé d'arrêter.
18:29 Des gens hiérarchiquement mieux placés que moi, qui ont essayé de dire « Stop ».
18:35 Iceberg droit devant.
18:40 Un par un, ces gens dont je parle, ceux qui ont essayé d'arrêter la machine, d'arrêter cette spéculation effrénée, un par un, ils ont été éliminés de la compagnie.
18:52 - Ils ont été virés ? - Poussés dehors.
18:55 Dick Fuld, autoritaire, n'écoute personne. Et sans faire dans la spirale du jeu.
19:01 Il pense pouvoir se refaire. Il pense surtout qu'Henry Paulson ne le laissera pas tomber.
19:07 Je sais qu'ils ont dîné ensemble, une fois, à Washington.
19:10 Paulson lui a conseillé de vendre sa banque. Et Fuld lui a dit qu'il n'avait pas à se mêler de ses affaires.
19:21 Lehman était toujours envieux de Goldman Sachs et vice-versa.
19:25 Donc c'était un peu entre eux comme un concours de bites.
19:33 Je pense que si les relations entre les deux hommes avaient été meilleures, les choses n'auraient pas tourné ainsi.
19:39 Mais Fuld a dit à Paulson d'aller se faire foutre.
19:43 Sûr de lui, Dick Fuld rejette alors des propositions de rachat pas assez chères à son goût.
19:48 Pendant ce temps, sa banque sombre.
19:51 Si Dick Fuld avait mieux communiqué sur la valorisation des actifs toxiques au sein du bilan,
19:58 si Dick Fuld avait accepté peut-être certaines opportunités de revendre toute ou partie de Lehman Brothers à plusieurs reprises,
20:05 en juin, juillet ou 2008, et si les ventes à découvert avaient été plus réglementées, est-ce que Lehman Brothers serait toujours là ?
20:13 Le 15 septembre, c'est la faillite. La tour de Lehman se vide.
20:18 Richard Fuld doit maintenant se justifier devant une commission d'enquête du Congrès.
20:26 Surtout que ces huit dernières années, il a empoché près d'un demi-milliard de dollars
20:30 et distribué d'énormes bonus à ses proches collaborateurs, dont 22 millions pour lui juste avant la fin.
20:36 Votre compagnie est aujourd'hui en faillite, notre économie est en crise,
20:42 mais il reste 480 millions de dollars dans votre poche. J'ai juste une question, vous trouvez cela normal ?
20:50 Monsieur le Président, nous avions une commission qui était chargée de répartir les bonus.
20:56 Elle a passé beaucoup de temps à répartir ces bonus de façon équitable entre les dirigeants, les cadres, les employés et les actionnaires.
21:06 Fuld ne se démente pas, son ton reste celui du pire.
21:12 Mais je vais être très clair avec vous. Je prends l'entière responsabilité des décisions que j'ai prises et pour les actions que j'ai entreprises.
21:22 Si on regarde les informations que nous possédions à l'époque, je pense que ces actions ont été faites pour les bonnes raisons.
21:33 Son ton dérange, un sénateur intervient et lui tape sur les doigts.
21:37 Écoutez une seconde, si vous ne le saviez pas encore, c'est vous dans le rôle du méchant aujourd'hui, alors vous feriez mieux de vous conduire comme tel.
21:47 Richard Fuld sourit jaune car il sait qu'il risque de la prison ferme.
21:51 Trois enquêtes sont ouvertes pour savoir s'il a dissimulé ses placements ultra spéculatifs aux actionnaires.
21:57 Et l'affaire va vite dépasser le périmètre de Manhattan.
22:01 Le président de la commission a été élu par le président de la commission.
22:06 Il a été élu par le président de la commission.
22:10 Il a été élu par le président de la commission.
22:17 Le plus terrible dans toute cette tragédie, c'est qu'elle a eu des conséquences sur tellement de gens partout sur la planète.
22:28 Et cela n'aurait jamais dû se produire.
22:33 Le Man Brothers a entraîné avec elle la chute du marché financier et de la capacité de crédit pour les particuliers.
22:40 Cela a affecté la planète entière, en France, partout en Europe.
22:45 Regardez les indices européens aujourd'hui.
22:48 Ce sont les pires depuis 60 ans.
22:53 Avec la chute de Lehman, la confiance entre les différents acteurs financiers est rompue.
22:59 Les banques du monde entier gèlent leur argent.
23:02 La crise va mettre au jour le secret d'un homme jusque-là bien gardé.
23:06 Bernard Madoff, un ange déchu par la vanité, le mensonge et la trahison.
23:17 Le grand public le découvre au moment de son arrestation.
23:30 Bernard Madoff, un papy de 71 ans, connu seul des initiés du marché.
23:36 On lui aurait donné le bon Dieu, sans confession.
23:40 Pendant 20 ans, il a promis des rendements de plus de 10%.
23:46 Mais avec la crise engendrée par Lehman Brothers, ses investisseurs lui redemandent leur argent.
23:51 Dans les caisses de Madoff, 65 milliards de dollars se sont volatilisés.
23:56 Il est arrêté le 11 décembre 2008.
24:00 Un vendredi matin, si je ne me trompe, mon mari était descendu faire quelques courses et où je travaillais sur mon ordinateur.
24:06 Je le vois revenir tout vert en me disant "nous sommes ruinés".
24:11 Je dis "ah bon, tiens, qu'est-ce qui se passe ?"
24:13 On avait un écran de télé qui était sur un point de mur et je vois en bas, en rouge, "Madoff arrested".
24:21 Et j'ai entendu le mot Madoff et Madoff, je me dis "ça me dit quelque chose".
24:27 On était debout, pratiquement bouche ouverte, en train de regarder l'écran.
24:31 Le flash média "Madoff arrested", etc. On se dit "mais qu'est-ce qui se passe ?"
24:37 Quand j'ai entendu qu'il était mis en prison, j'ai d'abord cru que c'était pour une amende de stationnement.
24:42 Et puis après, je me suis mise à réaliser. Ils ont dit "l'argent a disparu".
24:48 Je me suis dit "il doit y avoir une erreur".
24:51 Je n'étais pas surpris que cela arrive dans ce genre de business.
24:56 Mais j'étais surpris que cela arrive à M. Madoff, à qui je faisais confiance et que je respectais.
25:03 Tout a commencé pour Bernard Madoff dans ce quartier de la banlieue populaire de New York, dans le Queens.
25:10 Joe et Jane sont ses amis d'enfance. Ils étaient dans la même école au début des années 60.
25:17 Jane et Joe avaient 20 ans. Ils habitaient tous dans le quartier juif.
25:25 C'est le croisement entre la 200e et la 28e. C'est la rue où habitait Bernie.
25:30 Et c'est aussi là où il est allé à l'école primaire.
25:34 Bernard Madoff habitait cette modeste maison. C'est également dans ce quartier qu'il rencontre sa femme Ruth et qu'ils se marient à l'âge de 22 ans.
25:42 C'est ici que Ruth et Bernie se sont mariés.
25:45 Vous êtes allés au mariage ?
25:47 Oui, nous y étions tous les deux.
25:49 Et c'était comment ?
25:51 Oh, charmant !
25:54 C'était en novembre 59.
25:55 Bernard devient à son tour le témoin de Jane et de Joe. Il a 22 ans.
25:59 Élève sans histoire de l'université de droit, il abandonne très vite pour faire un petit boulot de maître nageur.
26:05 Mais c'est autre chose qui l'intéresse.
26:08 A cette époque, aux Etats-Unis, la relance économique bat son plein.
26:12 La bourse fait des fortunes en quelques semaines et le jeune Bernard Madoff décide de se lancer dans l'aventure.
26:18 Bernie était un trader né.
26:23 Il était courtier en actions.
26:26 Oui, il achetait et vendait des actions.
26:30 C'était une époque un peu sauvage.
26:34 Dans les affaires, c'était vraiment sauvage.
26:38 Oui, oui. Au début des années 60, il était dans des affaires un peu parallèles.
26:45 Ce n'était pas un business très réglementé.
26:52 Vous savez, c'était un peu dingue tout ça.
26:55 A l'époque, l'instinct primait sur les connaissances.
26:58 Alors le jeune Bernie quitte la fac avantaire mais monte sa société.
27:01 Il achète et il vend des actions pour ses clients.
27:04 Visionnaire, il parie sur l'informatique et décide d'automatiser les transactions.
27:09 Une petite révolution dans les années 70-80.
27:12 L'informatisation des actes d'achat et de vente d'actions va lui permettre de casser les prix.
27:18 En 20 ans, son volume de transactions atteindra jusqu'à 10% des échanges de Wall Street.
27:22 Il gagnera 1 milliard de dollars.
27:25 Tel un dieu qui multiplie les intérêts comme des petits pains.
27:29 Son ingéniosité, sa vision et sa connaissance des marchés financiers lui valent la reconnaissance de ses pairs.
27:36 Consécration, il prend la présidence du Nasdaq, la bourse des valeurs technologiques, en 1990.
27:42 Déjà riche, il devient une référence, intouchable.
27:47 Il a pignon sur rue et occupe deux étages d'un immeuble prestigieux.
27:51 C'était sa vitrine.
27:53 Emmanuel de Saint-Martin a écrit un livre d'enquête sur Madoff.
27:56 Selon lui, il avait bien caché ses affaires illégales.
28:00 C'est le Lipstick Building.
28:03 C'était le quartier général de Bernard Madoff.
28:05 Trois étages, on le voit, c'est au milieu.
28:09 Où il y a ce décrochement.
28:11 Il y avait le 18-19e étage que tout le monde connaissait,
28:15 qui était l'endroit où venaient les clients sérieux, les vrais clients.
28:19 Et puis le 17e étage où se faisaient, où se trafiquaient les activités secrètes de Bernard Madoff.
28:24 Et le 17e étage, il était interdit au public ?
28:27 Quasiment, presque personne ne l'a vu.
28:30 Non seulement au public, mais à la plupart des employés de Bernard Madoff.
28:33 Et il y avait qui alors dans le 17e étage ?
28:35 Il y avait tout un tas de gens qu'on a appris depuis,
28:39 ils n'avaient aucune expérience en finance,
28:42 et ceux qui faisaient notamment les faux,
28:44 les faux relevés de compte que tous les clients recevaient,
28:46 scrupuleusement chaque mois pendant des dizaines d'années.
28:49 Nader Ibrahim travaille aujourd'hui pour le gouvernement.
28:52 Il s'occupait des ordinateurs chez Madoff.
28:55 Il se souvient que le business illégal était bien cloisonné du reste.
28:59 Le 17e étage était d'un accès vraiment restreint.
29:04 Il fallait être muni d'une clé magnétique pour pouvoir y entrer.
29:11 Peu de gens y allaient.
29:13 En fait, ce n'est pas que c'était interdit, mais c'était pas très connu.
29:18 Peu de gens s'occupaient des affaires qui se passaient là-bas.
29:22 Moi, j'ai d'abord cru que c'était le bureau du comptable.
29:25 Je n'avais pas compris qu'il avait un tout autre business dans ces bureaux.
29:30 Officiellement, comme courtier, Bernard Madoff passait les ordres de ses clients.
29:35 Mais il avait une autre activité occulte,
29:37 deux étages plus haut, dans un bureau caché.
29:41 Il récoltait de l'argent de particuliers ou de fonds d'investissement sans les déclarer.
29:44 Et à condition qu'il ne pose pas de questions,
29:47 il redonnait à ses clients des intérêts pharaoniques.
29:50 Jerry Reisman est un avocat qui a rencontré Madoff et a fréquenté ses clients.
29:56 Il se rappelle que tout le monde se battait pour lui donner leur argent.
29:59 À cette époque, Madoff, c'était un miracle, le bien absolu.
30:09 Moi, je l'ai rencontré la première fois au Golfe, pas loin d'ici.
30:12 Il y avait une soirée de charité.
30:15 Il était là avec sa femme, à ses côtés.
30:20 Il n'était pas très sympathique, mais cordial.
30:24 Il était au milieu de la foule et tout le monde disait "Hey, y a Madoff !"
30:31 Comme une star !
30:33 C'était une star ?
30:36 Oui, comme une rockstar.
30:38 Vraiment ?
30:39 Pourquoi ?
30:40 Parce qu'avec lui, c'était comme aller à Las Vegas,
30:44 mais en ayant toujours le billet gagnant.
30:46 Vraiment ?
30:48 Oui.
30:49 C'est-à-dire ?
30:50 Oui, si vous le touchiez, vous faisiez de l'argent.
30:53 La promesse de dividende mirifique fait marcher le bouche à oreille.
30:56 Pour chercher des investisseurs, Madoff s'est d'abord adressé à ses amis,
31:00 à ses voisins et au sein de la communauté juive.
31:03 Critère incontournable, avoir beaucoup d'argent à placer.
31:07 La plupart de ses victimes étaient juives, elles habitaient dans le coin.
31:11 Parmi ses victimes, il y avait aussi des synagogues, des écoles juives.
31:16 Il savait aussi blesser ses victimes.
31:21 Avec une promesse de rendement aussi alléchante,
31:25 Madoff n'a pas de mal à trouver des clients.
31:27 Le problème pour lui, c'est qu'ils acceptent de ne pas poser de questions sur sa méthode.
31:31 En clair, des clients qui lui confieraient leur argent les yeux fermés.
31:36 Et ceux-là, c'est à Palm Beach, près de Miami, qu'il les trouve.
31:40 Palm Beach, un vivier de milliardaires, retraité pour beaucoup, amateur de golf,
31:49 et une île de villégiature pour de riches membres de la communauté juive de New York.
31:54 José Lambier est belge.
31:59 Observateur avisé de ce petit milieu, il est chroniqueur mondain dans le journal local.
32:05 Il connaît chaque recoin de Palm Beach et a fait de ce Gotha son fonds de commerce.
32:10 C'est impensable pour les Européens, le genre de richesse qu'il y a.
32:15 Il y a de la richesse en Europe aussi, mais peut-être un quartier, deux quartiers.
32:19 Ici, c'est 7 ou 8 kilomètres de maison à 25, 30 chambres parfois.
32:26 Un club très fermé.
32:31 Au milieu de toutes ces maisons qui peuvent atteindre 100 millions de dollars,
32:35 la maison de Bernard Madoff, totalement cachée sous les arbres.
32:39 Ici, tout le monde se connaît, tous participent à des oeuvres de charité.
32:45 Même respectabilité, même milieu, même communauté.
32:50 Les habitants de Palm Beach se font confiance.
32:53 Richard Rampel connaît bien leur rapport avec l'argent.
32:57 Il est le comptable de nombreux d'entre eux.
33:01 Il faut connaître un peu la culture de Palm Beach, du club de golf et de la communauté juive ici.
33:10 C'est un peu comme un club fraternel dans les collèges ou les universités.
33:16 Au golf, vous savez, le droit d'entrée est d'à peu près 3 à 400 000 dollars.
33:21 Et encore, avant qu'ils vous acceptent, vous devez montrer que vous donnez énormément d'argent pour des actions de charité.
33:28 Ils parlent tous d'argent tout le temps, de leurs investissements.
33:32 Il n'y a pas cette honte qui pourrait faire penser que parler d'argent est vulgaire.
33:37 Tout le monde en parle.
33:40 Le golf et son côté sélect, pour les affaires de Madoff, c'est une aubaine.
33:46 Le petit milieu propage la rumeur de ses rendements.
33:49 Ses clients font eux-mêmes sa pub sur le green.
33:53 - Tu es sur le cours de golf ? - Oui, t'invite.
33:57 C'est très cher de jouer au golf.
33:59 Et elle dit "Hey, t'as de l'argent toi à placer."
34:03 "J'ai 2-3 millions de dollars."
34:05 "J'ai quelqu'un de très bon pour toi, c'est un copain à moi à New York, il sait t'avoir du 8% ou du 10%.
34:11 Mais c'est pas n'importe qui qui peut y aller, il faut que je discute avec lui, il faut que je lui montre pas de blanche.
34:16 Ça t'intéresse ?
34:18 Évidemment, si une banque te donne 2%, il y a toujours un con qui va dire "Ah oui, ça m'intéresse."
34:25 Et peut-être qu'un jour plus tard, tu as un coup de téléphone de Madoff de New York.
34:29 Ou bien tu le vois toi-même à une soirée, puis ça commence.
34:33 En fait, c'est comme de la vente de drogue.
34:38 Tu es référé de quelqu'un à quelqu'un, de bouche à oreille, et puis à un moment donné, tu te retrouves à la source.
34:44 Le gros drug dealer de Colombie, dans un autre milieu, c'est Madoff.
34:53 José Lambier nous emmène devant la maison des Madoff.
34:56 Le financier a choisi de s'installer dans une villa curieusement sobre, par rapport au voisinage.
35:02 Par rapport aux autres maisons, c'est plutôt une petite maison ?
35:07 Oui, tout à fait.
35:09 J'ai regardé l'autre jour, je crois qu'au cours actuel, c'est quand même 8 ou 9 millions.
35:14 Mais par rapport aux autres, je vais dire...
35:16 Par rapport aux autres, c'est rien du tout.
35:20 C'est bien mis, c'est une très belle location, location géographique.
35:23 C'est de l'autre côté de l'eau, mais ce n'est pas sur la plage.
35:26 Les vrais richards, les milliardaires américains, c'est sur la plage qu'ils n'habitent pas ici.
35:31 Rien d'ostentatoire, mais suffisant pour s'acheter sa crédibilité.
35:35 Une des astuces de Madoff consistait à susciter l'envie, faire croire qu'il n'y en aurait pas pour tout le monde, qu'investir chez lui était un privilège.
35:44 Tout le monde voulait faire partie de son petit club.
35:48 Il en a fait un club très privé.
35:50 Car si vous arriviez vers lui pour lui donner de l'argent, il vous rejetait.
35:54 Il disait "je suis désolé, je ne peux pas vous prendre".
35:57 Alors, les victimes, les investisseurs, se disaient "cela doit être très particulier pour qu'il refuse mon argent".
36:05 Ils se disaient "comment peut-on rentrer dans ce groupe d'investisseurs ?"
36:09 Alors, ce qu'ils ont fait, c'est de passer par une tierce personne qui investissait déjà chez Madoff.
36:17 Et ils lui donnaient leur argent pour qu'il le redonne à Madoff.
36:20 On les appelait les "fonds rabatteurs".
36:23 Les fonds d'investissement et de nombreuses banques entendent parler de ces rendements souvent 5 fois supérieurs aux leurs.
36:29 La rumeur enfle.
36:31 Certaines banques et les fonds de gestion veulent être de la partie.
36:34 D'autres deviennent les relais parfois sans le savoir de Madoff dans le monde entier.
36:39 La plupart des victimes anciennes de Madoff qui constituent l'histoire sont américaines.
36:44 Mais les victimes les plus récentes, celles qui ont permis d'atteindre cette somme gigantesque de 65 milliards de dollars,
36:50 sont pour beaucoup des victimes qui habitaient en Europe, qui n'étaient pas du tout ici.
36:54 Qui étaient des gens qui plaçaient leur argent à travers un système financier européen tout à fait contrôlé.
36:59 Et beaucoup plus contrôlé que le système américain.
37:01 Donc c'est en fait une histoire de la finance mondialisée.
37:05 C'est une histoire de la mondialisation beaucoup plus qu'une histoire américaine.
37:09 Madoff se retrouve avec des relais internationaux.
37:11 Il est recyclé dans le système bancaire classique.
37:14 Là aussi, les clients ont confiance.
37:17 A Paris, cette femme et son mari qui ne souhaitent pas donner leur identité sont séduits par les rendements proposés
37:25 et par les arguments avancés par leurs banques.
37:27 A cette époque, ils ont une grande maison en banlieue parisienne et il leur reste de l'argent à placer.
37:32 350 000 euros.
37:35 C'est là que c'était déjà un petit peu plus douteux, ils auraient dû me mettre la puce à l'oreille.
37:38 Il me dit "c'est un vieux russe très futé qui justement, ça ne parlait pas d'un véritable délit d'initié,
37:46 mais ça parlait de quelqu'un qui était capable de jouer sur les deux tableaux
37:49 et en faisant des placements en entreprise de courtage, était donc au courant de tout ce qui se passait
37:55 et de tous les mouvements, même petits mouvements à la journée.
37:59 Comme encore une fois, ça avait tout pour inspirer confiance, qu'on faisait ça ouvertement, on a dit ok.
38:07 En France, l'histoire de cette cliente est loin d'être singulière.
38:12 Bertrand de la Ville-Huchet, lui aussi a investi chez Madoff à travers sa banque.
38:17 Les très importants bénéfices ne lui ont pas mis la puce à l'oreille.
38:24 La banque, elle recevait bien entendu ses relevés et comme elle m'envoyait tous les trois mois
38:31 le montant actualisé si vous voulez de mon investissement,
38:37 eh bien je regardais tous les trois mois, je me disais tiens ça a monté 2%, je suis très content.
38:42 Le dieu de la finance devient le diable en quelques heures,
38:46 car derrière son fonds d'investissement, il y avait une gigantesque escroquerie.
38:52 Bernard Madoff est arrêté le 11 décembre 2008, accusé d'avoir fait disparaître l'argent.
38:57 Le jour même, clients et salariés se rendent dans ses bureaux dépités.
39:01 Hugues était en stage dans un fonds d'investissement à New York
39:06 qui avait placé l'argent de ses clients chez Madoff.
39:09 Il se souvient du jour de la découverte du pot au rose.
39:12 Le téléphone se met tout de suite à sonner, les clients qui disent écoutez vous avez vu ça, vous avez vu ça, qu'est-ce qui se passe ?
39:19 On a perdu mon argent, comment est-ce qu'on fait ? Comment est-ce qu'on va faire ? Qui est responsable ?
39:24 Bon des questions légitimes, toutes les questions d'un client affolé qui a perdu son argent.
39:30 C'était des fortunes qu'on ne fait pas comme ça et qu'on ne les fait pas comme ça.
39:35 C'était des véritables fortunes qui ont été balayées comme ça en un instant.
39:40 Les caisses de Madoff sont vides. Pendant plus de 20 ans, il a fraudé en toute impunité.
39:47 Pourtant son astuce, son système, la méthode qu'il avait mise en place reposait sur un mécanisme extrêmement simple,
39:53 rendu célèbre par Charles Ponzi, condamné en 1920 pour avoir floué des milliers d'épargnants.
39:59 Alan Horvitz et David Roder sont professeurs à l'université de Chicago.
40:04 Dans les années 80, David Roder était président de la SEC, le gendarme de la bourse américaine.
40:10 Il a côtoyé Bernard Madoff et ne voyait à l'époque rien nardir sur ses activités.
40:16 A l'époque, on n'aurait jamais pensé que c'était un criminel.
40:18 Un schéma de Ponzi, c'est un montage où quelqu'un commence par prendre l'argent d'un investisseur
40:26 et il promet de lui rendre des intérêts.
40:29 Ensuite, il prend l'argent d'autres gens pour payer les intérêts des premiers.
40:36 Et ainsi de suite.
40:38 Personne ne peut se rendre compte de ce genre de montage.
40:44 Jusqu'à ce que le criminel ne puisse plus payer.
40:47 Un système de cavalerie.
40:50 Le premier investisseur place son argent, puis d'autres arrivent dans la pyramide.
40:54 Il faut toujours plus d'investisseurs, car c'est l'argent des derniers entrants qui est siphonné
41:00 pour payer les 10% d'intérêts des premiers.
41:03 Un schéma qui ne peut pas fonctionner très longtemps.
41:06 Pourtant, dans le cas de Madoff, cela a duré plus de 20 ans.
41:11 Norma Hill a été une de ses clientes. Elle a investi près de 3 millions de dollars chez Madoff en toute confiance.
41:16 Voici juste une petite partie de mes relevés d'actions.
41:20 Madoff lui disait qu'il investissait pour elle, sous forme d'actions, sur les marchés financiers.
41:25 Ces relevés me disent que M. Madoff placait mon argent dans
41:33 Starbucks, Aberlab, Pepsico, le labo Pfizer, American Express, Citigroup.
41:40 Il placait mon argent dans ce panier d'actions.
41:43 Ce sont les actions qu'il achetait en mon nom.
41:46 Enfin, supposé acheter.
41:49 Vous savez, je ne suis pas une financière aguerrie.
41:52 Si on reçoit ça, on croit que c'est vrai.
41:55 Tout cela n'était que du vent.
41:58 Tout est faux.
42:01 Tout ce que vous avez là est fictif.
42:03 Et j'ai reçu cela chaque mois, pendant 21 ans.
42:08 Norma Hill, comme des milliers de clients, pensait être, à travers ses relevés,
42:13 propriétaire en partie des plus grandes entreprises du monde.
42:16 En fait, rien n'était enregistré.
42:18 Madoff bidait juste ses comptes.
42:21 Alors comment a-t-il pu berner tout le monde pendant toutes ces années ?
42:25 Madoff était visiblement plus fort que la SEC,
42:29 l'arme de la bourse américaine, qui n'a rien vu.
42:31 Vous pensez que la SEC a échoué dans cette affaire ?
42:34 Dans ce cas, oui, elle a échoué, sans aucun doute.
42:38 Mais ce n'est pas pour cela qu'il faut condamner toute l'agence pour incompétence.
42:43 Il n'y a pas un seul pays où une agence de surveillance n'échoue pas de temps en temps.
42:50 Mais dans le cadre du schéma de Ponzi, ce n'est pas une arnaque très élaborée.
42:54 Le schéma de Ponzi ?
42:56 C'est assez simple.
42:59 Vous savez, dans le cas d'un schéma de Ponzi,
43:02 quand les investisseurs reçoivent les intérêts qu'on leur a promis dans un premier temps,
43:07 ils ne vont pas s'en plaindre.
43:09 Et même s'ils voulaient retirer leur argent en disant "Bernie, je pars à la retraite, je déménage, je ne veux plus investir",
43:15 apparemment, à plusieurs occasions, il a remboursé.
43:19 Donc tout le monde était content.
43:21 C'est pour ça que ce système est magique du point de vue d'un investisseur, jusqu'à ce que ça explose.
43:27 Pourtant, de nombreuses questions restent en suspens.
43:29 L'ASEC a été prévenue à plusieurs reprises.
43:32 Elle a même diligenté plusieurs enquêtes sur Madoff, toutes classées sans suite.
43:36 Un homme, Harry Marcopolos, un spécialiste des techniques financières et concurrent de Madoff,
43:43 a même prévenu ouvertement l'agence.
43:45 C'était en 2000.
43:47 Pourquoi l'ASEC n'a rien fait ?
43:49 C'est ce que demande la commission d'enquête du Sénat aux dirigeants de l'ASEC.
43:56 Un seul homme, avec quelques amis, a découvert le pot au rose, il y a presque 10 ans.
44:01 Il vous a mis le nez dedans, dans cette poudrière qu'organisait Bernie Madoff, et vous n'avez rien trouvé à redire.
44:09 Vous ne pourriez pas trouver votre nez au milieu de la figure.
44:14 Vous savez, ils ont besoin de personnel plus efficace à l'ASEC.
44:26 Des gens qui comprennent les marchés financiers et leurs mécanismes.
44:29 Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
44:32 L'ASEC n'a rien vu, mais visiblement, dans le milieu, certains financiers n'ont pas été surpris du scandale.
44:39 Vous avez investi, vous, dans du Madoff ?
44:44 Non, non.
44:46 Pourquoi pas ?
44:49 A 200 000 lieux, je savais que c'était de la fraude, que tout ça, c'était impossible.
44:55 Écoutez, je vais être un peu grossier.
44:57 Vous savez ce qu'on dit chez nous ?
44:59 Si ça ressemble à de la merde, si ça sent la merde, alors c'est que c'est de la merde.
45:05 Si quelqu'un propose 14% d'intérêt par an, chaque année, le même montant, pendant 15 ans, c'est impossible, cela n'existe pas.
45:16 Si c'est trop beau pour être vrai, alors c'est que ce n'est pas vrai.
45:20 Certains se méfiaient, mais pas son cœur de clientèle.
45:24 Car il inspirait confiance à la communauté juive.
45:27 Il était même surnommé le bon du trésor juif.
45:30 Alors beaucoup d'œuvres caritatives ont également placé leur argent chez lui.
45:34 Steven Spielberg a investi 70% des fonds de sa fondation.
45:40 Et Levi Zell, prix Nobel de la paix, aurait placé l'ensemble de sa fondation chez Madoff, soit 15 millions de dollars.
45:46 Et les conséquences se répercutent jusqu'en Israël.
45:51 Ici, beaucoup d'infrastructures ne fonctionnent que grâce aux dons de la communauté juive américaine.
45:57 C'est le cas de cet hôpital, le Rambam.
46:00 En Israël, les hôpitaux sont sous perfusion constante d'argent pour accueillir toujours plus de patients.
46:08 Ils ont même construit un bâtiment pour résister aux bombardements.
46:10 Ici, la majeure partie du budget d'agrandissement et de rénovation provient de philanthropes privés.
46:16 Ça, c'est le mur qu'on appelle le mur des donateurs.
46:24 Ici, on affiche le nom des bienfaiteurs sur ce mur pour montrer leur générosité.
46:31 On espère que cet endroit va se remplir d'autres plaques encore.
46:36 Avec le nom de futurs donateurs.
46:38 Le chantier des urgences en suspend.
46:42 Un gigantesque parking souterrain à l'arrêt.
46:46 L'hôpital en subit quotidiennement les conséquences. Et ce n'est pas fini.
46:51 Une grosse partie de l'argent qui était, en quelque sorte, volé par Madoff,
46:57 était utilisé pour financer ce genre de projet.
47:01 Pour aider les vieux, pour la recherche, pour la santé, pour le bien-être de la population.
47:07 Et tout s'est arrêté.
47:10 Donc, en fait, je pense qu'il a volé le bien-être de beaucoup, beaucoup de gens.
47:16 À Paris, la victime que nous avons rencontrée a décidé de réagir.
47:25 Et comme elle est passée par l'intermédiaire de banque, elle a choisi de se retourner contre elle.
47:31 À partir du moment où on estime qu'on est dans son droit, même si on a déconné,
47:34 mais qu'on est dans son droit, à la limite c'est pour faire chier.
47:39 Pour faire chier. On en retirera peut-être rien du tout.
47:42 On en retirera peut-être 50 000 euros.
47:45 Mais pour le principe, je ne veux pas que ce genre de choses reste...
47:49 Qu'ils dorment sur leurs deux oreilles en croyant nous avoir calmés, en disant
47:53 "Croyez-moi, nous faisons tout le nécessaire pour que Madoff rende gorge."
47:58 Nous savons très bien, tout le monde sait, que Madoff ne rendra jamais gorge.
48:01 Puisque l'argent, il ne l'a pas mal placé, il l'a dépensé pour rémunérer les gens.
48:06 Puisque c'est le schéma de Ponzi.
48:08 Quand on dit "Où est-ce qu'il est passé cet argent ?"
48:10 Il est passé dans la poche des capitalistes qui, eux, étaient des capitalistes heureux des premiers moments.
48:15 Bonjour ! Bien merci.
48:17 Elle se rend chez son avocate pour voir comment elle peut récupérer un peu d'argent.
48:20 Déplacement.
48:22 Novembre 2008, vous avez 367 000 euros.
48:26 Et alors, maintenant, il nous reste très exactement...
48:28 195,82 euros.
48:30 Ah oui ! Ça s'est un peu augmenté.
48:32 Ça s'est encore augmenté. Du coup, finalement, maintenant, c'est des comptes qui rapportent.
48:35 Ce qu'on reproche, effectivement, à la banque, c'est d'avoir fait participer des particuliers
48:39 qui n'avaient rien demandé, et surtout pas ça, à une fraude massive.
48:45 Et surtout, il y a un désintéressement, aujourd'hui, des établissements bancaires
48:50 à l'égard de leurs clients, qui est absolument lamentable.
48:56 Toutes ces procédures contre les banques sont toujours en cours.
48:59 À ce jour, seuls deux d'entre elles ont pris la décision de rembourser leurs clients.
49:03 Aux États-Unis, le sort des victimes est encore pire.
49:08 Ironie de l'histoire, l'État américain les considère comme des complices
49:12 et leur demande, même s'ils ont tout perdu, de rembourser les intérêts qu'ils ont pu en retirer.
49:17 Nous sommes près de Palm Beach, en Floride.
49:20 Aujourd'hui, une association de victimes de Madoff a décidé de réagir
49:24 et de se regrouper pour contre-attaquer.
49:26 Moi, j'ai mis beaucoup plus d'argent que ce que j'ai pu en retirer.
49:30 On retirait de temps en temps un peu d'argent pour payer les loyers,
49:33 les dépenses courantes, des choses comme cela.
49:36 On sait qu'il nous a volés.
49:38 Maintenant, on veut que le gouvernement suspende cette décision de nous en demander encore plus.
49:42 On considère ça comme une double peine.
49:45 Oui, c'est une double peine.
49:47 Je n'ai absolument plus rien.
49:50 J'ai déjà vendu ma maison.
49:53 Avant, ma famille était plutôt aisée.
49:55 Aujourd'hui, on ne peut même plus chauffer la maison en hiver.
49:58 Et nous ne sommes même plus capables de mettre de la nourriture sur la table.
50:02 Ça vous détruit.
50:04 Ça change votre vie toute entière.
50:06 Vous perdez votre identité.
50:08 Si je dois me rendre à un mariage ou à une bar mitzvah, je n'ai même plus les moyens d'offrir un cadeau.
50:13 Vous imaginez ne plus pouvoir offrir un cadeau à votre cousin ou au fils de votre meilleur ami ?
50:18 Et en plus, c'est à votre famille de vous offrir le voyage,
50:22 parce qu'ils vous veulent absolument là, et vous, vous n'avez plus les moyens.
50:25 Ce n'est pas facile.
50:27 Pour certains, cette escroquerie va prendre une tournure tragique.
50:32 Thierry Delaville-Huchet, un financier français installé à New York,
50:36 a engagé et perdu l'argent de ses clients, de ses amis et de son frère, Bertrand, chez Bernard Madoff.
50:43 Deux semaines après l'arrestation, Thierry Delaville-Huchet réalise qu'il n'y a plus rien à faire pour récupérer l'argent.
50:50 Il demande à Hugues, son stagiaire, un dernier service.
50:53 Thierry m'a dit, en revenant, l'air de rien, "Hugues, est-ce que vous avez quelque chose qui coupe bien ?
50:59 Donnez-moi un cutter ou quelque chose comme ça." Donc il me dit "Allez-y, démerdez-vous."
51:03 Je lui laisse une petite note, le cutter, etc. sur le bureau.
51:06 Et je rentre chez moi tranquillement, matin, vers 6h30, je ne sais plus exactement.
51:11 Je suis arrivé au bureau, le doorman m'a dit "Ecoute, non, non, don't go there."
51:18 Je lui ai demandé ce qu'il voulait dire. Il m'a dit "No, he's cold."
51:22 Je lui ai dit "What do you mean ?" Il me fait comme ça.
51:26 Je lui ai dit "Attendez." Et là, il m'a dit "Ecoutez, il s'est suicidé."
51:31 Et là, j'ai distingué, vraiment, mais il y avait une flaque de sang énorme, j'ai vu la silhouette.
51:36 J'ai compris que l'acte qu'il avait commis, c'était le servi du cutter qu'il m'avait demandé de lui acheter.
51:47 [Musique]
51:50 Il a été cocu, voilà la vérité.
51:54 Et c'est ça, si vous voulez, qui explique le fait qu'il se soit suicidé.
52:03 Il a estimé que c'était assez honteux d'avoir entraîné ses clients et amis, souvent,
52:12 dans une opération qui, en réalité, n'avait pas été véritablement contrôlée.
52:17 Bernard Madoff a décidé de ne pas affronter ses victimes.
52:21 Il a choisi de plaider coupables, ce qui lui évite un procès.
52:24 Il y aura juste un verdict.
52:27 Ce jour-là, quelques télés, quelques manifestants qui crient leur frustration
52:31 de ne pas obtenir une vraie confrontation avec lui.
52:34 Il a juste présenté ses excuses en huis clos à sa famille, à ses amis.
52:40 Des excuses peu convaincantes pour ce qu'il a grugé.
52:42 Pourquoi a-t-il inventé tout ça ?
52:45 Selon son avocat, il s'est laissé emporter par l'alcool fort de la finance,
52:50 l'engrenage à la mode du "toujours plus" qui l'a conduit vers cette fuite en avant.
52:55 Il m'a confié qu'il n'acceptait pas d'admettre sa faute.
53:00 Quand il s'est engagé dans ce système, dans ce montage financier, ce schéma de Ponzi,
53:08 il a toujours pensé qu'il pourrait s'en sortir.
53:11 Et puis, il a réalisé qu'il ne pourrait pas.
53:15 Et il n'a pas eu le courage d'arrêter.
53:18 Les gens venaient vers lui en lui demandant d'être le meilleur sur le marché,
53:22 de leur offrir de forts intérêts.
53:24 Et il n'a pas pu leur dire et admettre qu'il ne pouvait pas leur donner les dividendes qu'il demandait.
53:29 Cela aurait été admettre son échec.
53:32 Et pour des raisons qui lui sont propres, il n'a pas pu l'accepter.
53:36 A l'intérieur du tribunal, le verdict tombe.
53:38 150 ans de prison.
53:43 Rassurés que Madoff passe le reste de ses jours enfermés,
53:49 les victimes, qui savent qu'elles ne reverront jamais leur argent, ont maintenant un autre combat.
53:55 Maintenant, nous allons dialoguer avec les législateurs.
54:01 Nous devons leur faire comprendre qu'ils sont dans l'obligation de nous aider.
54:05 Ils sont dans l'obligation de corriger les erreurs qu'a commises le gouvernement en ne faisant pas son travail.
54:11 Il y a des gens qui ont beaucoup de pouvoir et beaucoup de responsabilités.
54:15 Et si ces gens qui ont beaucoup de pouvoir ne l'assument pas, ils doivent être mis à l'amende.
54:21 Il n'y a qu'une seule personne en prison pour une fraude de 65 milliards de dollars.
54:26 Une seule personne. C'est ça la justice ? C'est ça l'équité ?
54:32 Reste qu'en une année, 4 hommes ont chacun eu les moyens de déstabiliser la planète.
54:36 Bernard Madoff occupe aujourd'hui une cellule de 9 mètres carrés en Caroline du Nord.
54:41 Richard Fuld attend d'être entendu par la justice.
54:44 Henry Paulson a quitté le trésor américain.
54:47 Il s'occupe aujourd'hui d'une fondation pour l'environnement.
54:50 Jérôme Kerviel, lui, vient d'être renvoyé seul en correctionnel.
54:55 Aucun de ses supérieurs n'a été inquiété dans cette affaire.
55:00 Un an après l'effondrement général, les dirigeants politiques voudraient imposer aux banquiers de moraliser le système capitaliste.
55:07 La bourse, elle, est déjà repartie à la hausse, et les bonus des traders aussi.
55:12 La rédemption n'est pas pour demain.
55:15 [Musique]
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