• il y a 11 mois
Les Français en ont dégusté 60 millions cette année.
De 4 euros pour les galettes en supermarché à 40 euros dans les grandes maisons parisiennes, le business de la galette est très lucratif et l'enjeu économique important.
Dans un marché concurrentiel comme celui-ci, tout le monde veut sa part du gâteau.

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Transcription
00:00 Je suis la galette, la galette
00:03 Je suis faite avec le blé, ramassée dans le grenier
00:06 On m'a mise à refroidir, mais j'ai mieux aimé courir
00:10 Attrape-moi si tu peux !
00:12 Ah, les gâteaux des rois !
00:14 Chaque année, impossible de les éviter.
00:17 Qu'ils les dégustent au bureau ou en famille,
00:19 les Français sont très attachés à l'épiphanie.
00:22 Nous en consommons plus de 60 millions par an.
00:26 Pour les acteurs du marché, c'est une période cruciale.
00:29 Depuis des mois, industriels, artisans,
00:32 fabriques de fèves ou grossistes en amande,
00:35 tout le monde se prépare.
00:38 L'enjeu est trop important pour que les choses soient laissées au hasard.
00:41 Car la galette n'est pas seulement le gâteau le plus vendu en janvier,
00:45 c'est aussi le plus rentable.
00:47 En janvier, on fait 50% de plus de chiffre d'affaires qu'un mois traditionnel.
00:51 Alors, tout est bon pour séduire la clientèle.
00:55 Des fruits appétissants,
00:58 des fèves faites à la main
01:00 ou des licences achetées à prix d'or.
01:02 Chacun joue au mieux sa partition.
01:04 On est dans un niveau de finition qui est presque plus de la fève.
01:08 On est vraiment dans des petits bijoux en céramique.
01:11 Mais les rênes du mois de janvier cacheraient aussi leurs petits secrets.
01:14 Il n'y a plus qu'à les mettre au four,
01:16 en les laissant décongelés, voire même pas,
01:18 et on les met au magasin, et voilà, l'affaire est faite.
01:20 Pour faire des économies et gagner du temps,
01:22 certains artisans ont trouvé la parade.
01:24 Combien sont-ils à se faire du beurre sur le dos de leurs clients ?
01:28 Les industriels, évidemment, c'est l'homerta complète.
01:33 Entre tradition millénaire et business lucratif,
01:36 nous avons tenté de percer les mystères de cette monarchie très opaque.
01:40 ...
02:02 ...
02:08 Depuis 2014, tout le monde se passe le mot.
02:11 C'est dans cette boulangerie de quartier
02:14 que l'on trouve la meilleure galette de Paris.
02:16 - Patrick, tu as pris la millésime ou la tradice sur le feuilletage d'hier ?
02:21 - La millésime, hier. - T'as pris la millésime ?
02:24 - Alors, on va prendre de la farine tradition,
02:27 qui est une farine de meilleure qualité.
02:29 Jocelyn Loézic a été élue roi de la galette Ile-de-France.
02:33 Dans la famille, ce savoir-faire se transmet de génération en génération.
02:37 Et il y a une chose que lui a prise son père.
02:39 - Grosso modo, pour avoir une belle galette,
02:41 il faut des beaux ingrédients, il faut que tout le monde joue le jeu.
02:44 Donc là, on va peser de la farine pour faire une cinquantaine de galettes, à peu près.
02:48 Alors, c'est important de choisir une farine de très bonne qualité,
02:51 sachant que la galette, ça doit être relativement plat.
02:53 Il faut pas non plus une farine qui a trop de force,
02:56 c'est-à-dire une farine qui va avoir tellement de force que la galette va gonfler.
03:00 - Du beurre, du beurre, du beurre et encore du beurre.
03:09 Voilà de la galette.
03:11 En bon breton qu'il est, Jocelyn met 40% de beurre dans sa galette.
03:15 - Plus on met de beurre, plus je suis heureux.
03:18 Tu peux me faire 500 g de sel, s'il te plaît.
03:24 Sa galette a été jugée sur la qualité du décor,
03:28 l'équilibre entre la garniture et la pâte et surtout sur son feuilletage.
03:32 - Alors là, on est en train de faire la pâte feuilletée.
03:37 À l'intérieur, on va lui mettre notre beurre manié.
03:40 On va mélanger les deux, on va faire nos couches,
03:43 sans que le beurre vienne se mélanger à la pâte,
03:46 mais vienne simplement faire une couche à l'intérieur.
03:50 On va superposer la pâte plusieurs fois jusqu'à faire...
03:57 plein, plein de feuilles.
03:59 Contrairement aux apparences,
04:03 la galette est le gâteau qui demande le plus de travail.
04:06 - Donc là, on a superposé notre pâte et le beurre.
04:08 On va le passer au laminoir,
04:10 le laminoir étant le rouleau à pâtisserie, version moderne.
04:14 On va fabriquer la galette aujourd'hui et elle sera cuite demain.
04:21 Donc vous êtes sur 3 jours.
04:24 Une journée, on fabrique la pâte,
04:27 une journée, on fait la galette
04:29 et une journée, on cuit la galette.
04:32 Donc pas besoin d'aller voir votre boulanger le matin à 10 h
04:37 pour lui demander une galette pistache, cacahuète, rhubarbe à midi.
04:43 Ça marchera pas.
04:45 A moins qu'il ait ça dans son catalogue de surgelés.
04:52 Chaque année, les boulangers travaillent d'arrache-pieds
04:55 pour répondre à la demande.
04:57 - Alors l'année dernière, je m'amusais à faire ça tous les soirs jusqu'à minuit.
05:02 Du coup, j'ai fini le dos cassé 4 jours sans pouvoir bouger.
05:05 Heureusement, la reine de l'épiphanie le lui rend bien.
05:09 - Donc en janvier, on fait 50 % de plus de chiffre d'affaires
05:12 qu'un mois traditionnel sans fête.
05:14 Si vous loupez la période des galettes,
05:16 vous allez pêcher toute l'année
05:18 pour récupérer ce chiffre d'affaires manqué.
05:22 - La galette est un produit rentable.
05:24 - Alors on va s'occuper de la mise au four.
05:31 Donc il faut un four un petit peu chaud aux alentours de 220 degrés.
05:35 Ici, les galettes 6 personnes sont vendues 25 euros.
05:40 Ce sont les gâteaux les plus chers en boulangerie.
05:43 Et pourtant, elles partent comme des petits pains.
05:45 - Alors depuis le concours, on a doublé le nombre de galettes vendues en magasin.
05:50 On est passé de 2 500 à 5 000 galettes l'année dernière.
05:55 C'est une superbe opération commerciale.
05:58 J'assimile ça à un label sur un produit.
06:03 Mais avant d'être un événement commercial,
06:08 l'épiphanie est d'abord une grande fête religieuse.
06:11 Pour les chrétiens, elle célèbre le moment
06:14 où les rois mages ont reconnu l'enfant Jésus comme le Messie.
06:18 Mais manger une galette et tirer les rois n'a rien à voir avec la religion.
06:21 Pour comprendre, il faut remonter à l'Antiquité.
06:25 Les Romains avaient coutume de célébrer le solstice d'hiver
06:29 pendant la fête des Saturnales.
06:31 Lors d'un grand banquet, un roi était tiré au sort à l'aide de jetons.
06:35 Dans chaque grande famille, le domestique qui trouvait la fève
06:39 devenait le roi d'un jour et pouvait à son tour user de son autorité.
06:43 Le roi de la galette
06:45 Le roi de la galette
06:47 Le roi de la galette
06:49 Le roi de la galette
06:51 Les choses ont bien changé depuis l'époque romaine.
06:56 Une galette sur deux est fabriquée par des géants industriels.
07:00 "Problème au milieu."
07:02 Pour savoir comment elles sont conçues,
07:04 nous sommes allés chez un des leaders des ventes de galettes des rois.
07:07 Tout par gel.
07:09 C'est le numéro 2 des surgelés en France.
07:12 Ils vendent plus de 300 000 galettes chaque année.
07:14 "Tout bien. On va tester cette galette."
07:20 Ce matin, François Richard, le directeur marketing,
07:24 doit prendre une décision cruciale.
07:26 Il doit choisir la galette qui sera vendue dans toutes ses enseignes.
07:29 "Tu vois, même avec un couteau tout simple, ça se coupe parfaitement.
07:33 Sauf si on tombe sur la fève."
07:35 "On a affaire en fait à deux galettes.
07:39 Une galette frangipane 700 grammes que nous commercialisons depuis plusieurs années
07:43 et une proposition par un autre fournisseur.
07:46 Donc tout l'enjeu, c'est d'évaluer en fait
07:50 quel est le produit qui offre la meilleure qualité."
07:53 Le marché est très concurrentiel,
07:56 alors il n'a pas droit à l'erreur.
07:58 Chaque détail compte.
07:59 "Niveau de la qualité de la pâte, pas de problème.
08:03 On est dans les deux cas sur un pourcentage de beurre supérieur à 30%.
08:08 - Amélie, qu'est-ce que tu en penses ?
08:10 - Oui, sur la 2, la main devient plus condensée.
08:13 Donc je vais mettre 2,5 à la 1 et 3 à la 2."
08:17 Ici, peu de place à l'improvisation.
08:20 Tout a été scientifiquement calibré.
08:23 "La fiche de spécification produit, qui est un document strictement confidentiel,
08:27 va en fait définir pour l'industriel
08:29 toutes les exigences que Toupargel va avoir.
08:32 Quel diamètre pour la galette, quel poids,
08:34 quelle garniture, quel pourcentage,
08:36 quel type d'ingrédients nous souhaitons."
08:39 "Est-ce que vous pouvez me dire qui est l'industriel qui produit les galettes ?"
08:41 "Je ne diffuse pas ce type d'informations.
08:43 Mais c'est un industriel établi en France
08:46 qui fabrique des produits d'excellente qualité."
08:48 Un secret d'état pour une histoire de galettes des rois.
08:52 Il n'en fallait pas plus pour attiser notre curiosité.
08:55 Nous avons donc cherché à savoir ce qui se cachait sous cette pâte feuilletée.
09:02 Les galettes, c'est avant tout des galettes frangipane.
09:05 Et la frangipane, c'est un mélange de crème d'amandes et de crème pâtissière.
09:10 Et ces amandes, elles ne viennent pas de chez nous.
09:13 La majorité des amandes que nous mangeons dans nos galettes
09:18 sont livrées en Bourgogne, dans cette usine.
09:21 "Bonjour, Jean-Benoît." "Bonjour, Benoît."
09:25 "Ca va ?" "Oui, oui, impeccable."
09:27 "Le déchargement se passe bien ?" "Pour l'instant, il n'y a pas d'avaries."
09:29 "Le compte est bon ?"
09:31 "Il me reste une dizaine de palettes."
09:33 "Pour l'instant, tout est parfait."
09:35 "Bon, alors là, nous sommes en train de décharger les amandes d'Espagne, une nouvelle récolte."
09:39 "Alors, des amandes de la région de Valence."
09:43 "Ca ressemble à un bel arrivage d'amandes Marcona Blanchy, calibre 36-38, récolte 2015."
09:56 Monsieur Schex est négociant en fruits secs.
09:59 Son métier ? Approvisionner les artisans et les industriels tout au long de l'année.
10:04 Ses amandes, il va les chercher en Espagne et surtout aux Etats-Unis.
10:08 "Nous n'avons pas d'amandes françaises, notamment les fameuses amandes de Provence,
10:13 parce que les récoltes sont très inégales,
10:16 et que nos clients, qui sont souvent des gros artisans, petites et grosses industries,
10:23 ne peuvent pas caler des productions sur des amandes qui sont parfois en quantité insuffisante
10:29 pour qu'on puisse leur assurer un approvisionnement régulier."
10:32 La France ne produit que 1500 tonnes d'amandes par an, et doit donc massivement importer.
10:38 90% de ces importations viennent de Californie.
10:42 Ici, on produit 1 million de tonnes chaque année, soit 84% de la production mondiale.
10:49 Avec un chiffre d'affaires de plus de 4 milliards d'euros,
10:53 l'amande est devenue la première exportation agricole de cet État.
10:56 Le marché est en plein essor depuis que la Chine et l'Inde se sont ruées sur ce fruit sec.
11:02 Les rendements atteignent 3 tonnes à l'hectare, contre deux fois moins il y a une quinzaine d'années.
11:08 L'amande, c'est le nouvel or blanc de la Californie.
11:14 "Je vais vous montrer où nous stockons les amandes.
11:18 Alors, actuellement, nous avons en stock 85 tonnes d'amandes sous toutes leurs formes.
11:24 Des amandes écortiquées, des amandes blanchies, des amandes effilées, hachées, embâtonnées,
11:29 et bien évidemment de l'amande poudre, qui est le produit que nous vendons le plus."
11:33 Pour faire leur galette, les artisans et les industriels achètent directement de l'amande en poudre.
11:42 Au moment de l'épiphanie, Benoît vend 130 000 tonnes de poudre.
11:46 Il y a encore quelques années, l'amande américaine avait un argument de taille pour envahir le marché, son prix.
11:54 Or, depuis trois ans, la Californie est frappée par une sécheresse historique.
11:59 Résultat, le cours mondial a flambé.
12:03 "On a, ces dernières années, connu des plus bas à moins de 3 euros le kilo.
12:11 J'ai même souvenir d'un prix à 2,30 euros, un achat de camions de poudre d'amande de 20 tonnes à 2,30 euros,
12:18 pour avoir des niveaux de prix, alors cette année 2015, qui est l'année des records,
12:24 qui flirtait avec les 12 euros le kilo.
12:27 C'est le pic historique.
12:29 Ça a deux conséquences, un fléchissement de la demande,
12:32 et deux, une réaction qu'on voit de plus en plus couramment de la part des industriels,
12:39 qui est de rechercher des produits substituts à l'amande,
12:42 de façon à diminuer le risque spéculatif des matières premières."
12:47 Quels sont ces substituts ?
12:50 Face à la hausse de ces matières premières,
12:53 comment les industriels arrivent-ils à vendre leurs galettes au même prix ?
12:57 Si dans une galette artisanale, on met environ 25% d'amande,
13:01 dans certains produits industriels, on est bien loin du compte.
13:05 Entre 7 et 9% en moyenne.
13:08 Il y a encore quelques années,
13:11 certains utilisaient des noyaux d'abricots pour remplacer les amandes.
13:15 Une pratique de moins en moins courante,
13:18 depuis que tout est inscrit très précisément sur les étiquettes.
13:22 Face à ce flou, nous sommes allés demander des explications
13:26 à la Direction Générale de la Concurrence et de la Répression des Fraudes.
13:30 "En matière de pâtisserie, il n'y a pas de réglementation précise
13:36 sur la fabrication des produits.
13:38 On a des réglementations précises sur la viande, sur les yaourts, etc.
13:43 La pâtisserie, c'est quand même des produits qui, à la base, sont cuits,
13:47 où les germes pathogènes sont éliminés.
13:50 Donc, chaque pâtissier, qu'il soit artisan ou industriel,
13:54 peut fabriquer de la manière qu'il souhaite
13:58 son Saint-Honoré, son éclair au chocolat ou sa galette."
14:04 Les fabricants pourraient donc mettre la quantité d'amandes qu'ils veulent.
14:08 Ce gâteau, symbole d'une tradition française, nous échappe totalement.
14:15 "Elle roule. Elle roule toujours plus loin."
14:19 Mais alors, que contiennent vraiment nos galettes ?
14:23 "Attrape-moi si tu peux !"
14:33 Nous avons sollicité une vingtaine de grossistes.
14:35 Seul un a accepté de nous ouvrir ses portes.
14:38 Xavier est commercial.
14:47 Il connaît parfaitement les habitudes de consommation de ses clients.
14:50 "Vous avez de la poudre d'amandes grise ici.
14:56 Celle-ci, c'est une poudre d'amandes blanche, un peu moins aromatique.
15:00 La poudre d'amandes moins aromatique que la grise, elle va aux alentours de 14 euros du kilo.
15:03 Alors que sur la grise, on peut monter jusqu'à 16, 16,50 le kilo."
15:06 Pour ne pas baisser leur marge, certains auraient trouvé la solution.
15:10 "Si pour gagner un peu d'argent, on fait le choix de diminuer un peu la quantité de poudre d'amandes,
15:15 forcément on va avoir un goût d'amande moins important.
15:18 Donc on peut le réaccentuer avec des arômes."
15:20 "Chaque pâtissier fait un petit peu sa propre tambouille.
15:24 Certains ne mettent que de l'arôme d'amande amère, d'autres mettent un petit peu de vanille ou des zests de citron, etc."
15:29 Une opération qui s'avère très intéressante pour le commerçant.
15:32 "Une petite bouteille comme ça, c'est aux alentours de 8, 10 euros.
15:35 Avec ça, on peut faire... Avec deux bouteilles comme ça, on peut faire le mois de janvier."
15:39 16 euros les deux bouteilles, le prix d'un kilo d'amandes.
15:43 Quand on sait qu'avec un kilo, on fait à peine 10 galettes, le calcul est vite fait.
15:48 Mais si l'arôme donne le goût, il n'en a pas la consistance.
15:52 Alors pour faire illusion, rien de plus simple.
15:57 "Si vous décidez un jour de mettre 10% d'amandes au lieu de 20,
16:01 les 10% qui manquent, il va bien falloir les remplacer par quelque chose.
16:05 Sinon vous allez avoir une crème qui va être très liquide.
16:08 Dans ce cas-là, on la rajoute, on remplace par la farine.
16:11 Mais le goût va en pâtir."
16:13 "Il n'y a rien qui réglemente la fabrication des galettes des rois,
16:16 que ce soit la France Gipane, la classique France Gipane ou les autres.
16:19 Il n'y a rien qui réglemente du tout.
16:21 Après, c'est le client qui va faire sa sélection."
16:25 Populaire, la reine du mois de janvier serait aussi la reine des mystères.
16:29 Y a-t-il d'autres choses qu'il faudrait savoir sur ces produits,
16:32 et que l'artisan ne nous dirait pas ?
16:34 En 2012, le célèbre boulanger Jean-Luc Poujoran
16:44 jetait un pavé dans la mare en affirmant que 80% des galettes vendues à prix d'or
16:48 dans les boulangeries parisiennes étaient des produits industriels surgelés.
16:52 Des millions de galettes seraient livrées très tôt le matin en toute discrétion dans des camions blancs.
17:00 Les artisans se contenteraient juste de les faire cuire et de les mettre en vitrine sans préciser l'origine.
17:07 Une belle fêlure pour l'image de l'artisanat.
17:11 Florence Imbert est journaliste au magazine Que Choisir.
17:19 Elle connaît par cœur ce dossier.
17:21 Le phénomène existe, mais il est extrêmement difficile à chiffrer.
17:24 Les industriels, évidemment, c'est l'OMERTA complète.
17:28 Les représentants syndicaux de ces professions, c'est aussi l'OMERTA.
17:34 Donc c'est très difficile de se baser sur des données objectives.
17:39 Sans chercher à les culpabiliser, il faut essayer de comprendre pourquoi les artisans en arrivent là.
17:44 Le principal poste, et ça ils le disent tous, c'est en fait le boulanger.
17:50 Ils le disent tous, et en fait c'est le coup de la main d'œuvre.
17:52 Parce que pour faire une galette, ça prend du temps.
17:55 Surtout, il y a des temps de repos entre les différentes...
17:59 Le feuilletage, le repos du feuilletage, le fourrage, etc.
18:03 La décoration, la cuisson.
18:05 Et tout ça, ça finit par prendre trois jours.
18:07 Et quand vous avez une très forte demande sur une très courte période,
18:10 puisque c'est quand même grosso modo du 1er au 15 janvier que tout se joue,
18:15 vous n'avez pas forcément le temps et vous n'avez pas forcément aussi l'espace pour stocker ces galettes.
18:22 Donc ça c'est le premier problème et c'est le premier intérêt d'acheter des galettes surgelées toutes faites,
18:29 que vous allez faire cuire à la demande.
18:31 Contre ces méthodes, certains artisans ont décidé de contre-attaquer.
18:43 Dans le centre de Tours, Didier fait de la résistance.
18:46 Il a monté son affaire il y a 18 ans.
18:49 Ici, tout est fait maison.
18:51 Son pain, ses viennoiseries,
18:54 et bien sûr ses galettes.
18:57 Pourtant, toutes les semaines, des industriels tentent de le convaincre de changer ses méthodes.
19:05 En tant qu'artisan, qu'on travaille avec ou qu'on ne travaille pas avec,
19:11 on voit une multitude de catalogues.
19:13 On va trouver aussi bien des tartes, de toute nature, des éclairs.
19:18 On va trouver des entremets et on y trouve aussi de la galette.
19:23 Des galettes frangipane, à la crème d'amande ou aux pommes, avec ou sans fève.
19:28 Tout est là pour garnir les vitrines de l'épiphanie.
19:31 Livrées surgelées, il n'y a plus rien à faire.
19:35 Il n'y a plus qu'à les mettre au four, en les laissant décongeler voire même pas,
19:39 et on les met au magasin et l'affaire est faite.
19:41 Quand on fait cette démarche-là, on est commerçant, on achète, on revend, mais on n'est plus artisan.
19:46 D'où viennent ces pâtisseries destinées aux boulangers ?
19:50 Galettes, galettes, je vais te manger.
20:05 Ces galettes, elles sont produites à la chaîne, dans des immenses usines comme celle-ci.
20:09 Ce qui se cache derrière cet énorme marché s'appelle Européenne des desserts,
20:15 Grand Moulin de Paris et surtout, le leader, le belge Panavi Vendemortel.
20:21 Panavi, c'est plus de 300 références de galettes surgelées et 15 millions de galettes vendues chaque année.
20:28 Nous les avons sollicitées, ils ont tous refusé de nous répondre.
20:34 Pour les rencontrer, nous nous rendons à un salon professionnel destiné aux artisans.
20:39 Ici, c'est la grande foire de la pâtisserie.
20:43 On y trouve nos galettes industrielles et tous les acteurs de l'industrie agroalimentaire.
20:52 Une fois de plus, personne ne veut nous répondre.
21:00 Alors nous demandons à Didier de se faire passer pour un acheteur potentiel.
21:04 Pour comprendre comment les industriels arrivent à convaincre les artisans,
21:09 il est allé à leur rencontre, muni d'une caméra cachée.
21:13 La première arme, c'est la déculpabilisation.
21:18 Elle nous présente ensuite son produit phare, plébiscité par les artisans.
21:21 Des galettes vierges, astriées à la main.
21:31 C'est un produit qui est très très cher, très cher.
21:34 C'est un produit qui est très très cher, très cher.
21:37 C'est un produit qui est très très cher, très cher.
21:40 C'est un produit qui est très très cher, très cher.
21:44 Des galettes vierges, astriées à la main.
21:47 Tout est pensé pour donner l'illusion d'une galette artisanale.
21:51 Chez un autre producteur, on avance les arguments de la rentabilité.
21:56 - On a remporté les prix, il y a très peu de fous.
21:58 - Vous avez acheté avec de l'air, mais vous ne pouvez pas s'acheter depuis les mois de 3 ans.
22:04 - Moins de 3 ans ?
22:06 - Je ne sais pas, il y a juste un métier au fond.
22:10 - Non mais c'est vrai que quand on comple le...
22:13 - La marge que vous gardez, le temps que vous ne passez pas à les faire, ça ne vous fait rien.
22:18 - Bizarrement, j'ai l'impression aussi de flouer un peu le client.
22:22 - Mais alors là, vous avez à l'ouest-ouest, j'ai entendu, je l'ai vu très souvent.
22:26 - C'est vrai qu'au départ, c'est un prix à l'ouverture.
22:29 - Et souvent, quand ces gens sont passés, c'est les premiers à nous dire "j'ai besoin de le faire".
22:34 La grande force de la filière industrielle, c'est bien sûr le prix.
22:38 Une galette pour 6 personnes ne coûte que 4 euros.
22:42 Face à ces arguments, c'est toute une filière artisanale qui est menacée.
22:47 D'autant que les commerciaux ont des méthodes très insistantes.
22:51 [Musique]
22:54 Dès le lendemain, Didier a reçu la visite surprise d'un des commerciaux du salon dans sa boulangerie.
23:01 Il a filmé la rencontre avec son téléphone portable.
23:06 - Ce qu'il y a possibilité de faire aussi, c'est que nous, on rendez compte du fait que là, je parle à vous, vous avez juste à incorporer la garniture.
23:14 - Mais ça peut quand même déjà enlever une grosse partie du travail.
23:19 - Ça m'a un peu surpris parce que je me demandais même si j'aurais un contact.
23:23 - En ayant en plus ma position de président de fédération, je me suis dit "voilà, ils ne vont pas venir jusqu'à moi parce que ça va se savoir".
23:29 - En tout cas, il a vu mon affichage, il est venu dans une maison, mais en tout cas, ça ne l'a pas dérangé.
23:33 - L'idée du commercial, c'est d'appuyer juste un tout petit peu sur les points insensibles.
23:38 - L'homme à d'oeuvre, le rendement, le coût, effectivement.
23:42 - Et puis de dire que son produit, il n'est pas si mal.
23:47 - Ça peut être déroutant, ça peut être déroutant.
23:49 - Moi, c'est vrai que quand j'ai tourné ces images-là et que je les ai regardées à froid le soir, ça m'a un peu interpellé, ça m'a fait mal.
23:57 - Parce que je me dis qu'effectivement, certains se laissent peut-être berner, se laissent avoir, même si l'acteur principal, c'est quand même l'artisan.
24:05 - Je veux dire, quand on est artisan, on est quand même indépendant, on fait ce qu'on veut faire.
24:10 Légalement, pour être boulanger, il faut pétrir son pain sur place.
24:17 Pour les pâtissiers, aucune obligation de produire eux-mêmes leurs gâteaux et leurs galettes.
24:21 - Un artisan n'est pas en faute quand il vend une galette surgelée, c'est un choix qu'il fait.
24:26 - Ce qui est critiquable, c'est quand l'artisan boulanger achète une galette surgelée industrielle de soi et qu'il la vend à son client en lui signifiant qu'il a fait maison.
24:37 Pour défendre le savoir-faire de toute une profession, Didier a décidé de passer à l'action.
24:44 Il a créé un label 100% Maison, qui garantit des viennoiseries et des galettes artisanales.
24:49 La région Centre est la seule à avoir signé une charte aussi contraignante.
24:54 - On va beaucoup plus loin que l'obligation nationale, dans le sens où l'obligation nationale, c'est juste un engagement moral de l'artisan.
25:00 - Mais nous, on a voulu aller plus loin dans la charte viennoiserie 100% Maison.
25:03 - Il va être demandé au boulanger, même s'il s'en est en cours d'année, il va être demandé l'engagement par écrit du boulanger.
25:11 - Et le deuxième élément principal et primordial de cette charte, c'est aussi l'attestation comptable.
25:15 - Le comptable, il va regarder les factures de matières premières pour savoir s'il n'y a pas de croissants, de pains au chocolat, de chaussons aux pommes et de galettes.
25:23 Fournir des factures pour prouver que l'on est bien artisan.
25:27 Ils sont déjà 80 à avoir accepté de signer cette charte.
25:31 - Alors, notre affiche 100% Maison, donc la voilà en fin de compte, c'est l'artisan qui doit démontrer qu'il fabrique.
25:40 - C'est absurde, c'est vrai que c'est bizarre, effectivement, d'être dans une position un petit peu inverse.
25:46 - Ça m'intéresse, ça m'intéresse dans le sens que je pense que même si tout n'est pas fabriqué maison, je pense que l'artisan, par rapport à certaines fabrications, aurait tout à fait possibilité d'expliquer à son client le pourquoi du comment.
25:59 Un petit autocollant contre des géants industriels. Pas sûr que cela suffise.
26:05 D'autant qu'il existe une solution plus économique pour fêter l'épiphanie.
26:09 C'est une tradition qui vient du sud de la France. La brioche aux fruits confits.
26:14 Cinq millions sont vendues à cette saison. Moins chère que la galette des rois, elle gagne chaque année un peu plus de terrain.
26:22 En Provence, la véritable reine, c'est la brioche.
26:30 Elle détrône haut la main la galette qu'il surnomme d'ailleurs la parisienne.
26:36 C'est dans le joli petit village d'Apte, situé au cœur du Luberon, qu'Alain confectionne ses brioches depuis 30 ans.
26:45 - Alors ça c'est une brioche aux fruits confits. C'est le gâteau des rois. La spécialité d'Apte est provençale.
27:01 Alain est issu d'une famille de boulangers. Sa recette, il la tient de son grand-père.
27:06 - Donc là on va les percer pour faire les couronnes. Pourquoi avec le coude ? Parce que c'est ancestral comme ça. On nous a appris comme ça et on continue comme ça.
27:21 Mais la brioche des rois, c'est bien plus qu'une simple brioche.
27:26 C'est une brioche plus riche en beurre. Elle est parfumée et dedans on va y mettre des fruits confits.
27:33 Dans sa brioche, il ne met pas n'importe quel morceau de fruit.
27:38 - Ça c'est du melon confit. Alors nous on met du melon confit comme ça à l'intérieur et après dessus on peut le décorer soit avec ça, soit avec des fruits nobles qu'on verra après quand ça sera cuit.
27:55 Comme l'amande dans la galette, tout est une question d'équilibre et de qualité des produits.
28:00 - Un bon fruit confit c'est un fruit qui a le goût du fruit d'origine et pas que le goût du sucre.
28:08 - Des prunes, des poires, des clémentines, des ananas, c'est que du bonheur.
28:15 Elle a fière allure cette brioche avec ses fruits nobles.
28:21 - Et voilà la couronne qui parachève le tout.
28:25 Mais serait-elle toujours aussi parfaite ? Existe-t-il différentes qualités de fruits confits ?
28:30 - Attrape-moi si tu peux.
28:35 Pour le savoir, nous avons sollicité le leader européen du confisage.
28:48 Chaque année, il reçoit 10 000 tonnes de fruits frais qu'il confit dans ses énormes hangars.
28:52 - Là vous avez du cédra. Alors le cédra c'est un gros citron.
29:03 - On va avoir de la poire.
29:06 - Vous voyez, hop, petite poire.
29:10 - La clémentine.
29:14 Confire un fruit, c'est remplacer son eau par du sucre.
29:18 La première étape, c'est la blanchie.
29:21 Dans ces grands bacs, on plonge les fruits dans de l'eau bouillante pendant quelques minutes
29:25 pour détendre leurs fibres et les préparer à la mise au sucre.
29:29 Contrairement aux morceaux de melon qu'utilise Alain, notre artisan,
29:33 ici, on leur a trouvé un remplaçant.
29:36 - Le cube de pastèque est le produit le moins cher
29:40 et il n'y a pas l'exigence d'avoir un fruit qui est bien rond, dont on garde la forme.
29:45 C'est du confisage de cubes, qui peut être assez rapide, mais ça reste du cube.
29:50 De la pastèque à la place du melon.
29:53 Il est encore plus surprenant.
29:56 Pendant deux semaines, les fruits sont plongés dans ces grandes cuves remplies de sirop.
30:00 Nous allons découvrir que dans ce sirop, il n'y a pas que du sucre.
30:05 - En fait, on va faire couler du colorant.
30:09 Et petit à petit, les fruits vont se colorer dans les tubes.
30:13 Là, on a essentiellement du rouge.
30:16 Un peu plus loin, il y a du vert.
30:18 Et ensuite, il y a du naturel, sans colorant.
30:22 Du colorant pour donner à la brioche un aspect plus appétissant
30:26 et qui laisse à penser qu'il y a trois fruits différents.
30:29 - Alors, pourquoi est-ce qu'on colore en vert, en rouge
30:32 ou la couleur naturelle, qui est le jaune ?
30:36 - La tradition de la galette, c'était d'imiter la couronne des rois
30:41 avec ses émeraudes, toutes ses pierres précieuses.
30:44 La couronne aurait-elle aussi ses petits secrets ?
30:48 Quels fruits mettent les artisans dans leur brioche ?
30:51 Nous retournons voir notre grossiste.
30:54 - Nous, ce qu'on vend essentiellement,
30:58 ça se mélange de fruits cubes, déjà taillés, déjà confits.
31:04 Là encore, ce sont des cubes,
31:06 mais ce ne sont pas les fruits auxquels nous nous attendions.
31:09 - Là, c'est un seul fruit, c'est du navet, en l'occurrence.
31:14 On n'aura pas le goût de navet, je vous rassure,
31:17 qu'il a été confit, coupé en petits dés, coloré et aromatisé.
31:21 - Et sur les étalages, aucune autre boîte de cubes de fruits.
31:25 Chez lui, les navets seraient la seule alternative proposée aux artisans.
31:30 - C'est un des légumes les moins chers,
31:33 c'est un des légumes les plus produits et les moins chers.
31:34 - C'est simple, c'est rapide, c'est déjà coupé,
31:36 il suffit de les prendre, de les mélanger à la pâte à brioche,
31:38 et le tour est joué.
31:40 Simple, mais pas si facile à avaler.
31:42 - Est-ce qu'on peut dire que c'est une brioche aux fruits confits,
31:45 quand il n'y a pas de fruits ?
31:47 - Tout est question d'argumentation.
31:52 - C'est dans la famille des fruits, tout ça, c'est la même famille.
31:58 Famille des fruits confits, bon...
32:02 - Pas forcément de réponse à vous apporter là-dessus, encore une fois,
32:04 on pourrait finalement connaître le produit,
32:06 le minute que c'est marqué dessus, il l'achète, il le transforme...
32:08 - C'est ce qui se fait, c'est ce qui se fait pratique à la profession.
32:10 - Alors que vous pensez manger du melon dans votre brioche,
32:14 vous n'êtes pas à l'abri de manger du navet confit,
32:17 qui n'en a ni le goût, ni la couleur.
32:19 Sur les étiquettes, il peut aussi être marqué "Rav".
32:23 C'est le nom commun pour parler de racine,
32:25 autrement dit, c'est le nom un peu barbare pour dire "navet".
32:30 Là encore, il n'existe aucune législation sur la composition des brioches.
32:34 Un seul repère, quand vous voyez marqué "cube de végétaux confits" sur les étiquettes,
32:39 vous ne mangez pas des fruits, mais des racines.
32:42 Décidément, nous allons de surprise en surprise.
32:45 Heureusement, pour nous consoler,
32:49 les gâteaux des rois offrent un cadeau que toutes les pâtisseries lui jalousent.
32:53 Un cadeau qui fait le bonheur des petits et même des grands, sa fève.
32:58 Ses petites figurines en céramique, et si c'était elle les véritables reines de l'épiphanie ?
33:05 C'est ici que se cache l'un des derniers faïenciers à fabriquer ses fèves en France.
33:13 - Je veux peut-être ça, ça va être plus simple pour toi.
33:16 - Je peux utiliser le gros.
33:18 Alexandre Collas a grandi dans ce petit village de Bourgogne.
33:27 Cet atelier appartenait à son grand-père dans les années 1920.
33:29 Et depuis, à part les néons, rien n'a bougé.
33:33 - Ça c'est l'argile qui est au stade de la pâte à modeler, entre guillemets.
33:43 Et c'est en fait dans cette terre là qu'on va venir sculpter les premières formes.
33:55 On fabrique, ça dépend des années, autour de 400 000 fèves, un petit peu plus tous les ans, ça c'est ce qui est bien.
34:01 On est un peu comme des vignerons, où on va travailler un petit peu tout au long de l'année,
34:06 mais à un moment donné c'est le jour des vendanges, et nous la période de l'épiphanie c'est un peu ça,
34:10 ça s'étale sur plusieurs mois, où il faut tout fabriquer, toutes les demandes de nos clients,
34:14 qui veulent de toute façon impérativement leurs fèves pour la fin d'année, pour mettre dans les galettes.
34:18 Et puis après il faut qu'on les compte pour les rensacher.
34:24 Elles sont courtes, ces petites là.
34:26 Là il y a un petit manque d'émail.
34:31 Chaque four est une surprise, on a toujours un petit moment d'émotion au défournement.
34:37 On vérifie que les couleurs sortent bien, sont bien nappées, bien unies, avant de les expédier au boulanger.
34:44 Ces fèves doivent être parfaites.
34:51 Les artisans boulangers les attendent de pied ferme.
34:53 Certains en commandent même sur mesure.
34:56 On a quelques fèves exposées ici, avec différents thèmes, traditionnels ou plus modernes.
35:05 On a fait des petits sabots qui étaient décorés comme ça au pinceau,
35:09 les thèmes personnalisés, c'était les églises d'un canton, pour un boulanger.
35:15 L'idée c'est de créer une animation, une promotion, autour de l'épiphanie,
35:20 autour de la galette des rois.
35:22 Une animation, une promotion, c'est un développement des ventes,
35:26 ou en tout cas se faire connaître, bien communiquer.
35:29 Ça dénote une volonté d'un boulanger, ça participe à une amélioration de son image.
35:34 La décoratrice ici est en train de travailler de l'or véritable.
35:49 On est dans un niveau de finition qui est presque plus de la fève,
35:53 on est vraiment dans des petits bijoux en céramique.
35:56 Des petits bijoux dorés à leur fin, d'une valeur de plus de 6 euros l'unité.
36:00 Que s'est-il passé pour que la fève prenne autant d'importance dans nos galettes ?
36:05 Un peu d'histoire.
36:08 A l'origine, elles n'étaient que de simples graines de haricots végétales, d'où leur nom de fève.
36:15 La coutume voulait que le roi soit obligé d'offrir à son tour une galette.
36:19 Alors pour éviter de payer un gâteau, certains préféraient l'avaler.
36:23 Pour décourager les tricheurs, les pâtissiers ont eu l'idée de cacher des objets non comestibles.
36:29 C'est en 1880 qu'apparaissent les premières fèves en porcelaine.
36:35 Du petit baigneur nu, on passe à l'enfant Jésus, puis à des objets porte-bonheur,
36:41 comme le trèfle, le fer à cheval ou un petit cochon avec un casque à pointe pendant la Première Guerre mondiale.
36:46 En 1989, pour le bicentenaire de la Révolution, on décline pour la première fois les fèves en série.
36:54 C'est à ce moment-là que naissent les fabophiles, les collectionneurs de fèves.
37:06 Aujourd'hui, elle est customisée, griffée, lookée et est devenue un argument de vente imparable.
37:11 Loin de notre faïencier de Bourgogne, s'est installée une des plus grandes sociétés de fèves, Prime.
37:22 Son nom ne vous dit sûrement rien, et pourtant elle fabrique le nombre impressionnant de 30 millions de fèves chaque année.
37:29 Dans ses cartons, il s'en cache des milliers.
37:34 Donc ici nous sommes dans l'atelier logistique, préparation des commandes, arrivée des marchandises.
37:39 Alors avec ces fèves, souvent l'artisan va commander 300, 400, 500 fèves,
37:44 donc on va y adjoindre 300 couronnes, une affiche pour mettre en avant le produit, 300 sacs.
37:50 On va faire ce qu'on appelle des kits et des packs à destination des artisans.
37:59 Du coup, je ne sais pas, moi je partirais bien sur des bandes, pour un design quand même un peu moderne.
38:04 C'est dans ces bureaux que s'affaire une armée de dessinateurs.
38:08 L'enjeu pour eux, c'est de créer de nouvelles séries de fèves.
38:12 Ils en imaginent plus de 300 différentes chaque année.
38:16 Donc ici notre bureau de création, de marquer les fèves.
38:23 Jacques est plus spécialisé dans le réseau artisan.
38:26 Nos créations sont prêtes pour l'Epiphanie 2017, mais il est déjà en recherche de thèmes et de séries pour 2018.
38:35 Pour chaque épiphanie, on va définir une thématique.
38:38 Donc là, cette année pour 2016, on est sur la thématique de la couleur.
38:43 J'ai joué sur une série de fèves, c'est-à-dire des fèves de couleur,
38:49 et pour 2016, on est sur la thématique de la couleur.
38:53 J'ai joué sur des expressions qui sont écrites sur les fèves,
38:57 pour le crayon bleu, avoir une peur bleue, être vert de jalousie, être rouge de colère, etc.
39:03 C'est une petite série qui s'est mise en place naturellement dans une thématique,
39:12 qui a dépassé nos espérances, parce qu'elle a plu à beaucoup plus de monde que ce qu'on pensait.
39:19 - A quoi ça tient, votre avis ?
39:21 - C'est difficile à expliquer, peut-être l'histoire Charlie, je ne sais pas.
39:27 Imaginée en 2014, cette série a été plébiscitée par les boulangers après les attentats de Charlie Hebdo.
39:33 - On s'est posé la question si on allait la commercialiser,
39:39 parce que la série était créée un an avant, on n'a pas voulu surfer sur Charlie,
39:44 mais elle était créée, donc on l'a commercialisée, et c'est un beau succès.
39:50 Et ici, l'opération marketing ne s'arrête pas à la fève.
39:54 Ils vont beaucoup plus loin, et proposent une décoration spéciale Epiphanie pour les boulangeries.
39:59 - La vitrophanie, c'est ce qui va être placé sur les vitres en magasin.
40:04 Ça peut être quelque chose d'assez sympa.
40:08 - Et là, tu as mis un texte.
40:10 - On a mis un texte, l'Epiphanie, un royaume de couleurs.
40:13 On a finalisé dernièrement la communication de magasin,
40:17 qui sera composé de deux suspensions en vitrine,
40:24 qui iront avec le bandeau que vous avez vu tout à l'heure sur l'écran.
40:27 Donc ça sera un grand bandeau qui sera installé sur la vitrine,
40:30 deux suspensions en arrière-plan, et une affiche recto verso,
40:36 qui sera disposée soit en magasin, soit aussi sur la porte du magasin.
40:39 Et ce petit élément est une suspension qui se trouvera au niveau de la caisse,
40:44 pour encore attirer les clients jusqu'au comptoir.
40:48 - C'est bon.
40:50 - Je voudrais voir un peu, tu as la série des galettes, tu l'as là ou pas ?
40:54 - Je vais la chercher.
40:56 - Il faut toujours avoir des nouvelles idées, chaque année il faut renouveler,
40:59 parce qu'un boulanger ne veut pas, de l'année suivante,
41:02 des modèles qu'il aura déjà vus quelque part, ou aperçus.
41:05 C'est vraiment un gros travail qui dure toute une année,
41:07 on a du mal à le croire, mais ces 365 jours quasiment dans l'année,
41:12 on réfléchit et on pense à la fève.
41:15 Mais le plus gros concurrent pour le boulanger,
41:19 ce n'est pas l'artisan d'à côté, mais la grande surface.
41:22 Ils ont les moyens de sortir l'artillerie lourde,
41:24 les fèves personnages de dessins animés.
41:27 - On parie sur plusieurs films qui vont sortir durant l'année,
41:30 et dont on a connaissance.
41:33 - À côté de nous, on a "Les Mignons",
41:35 qui est une licence qui a été retenue par Auchan.
41:37 "Les Mignons", cette année, c'est 6 millions d'entrées,
41:40 ça veut dire que derrière, il y a des tas de produits dérivés,
41:43 et qui dit produits dérivés qui sortent à Noël en même temps que la galette,
41:46 dit arrivée de clients dans les grandes surfaces qui ont retenu le thème.
41:50 Rio, Snoopy, ou encore moi, Moché Méchant ?
41:58 Ces petits personnages qui marchent fort appartiennent à des marques.
42:02 Pour les exploiter, il faut acheter les licences aux propriétaires.
42:07 Et ce ne sont pas les supermarchés qui investissent.
42:10 - Effectivement, on les achète un ou deux ans à l'avance,
42:13 et les licences, ça peut aller de 10 000 euros à 100 000 euros.
42:18 On a acheté "Avatar" plus de 100 000 euros quand il est sorti.
42:22 À prime, ensuite, de convaincre les supermarchés d'acheter les fèves qu'ils ont en catalogue.
42:26 - On prépare un book pour aller en présentation,
42:31 et on a les atouts du film, la cible, c'est pour qui, ça sort quand exactement,
42:35 quels sont les réalisateurs, les producteurs, les voix, tout le plan marketing.
42:41 - C'est une pression en période économique difficile.
42:44 Il faut faire un choix, et ce n'est pas toujours évident.
42:47 Il faut être sûr de pouvoir placer effectivement ce film.
42:50 Par exemple, cette année, on a pris Snoopy,
42:53 et il n'a pas été retenu par des grandes surfaces classiques.
42:59 Donc, ça veut dire que, pour nous, Snoopy ne sera pas une affaire.
43:03 On va perdre de l'argent sur un dossier comme ça.
43:06 - Associer des licences et des marques célèbres pour faire de la fève un argument marketing,
43:11 c'est aussi ce que font les maisons de luxe.
43:14 À quatre mois de l'Epiphanie, Dal Waio, le célèbre pâtissier,
43:22 organise un événement VIP pour être sûr de faire le buzz autour de sa galette.
43:26 - Merci, madame.
43:28 - Je vous invite à déguster la galette des rois, poivre, cacahuètes et caramel.
43:32 Cette année, il s'est associé à un autre grand nom du luxe,
43:39 le studio de photographie Harcourt.
43:42 - On est vraiment en partenariat avec Harcourt,
43:44 donc l'appareil photo, la signature H de Harcourt,
43:47 que vous retrouvez aussi sur la galette,
43:49 qui se veut avec un format, on va dire grand angle,
43:53 c'est comme un portrait, douce, on designe.
43:56 Voilà, exactement.
43:58 L'objectif de ce partenariat, augmenter les ventes de 25 %.
44:03 - On a envie d'aller fidéliser une nouvelle cible de clients,
44:07 on a envie de faire du bruit aussi,
44:10 parce qu'aujourd'hui, c'est un moment, ce qu'on appelle les marronniers,
44:13 aujourd'hui, la galette aussi est un moment important
44:16 pour beaucoup de traiteurs et de pâtissiers.
44:21 On a besoin d'un produit qui va séduire la presse,
44:23 qui va séduire les consommateurs,
44:26 et cette année, je pense qu'on est très fiers du résultat.
44:31 La soirée est une véritable opération de communication
44:36 pour séduire les 150 journalistes et blogueurs invités.
44:39 - Cette année, ils ont voulu faire quelque chose qui marquera les esprits.
44:42 C'est un partenariat qui fera parler.
44:44 Parce que Harcourt, c'est une maison mythique,
44:46 c'est très intéressant et c'est très intelligent.
44:49 - Cette galette a été pensée il y a 9 mois dans ses bureaux.
44:52 Et rien n'a été laissé au hasard.
44:55 - Le studio Harcourt, vous le connaissez,
44:58 l'ambiance, la marque de prestige, de la photo,
45:01 donc trouver des mots-clés autour du thème,
45:04 du cadrage, du portrait, de la star, du noir et blanc.
45:07 L'idée, c'est de travailler notamment autour du rond,
45:10 qui va être une espèce de gimmick et de signature.
45:13 Donc ça va être du cachet, les pistes que j'ai imposées ici,
45:17 du cachet qui va venir ponctuer les produits,
45:19 de la fève bien sûr.
45:21 Après, au niveau de la forme, on a reparlé avec Damien,
45:24 est-ce qu'on laisse tomber le rond de la galette classique,
45:27 qu'on ne pourrait pas transformer notamment en carré ?
45:30 - On travaille finalement en collection comme dans la mode.
45:33 Donc la réflexion, elle se fait 18 mois, 12 mois à l'avance.
45:36 Et à partir du moment où on a défini vraiment les thématiques,
45:40 les tendances, on rentre vraiment dans la concrétisation des projets.
45:45 Et effectivement, on a 9 mois pour aboutir le projet,
45:48 jusqu'à ce que le client puisse déguster le produit en magasin.
45:52 - On se doit de faire rêver nos clients,
46:00 de les transporter et de changer aussi des habitudes.
46:03 C'est plus une galette.
46:05 Je trouve que cette galette-là, de par le travail qui est fourni derrière,
46:09 elle a une vraie force et une vraie valeur ajoutée dans cette galette.
46:14 C'est cette galette-là qui devient une galette star, on l'appelle comme ça.
46:18 - Longtemps traitée avec désinvolture,
46:21 la galette est désormais le nouveau terrain de jeu des pâtissiers de luxe.
46:24 Le chef, c'est Jérémy Delval, champion de France du dessert en 2014.
46:29 - Là, aujourd'hui, on a la chance de travailler des beaux produits.
46:32 On a des poires fraîches qu'on poche à la cannelle de Céliens.
46:36 On apporte une crème d'amande un peu originale à la cacahuète,
46:40 avec du sucre d'érable.
46:43 C'est très bien d'avoir de beaux produits comme ça et on va dire un peu atypique.
46:45 Cette galette, c'est la numéro zéro.
46:48 Jérémy aura mis 3 mois à élaborer cette recette originale.
46:52 - Toutes les bonnes choses demandent du temps.
46:55 Elle a un peu la finalité de plusieurs mois de travail.
46:58 On a fait plusieurs essais pour arriver à ça.
47:02 Et ça nous fait du bien de voir le produit fini, abouti, joli.
47:12 - Pour l'instant, on est bien sûr sur une étape de prototype.
47:16 Avant de la commercialiser, elle doit être validée par la direction marketing.
47:26 - On en a goûté quelques-unes avant.
47:33 - On ne l'a pas encore goûtée.
47:35 - C'est les derniers petits changements qu'on a faits.
47:38 - C'est bien équilibré avec la poire.
47:42 - On a vraiment une signature sur la tête.
47:46 - Sur les poires, ça porte vraiment ce côté fruité qui est un peu contrebalancé avec le côté de la cacahuète.
47:52 - C'est vraiment une galette prestige.
47:56 - Pour croquer dans cette galette, il vous faudra tout de même débourser la modique somme de 45 euros.
48:10 - Galette, galette, je vais te manger.
48:13 Alors si vous choisissez plutôt d'acheter une galette classique,
48:17 vous pourrez en acheter une galette classique,
48:21 voici quelques astuces pour être sûr qu'elle a bien été faite à la main
48:24 et qu'elle n'a pas été achetée surgelée chez un industriel.
48:27 Premier signe, la galette artisanale a une couleur dorée, caramel.
48:32 L'industriel est plus clair, voire palichonne.
48:35 Deuxième indication, la galette industrielle est plus épaisse,
48:39 signe que la proportion de pâte par rapport à la garniture est plus différente.
48:44 L'artisanale est plus fine et moins dodue.
48:51 Et enfin, la galette faite par un boulanger ne s'effrite pas à la découpe.
48:55 C'est parce qu'elle est riche en beurre.
48:58 A l'inverse, sa copine industrielle part en lambeau.
49:02 - C'est une galette classique.
49:05 - C'est une galette classique.
49:09 N'ayez crainte galette, vous avez encore de longues années de règne devant vous.
49:17 Car si les Français sont très attachés aux valeurs républicaines,
49:21 ils ne disent pas non pour être les rois d'un jour.
49:24 (Générique)
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49:54 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]
49:57 [SILENCE]

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