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C’est l’une des voix prometteuse du rap franco-algérien : Tif est ce matin l’invité de Mathilde Serrell
Retrouvez Nouvelles têtes présenté par Mathilde Serrell sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/nouvelles-tetes

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Transcription
00:00 9h50, nouvelle tête avec vous Mathilde Serrel et ce matin l'un des espoirs d'une scène
00:05 algérienne globalisée, le rappeur Tiff est dans notre studio.
00:09 Portrait sonore.
00:11 Depuis les tours de son Ouma, son quartier à Alger, on a percevé la mer, là où il
00:19 se baigne en fin de journée avant de remonter en mangeant un bon sandwich de tomates chiches.
00:25 Sa madeleine, un souvenir qui en côtoie d'autres, beaucoup plus noires.
00:30 Madame, monsieur, bonsoir, c'est l'un des massacres les plus horribles jamais perpétrés
00:34 en Algérie.
00:35 412 personnes ont été égorgées, mutilées.
00:38 Après l'enlèvement d'un chanteur kabyle dimanche dernier, c'est une star du raï,
00:42 Cheb Hasni, qui a été assassinée aujourd'hui à Oran.
00:46 1996, l'année de sa naissance, tombent en pleine décennie du terrorisme en Algérie
00:51 et les massacres de l'armée islamique du salut ensanglantent la population civile.
00:55 Être artiste, ça veut leur dire mourir.
00:58 Tout s'arrête et lui ne rêve que de partir.
01:00 Nourri au punchline de Tupac et aux vidéos de freestyle en français, il décolle après
01:17 le bac pour faire ses études à Lyon et se faire une place dans le rap.
01:20 C'est l'algorithme de Youtube qui fait remonter ce titre « Nia les yeux » en 2020 sur l'écran
01:43 d'un jeune acteur rappeur dans une série drôle de Fanny Herrero.
01:47 « Bonsoir tout le monde, ça va ? Je suis devenu féministe ! Et c'est grâce à ma
01:54 mère ! Elle est morte ! » Avec Younes Boussif, natif de Rouen, voilà
02:03 qu'il lance sa carrière et son label.
02:05 51 millions d'écoutes cumulées plus tard et deux premiers recueils de titres, il est
02:08 bien décidé, je cite, « à ses pairs » avant le générique de fin.
02:12 Tiff, bonjour ! Vous validez, est-ce qu'on peut créer votre page Wikipédia maintenant
02:16 ? Oui, je suis avec vous.
02:18 Vous êtes déjà bien suivi sur Instagram et Youtube où vous venez de mettre en ligne
02:22 une session live de vos titres, enregistré avec des musiciens, « Dos à la mer ». C'est
02:28 important pour vous cette présence de la mer ?
02:30 Oui, toujours.
02:31 C'est un point qui me branche avec mon pays.
02:35 De l'autre côté, il y a chez moi.
02:38 Puis c'était en France, donc c'était important pour la symbolique d'avoir à
02:43 mon dos et mon passé et ma famille qui est de l'autre côté.
02:47 D'être entre l'Algérie et la France en exil.
02:49 C'est cela.
02:50 Vous chantez en français et en arabe sur des airs traditionnels qui font parfois penser
03:10 au shahabi, la musique populaire algérienne, aux accents ondalou, avec un phrasé qui
03:15 vient du rap mais aussi des chanteurs charmeurs, du raï.
03:19 Vous définissez comment ce style Tiff ?
03:21 Je pense que ma génération est issue de ces styles-là.
03:27 C'est-à-dire qu'on a baigné et en même temps dans le rap, par les années 90-2000.
03:33 Et de par là où j'ai grandi à Alger, il y avait cette culture, on avait du shahabi
03:37 et du raï qui venait directement de nos oreilles, via nos parents, via les plus grands.
03:41 Je pense que je suis juste le résultat de ce melting-pot musical qui au fil des années
03:47 a donné résultat à ce genre d'inspiration.
03:48 Chanteur de rap shahabi, c'est ce que je vous propose.
03:51 Ça vous irait ?
03:52 Ça me va.
03:53 Alors ça s'est construit progressivement.
03:55 Au départ à Alger, vous dites que vous étiez juste rappeur.
03:57 Et puis c'est en France que vous devenez rappeur rebeu.
04:00 Qu'est-ce que ça veut dire pour vous ?
04:01 Déjà en général, c'est en France que je me sens arabe.
04:03 Parce qu'on dit qu'en Algérie, je me sens tout d'abord humain.
04:06 Donc comme tout rappeur qui commence, j'ai envie d'être un américain un peu, de ressembler
04:11 à Fifty Cent.
04:12 Donc ça c'est le…
04:13 Tout pac ?
04:14 C'est ça, tout pac Fifty Cent.
04:15 Donc de mes 13 à 18 ans, on va dire que j'étais sur cette influence.
04:18 Et ensuite, c'est plus tard, en venant faire mes études ici, avec déjà mon expérience
04:22 de vie ici, et ensuite dans la musique encore plus, je me suis rendu compte que c'était
04:26 une plus-value que ce qui était naturel chez moi dans mon pays où je me fondais dans
04:30 la mode, c'est-à-dire que je parle arabe et que j'ai plusieurs références qui viennent
04:34 d'ailleurs.
04:35 Ça pouvait être une plus-value ici, qu'il y a des choses qui sont venues à mes oreilles
04:39 que les gens n'ont pas forcément, et que je pouvais servir de pont à cette hybridation
04:44 musicale entre ce qu'on écoute dans ma génération et ce qui s'est fait un peu avant.
04:49 C'est une hybridation musicale qui est vraiment à l'œuvre en Algérie en ce moment.
04:53 On le voit avec DJ Snake par exemple, qui vient d'Oran.
04:57 D'ailleurs Macron est allé lui rendre visite dans son magasin de disques.
05:00 Il y a Soul King qui est devenu quand même l'artiste francophone le plus streamé de
05:05 2022.
05:06 Et on le voit dans un documentaire sur vous, dans les rues d'Alger, c'est un documentaire
05:11 qui est disponible sur Youtube.
05:12 En fait, l'horizon c'est de collaborer avec le monde entier.
05:15 On est ouvert de par la position géographique au monde, et ça s'entend musicalement.
05:22 Et je pense que l'apparition d'artistes comme DJ Snake, Soul King ou moi, ce n'est
05:26 que le résultat d'une francophonisation à l'Afrique.
05:29 Je pense qu'au-delà de l'Algérie, il y aura encore dans ma génération d'autres
05:35 jeunes qui feront de la musique en français ou de la musique qui atteindra en tout cas
05:39 l'Europe.
05:40 Mais le problème c'est qu'il a fallu partir au fond.
05:42 C'est ça ce que l'on entend majoritairement dans votre musique.
05:46 Et puis ça se confirme en février, ça a été voté en Algérie.
05:49 Toute musique portant atteinte aux bonnes mœurs est interdite.
05:51 Et c'est une définition tellement large qu'on imagine qu'il y a beaucoup de titres
05:54 qui vont y tomber.
05:55 C'est ça, je ne sais pas ce qui définit l'atteinte aux bonnes mœurs.
05:58 En tout cas, on essaie de faire attention juste de par l'éducation.
06:01 Moi, je me rends compte en écoutant des artistes qu'on a baigné peut-être dans…
06:04 Je sais qu'on normalise peut-être…
06:06 On dit « smoke weed everyday » dans le rap américain.
06:09 Je sais que c'est des choses qui, moi, ont été normalisées.
06:11 Je n'ai pas envie de refaire ces mêmes erreurs au futur.
06:13 C'est-à-dire de normaliser ces choses-là dans le rap et plutôt essayer de ne donner
06:18 que du positif.
06:19 Donc je pense que ça peut être bien vu.
06:20 Mais oui, Algiers…
06:22 Oui, Algiers, le but c'est d'y retourner.
06:25 C'est ça.
06:26 Vous avez donc un deuxième recueil de titres qui est apparu qui s'appelle 1.6.
06:30 C'était la version du jeu « Counter-Strike » à laquelle vous jouiez pendant la décennie
06:34 noire en Algérie.
06:35 Quels souvenirs vous avez de ces années ?
06:37 C'est un peu une capture d'écran de certains souvenirs, on va dire, pour vulgariser.
06:44 C'est un jeu auquel je jouais un peu après les années 90, pendant les années 2000.
06:48 Et derrière, il y avait mon grand frère qui écoutait de la musique qui m'a beaucoup
06:51 inspiré plus tard.
06:52 Donc il y avait ce contraste entre on joue à un jeu de guerre à la maison, mais des
06:56 fois dehors il y a des attentats.
06:58 Et après, je ne l'ai pas beaucoup vécu étant donné que j'ai grandi dans les années
07:02 2000.
07:03 Mais je pense que mon grand frère était beaucoup plus amené à avoir ce contraste-là.
07:06 Et vous, vous aviez quand même en tête que vous ne pouviez pas être artiste à ce moment-là
07:10 en restant à Alger ?
07:11 Ce n'était pas par rapport à ça.
07:12 C'est vraiment un manque d'infrastructure.
07:13 C'est-à-dire que être artiste en Afrique, c'est souvent un sacrifice.
07:17 Le stream n'a pas le même prix qu'en Europe, on va dire.
07:21 Donc voilà, c'est peut-être bêtement un aspect financier.
07:26 Mais comme plein de jeunes en Afrique, oui, l'eldorado, c'est un peu partir malheureusement.
07:31 On va vous écouter dans 1.6, version piano-voix.
07:35 C'est votre sujet libretif.
07:37 AK-47 joue du brassens, arme automatique, possède pas de morale, faudra partir ailleurs
07:50 pour brasser.
07:51 Pas envie de rejoindre la diaspora, liberté avalée de travers.
07:55 Les signes, tu les vois si t'es un brin vif.
07:57 Et moi, je suis un camper comme dans 1.6.
08:02 Le son a séché, maintenant le rouget paste.
08:05 La guerre, c'est plus fun sur Destou sur Aztec.
08:07 C'est beaucoup moins drôle quand je la vois de ma fenêtre.
08:09 C'est beaucoup moins drôle.
08:10 Tu choisis la musique, je peux plaire à Daphné, moi.
08:13 Mais ai-je vraiment du temps pour ça, Schneck ?
08:15 Un jour, tu devras répondre à ma question.
08:17 Ni à celle qui revient quand tu toucheras ta snipe.
08:20 Je m'en fous de comment je suis perçu, pas.
08:22 L'enculé qui est derrière le judas.
08:24 Ça va trop vite, à peine tu capes.
08:26 Tu parles de guerre, mais qu'on faut la faire, tu pars.
08:28 Ils te cassent le gouvernat.
08:30 Ils te demandent si ton bateau s'en est remis.
08:32 Mon frère jouait à Counter-Strike.
08:34 On s'entoupa que ce mélange a cover me.
08:37 PNJ, dans tous les cas, je vais skier.
08:39 Reste un membre, parasite, apple l'esprit.
08:41 Simulation d'appel en guise de Kaspersky.
08:45 Elle veut revenir car c'est pas mal servi.
08:47 Quand je rentre en stud, que des masterpieces.
08:49 Chaque jour, mes démons me colonisent un peu plus.
08:51 Je crois que j'ai le syndrome de la palestine.
08:55 Merci Tiff, on peut vous écouter.
08:57 Et vous voir en live session 1.6 sur Youtube.
09:00 Vous êtes en tournée, bonne route !

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