SMART WOMEN - Le portrait

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Samedi 28 octobre 2023, SMART WOMEN reçoit Shanty Baehrel (PDG et fondatrice, Shanty Biscuits)

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Transcription
00:00 ...
00:01 -Peace Mart.
00:02 -Bonjour, Chanty Barrel. -Bonjour.
00:05 -Merci et bienvenue sur ce plateau.
00:07 Chanty, vous avez déjà eu l'occasion
00:09 d'expliquer votre parcours à quelques reprises,
00:12 mais j'ai malgré tout souhaité vous faire entendre de nouveau
00:15 parce que, pour moi, vous êtes l'illustration...
00:18 Alors, parfaite, disons-le, osons le mot,
00:20 du "tout est possible dès lors qu'on en a la volonté".
00:23 Je pense que c'est salutaire de l'entendre.
00:26 On va recommencer par le début.
00:28 Au début, vous avez eu une éducation stricte,
00:30 donc vous êtes une petite fille tout à fait sérieuse
00:33 et bonne élève, bon, et pourtant,
00:35 rien ne vous prédispose dès lors...
00:38 Je le dis pour montrer que vous n'étiez pas
00:40 dans un environnement entrepreneurial
00:42 ni quoi que ce soit, et pourtant, à un moment,
00:45 vous avez, sans vous en rendre compte,
00:47 sans vous en douter vraiment, d'ailleurs,
00:50 mais vous avez démarré une aventure entrepreneurial.
00:53 Expliquez-nous le déclic et comment ça a commencé, tout ça.
00:57 -Exactement. Je ne viens pas du tout
00:58 d'un milieu entrepreneurial, business, quoi que ce soit.
01:02 J'ai que le bac, j'avais pas fait d'études après,
01:04 j'arrivais pas à me projeter du tout.
01:06 Et à un anniversaire, on m'offre un kit
01:09 avec plein d'accessoires de cuisine rigolo,
01:11 et dans ces accessoires, il y avait un tampon à biscuits,
01:14 et sur le tampon, il était écrit "approuvé par le chef".
01:18 Je me suis dit, "approuvé par le chef",
01:20 c'est pas très marrant comme message.
01:22 Si j'avais pu choisir le message,
01:24 je me suis dit, ça existe pas, je vais le faire,
01:27 mais sans me dire, je vais monter une entreprise,
01:30 un business... -Vous aviez un boulot alimentaire.
01:33 -Exactement. Je me suis dit, ça m'amusait.
01:35 J'ai trouvé un kit sur Internet pour pouvoir personnaliser
01:38 les biscuits avec des petites lettres,
01:41 façon imprimerie, et j'ai démarré dans mon appart.
01:43 Comme le concept, c'est vous commander en ligne,
01:46 ensuite, je fais les biscuits et je livre,
01:49 j'avais une commande qui tombait. -Vous avez déjà inventé
01:52 le produit, vous l'avez repayé avant de livrer.
01:55 Vous avez fait tout ça, c'est quand même très original
01:58 de voir ce déclic, complètement anecdotique,
02:00 on a l'impression, parce qu'il est déterminant pour le reste.
02:04 Au début, comme vous le dites, c'est très artisanal,
02:07 c'est un amusement, à un moment, néanmoins,
02:09 les commandes sont là, la demande est là,
02:12 vous devez passer à un stade supérieur.
02:14 C'était en 2013, je crois que vous avez décidé...
02:17 -J'ai démarré en 2013.
02:19 J'ai démarré en 2013 en faisant les biscuits dans mon appart
02:22 et j'avais trop de commandes, je me disais que si ça continue,
02:25 je ne pourrai plus suivre toute seule.
02:28 J'ai toujours eu une grande ambition,
02:30 mais j'ai toujours vu quelque chose de grand pour Chantilly Biscuits.
02:34 Je me suis dit qu'il fallait m'aider,
02:36 passer de la main à quelque chose un peu plus,
02:39 pas industriel, mais artisanal.
02:41 Donc, financement, association, trouver un local,
02:44 comment faire, il n'y a aucune machine qui existe,
02:46 donc comment... -Racontez, ça m'a beaucoup intéressée.
02:50 La mise au point de la machine, comment vous avez fait,
02:53 qu'est-ce qui s'est passé ?
02:54 -Je suis allée voir les distributeurs de machines
02:57 de biscuiterie artisanale, je leur ai expliqué mon concept,
03:00 ils m'ont dit que ça n'existe pas, il n'y a aucune machine,
03:04 c'est impossible. Le seul moyen, c'est de vous commander
03:07 une machine, vous facturer le moule pour les clients,
03:10 3 000 euros, vous les livrez dans 6 mois.
03:12 C'est pas vraiment mon business modèle.
03:14 Ils n'avaient pas de solution, parce qu'ils n'avaient jamais eu
03:18 de solution, donc à force de chercher,
03:20 on s'est dit qu'on allait acheter des machines
03:23 de biscuiterie standard, et on continuait la personnalisation
03:26 à la main, on va tout automatiser autour,
03:29 mais cette partie-là, on continue à la main,
03:31 et quelques années après, à force d'avoir des rendez-vous
03:34 avec des gens qui font des machines,
03:36 quelqu'un m'a dit qu'il voyait comment on pouvait faire,
03:40 et il a créé un module qu'on a greffé à la machine,
03:43 et les commandes de plus de 400 biscuits,
03:45 c'est personnalisé en machine.
03:47 -Le reste, à la main.
03:48 C'est quelqu'un qui a tamponné à la main.
03:51 -C'est Marc Houmman, le pouvoir aux femmes, en biscuit,
03:54 c'est remarquable. -Exactement.
03:56 -Oui, donc, toutes ces étapes, elles ont été importantes.
03:59 Vous voulez passer... Vous dites ça avec beaucoup de simplicité.
04:03 -C'était long. -On a l'impression
04:05 que tout ça est très facile, mais en réalité, ça ne l'est pas.
04:08 Vous avez eu des hommes de salle qui m'ont expliqué
04:11 que la pâte marchait pas dans les machines au départ, etc.
04:15 C'est pas évident. Vous avez eu des phases...
04:17 Au début, vous étiez associé, après, vous n'étiez plus associé.
04:21 Donc, ces étapes-là, l'aspect, justement,
04:23 financement pour vous permettre d'acheter
04:26 ou de fabriquer la machine, c'était une levée de fonds.
04:29 -J'ai fait deux tours de financement,
04:31 le premier en 2015, pour avoir le premier atelier de prod,
04:34 les premières machines, à hauteur d'à peu près 100 000 euros
04:38 de prêt, prêt bancaire, prêt donneur, etc.
04:40 Rapidement, on a été à l'étroit, il fallait plus grand,
04:44 je me suis dit que je ne devais pas redéménager tous les ans,
04:47 donc on prend quelque chose de grand,
04:49 et là, je veux faire quelque chose de plus pro, même côté équipe.
04:53 La banque ne me suivait pas,
04:55 et ils m'ont dit qu'on ne croit pas en mon business model.
04:58 J'ai dû aller chercher de l'argent
05:00 pour financer la prod.
05:01 J'avais les commandes derrière, je me suis dit comment je livre ?
05:05 -Votre besoin correspond davantage à du capital qu'à du crédit.
05:09 Comment ça s'est passé ? Ca s'est bien passé, le capital ?
05:12 -Je ne me suis pas accompagnée, je n'y connaissais rien en finance.
05:16 Je me suis fait accompagner par des leveurs de fonds
05:19 qui m'ont aidé à faire le business plan,
05:21 comment on parle aux personnes, comment on les rencontre.
05:24 Ca a été pas long, mais ça a pris du temps,
05:27 parce que de rencontre en rencontre,
05:29 mais je n'ai pas trouvé que c'était difficile.
05:32 J'avais un historique, j'avais prouvé que je pouvais
05:35 emmener la boîte de 1 à 2, de 0 à 1,
05:37 et comment on fait le next step.
05:39 Ca n'a pas été très compliqué de convaincre les personnes.
05:43 J'avais pas cherché des millions.
05:45 -Vous avez une grande capacité, c'est formidable,
05:48 une capacité d'adaptation, d'innovation,
05:50 et vous avez envie, donc vous y allez.
05:52 -Le produit est très facile à comprendre.
05:55 Tout le monde voit le potentiel,
05:57 s'imagine offrir les biscuits pour ses clients, ses amis,
06:00 c'est très facile de convaincre.
06:02 -Justement, aujourd'hui, votre capacité de production,
06:06 c'est 50 000 biscuits, jour, c'est ça ?
06:09 -Aujourd'hui, avec l'équipe que j'ai,
06:11 sans forcer, sans faire tourner en 2-8,
06:14 donc il y a du potentiel,
06:15 c'est monté jusqu'à 50 000 biscuits par jour.
06:18 -Ca fait beaucoup le message.
06:20 Et alors, aujourd'hui, en termes...
06:22 Parce que là, vous adressez plutôt des particuliers à ce stade.
06:26 -Aujourd'hui, on est 50-50.
06:28 En termes de chiffre d'affaires, 50-50.
06:30 -Vous adressez aussi bien des particuliers
06:33 qui viennent sur le site,
06:35 que des entreprises.
06:36 Mais justement, aujourd'hui, finalement,
06:39 parce qu'aujourd'hui, vous êtes une patronne,
06:41 vous dites au départ "je fais ça",
06:43 vous êtes une patronne, vous dirigez une PME,
06:46 c'est pas une TPE, c'est une PME,
06:49 donc bon, c'est très positif.
06:51 Comment, finalement,
06:53 vos principaux défis, aujourd'hui, c'est quoi ?
06:56 -Pendant longtemps, ça a été comment on met en place la prod,
06:59 qui a pris plusieurs années,
07:01 et maintenant, c'est comment on ramène des commandes
07:04 et comment on met une équipe commerciale en place.
07:07 On est très marketing, com... -Combien êtes-vous ?
07:09 -On est 15. -Ca se répartit comment ?
07:11 -J'ai plus de la moitié de personnes en prod.
07:15 Et après, j'ai un peu de services clients,
07:17 graphisme,
07:19 personnes qui gèrent les commandes en 30,
07:21 les questions des clients, etc.
07:23 Mais on n'a pas vraiment d'équipe commerciale à parler.
07:26 -Vous le faites ?
07:27 -On a énormément de demandes en 30.
07:30 Jusqu'à présent, notre stratégie, c'était de faire connaître la marque
07:34 pour nous la traiter par la com, les réseaux sociaux, etc.
07:37 Maintenant, c'est comment on met une force commerciale
07:40 qui va aller chercher tout le potentiel qu'on a derrière.
07:43 -Et ce potentiel, justement, vous le voyez
07:45 dans des secteurs, plutôt, justement, B2B,
07:48 ce que vous me disiez.
07:49 -Oui, c'est des grosses commandes.
07:51 En particulier, le max du max qu'on va avoir,
07:54 c'est 500, 800 biscuits pour un mariage.
07:57 Mais une entreprise, on a déjà eu des commandes
07:59 de plus de 100 000 biscuits.
08:01 C'est pas la même chose.
08:02 -Pour l'entreprise, c'est à la fois des goodies,
08:05 mais des goodies qui sont bons pour la santé,
08:08 car vous ne mettez que des bons produits dans vos biscuits
08:11 et qui permettent d'apprécier.
08:13 Mais dans le même temps qu'il y a des entreprises à ce niveau-là,
08:16 vous avez le monde de l'hôtellerie qui vous intéresse.
08:19 -Oui, l'avantage de l'hôtellerie, c'est qu'il y a de la récurrence.
08:23 Quand on est sur un cadeau, c'est plus du one-shot.
08:26 Mais on a plein de clients potentiels différents,
08:29 ce qui est un peu compliqué, car qui on l'adresse est en priorité.
08:32 Avec les fêtes qui arrivent,
08:34 on a le cadeau pour les fêtes de Noël,
08:36 et c'est là qu'on a le gros du business.
08:39 -Oui, c'est-à-dire que vous avez à la fois à gérer
08:41 vraiment le quotidien et vous avez la chance,
08:44 vous l'avez cherché, cette chance,
08:46 d'être sur un métier où il y a une demande naturelle.
08:49 J'avais été frappée quand on s'était rencontrés,
08:52 car vous m'expliquiez que ce n'était pas trop le biscuit.
08:55 Ce qui vous comptait pour vous, c'était le message.
08:58 Mais ce message devait néanmoins être supporté
09:01 par quelque chose de qualitatif.
09:03 Ce n'était pas un biscuit ordinaire,
09:05 c'était un bon biscuit par ailleurs.
09:07 -Je ne voulais pas l'effet "c'est beau, mais pas bon".
09:10 Je voulais un double effet "en plus, c'est bon".
09:13 C'est ce qui fait que la boîte marche,
09:15 que les gens les recommandent, en parlent et aiment les biscuits.
09:19 Ce qui a fait partie du défi de Prod de garder le goût et la qualité
09:23 sans mettre d'additifs, sans réduire le beurre, etc.
09:26 Et oui, c'est ce qui fait que ça marche.
09:29 -Et vous avez justement pu absorber justement
09:32 les hausses de matières premières.
09:34 -Oui, on a augmenté nos prix en B2B,
09:37 mais pas sur notre site,
09:38 parce qu'on est déjà considéré comme cher.
09:41 Mais par contre, on a adapté l'offre
09:43 pour que ça nous coûte moins cher.
09:45 On a réduit la gamme de parfums qu'on avait,
09:48 on prend les packagings en plus petites quantités,
09:51 on fait des réassorts.
09:52 C'est plus, on optimise en interne
09:54 pour pas que le client ait une grosse surcharge de prix.
09:58 -Ce qui est frappant, ce que vous dites toujours,
10:01 c'est que vous êtes vraiment seule à diriger,
10:03 vous avez une équipe autour de vous,
10:05 mais c'est vous qui... -Oui, j'ai pas d'associés.
10:08 -Vous avez une façon de vous exprimer
10:10 qui est collective, qui prouve que pour vous,
10:13 l'équipe, c'est important.
10:15 Comment vous vous sentez en tant que patronne,
10:17 à la fois dans votre positionnement,
10:19 dans la relation avec les interlocuteurs que vous avez ?
10:23 -J'ai mis longtemps à assumer ma place,
10:25 de dire "je suis la bosse", "je suis légitime",
10:28 surtout parce que j'ai recruté des gens
10:30 qui avaient des diplômes et étaient plus qualifiés que moi.
10:33 C'était comment je leur donne des ordres.
10:36 J'avais toujours ce truc d'imposteur.
10:38 J'ai l'impression que je suis là par hasard,
10:40 que ça marche, je me rends pas trop compte.
10:43 Mais ces dernières années, avec tous les succès qu'on a pu avoir,
10:46 les réussites, j'ai eu des prix, etc.,
10:49 je me suis dit que je suis à ma place.
10:51 -Vous avez pris des prix prestigieux, au demain.
10:54 -Un peu, oui. -Ah ben oui !
10:55 Et là, j'ai une super équipe qui comprend,
10:58 et tout le monde est à sa place,
11:00 tout le monde sait ce qu'il a à faire.
11:02 Je me sens totalement à ma place quand je vais prendre une décision
11:06 et dire que si il y a un moment d'anonymisation,
11:08 c'est moi qui ai le dernier mot.
11:10 Je suis très fière de l'équipe et de ce qu'on fait.
11:13 -C'est le mot de la fin.
11:15 Vous êtes très fière, de façon très légitime.
11:18 On vous souhaite bien sûr tout le succès.
11:20 Je vous remercie pour ce témoignage,
11:22 parce que je pense que vous allez inspirer
11:25 et donner confiance, c'est surtout ça,
11:27 à des femmes qui, aujourd'hui,
11:29 ne se sentent pas une fibre entrepreneuriale,
11:32 qui vont passer par ce syndrome d'imposteurs
11:34 que vous avez décrit, et pourtant, elles peuvent,
11:37 elles doivent aller au bout de leurs souhaits
11:40 et de leurs convictions.
11:41 Donc, encore une fois, un grand merci.
11:44 Voilà, cette émission est terminée.
11:46 Merci d'avoir suivi.
11:47 Je vous donne rendez-vous à la prochaine session,
11:50 donc, dans un mois.

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