Zoom - Sébastien Jallamion : Mon témoignage sur le quotidien des flics

  • l’année dernière
Il y a bientôt dix ans, Sébastien Jallamion était radié de la police, pour délit d’opinion et à l’issue d’un petit coup monté. Malgré cette sanction jugée injuste et de nombreuses années de traversée du désert, Sébastien Jallamion continue, contre vents et marées, de défendre la police nationale. Non sans dénoncer une administration sourde et aveugle, la problématique des affectations, le rôle ambigu des syndicats ou les réseaux francs-maçons qui constituent une hiérarchie parallèle. Dans son ouvrage "Flic, le plus beau métier du monde", l’auteur raconte aussi, à travers de nombreuses anecdotes personnelles, la réalité de la vie d’un flic. Il fait découvrir le monde de la drogue ou celui des violences sexuelles faites aux femmes ou aux enfants. Il fait plonger le lecteur dans un monde souvent sombre et sordide de la radicalisation des islamistes. Un témoignage à prendre en compte pour se faire un jugement !

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Transcript
00:00 [Générique]
00:05 Ancien policier Sébastien Jalamion est notre invité.
00:08 Après avoir publié "A mort le flic", il revient avec "Flic, le plus beau métier du monde"
00:14 aux éditions Riposte Laïque et en vente tout de suite sur le site TVL.fr
00:18 dans la rubrique boutique, boutique TVL.fr.
00:21 Sébastien Jalamion, bonjour.
00:23 Bonjour Martial et merci de m'avoir invité.
00:24 Mais oui, vous étiez venu à TV Liberté, j'ai regardé ça pour "A mort le flic",
00:28 votre premier ouvrage, il y a 7 ans.
00:30 7 ans plus tard.
00:32 Entre "La police tue" et "La police nous protège",
00:35 entre les violences policières et le soutien indéfectible aux forces de l'ordre,
00:40 à travers le titre que vous avez choisi, je crois que votre choix est fait.
00:44 Oui, assez clairement.
00:45 Et tout d'abord, je voudrais remercier Robert Paturel
00:48 qui a été l'auteur d'une préface de ce livre
00:52 et ainsi que mon avocat et ami Gabriel Vercigny
00:56 qui a bien voulu signer une poste face.
00:59 Et je tenais effectivement à dire que ce n'est pas parce que je ne suis plus policier
01:06 que je n'ai pas un très fort sentiment d'appartenance
01:08 par rapport à cette profession que j'ai exercée pendant 20 ans.
01:11 Et je suis très sensible à ce qui se passe actuellement,
01:13 c'est-à-dire à ces manifestations hostiles à la police qui se sont déroulées en France
01:18 et contre lesquelles je m'insurge tout en comprenant
01:21 qu'il puisse y avoir une partie de la population,
01:23 sans doute un peu, je dirais, orientée par leur idéologie,
01:27 qui ont une vision négative de la police.
01:29 J'ai entendu certains slogans dire que c'est la milice à Macron ou ce genre de choses,
01:33 ce qui est complètement aberrant quand on sait que la police nationale,
01:37 avant tout, est un service public, c'est-à-dire que c'est la police de tout le monde.
01:40 C'est une évidence et tout le monde peut en avoir besoin à un moment ou à un autre dans sa vie.
01:44 Et je tenais à le rappeler en expliquant un petit peu à travers mon parcours
01:49 toutes les manières dont on peut se rendre utile.
01:50 On va parler de votre parcours, mais cette position est quand même d'autant plus courageuse, surprenante.
01:57 Je choisirais le terme que dans "A mort le flic",
01:58 vous racontiez vos déboires avec l'administration policière.
02:01 Il y a bientôt dix ans, vous avez été radié de la police pour délit d'opinion.
02:06 Et puis avec un petit coup monté aussi.
02:09 Oui, donc ça s'est fait en plusieurs temps et je l'ai raconté dans ce livre dont vous parlez
02:13 qui s'appelle "A mort le flic", qui est au même éditeur, Riposte Laïque,
02:17 et dans lequel je raconte la chronologie de cette mise à mort sociale,
02:20 mais qui n'est pas du fait de l'administration dans son ensemble,
02:23 qui est le fait de certains acteurs de cette administration,
02:25 d'une certaine hiérarchie qui, effectivement, encore aujourd'hui, hélas,
02:30 est tout à fait capable de broyer une carrière et de s'en prendre à un fonctionnaire.
02:33 Et rien de plus facile, vous savez, de sanctionner, de diaboliser
02:36 un fonctionnaire, quel qu'il soit, dans la police en particulier.
02:40 Et je pense que ça contribue d'un certain malaise que ressent la profession.
02:46 Vous savez, nous en sommes quand même à 21 suicides depuis le début de l'année.
02:50 Et je crois que ce problème n'est pas pris à bras le corps
02:52 et qu'il faudrait revoir un petit peu, je pense, à minima, le management
02:57 dans cette profession qui n'est pas tout à fait comme les autres
02:59 et qui nécessite d'avoir un mental d'acier.
03:02 - Radié, on va dire même un peu persécuté, pour avoir dénoncé l'islamisme.
03:07 On est en 2023, c'est tellement d'actualité qu'on se dit
03:10 ce que vous disiez à l'époque était anodin.
03:12 - Oui, alors en fait, j'ai réagi à l'enlèvement et à la décapitation
03:15 du français Hervé Gourdel en Algérie, par un groupe islamiste
03:18 qui avait donc, par cette exécution, prêté allégeance à Daesh,
03:22 que tout le monde connaît aujourd'hui.
03:24 Et j'avais tiré le signal à l'arme en expliquant
03:26 qu'il y avait une véritable menace sur notre territoire.
03:29 Une menace qui était non seulement, comment dire, connue,
03:37 puisque nos services de renseignement l'avaient identifiée,
03:40 mais qui était minimisée déjà par les autorités
03:44 qui, nous le savons, c'est parfaitement documenté aujourd'hui,
03:47 auraient pu prendre des mesures pour éviter un certain nombre d'attentats,
03:50 dont le Bataclan, puisque nous savons que les services de renseignement syriens
03:53 avaient communiqué la liste, proposé de communiquer la liste
03:57 d'un certain nombre de djihadistes qui étaient prêts à frapper la France,
04:00 parmi lesquels figuraient les terroristes du Bataclan,
04:02 et que Manuel Valls avait refusé de collaborer
04:05 avec les services de renseignement syriens.
04:07 - Alors tout au long de l'ouvrage, vous montrez d'une voix quand même
04:10 cette administration, vous dites une partie de l'administration,
04:12 mais l'administration de policiers, vous dites même à un moment donné
04:15 une administration, je note les termes, sourde et aveugle.
04:19 Et Robert Paturel, donc qui a fait la préface,
04:21 qui est instructeur champion de France de boxe française,
04:24 et ancien du Red, dit le gorille,
04:26 parle lui, dans la préface de l'ouvrage, lui aussi,
04:28 d'une hiérarchie pesante et bornée.
04:32 - Oui, alors là, il s'agit d'une hiérarchie,
04:35 non pas de la hiérarchie, je tiens à faire le distinguo,
04:38 parce qu'encore une fois, ce serait complètement caricatural.
04:40 Mais effectivement, il existe au sein de la police nationale,
04:43 probablement dans d'autres administrations,
04:45 mais je vais parler de ce que je connais le mieux,
04:48 une certaine hiérarchie qui, par carriérisme,
04:51 va s'aligner sur des positions politiques
04:53 qui vont à l'encontre de l'intérêt général,
04:56 à l'encontre de ce que doit être la mission de la police nationale
05:00 dans le cadre de son service public,
05:03 qui consiste, je le rappelle quand même, c'est une évidence,
05:05 mais il faut le rappeler, à assurer la sécurité publique.
05:08 Il y a un volet administratif, qui est, par exemple,
05:10 tout ce qui est à trait au maintien de l'ordre, etc.
05:13 et qui est sous l'autorité directe du préfet.
05:15 Et il y a un volet judiciaire, qui lui, par contre,
05:18 est sous l'autorité du procureur, du procureur général,
05:21 et qui consiste un petit peu à faire toutes les enquêtes possibles et inimaginables,
05:25 que ce soit des affaires qui sortent un peu du commun,
05:27 ou que ce soit les affaires, je dirais, le tout venant,
05:29 les enquêtes de routine suite à un grand briolage,
05:31 une agression, que sais-je encore.
05:33 Et donc, par conséquent, il faut bien distinguer les deux.
05:36 Sur le volet administratif,
05:38 et là, j'aurais bon dire par rapport au maintien de l'ordre,
05:40 à la répression, par exemple, du mouvement des Gilets jaunes,
05:42 que peu de gens comprennent,
05:43 par son caractère pour le moins excessif.
05:47 J'ai été l'un des premiers à être surpris
05:51 par la réponse policière, la réponse répressive.
05:54 – C'est là qu'est née la notion de violence policière.
05:56 Elle est née aussi à Manif pour tous, cette notion-là.
05:58 À ce moment-là, il est difficile de l'aider.
06:00 – Un excès de zèle d'une certaine hiérarchie peut expliquer
06:03 comment des policiers sur le terrain peuvent s'en prendre à des manifestants
06:07 jusqu'à la mutilation.
06:10 Car nous avons quand même eu un certain nombre de personnes
06:12 qui ont perdu un oeil, qui ont été sérieusement blessées.
06:17 Ça a suscité une vague d'indignation dans la communauté internationale.
06:21 On n'en parle pas assez, mais enfin, jamais la France n'a connu
06:23 une telle répression policière sous la Vème République.
06:27 Donc, cette nouvelle doctrine de maintien de l'ordre
06:30 a été décidée par les politiques.
06:33 Elle a été certes exécutée par des policiers,
06:35 dont certains peuvent dire "mais attendez,
06:36 vous avez la politique des baïonnettes intelligentes,
06:39 qui auraient pu vous réfréner".
06:41 Alors d'une part, je connais des policiers
06:43 qui soutiennent le mouvement des gilets jaunes.
06:45 D'autre part, j'en connais qui se sont fait porter pâle
06:47 plutôt que de participer à l'encadrement de ces manifestations.
06:52 Et enfin, je voudrais dire, pour ceux qui ont fait un peu de zèle,
06:55 malheureusement, effectivement, il y a chez nous, dans nos rangs,
06:59 des policiers qui peuvent déraper.
07:01 Ce n'est pas nouveau, ce n'est pas sous Macron que c'est apparu,
07:04 ça a toujours existé.
07:06 Mais je voudrais quand même rappeler,
07:07 par rapport à la politique des baïonnettes intelligentes,
07:09 qu'aujourd'hui elle a été tuée dans l'œuf
07:12 par le fait que même lorsqu'un fonctionnaire…
07:14 Alors qu'est-ce que la politique des baïonnettes intelligentes ?
07:16 C'est lorsqu'on refuse d'obéir à un ordre manifestement illégal.
07:21 Aujourd'hui, les policiers peuvent refuser
07:25 d'obéir à un ordre manifestement illégal.
07:27 Mais ils engagent tout de même une procédure.
07:32 Ils encourt une procédure disciplinaire.
07:34 Ils engagent leur responsabilité disciplinaire
07:36 tout en refusant un ordre illégal.
07:38 Donc on peut quand même les sanctionner.
07:39 Ce qui fait que, autant dire que la politique des baïonnettes intelligentes
07:42 n'existe plus dans la police nationale.
07:43 Si je comprends bien Sébastien Jalagnon,
07:44 vous dites "oui, il y a une police, celle qui maintient l'ordre,
07:48 que l'on peut avoir une forme de ressentiment à son égard,
07:53 mais ça ne cache pas la réalité de l'ensemble de la police,
07:55 qui n'est pas que seulement le maintien de l'ordre des manifestations."
07:57 Non, bien entendu.
07:59 C'est, comme je le disais tout à l'heure,
08:01 un service public fort utile
08:03 qui est exercé par des fonctionnaires courageux quand même.
08:08 Parce qu'il faut comprendre.
08:09 Je pense qu'à travers la lecture de mon livre,
08:12 les gens vont découvrir un petit peu l'arrière-plan de ce métier
08:16 qui est paradoxalement assez médiatisé
08:19 par rapport à un certain nombre d'émissions
08:20 qui suivent les policiers de terrain H24, etc.
08:25 Et puis la méconnaissance du public, du grand public,
08:30 sur un certain nombre, voilà, je dirais qu'il y a un côté sombre
08:36 que je dévoile un petit peu,
08:38 notamment vis-à-vis d'une certaine hiérarchie,
08:40 mais pas seulement, aussi de certains collègues,
08:42 par rapport à certains magistrats,
08:45 dont le laxisme est purement hallucinant.
08:48 Donc les policiers, pour ne pas se décourager,
08:50 ne doivent pas regarder les suites judiciaires
08:53 concernant les interpellations qu'ils font,
08:55 sans quoi ils ne feraient plus rien.
08:56 Et j'en veux, pour exemple, un cas d'école,
08:59 il y a quelques jours, le 14 octobre, à Argenteuil,
09:05 un individu a été interpellé par le service de sécurité de l'hôpital,
09:10 service gériatrie, après avoir violé deux non-ingénieurs,
09:14 dont l'une est décédée quelques heures plus tard.
09:17 Il a été placé sous l'origine de la garde à vue,
09:19 il a reconnu les faits,
09:20 il est déjà connu pour des infractions à caractère sexuel.
09:23 Le parquet de Pontoise a requis son placement en détention provisoire,
09:28 et le juge des libertés et de la détention a décidé de le relâcher,
09:31 dans l'attente de son procès.
09:32 C'est-à-dire que la dangerosité de cet individu,
09:34 qui paraît évidente au commun des mortels,
09:37 n'a pas été prise en compte par un magistrat,
09:39 qui d'ailleurs ne connaît pas le fond du dossier,
09:41 mais se prononce uniquement sur la détention,
09:44 qu'il a relâché et qui donc met en danger la population.
09:47 Car cet homme dangereux est susceptible de passer à l'acte,
09:50 tant qu'il n'a pas été privé de sa liberté.
09:54 – On revient à flic, le plus beau métier du monde,
09:56 et on va revenir à votre métier à vous.
09:58 C'est-à-dire, l'ouvrage c'est aussi,
10:01 il ne faudrait pas qu'on passe à côté une sorte de biographie,
10:03 et tout d'abord vous racontez votre enfance.
10:05 Vous dites que c'est une enfance compliquée,
10:06 on le voit d'ailleurs, une enfance compliquée,
10:08 qui aurait pu vous orienter vers la délinquance.
10:11 Ça n'a pas été le cas, c'est dû à quoi ?
10:13 Peut-être au mot "détermination" ?
10:15 – Je pense que c'est plus lié à une certaine éducation.
10:20 Je voudrais remercier mon grand-père qui m'a élevé
10:23 durant une partie de mon enfance,
10:24 et qui m'a inculqué un certain nombre de valeurs
10:26 qui m'ont suivi tout au long de ma vie,
10:28 et qui me suivent encore aujourd'hui,
10:30 et qui m'ont permis de faire les bons choix
10:31 quand je me suis retrouvé confronté effectivement à certaines situations
10:34 où j'aurais pu basculer dans la délinquance,
10:36 comme certains jeunes que je côtoyais à l'époque.
10:39 Mais encore une fois, je dirais que ça apporte un peu une contradiction
10:43 à ceux qui associent enfance difficile ou pauvreté à délinquance.
10:48 Ce n'est pas du tout systématique,
10:49 et c'est vraiment, et je le réitère, un problème d'éducation.
10:53 – Il n'y a pas de déterminisme.
10:55 Vous êtes une relation de vos années d'expérience,
10:58 même si, il convient de rappeler qu'être policier,
11:01 ce n'est pas pour vous, vous le dites,
11:02 une vocation au cours de vos études,
11:04 vous vous écriez études de droit,
11:06 – Oui, absolument.
11:07 – Vous vous écriez policier, et pourquoi pas ?
11:10 On a connu de plus grands ennuis, non ?
11:13 – Effectivement, je n'avais pas du tout l'intention,
11:16 lorsque j'ai commencé mes études de droit,
11:18 de devenir policier ou autre.
11:19 D'ailleurs, j'étais un petit peu dans l'expectative
11:22 concernant le métier que j'allais faire.
11:25 Et ce métier est arrivé à moi un peu par hasard.
11:28 Je le raconte d'ailleurs à l'occasion d'un concours de plaidoiries
11:32 auquel je participais à l'université Lyon III.
11:35 Des camarades sont venus me voir
11:37 en évoquant le fait qu'ils allaient passer le concours de la police nationale.
11:41 J'ai commencé à m'intéresser à ce métier à ce moment-là.
11:45 Étant étudiant, j'ai devancé mon appel,
11:46 le service militaire était obligatoire à l'époque.
11:48 J'ai fait mon service national dans la police,
11:50 et c'est là que j'ai décidé de faire ce métier.
11:52 J'ai senti tout de suite que c'était un métier qui était fait pour moi.
11:54 Alors, on découvre votre carrière,
11:55 mais elle vous permet de découvrir surtout de multiples facettes
11:58 ou métiers au sein de la police,
12:00 comme les unités de nuit, les nuiteux,
12:03 si j'ai bien retenu le terme, ou la BAC.
12:06 J'ai envie de vous dire qu'à ce moment-là,
12:08 quelle est la meilleure place, si je dois dire,
12:09 pas la plus intéressante ?
12:11 Ni l'une ni l'autre.
12:12 Je dirais que la police nationale a l'un des avantages
12:15 de proposer plusieurs métiers.
12:16 C'est pour ça que j'encourage les jeunes qui voudraient
12:19 choisir d'embrasser cette profession, cette carrière.
12:22 Il y a vraiment plusieurs possibilités d'évolution
12:27 au sein de ce métier.
12:29 Les unités de nuit dont vous parlez,
12:31 c'était en unité de roulement, en Seine-Saint-Denis,
12:34 où j'ai commencé à faire un petit peu de lutte anticriminalité,
12:39 puisque la délinquance de nuit est assez importante
12:42 dans ce département.
12:43 Et même en tenue, je le raconte d'ailleurs très bien,
12:46 on faisait des interpellations en flagrant délit.
12:48 Ça m'a déterminé ensuite à Chausière-la-Bac.
12:50 Et là effectivement, nous sommes un peu plus spécialisés
12:52 dans les interpellations.
12:53 Et j'airais que, dans un cas comme dans l'autre,
12:55 il y a quand même un esprit,
12:57 alors ça peut paraître un peu caricatural,
12:59 peut-être que les gens qui sont extérieurs à ce métier
13:04 ne pourraient pas tout à fait comprendre ce que je veux dire,
13:07 mais il y a quand même un côté chasseur.
13:09 C'est-à-dire qu'il y a une certaine adrénaline
13:11 que ressentent tous les policiers intervenants
13:14 sur un flagrant délit,
13:16 ce qui fait qu'on a envie que ça recommence.
13:20 Alors je ne dirais pas qu'on se drogue à l'interpellation,
13:22 mais il y a quand même quelque chose de l'ordre,
13:25 de l'instinct du chasseur, effectivement.
13:27 On ne peut pas, je pense, être un bon policier
13:29 à la brigade anti-criminalité,
13:31 si on n'est pas un bon chasseur.
13:33 Votre parcours vous permet de découvrir plusieurs mondes,
13:36 cette fois-ci, non pas métiers, mais mondes.
13:38 J'en ai retenu deux qui sont particulièrement sombres,
13:44 celui de l'agrogue,
13:46 et tout autant plus encore celui des violences sexuelles
13:49 faites aux femmes et aux enfants.
13:51 Et là, c'est vraiment la plongée dans un monde effrayant,
13:55 surtout quand on lit les exemples que vous relatez,
13:58 d'ailleurs avec beaucoup de pudeur.
14:00 Mais néanmoins, c'est particulièrement effrayant
14:04 et sombre, c'est le deuxième que je retiens.
14:06 C'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai suggéré à mon éditeur
14:09 de référencer mon livre comme n'étant pas recommandé
14:12 aux moins de 16 ans.
14:14 Parce qu'effectivement, certaines anecdotes que je raconte,
14:16 et j'essaye de le faire avec une certaine retenue,
14:19 mais il faut bien, malheureusement, expliquer les choses.
14:24 Et effectivement, c'est un voyage dans le côté le plus sombre
14:30 de l'âme humaine.
14:31 C'est une expérience de vie qui nécessite aussi
14:35 d'avoir un mental assez fort.
14:38 Et je crois que quand on fait ce métier,
14:41 quand on a été confronté à ce genre de choses,
14:44 on est nécessairement impacté,
14:47 et on voit le monde avec un autre regard.
14:50 Difficile de détester la police quand on voit le travail
14:53 que vous menez personnellement et vos collègues
14:56 dans ce type de domaine.
14:59 Alors, ça me trouble, ce qui est rare,
15:03 mais il y a un secteur aussi,
15:05 je pensais vraiment aux exemples que vous évoquez,
15:07 il y a un secteur qui est actuellement,
15:09 pour longtemps encore, malheureusement,
15:11 au cœur de l'actualité,
15:12 c'est celui de la radicalisation islamiste.
15:14 C'est la raison pour laquelle vous avez été radié,
15:16 je l'ai évoqué tout à l'heure.
15:17 Mais il se trouve aussi que vous avez été un témoin qui compte,
15:20 puisque vous avez reçu une formation,
15:22 qualité de policier, sur la radicalisation,
15:24 et puis que le 11 septembre 2001, vous étiez en patrouille.
15:27 Vous saviez ce qui pouvait se passer en France
15:29 après les événements du 11 septembre qui se déroulaient,
15:31 bien évidemment, aux Etats-Unis.
15:33 Voilà, alors effectivement, j'ai pu assister en 2001
15:36 à des scènes de l'IS dans le quartier des Minguettes,
15:39 suite à l'annonce des attentats
15:41 contre les tours du World Trade Center.
15:43 Des tags ont fleuri quelques jours plus tard,
15:45 avec marqué "Vive Ben Laden",
15:47 et déjà, nous avions affaire à une population assez jeune
15:52 qui se revendiquait comme étant solidaire
15:55 avec ce que l'islam radical peut produire de pire,
15:59 c'est-à-dire les terroristes.
16:01 Et c'est curieux que vous me parliez de ça,
16:03 puisque, en fait, quand on y réfléchit bien,
16:05 j'ai commencé ma carrière en pleine menace islamiste,
16:08 puisque je suis rentré dans l'administration en 1994.
16:11 1995, c'était la vague d'attentats du GIE algérien
16:14 qui frappait la France,
16:16 avec Ralet-Kelkal et autres.
16:18 J'en parle d'ailleurs parce que j'étais directement impliqué
16:22 par... nous mettions en place des cordons de sécurité régulièrement,
16:29 il y avait des alertes à la bombe systématiques,
16:32 quasiment tous les jours, nous intervenions sur des colis suspects,
16:37 et on assiste à un petit peu la même chose actuellement.
16:40 Bon, il y a ce passage sur les années 2000,
16:43 bon, vous parliez de septembre 2001,
16:45 mais j'ai été aussi révoqué en pleine menace terroriste.
16:50 Donc, c'est un petit peu comme si ma carrière
16:53 était associée à cet aspect des choses,
16:56 et je constate, pour en avoir été le témoin,
17:00 que déjà en 1995, nous étions parfaitement informés
17:03 d'un certain nombre de choses concernant la menace djihadiste.
17:07 Que font les services de renseignement ?
17:10 Ils renseignent, donc ils transmettent l'information
17:13 à l'autorité politique, c'est-à-dire au ministre,
17:18 qui, bien souvent, faisait ce qu'on appelle un classement vertical,
17:22 c'est-à-dire ne prenait pas en compte la menace pour ce qu'elle était,
17:25 et on voit aujourd'hui quel est, hélas, le résultat,
17:28 car les choses n'ont fait qu'empirer au fil des décennies.
17:31 Alors, vous étiez passé de Seine-Saint-Denis à la région lyonnaise.
17:35 Ça, il faut lire le livre, mais on a passé un peu, nous,
17:38 rapidement les événements, et là, vous êtes l'objet d'intimidation,
17:44 c'est-à-dire que, comme policier, on vous reconnaît,
17:48 et on vous reconnaît dans votre vie privée,
17:51 et on ne se gêne pas pour venir vous intimider.
17:54 Oui, alors j'ai effectivement eu ce genre d'expérience,
17:58 mais il se trouve qu'aujourd'hui, les choses sont bien plus généralisées,
18:02 de ce point de vue-là, et on a connu une période
18:06 où le personnel féminin dans la police nationale
18:08 devait être accompagné par un équipage pour rentrer à son domicile.
18:12 Il y a une véritable menace qui pèse sur les policiers,
18:16 et donc les agressions de policiers au service nourrissent les faits divers.
18:22 Nous voyons bien qu'à travers ceux qui propagent cette haine antifique,
18:26 il y a un passage à l'acte, et qu'il faut prendre en considération
18:30 en étant intraitable avec ceux qui incitent à la haine des policiers,
18:34 ou qui caricaturent la police nationale en la présentant comme étant raciste,
18:40 comme étant violente, comme…
18:43 C'est très facile de susciter la haine d'une partie de la population
18:48 qui est déjà violente et qui s'en prend non seulement aux forces de l'ordre,
18:52 mais aussi aux sapeurs-pompiers, par exemple, dans les quartiers.
18:55 Alors j'aimerais qu'on m'explique quel est le lien entre les violences commises
18:58 sur les sapeurs-pompiers et la riposte à des violences policières.
19:02 Ça n'a aucun sens.
19:03 On peut le considérer avec les policiers.
19:05 Les pompiers n'ont pas le volet répression.
19:07 Absolument pas.
19:08 Les policiers pas.
19:09 En désert de mon propos, je parlais de la critique de la hiérarchie,
19:13 mais vous évoquez aussi toutes ces problématiques des affectations,
19:18 tout aussi graves d'ailleurs les faiblesses intrasectes des syndicats policiers.
19:22 C'est amusant parce que vous avez été syndicaliste.
19:24 Oui, j'étais au syndicat Alliance Police Nationale, effectivement,
19:27 pendant plusieurs années.
19:28 Et puis, effectivement, on peut constater qu'il y a, je dirais,
19:33 un certain nombre de dysfonctionnements dans le main terme
19:36 concernant la carrière des policiers, concernant…
19:38 Non, pour moi les dysfonctionnements c'est du rhumus.
19:40 Les dysfonctionnements, on va dire que, en fait,
19:43 c'est surtout lié à certaines injustices par rapport à la promotion,
19:48 à la mutation, par rapport au fait que…
19:50 Mais c'est d'autant plus assumé qu'un certain nombre de policiers
19:54 prennent ce qu'on appelle leur terme, c'est-à-dire leur adhésion au syndicat,
19:59 dans l'espoir de passer devant les copains pour avoir une mutation plus rapide, etc.
20:02 Donc je dirais, c'est la cogestion dans les commissions administratives paritaires
20:07 par les syndicats et par l'administration qui a créé ce genre de choses.
20:11 – Vous regrettez d'avoir été syndicaliste ?
20:14 – Comment ?
20:15 – Est-ce que vous regrettez d'avoir été syndicaliste ?
20:17 – Non, parce que moi je n'étais pas détaché du syndicat.
20:19 – Vous êtes proche des républicains, on peut dire cela.
20:21 – Oui, on peut dire ça, oui, effectivement, on peut dire ça.
20:23 On peut dire ça, les syndicats sont politisés, mais pas seulement.
20:26 Je dirais aussi qu'ils sont emprunts, comment dire, ils sont un petit peu…
20:31 Allez, soyons francs, les francs-maçons sont surreprésentés dans les syndicats de police.
20:35 C'est une évidence, c'est de notoriété publique, c'est documenté.
20:39 Et en ce qui me concerne, j'ai moi-même été approché lorsque j'étais syndicaliste.
20:42 Je n'étais pas détaché syndical, mais si j'avais voulu être détaché syndical,
20:45 en gros le deal c'était qu'il fallait que je rentre dans une loge
20:49 et ça ne m'intéressait absolument pas.
20:51 Et d'ailleurs quand j'ai eu mes déboires, le délégué syndical qui m'a défendu
20:59 au conseil de discipline, dans le premier conseil de discipline devant lequel j'ai comparu,
21:04 m'a suggéré de faire appel à une loge pour pouvoir me tirer d'affaire.
21:08 Donc ce qui veut dire que la franc-maçonnerie au sein des syndicats est tout à fait capable de,
21:13 je dirais, tirer d'affaire un fonctionnaire de police qui soit impliqué dans une procédure disciplinaire,
21:20 mais aussi l'inverse.
21:22 – C'est marrant parce qu'il y a Frédéric Ploquin qui est un journaliste d'investigation,
21:25 a publié il y a quelques jours, en même temps que vous d'ailleurs,
21:27 un livre qui s'intitule "Les réseaux secrets de la police" que j'ai parcouru,
21:31 et lui il met un nom sur les mots de la police, il dit que c'est cette contre-hierarchie,
21:37 dit-il, une hiérarchie parallèle, qu'est la franc-maçonnerie,
21:39 il dit deux commissaires sur trois, un officier sur deux.
21:43 Est-ce que vous considérez qu'ils sont capables de faire la pluie et le beau temps,
21:47 finalement c'est ce que vous me dites ?
21:48 – Oui, exactement, et ça pose un certain nombre de problèmes aussi,
21:51 parce que lorsqu'on considère qu'appartenir à une loge maçonnique fait de ses membres des frères.
21:59 Imaginez, que se passe-t-il lorsque le directeur départemental de la sécurité publique
22:03 fait partie de la même loge que le procureur de la République,
22:07 donc qui fait partie aussi peut-être de la même loge qu'un magistrat du siège.
22:13 Donc ça pose un certain nombre de problèmes par rapport à la séparation des pouvoirs,
22:16 par rapport à un certain nombre de dossiers,
22:18 qu'on appelle dans l'autre jargon des dossiers de loge,
22:20 c'est-à-dire qu'ils sont traités en dehors des tribunaux,
22:22 et les tribunaux sont juste là pour valider une décision qui a été prise
22:26 dans le plus grand secret entre interlocuteurs qui font partie d'une organisation
22:30 dont je ne sais pas pourquoi elle entend se cacher.
22:34 – Ou avoir ce pouvoir.
22:36 Bon, aujourd'hui vous avez fait refait votre vie,
22:39 est-ce que vous regrettez votre métier de policier ?
22:41 Vous vous dites que vous avez échappé à tout cela,
22:44 au dénigrement, au syndicalisme dévoyé, au manque de moyens, au suicide,
22:48 vous avez évoqué les chiffres qui touchent tant de gardiens de la paix, de policiers,
22:52 quel est votre sentiment rétrospectivement, dix ans plus tard ?
22:56 – C'est curieux la manière dont vous présentez les choses,
22:59 parce que, en ce qui me concerne,
23:01 bon d'abord je n'ai pas l'habitude de regretter les choses,
23:04 je n'échoue pas, j'apprends,
23:06 et donc par conséquent, tout ce qui m'est arrivé ces dix dernières années
23:10 m'a permis d'évoluer et de devenir l'homme que je suis.
23:14 Mais je reste le même au fond de moi,
23:16 et je ne regrette pas d'avoir été policier,
23:19 puisque je me sens encore policier.
23:21 Je pense que, ça peut être un peu difficile à comprendre,
23:24 mais si vous posez la question à la plupart de mes anciens collègues,
23:27 je pense qu'on l'est toute sa vie.
23:29 – Je vous ai connu, cette injustice qui vous avait été faite,
23:31 elle vous pesait bien évidemment,
23:33 vous battiez pour que votre droit soit reconnu,
23:35 pour que revenir dans la police,
23:37 ces portes elles se sont définitivement fermées.
23:39 – Absolument.
23:40 – Mais pas dans votre esprit, j'ai l'impression.
23:42 – C'est plus, je dirais, le regard que j'ai sur les choses
23:44 et le sentiment d'appartenance, qui est le mien,
23:47 et puis la volonté de continuer à défendre cette profession
23:50 qui mérite de l'être, car elle est trop caricaturée,
23:53 encore une fois, et ce n'est pas parce qu'il y a des problèmes en interne,
23:56 qu'on a évoqué tout à l'heure,
23:58 qu'il faut jeter le bébé avec l'eau du bain.
24:01 – Bon, bah flic le plus beau métier du monde,
24:03 on ne demande qu'à vous croire, tout au moins en lisant cet ouvrage,
24:06 éditez "Reposte laïque" et en vente, je vous l'ai dit, sur le site TVL.fr.
24:11 Merci Sébastien Jallot, d'avoir parlé de cet ouvrage.
24:13 – Merci beaucoup.
24:14 – Merci.
24:15 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org

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