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Alors que l'offensive terrestre et aérienne d'Israël se poursuit à Gaza, Jean-François Corty, le vice-président de Médecins du Monde, l'une des ONG présentes sur place, pousse un cri d'alarme.
Regardez L'invité de RTL Soir du 30 octobre 2023 avec Marion Calais et Julien Sellier.

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00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 Julien Cellier, Marion Calais et Céprien Séni.
00:07 RTL bonsoir jusqu'à 20h.
00:09 RTL bonsoir, la suite maintenant avec notre invitée face à l'événement alors que l'offensive
00:14 israélienne, terrestre et aérienne se poursuit à Gaza. Un cri d'alarme ce soir, celui de Jean-François Corti,
00:20 le vice-président de Médecins du Monde, l'une des ONG présentes sur place. Bonsoir.
00:24 Bonsoir.
00:24 Jean-François Corti, on est notamment marqué ces dernières heures par les témoignages assez stupéfiants
00:30 des derniers soignants qui peuvent encore travailler sur la bande de Gaza et qui racontent
00:34 soigner sans médicaments, sans anesthésie. Est-ce que vous pouvez nous confirmer que c'est une réalité ?
00:40 Médecins du Monde, on a une vingtaine de personnes qui travaillent avec nous, qui sont du salarié de Médecins du Monde de Gaza,
00:46 qui sont formés à l'urgence, qui travaillent avec nous depuis de nombreuses années et qui aujourd'hui
00:49 sont dans pratiquement l'incapacité de faire leur travail.
00:54 La plupart, comme les civils, cherchent à manger, à boire, dorment dans leur bagnole quand ils en ont.
00:59 Il reste un ou deux médecins qui travaillent dans un hôpital du Nord
01:02 et qui nous expliquent, on l'a régulièrement au téléphone,
01:06 tous les jours, sauf samedi où les communications étaient coupées. Voilà, ils nous expliquent
01:11 comment ils travaillent et aujourd'hui
01:14 ils font des opérations à même le sol, avec ses collègues ils font des amputations, des césariennes sans anesthésie.
01:21 Ils prennent en charge
01:23 beaucoup de blessés, mais il faut avoir en tête aussi qu'il s'agit de beaucoup de malades qui ont besoin d'être pris en charge pour
01:28 des appendicides, pour des infections pulmonaires ou autres. Donc
01:32 aujourd'hui à Gaza, on meurt
01:35 en masse, sous les bombardements, mais on meurt aussi de maladies dont on connaît les traitements et on meurt dans la douleur
01:41 sans anthalgique. - Et comment elles tiennent vos équipes ? Comment elles se débrouillent pour réussir à travailler un peu ?
01:47 - Aujourd'hui, autant le dire et être franc, la plupart des ONG, des humanitaires au global, ne peuvent plus bosser.
01:52 La plupart, ils cherchent à bouffer, à boire, ils enterrent leurs morts parce que pas mal de gens ont perdu, notamment dans nos équipes, ont perdu des familles.
01:59 Ils ont essayé pour certains d'aller dans le sud lorsque c'était possible.
02:03 Dans le sud, il n'y a pas d'aide qui est présente, elle n'est pas
02:06 adéquate. Je rappelle depuis dix jours, c'est une centaine de camions qui ont pu rentrer depuis l'Egypte, depuis le point de Rafah,
02:11 là où il y a énormément d'aide, on va y revenir, mais cette aide qui est rentrée, elle correspond à
02:17 des besoins qui sont
02:19 infinis. Aujourd'hui, il faudrait 100 camions par jour et il y en a une centaine qui sont rentrés depuis dix jours pour répondre aux besoins
02:26 de deux millions de personnes. Donc la situation, elle est critique. Elle est critique, pourquoi ? Parce qu'on demande
02:32 à des dizaines de milliers de personnes, à des soignants, de quitter la quinzaine d'hôpitaux
02:37 du nord. Au total, c'est une trentaine d'hôpitaux, d'accord ? En Gaza. - On rappelle à nos auditeurs que l'armée israélienne
02:42 demande aux civils à Gaza d'évacuer le nord de la bande parce que des combats très importants
02:47 sont en cours et vont s'y tenir et de se déplacer vers le sud. Mais par exemple, il y a un hôpital où il y a
02:52 14 000 personnes aujourd'hui. C'est réalisable ou pas ? - Je te donne un exemple concret de terrain et d'opérationnel.
02:57 À Al-Qod, l'hôpital, il y a 14 000 personnes. Ces 14 000 personnes, c'est des soignants, c'est des malades, c'est des familles de malades, c'est des blessés,
03:03 c'est aussi des personnes qui ont perdu leur logement et qui
03:06 espèrent trouver une sorte de sanctuaire pour être abrités. On leur demande
03:12 d'évacuer et d'aller soit dans d'autres hôpitaux qui n'ont pas la capacité d'absorption parce qu'ils sont déjà saturés,
03:17 soit d'aller dans le sud. Je vous le dis, quand on a des malades qui sont en situation clinique instable, qui sont
03:23 épuisés, sans la logistique qui va avec, on ne peut pas
03:27 évacuer des malades par centaines. Je vous donne un exemple simple. J'étais au cœur, comme beaucoup de soignants, de la crise Covid où il a fallu
03:34 évacuer notamment des services d'urgence de l'Est de la France lorsqu'ils étaient saturés. On a fait des ponts aériens,
03:39 des ponts sanitaires, on a envoyé des malades à Toulouse, à Bordeaux, à Marseille. Ça a pris des semaines.
03:43 Il a nécessité du SAMU, des avions, des trains. C'est pas possible à Gaza. Il y a des bombardements, il y a des malades qui ne peuvent pas
03:51 être cliniquement transportables, il n'y a pas d'infrastructure à la logistique, il n'y a plus d'ambulance.
03:55 Donc ce qu'on nous dit, ce que nous disent mes collègues, c'est qu'aujourd'hui
03:58 ils opèrent sans médicaments. Les groupes électrogènes sont quasiment plus opérants, ça veut dire que c'est à la lampe torche
04:03 quand on peut encore recharger son téléphone, et ils ne vont pas abandonner leur malade.
04:08 Donc si les conditions continuent comme ça, si elles restent dans cette perspective dramatique,
04:14 ils vont mourir en fait. Et on est inquiets pour nos équipes, et on est inquiets pour les civils évidemment.
04:22 Je le dis de manière très claire, quand on demande,
04:25 comme le dit M. Biden, qu'il faut faire rentrer de l'aide, alors qu'elle ne rentre pas, alors qu'elle est massée, présente, prépositionnée,
04:32 notamment par les Nations Unies,
04:34 coordonnées par le croissant rouge égyptien, ils sont en Égypte, cette aide elle peut rentrer, elle ne peut pas, et bien elle ne rentre pas
04:39 parce que les conditions de sécurité ne sont pas définies.
04:43 - Ça veut dire qu'au-delà des conditions sanitaires aujourd'hui, puisque l'aide humanitaire arrive vraiment au compte-gouttes,
04:49 et on voit qu'il y a eu des pillages d'aide humanitaire, ça veut dire que les gens aujourd'hui n'ont plus à manger, à boire ?
04:55 - Ça veut dire aujourd'hui que les gens boivent de l'eau de mer, que les gens de mon équipe ont des diarrhées,
05:00 que leurs gamins dans quelques jours ils seront déshydratés, ça veut dire qu'ils cherchent à bouffer, ils dorment dans des voitures,
05:06 et certains médecins dont je vous parlais tout à l'heure restent dans les hôpitaux, ne peuvent plus rentrer chez eux parce que c'est trop risqué de se déplacer,
05:14 et on est dans une perspective à terme qui est critique.
05:18 Simplement je veux dire que lorsque l'on demande à des civils d'aller dans le sud de la bande de Gaza,
05:24 alors qu'il y a des bombardements sous blocus, et qu'on dit qu'il y a une aide qui va les aider, une aide humanitaire, alors qu'elle n'est pas là,
05:29 quand il y a suffisamment, ça, ça s'appelle des déplacements de populations massifs, sous pression d'un blocus réel, ça veut dire instrumentaliser l'aide humanitaire.
05:39 - Ça veut dire que vous pensez qu'Israël instrumentalise l'aide humanitaire aujourd'hui ?
05:42 - Je pense qu'Israël a des fins militaires, soutenues par les Américains,
05:46 ça appuie sur cette instrumentalisation de l'aide comme un paravent moral pour masquer un manque, notamment des Européens et des Américains, de dénonciation de la situation,
05:57 notamment dans le fait de mettre des mots sur pourquoi on en est à cette catastrophe-là humanitaire, et pourquoi on en est à cette catastrophe humanitaire,
06:03 parce qu'il y a des bombardements massifs sur une population qui est prise au piège, sans voie de sortie, et qui est asphyxiée par un blocus maritime, aérien et terrestre total.
06:14 Et je termine par là, parce que je veux le dire vraiment, parce que j'en ai assez moi de recevoir des flots d'insultes sur les réseaux sociaux,
06:20 Médecins du Monde, on a condamné et on continue à condamner, et les juristes de droit international doivent condamner les atrocités du Hamas faites le 7 octobre sur 1 400 personnes en Israël,
06:30 notamment des majorités de civils, c'est inqualifiable et il faut le condamner.
06:34 Et il faut aussi condamner le fait qu'aujourd'hui, il y a de manière délibérée, on a soif, on a faim, on bombarde des gens sans perspective de sortie d'un territoire de 300 km²,
06:45 2 millions de personnes Gazaoui, qui n'ont pour la plupart rien à voir avec les terroristes, c'est 60 personnes des Nations Unies qui sont mortes sous les bombes, je ne sais pas si vous imaginez,
06:53 c'est exceptionnel dans le cadre d'un conflit contemporain, c'est des dizaines de membres des croissants rouges qui sont morts sous les bombes,
07:00 c'est des dizaines de centres de santé qui sont plus fonctionnels, donc il faut aussi mettre des mots sur cette situation.
07:06 Il y a en ce moment, on passe d'une situation d'une prison à ciel ouvert à potentiellement, peu à peu, un charnier à ciel ouvert, c'est des milliers de morts civiles,
07:16 c'est des centaines potentiellement d'aidants qui n'ont rien à voir avec des mouvements terroristes qui sont en train de mourir sous les bombes.
07:22 Donc moi je le dis, beaucoup d'acteurs le disent parce que nos équipes elles vont mourir et une majorité de civils vont mourir aussi sous les bombes.
07:30 - Le chef François Corti, l'armée israélienne explique qu'aujourd'hui elle doit bombarder des hôpitaux parce que le Hamas se cache dans les sous-sols des hôpitaux
07:38 et explique que le Hamas prend en otage la population à Gaza. Est-ce que vos équipes vous le confirment ?
07:43 - Je n'ai pas ce niveau d'information et c'est potentiellement réaliste effectivement qu'il puisse y avoir dans certains hôpitaux sous forme de souterrain ou autre
07:53 des fameux tunnels avec cette horreur aussi d'avoir des otages pris au piège là-dedans.
08:00 Mais la réalité sanitaire, médicale que moi je peux vous témoigner comme mes collègues de Médecins sans frontières des Nations Unies et autres,
08:08 c'est qu'on a des milliers de civils, de soignants dans ces hôpitaux qui n'ont rien à voir avec le maniement des armes.
08:14 C'est des médecins qui sont en train de soigner comme ils le peuvent à même le sol, sans antalgique, sans anesthésie.
08:20 Qui font de la césarienne sans anesthésie, je ne sais pas si vous imaginez le délire, qui font des amputations de gamins sans anesthésie.
08:27 Et je veux le dire aussi, on est dans une phase où le blocus total commence à avoir ses effets.
08:33 On n'a pas pu préparer le siège, quand je dis "on", c'est les civils, comme on a pu le voir à Mariupol il y a deux ans par exemple,
08:39 ou à Alep où on sent venir les choses, les familles, les gamins qui encore il y a trois semaines étaient à l'école,
08:45 ils peuvent dégager, soit dans le reste de l'Ukraine, si on prend le cas de l'Ukraine, ou en Europe.
08:48 Là, c'était déjà un blocus, personne n'a pu partir, et donc vous avez tout un corps social de personnes vulnérables,
08:56 que ce soit notamment les femmes et les enfants, qui payent un lourd tribut.
08:58 Et je termine par là, avec l'absence d'eau, le fait de boire de l'eau, saumâtre, de ne pas avoir accès à bouffer,
09:05 de ne pas pouvoir soigner les gens, les gamins dans les jours qui viennent, on va avoir une mortalité exponentielle,
09:11 en lien non pas qu'avec les bombardements, mais avec les diarrhées, avec toutes ces maladies de base qu'on ne pourra plus soigner.
09:17 Merci Jean-François Corti, vice-président de Médecins du Monde d'avoir été ce soir notre invité face à l'événement de RTL Bonsoir.
09:23 On rappelle que vous avez des équipes qui tentent de travailler, vous médecins du monde, dans la bande de Gaza assiégée. Merci.
09:30 Merci à vous.
09:31 Et RTL Bonsoir, l'émission va se poursuivre dans quelques secondes, alors avec tout autre chose.
09:40 D'abord RTL Inside dans les coulisses, ce soir de la cérémonie du Ballon d'Or.
09:44 On va vous emmener sur le tapis rouge, alors que Lionel Messi semble bien parti pour décorer encore un petit peu plus sa cheminée.
09:50 Il y aura aussi une nouvelle viso-conférence. Alex, vous vous amusez de qui ou de quoi ce soir ?
09:55 Je vais parler de Macron, Mélenchon et Chandler.
09:58 Très bien, à tout de suite sur RTL.
10:00 RTL
10:02 [SILENCE]

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