Bernard Werber est l'invité de télématin, l'auteur sort son nouvel ouvrage "Le temps des chimères" publié aux éditions Albin Michel.
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00:00 Le roi des fourmis ! Vous savez pourquoi on vous met cette chanson ?
00:03 C'est tout de suite parce qu'on reçoit aujourd'hui l'auteur de la trilogie à succès "Les fourmis"
00:08 Bernard Werber, une invitée de Télé Matins. Bonjour, bienvenue !
00:11 Bonjour ! Merci d'être avec nous !
00:13 Alors c'est votre chanson préférée "Le roi des fourmis" de Michel Polnareff, c'est vrai ?
00:16 Non, c'est ce que j'écoutais quand j'écris "Les fourmis" parce que ça m'amusait, c'est la parodie.
00:21 Vous en avez marre quand on vous parle des fourmis ?
00:23 Pas du tout, elles m'ont porté chance, je suis énormément reconnaissant.
00:26 Vous êtes lié à elles pour toujours, il y a une connexion entre vous et les fourmis.
00:30 Je crois qu'en observant "Les fourmis", j'ai compris un truc, c'est que notre ville était comme une fourmilière
00:36 et qu'en observant de haut une fourmilière, on pouvait mieux comprendre notre monde.
00:40 C'était juste cette idée de base que je crois que je n'ai fait que continuer après, à partir de cette observation.
00:45 C'est une observation qu'ont tous les enfants, je crois que n'importe quel enfant est fasciné par une fourmilière.
00:49 Oui, c'est vrai ! C'est juste que je suis resté bloqué là-dessus.
00:51 Vous avez jamais des crasées de fourmis ? Jamais, jamais, jamais ?
00:53 Volontairement non, peut-être qu'en marchant, il y en a eu une qui est passée, mais en train, non.
00:58 Vous essayez de les épargner.
01:00 Je suis volontairement épargnée.
01:01 Pour Bernard Verbin, vous avez vendu plus de 30 millions de livres déjà,
01:03 vous n'allez pas vous arrêter en si bon chemin puisque le nouveau vient de sortir,
01:06 "Le temps des chimères" qui sort chez Albain Michel.
01:10 Il paraît que le jour de la sortie d'un roman, vous ne passez jamais sous une échelle.
01:13 Vous ne seriez pas un tout petit peu superstitieux ?
01:15 Je ne sais pas où vous êtes allé chercher ça.
01:18 Ce n'est pas vrai ?
01:20 Il n'y a pas beaucoup d'échelles qui sont sur le chemin.
01:23 A priori non, ici sur le trottoir parfois.
01:25 Oui, j'ai une mention de superstition.
01:27 En tout cas, le jour où le livre sort…
01:29 Vous avez un petit rituel ?
01:31 Non, j'en ai un, c'est que je travaille encore plus sur mon prochain livre.
01:35 Ah oui ? Vous essayez d'oublier la pression de la sortie.
01:38 Je me focalise à fond sur le suivant et ne pas rester dans celui-ci,
01:43 il marche, il ne marche pas, ne pas être bloqué là-dessus,
01:45 mais déjà, continuer à travailler tout le temps, tout le temps, tout le temps.
01:48 C'est ça qui est amusant d'ailleurs.
01:50 On va parler du "Temps des chimères".
01:51 Dans ce livre, on est au lendemain de la Troisième Guerre mondiale.
01:54 Vous imaginez le moyen de repeupler le monde avec des hybrides
01:58 capables de résister aux catastrophes climatiques.
02:00 Est-ce que c'est de la science-fiction ou c'est de la prémonition ?
02:03 C'est moins de la science-fiction que ça en a l'air,
02:05 puisqu'il y a réellement des expériences qui sont faites
02:08 pour fabriquer des hybrides hommes-animals.
02:11 Ces expériences sont très développées au Japon et aux États-Unis.
02:15 En France, on était à la pointe à un moment là-dedans.
02:17 Mais il y a derrière ce roman l'idée que nous devons changer de forme
02:21 pour nous adapter aux nouveaux défis, dont le réchauffement climatique,
02:25 dont peut-être la Troisième Guerre mondiale,
02:26 qui vont nous obliger à avoir des corps différents.
02:29 Là, je pousse un peu le curseur, puisque j'imagine des hybrides
02:33 qui sont des hommes chauve-souris capables de voler.
02:36 Vous allez assez loin, il faut que tu parles dans l'imagination.
02:37 Des hommes capables de nager et des hommes capables de creuser sous terre.
02:42 Mais en volant, on évite les tremblements de terre.
02:45 En nageant, on évite les inondations.
02:47 Et en allant sous terre, on évite le réchauffement climatique.
02:50 Donc, c'est des adaptations logiques, quelque part.
02:52 Donc, vous choisiriez quoi pour vous ?
02:54 Des griffes, des pales, des ailes ?
02:56 Des ailes.
02:57 Le plaisir de voler, ça doit être extraordinaire.
02:59 C'est le rêve de tous les hommes depuis toujours.
03:01 Pas le mien.
03:02 Oui, vous allez prendre l'avion, forcément.
03:03 Moi, je m'en fiche complètement de voler.
03:05 Vous, les ailes.
03:05 Il y a un avantage quand on vole aussi, c'est qu'on voit la situation de haut.
03:09 Sinon, on est tous quand même au même niveau,
03:11 en train de voir les problèmes tout le temps à la même hauteur.
03:14 C'est une prolongation des fourmis.
03:15 C'est comme pour les fourmis, on prend un peu de hauteur.
03:17 Ça donne une perspective.
03:19 Est-ce que vous pensez que la science va sauver l'humanité ?
03:22 Je pense qu'il y a la phrase de Rabelais,
03:25 "Science sans conscience n'est que ruine de l'âme".
03:26 C'est-à-dire que la science, c'est un outil.
03:28 On peut en faire le meilleur, on peut en faire le pire.
03:31 En tout cas, je crois que les dégâts qu'a fait la science
03:32 pourront être réparés par la science.
03:34 Donc, c'est pour ça que les scientifiques
03:36 sont des gens qui peuvent malgré tout changer le monde.
03:39 Parfois, ça peut aller très loin, parce qu'il y a la question de l'immortalité.
03:41 On sent que c'est très présent dans vos livres.
03:43 Il y a des scientifiques qui travaillent là-dessus,
03:45 le moyen de vivre peut-être jusqu'à 200 ans,
03:47 dans quelques siècles, on ne sait pas.
03:48 Ça vous fait rêver ?
03:49 Ça vous fait complètement peur, cette perspective ?
03:51 On sent que l'immortalité, c'est quelque chose d'important.
03:54 Dans "Le temps des chimères",
03:56 je parle d'un animal extraordinaire qui est l'axolote,
03:58 qui est un animal qui est a priori immortel
04:01 et qui, quand il perd un morceau de son corps,
04:04 ce corps repousse.
04:05 C'est quand même assez rare dans la nature.
04:08 Et cet être-là, peut-être qu'en l'hybridant avec l'homme,
04:12 on pourrait arriver à prolonger la vie de l'homme.
04:14 Mais vous en avez aimé ?
04:15 Vous aimeriez ça que la vie de l'homme soit prolongée, concrètement ?
04:19 En fait, j'aimerais que ma vie dure plus longtemps
04:22 pour écrire de plus en plus de livres.
04:24 J'aimerais faire énormément de livres.
04:26 Pour produire quelque chose ?
04:27 Oui, voilà.
04:27 Vous manquez de temps ?
04:28 Vous avez l'impression d'avoir de temps pour faire tout ce que vous aimeriez faire ?
04:31 Je crois que quelques secondes avant de mourir,
04:32 je me dirais "Zut, j'aurais pu en faire plus".
04:35 J'aurais un sentiment de ne pas avoir utilisé l'outil à fond.
04:39 Est-ce que toutes les avancées scientifiques dont on a parlé,
04:43 ça vous inquiète, par exemple, l'intelligence artificielle ?
04:46 Vous qui êtes écrivain, qui inventez des histoires,
04:48 est-ce que ça vous inquiète ?
04:50 Alors, pas du tout.
04:52 Je crois au contraire que l'intelligence artificielle
04:54 va nous obliger à nous sublimer et à devenir encore meilleur.
04:57 Je vais raconter une petite anecdote.
04:59 J'ai demandé à Chadjib Bitti d'écrire une version,
05:03 après avoir écrit le livre, du premier chapitre du "Temps des chimères".
05:06 Donc à l'intelligence artificielle, vous avez demandé d'écrire un livre ?
05:08 Vous lui avez donné le premier chapitre que vous avez écrit ?
05:10 Non, j'avais déjà écrit le livre.
05:11 J'ai dit "écris le premier chapitre du "Temps des chimères"
05:15 sur le thème des chimères à la manière de Bernard Werber".
05:18 OK, et alors ?
05:19 Et alors, il me sort un texte, et c'est beaucoup mieux
05:23 puisque j'ai écrit, moi, dans la mesure, selon les critères littéraires,
05:26 c'est-à-dire vocabulaire extrêmement riche, des phrases longues,
05:30 des effets de style, tout en poulet et tout.
05:32 Pourtant, j'ai mis à la manière de Bernard Werber.
05:33 J'ai compris que mon style, c'est précisément la clarté
05:37 et quelque chose de très simple, c'est-à-dire sans sauce.
05:40 Donc, ce n'était pas votre style ?
05:41 Voilà, c'est-à-dire qu'il a essayé de sublimer,
05:43 il a essayé de faire mieux que ce que je faisais moi.
05:45 Et c'était mieux ?
05:46 C'est mieux selon les critères littéraires.
05:48 Oui, mais ce n'était pas mieux selon vos critères,
05:51 ce que vous avez envie de faire pour vos lecteurs.
05:52 Exactement. Pour moi, ce qui est important, c'est la complexité de l'histoire,
05:55 pas la complexité du style.
05:56 Mais Chadjib Bitti s'est mis à faire du style,
06:00 au précieux d'imiter mon monde.
06:02 Et ça, c'était amusant.
06:03 Et je crois d'ailleurs qu'un jour,
06:05 l'intelligence artificielle va produire un livre
06:07 qui va avoir des prix littéraires ou qui aura le prix Nobel.
06:09 Et personne ne s'en apercevra.
06:10 Et ça, c'est vraiment un thème.
06:12 C'est dangereux, justement.
06:12 C'est terrifiant, ça, non ?
06:14 C'est le sens de l'histoire.
06:17 Je crois que beaucoup de choses vont changer.
06:19 On vit un truc extraordinaire, c'est que tout accélère.
06:21 J'ai l'impression que le monde qu'on prenait pour la science-fiction avant,
06:25 on y est.
06:25 Entre l'intelligence artificielle, le téléphone portable, les hybrides,
06:29 puisqu'il y a réellement des expériences qui sont faites dessus,
06:32 tout ce qui est en génétique,
06:33 nous sommes en train de vivre ce qu'il y a 40 ans,
06:37 on pensait qu'il n'arriverait jamais.
06:38 Même les voitures qui volent, tout ça, c'est pas j'adore.
06:41 Vous vous êtes fait embarquer ces dernières semaines,
06:42 on parlait des fourmis tout à l'heure, en parlant des punaises de lit.
06:45 Dans cette édition de l'actualité,
06:46 vous nous avez même parlé de la sexualité des punaises de lit.
06:48 Qu'est-ce qui vous a fasciné ?
06:50 Qu'est-ce qui vous fascine dans ces insectes en tout genre ?
06:52 Non, non.
06:53 En fait, il y a une petite histoire, c'est que quand j'étais journaliste,
06:56 je demandais tout le temps aux scientifiques que j'intervouvais
06:59 "Est-ce que vous avez un collègue qui fait des recherches
07:02 extrêmement bizarres et extrêmement marrantes ?"
07:04 Ils m'ont dit "Ah oui, il y en a un",
07:05 donc c'était Jacques Carayon, et ils me disent "Allez le voir".
07:08 Et le type me parle des sexualités punaises des lits
07:10 qui ont 200 rapports par jour et qui ont des sexes perforateurs
07:14 qui font qu'il perfore les femelles ou les mâles n'importe où dans le corps.
07:20 Il me raconte ça et je fais l'article.
07:22 Et quand il voit l'article, il dit
07:23 "Ah là là, mais mon sujet a l'air extrêmement bizarre,
07:26 du coup je ne ferai plus jamais aucun interview".
07:28 Donc j'avais l'exclusivité.
07:30 Et il est mort en 97.
07:31 Donc ce qui fait que sur la sexualité punaise des lits, je me retrouvais…
07:34 Vous êtes le spécialiste de la sexualité des punaises des lits.
07:37 J'avais fait une petite chronique dans France Culture,
07:39 qui a été reprise partout.
07:39 Ah bah oui, vous nous dites qu'elles font 200 rapports par jour,
07:42 ces punaises de lits, forcément.
07:43 Bah oui, parce que tout le monde parlait des punaises des lits,
07:45 mais tout le temps de la même manière.
07:46 Et là, tout d'un coup…
07:47 Vous avez envie de les personnaliser.
07:48 Voilà, je me disais "Attendez, regardons comment elles vivent".
07:50 Et c'était assez amusant.
07:52 Bernard, il y a quelqu'un qui a un petit message pour vous, c'est un copain.
07:55 Regardez.
07:56 C'est rigolo parce qu'à une époque, te souviens-tu,
08:00 on ne te trouvait pas en librairie.
08:02 On vendait sur la place du marché,
08:04 à la place du Capitole à Toulouse.
08:07 Fabrice, avec qui vous avez écrit ?
08:09 Extraordinaire.
08:10 C'était mon grand initiateur, c'est lui qui m'a fait découvrir…
08:13 D'ailleurs, Isaac Amessimov, Fondation.
08:15 Donc, on a créé un journal de lycée qu'il a montré,
08:18 qui s'appelait "Euphorie".
08:19 Et lui faisait les dessins et je faisais les scénarios.
08:22 Moi, j'ai démarré par la bande dessinée, en fait.
08:24 Et j'adore Fabrice.
08:26 Il est devenu prof de dessin, il est dans le Nord.
08:29 Et c'est vraiment… c'était un frère.
08:31 Bernard Werber qui sort l'autant de chimères chez Albain Michel.