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Flore Pradère, directrice de recherche et de prospective sur l’avenir du travail au Conseil immobilier (JLL), répond aux questions d’Alexandre Le Mer.
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Transcription
00:00 - "Europe 1", il est 6h41. - Vous aimez travailler à la maison, moins de stress peut-être, en tout cas pas d'embouteillage sur la route
00:06 grâce au télétravail. Vous pensiez que ce serait l'un des rares héritages positifs,
00:11 appréciés en tout cas, de la crise sanitaire.
00:13 Le télétravail allait rester pour durer. En fait rien n'est moins sûr. Dans tous les secteurs, les accords de télétravail arrivés à échéance sont
00:21 renégociés, les employeurs préconisant le retour des salariés au bureau. - Votre invité Alexandre Lemaire, c'est Flore Prader,
00:28 directrice de recherche et de prospective sur l'avenir du travail au conseil immobilier du groupe JLL,
00:33 leader mondial des services en immobilier d'entreprise. - Bonjour Flore Prader.
00:37 - Bonjour. - Le télétravail ne plaît pas beaucoup aux employeurs. La pratique s'est largement installée depuis le Covid, mais les patrons en effet
00:47 essaient pour beaucoup de reprendre la main, de faire revenir les salariés au bureau. Qu'est-ce que ça signifie ? Le télétravail s'est terminé ?
00:56 - Alors écoutez, c'est une très bonne question et qui fera d'ailleurs l'objet d'une étude qu'on publie le 14 novembre prochain, dans quelques jours.
01:03 C'est une étude qu'on a conduite auprès de 200 décideurs
01:06 de l'immobilier et de 20 000 travailleurs de bureau à travers le monde,
01:10 et qui nous montre qu'en fait absolument pas, le télétravail n'est pas terminé, puisqu'aujourd'hui on a une moyenne de
01:17 deux jours de télétravail qui sont passés par les salariés à travers le monde et trois jours à domicile.
01:24 Et clairement le télétravail est devenu une forme d'acquis social je dirais côté salarié, donc il y a une vraie
01:32 envie côté salarié de préserver ses jours, et on sent bien qu'il y aura une force de résistance si les employeurs
01:38 décident d'y mettre fin. - Oui d'accord, donc la moyenne du télétravail en France, on en est où actuellement ?
01:44 - Alors en France ce qui est intéressant, c'est qu'on serait plutôt sur un jour et demi de télétravail par semaine, donc trois jours et
01:52 demi sur site, vous voyez, un peu au-dessus de ce qu'on observe à travers le monde, et clairement en France on voit que c'est un
01:59 modèle qui est encore plus installé qu'ailleurs, pour différentes raisons que je peux vous détailler si vous le souhaitez.
02:06 - Allez-y, je vous en prie !
02:08 - Oui, alors en fait en France ce qui se joue si vous voulez, c'est que clairement on a un vrai attachement culturel
02:18 à ce télétravail, et en même temps on a une façon d'aller au bureau qui est spécifiquement française.
02:24 En fait on a d'abord un
02:27 facteur managérial qui fait que quelque part c'est du management par la vue, il faut être vu pour progresser, pour monter les échelons,
02:34 et puis il y a aussi le fait que le
02:37 travail sur site s'est vu comme un vecteur de lien social très fort, c'est quelque chose que j'ai observé de façon
02:44 vraiment constante à travers les études que j'ai pu conduire depuis
02:47 le Covid. - Vous faites référence au team building, Flore Prader, l'esprit d'équipe, le team building en quelque sorte.
02:54 - Totalement, totalement. Et ce fameux lien social qu'on trouverait typiquement à la pause déjeuner, vous voyez en France on est attaché à cette
03:03 pause déjeuner parce que c'est le moment où se noue
03:05 la relation avec les collègues. - Oui, le point de vue des patrons
03:09 aujourd'hui, quel est-il ? Le télétravail a pris trop de place, vous parliez d'avoir les salariés à vue, c'est pas neutre en fait,
03:15 est-ce que ça veut dire en creux que
03:17 le salarié qui travaille à la maison
03:20 il peut être éventuellement suspecté d'en faire un tout petit peu moins ?
03:23 - Alors clairement il y a une inquiétude qui monte
03:27 côté patron, et notamment on le voit en fait aujourd'hui les employeurs nous disent que la deuxième raison qui fait qu'ils incitent au retour
03:36 sur site, c'est la question de la productivité. Ils s'inquiètent aujourd'hui de la capacité de leur entreprise à rester performante
03:42 sur la durée. Il y a notamment des inquiétudes sur la qualité du lien social, la capacité à innover.
03:50 Et ce qui est intéressant c'est qu'il y a en fait un affrontement avec la vision des salariés qui nous rétorquent pour eux à
03:57 45% que leur domicile soutient mieux leur productivité.
04:02 Ils nous disent que le bureau n'est pas l'endroit idéal pour eux
04:06 pour travailler. - Parce qu'on se sent sous pression peut-être avec la chaîne hiérarchique,
04:10 le manager à proximité qui vérifie les délais notamment.
04:15 - Oui effectivement il y a une forme de pression
04:18 côté manager bien sûr, mais ce qui est important également et qui fait lien avec notre métier autour du
04:26 design des bureaux, c'est qu'en fait on voit qu'ils se plaignent du bruit, du manque d'espace de
04:31 confidentialité, du manque d'espace de concentration.
04:33 On a quand même aujourd'hui 28% des travailleurs de bureaux qui nous disent que le bruit est un frein au retour au bureau.
04:40 - Et la Dares, la direction des études du ministère du travail, vous parliez de productivité, Flore Prader, mais la Dares a montré que le
04:47 télétravail provoque aussi un allongement des horaires avec du reste une frontière entre travail et vie privée qui devient plus floue.
04:53 - Exactement et c'est exactement ce qui fait que des salariés
04:56 souhaitent également la bonne jauge de retour sur site
05:01 parce qu'ils nous disent que le premier frein en fait au fait de travailler à distance c'est cette distinction très compliquée
05:08 entre le professionnel et le privé. - Oui, quelle est la bonne jauge justement ?
05:12 On va garder du télétravail mais sans le généraliser en fait, on va aller vers un modèle hybride.
05:18 - Oui c'est totalement ça, c'est totalement ça qui se profile.
05:22 On voit qu'en fait le modèle
05:25 télétravail à temps plein
05:28 clairement est derrière nous, en revanche on ne peut pas imaginer la mort du télétravail et ce qui se profile c'est un entre deux.
05:35 Très clairement aujourd'hui on voit que trois jours de présence sur site, deux jours
05:41 à distance, entre un et deux jours à distance c'est le modèle qui s'impose.
05:46 - Alors faire revenir au bureau ça va être compliqué parce que beaucoup d'entreprises ont relâché de la surface
05:50 pour un certain nombre d'employeurs, organiser le retour des salariés ça va être
05:54 pas tous en même temps très clairement. - Alors clairement ça c'est le vrai challenge qui
05:59 attend les employeurs et notamment en France on le voit très bien. Nous on parle de schéma en M, c'est à dire
06:04 des pics de présence le mardi, le jeudi et puis le mercredi ça s'effondre un peu et puis ça s'effondre très fortement le vendredi.
06:11 Et ce qu'on voit aussi dans notre étude c'est qu'en gros vous avez aujourd'hui quatre entreprises sur dix
06:17 qui nous disent qu'elles ont des bureaux occupés à moins de 40% donc c'est une vraie inquiétude
06:22 d'où cet effet coupe budgétaire et coupe sur les surfaces. - Bon le télétravail
06:27 encadré mais pas condamné en tout cas c'est ce que vous nous dites ce matin voilà merci Flore Prader,
06:33 directrice de recherche et de prospective sur l'avenir du travail au conseil immobilier du groupe JLL
06:38 spécialisé dans les services en immobilier d'entreprise.

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