Dans le Vaucluse, Solène Espitalié a fondé une entreprise sociale et solidaire baptisée “Les Jardins de Solène” Son objectif ? Lutter contre le gaspillage alimentaire en recyclant les fruits et légumes à la source. En effet, une grande quantité de ces produits ne sont pas achetés par les industriels car jugés trop gros, trop petits ou mal formés. Dans le monde, chaque seconde, 41 tonnes de nourriture sont ainsi jetées ! Solène Espitalié se lance alors le défi de récupérer et découper ces produits frais, locaux et de saison afin de les proposer à la restauration collective. Pour l’aider, elle est entourée de “ses héros du quotidien” : dix collaborateurs dont huit en situation de handicap, l’insertion solidaire étant l’une des priorités des “Jardins de Solène”. Grâce à l’entreprise, 75 tonnes de fruits et légumes ont pu être recyclées en 2022. Un résultat important, à son échelle, que Solène Espitalié compte bien continuer à développer. Mais pour réaliser son projet, Solène Espitalié a dû faire face aux préjugés et aux difficultés. Pour développer une entreprise comme celle-ci, il a fallu s’armer d’énergie et de patience. Pour elle, être entrepreneur solidaire, c’est être “hyper pragmatique”. Dans cet épisode du podcast “Impacts Solidaires” présenté par la journaliste Elisabeth Assayag, Solène Espitalié raconte la naissance de son projet, ses actions, ses conseils et ses difficultés. Ce podcast est une production Europe 1 Studio en partenariat avec France Active et avec le soutien de Mirova Foundation.
Retrouvez "Impacts Solidaires, le podcast des entrepreneurs engagés" sur : http://www.europe1.fr/emissions/impacts-solidaires-le-podcast-des-entrepreneurs-engages
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00:00 Le début de l'aventure, il a été en germination au Kenya.
00:06 Donc c'est un projet, on va dire, un peu africain.
00:10 Quand j'ai fait un stage dans le développement agricole, donc en Afrique au Kenya,
00:15 et où j'ai eu la chance de travailler avec les agriculteurs et agricultrices kenyans.
00:20 Et j'ai vraiment été très très impressionnée par leur capacité de débrouillardise et de résilience,
00:27 de capacité vraiment très forte et de solidarité.
00:30 Et je pense que tout est parti de là en fait.
00:33 Solène Espitalier a 20 ans quand elle effectue ce voyage initiatique dans une ONG.
00:42 Aujourd'hui, elle en a 42 et elle dirige Les Jardins de Solène,
00:47 une entreprise sociale et solidaire qui lutte contre le gaspillage alimentaire.
00:53 Je m'appelle Elisabeth Assayag et vous écoutez Impact Solidaire,
00:57 le podcast des entrepreneurs engagés.
01:00 Vous êtes un acteur de l'économie sociale et solidaire ?
01:03 Vous avez envie d'entreprendre mais vous hésitez encore à vous lancer dans l'aventure ?
01:08 Bienvenue dans ce podcast produit par Europe 1 Studio en partenariat avec France Active.
01:14 Il faut savoir que 41 tonnes de nourriture sont jetées chaque seconde dans le monde.
01:22 A son échelle, dans le département du Vaucluse,
01:25 Solène Espitalier a mis en place un système pour recycler des fruits et légumes,
01:30 dits moches, parce qu'ils sont trop petits, trop gros ou déformés.
01:35 Une aventure qui a débuté à Pernelay-Fontaine il y a près de 15 ans.
01:41 J'ai eu la chance d'arriver dans le Vaucluse, d'y être très bien accueilli
01:45 et de travailler pour un syndicat agricole.
01:48 J'ai complètement redécouvert l'agriculture et les pratiques agricoles
01:54 qui sont très spécifiques puisqu'on a maraîchage, viticulture et arboriculture en Vaucluse.
02:01 J'ai eu la chance de découvrir par une autre personne animatrice d'un autre syndicat agricole
02:09 un super projet en Alsace qui s'appelle "L'Âme Inverte"
02:13 et qui était sur ces mêmes sujets.
02:16 A savoir, d'un côté des agriculteurs qui ont besoin de trouver du personnel motivé
02:22 et prêt à s'engager de façon durable, même sur des parcours de formation.
02:27 Et de l'autre, des gens qui auraient envie de travailler et de s'engager dans ce milieu-là.
02:32 Et en l'occurrence des personnes dites en situation de handicap
02:36 qui malheureusement déjà à l'époque étaient discriminées face à l'emploi et à la formation
02:41 avec des difficultés d'y accéder et c'est toujours malheureusement vrai aujourd'hui.
02:46 Et donc j'ai pu rencontrer avec des agriculteurs du syndicat
02:51 le fondateur de "L'Âme Inverte", Pierre Horter, et c'est de là que tout est parti finalement.
02:56 Et c'est grâce à lui, parce que c'est lui qui nous a ouvert les portes
02:59 et qui a permis un peu d'être facilitateur avec les services de l'État, du monde du handicap
03:06 et tous les acteurs concernés.
03:09 [Musique]
03:15 On n'est pas tout seul, il n'y a aucun porteur de projet qui peut tout seul créer quelque chose.
03:21 C'est toujours entouré de plein de super belles personnes autour.
03:25 Et puis à un moment on se dit "Ok, on va aller plus loin, c'est qu'on va être réellement une entreprise".
03:31 C'est tombé pile au moment où justement pour viabiliser, pérenniser ce modèle économique
03:37 qui restait fragile puisque dépendant des subventions,
03:41 on a pu bénéficier d'accompagnement de France Active.
03:45 Je les remercie encore parce qu'ils nous connaissent depuis qu'on est tout petit,
03:49 depuis l'origine du projet.
03:51 Et grâce à cet accompagnement on a pu faire une étude vraiment globale
03:55 et on a pu découvrir qu'en fait quand on parlait de déchets, c'était en 2014 ou 2015,
04:01 on pensait sur les exploitations agricoles, plastique, pneus, acier,
04:06 pas du tout fruits et légumes.
04:08 Ça paraît plus évident aujourd'hui mais à l'époque c'était vraiment...
04:12 c'est même pas tabou, c'est que ça n'était même pas un sujet.
04:16 Et donc en faisant l'étude, je parlais avec les agriculteurs
04:19 et puis en voyant des bennes remplies de fruits et légumes sur leurs exploitations,
04:23 c'est là qu'on a découvert...
04:26 enfin moi en tout cas j'ai découvert cette notion de gaspillage alimentaire
04:30 mais directement à la source, c'est-à-dire sortie de champ.
04:33 Et ça c'est quelque chose encore aujourd'hui je pense qui est peu ou mal connu du grand public.
04:39 Alors dans le gaspillage alimentaire, on parle très souvent du gaspillage à la maison,
04:50 faut pas jeter les restes, etc. on peut les retravailler.
04:53 Un petit peu maintenant ça remonte au niveau des cantines scolaires
04:56 où les enfants vont faire des pesées.
04:58 Mais en amont, il faut savoir qu'il y a tout un système et toute une filière
05:03 qui fait qu'il y a des industriels, des acheteurs
05:07 qui sont obligés d'avoir des cahiers des charges très précis
05:11 en termes de calibre, en termes de poids, en termes de forme
05:14 parce que derrière, au sein des usines, il y a des machines
05:18 avec des entonnoirs calibrés, enfin voilà, tout est très calibré
05:23 et c'est une nécessité quand on est dans un système industriel.
05:27 Mais ce qui fait qu'une courgette qui est toute tordue ne passe pas dans la machine
05:31 ou qu'une courge trop grosse ou trop petite ne va pas rentrer
05:35 pareil dans les convoyeurs des machines industrielles.
05:39 Donc ces légumes moches, ça a vraiment été une grosse prise de conscience.
05:45 Déjà vraiment c'était extrêmement impressionnant
05:49 parce que je ne m'attendais pas du tout à des volumes aussi conséquents.
05:53 C'est-à-dire qu'on parle en tonnes par semaine sur quelques exploitations aéricoles autour de nos locaux.
05:58 Donc je me suis dit, on fait un petit calcul vite fait, à l'échelle d'un département
06:02 ça n'a même plus de proportion, à l'échelle d'une région, n'en parlons pas
06:07 et à l'échelle de la France, incroyable !
06:09 Au niveau mondial, j'aime bien prendre ce rapport-là
06:15 en plus j'imagine que ça a dû malheureusement encore augmenter
06:18 mais selon la FAO, c'est 41 tonnes à la seconde qui sont gâchées
06:23 et jetées à chaque instant dans le monde.
06:27 Donc 41 tonnes à la seconde, depuis le début de notre entretien, ça fait énormément de tonnes de produits
06:33 et avec seulement un quart de tout ce gaspillage alimentaire mondial, on pourrait éradiquer la famine.
06:39 À son échelle, celle du Vaucluse, Solène Espitalier se lance un défi
06:47 valoriser des produits frais, de saison et locaux, à destination de la restauration collective.
06:54 Il faut savoir que les cantines scolaires, les hôpitaux et les maisons de retraite
06:59 représentent un quart de tous les repas pris hors foyer.
07:03 Son entreprise d'économie sociale et solidaire est lancée en 2017,
07:08 elle s'appellera "Les Jardins de Solène".
07:11 Très simplement, ce qu'on fait, c'est qu'on achète aux agriculteurs ces rebuts
07:16 mais qui n'en sont pas en fait, qui sont juste déclassés
07:21 et le mot le dit bien, c'est que ça sort d'une classe particulière qu'on a définie
07:27 mais c'est des produits tout à fait consommables et au sein de notre atelier,
07:31 on va les laver, on va les éplucher, les décontaminer.
07:35 Alors ça aussi, ça fait peur mais c'est juste qu'en fait, dans la terre, il y a des petites bactéries
07:39 donc voilà, à la maison en général aussi, on les rince, pourquoi pas au vinaigre.
07:43 On a un système adapté pour des volumes plus conséquents
07:47 et on va les découper, prêts à cuisiner pour les restaurants collectifs.
07:51 Donc on essaye d'être le plus sur mesure possible pour nos partenaires et nos clients
07:57 donc ça peut être pour l'un, des lamelles de pommes de terre très fines,
08:01 pour l'autre, des rondelles un peu plus épaisses, des courgettes en petits cubes, en brunoise
08:07 ou de la carotte râpée tout simplement
08:09 et on met tous ces produits prêts à cuisiner ou à consommer en sachet, sous vide
08:14 et c'est ce que nous vendons et ce que nous proposons aux restaurants collectifs
08:18 et du coup l'idée c'est de leur faciliter au maximum le travail et la consommation des produits frais et locaux
08:25 pour leur permettre de proposer des produits frais locaux et très bien cuisinés
08:30 au sein des restaurants pour les tout-petits ou les personnes âgées et malades.
08:34 Pour vous donner un ordre d'idée, en 2022 on a pu valoriser plus de 75 000 kilos, donc 75 tonnes
08:41 c'est clairement pas beaucoup par rapport à ce qu'il y a sur notre territoire
08:46 mais l'idée c'est vraiment de le développer de plus en plus
08:50 et en termes d'équivalent repas, on va dire que ça a permis de fournir plus de 600, 660 000 repas à l'année.
08:59 Comme tout projet un peu hors norme et hors cadre, on doit faire face effectivement à plusieurs difficultés
09:05 j'en ai un petit peu parlé, déjà les préjugés, énormément de préjugés
09:09 que ce soit sur le monde agricole ou sur le monde du handicap ou les deux.
09:15 Après les difficultés je pense comme beaucoup d'entrepreneurs, j'ai envie de dire de dirigeants malheureusement en ce moment
09:22 c'est souvent le cas, les difficultés financières évidemment, parce que avant que le modèle soit viable et rentable
09:29 il faut beaucoup d'énergie, beaucoup de patience, beaucoup de temps
09:34 et derrière il faut du coup pouvoir trouver des solutions.
09:38 Donc c'est trouver des solutions en interne, comment on fait de la débrouille finalement un petit peu
09:43 sans avoir tous les équipements hyper adaptés, et puis on va voir comment on va faire de la solution
09:49 sans avoir tous les équipements hyper adaptés.
09:52 Trouver aussi des solutions partenariales, merci à tous nos partenaires, que ce soit France Active ou les partenaires financiers
10:00 mais également nos partenaires du quotidien, parce que les collectivités ont vraiment un rôle à jouer
10:05 la commande publique a un rôle à jouer, et d'avoir des marchés publics sonnants et trébuchants
10:09 c'est super important et c'est super sécurisant pour nos partenaires financiers.
10:14 Puisqu'on peut être perçu comme des développeurs un peu fous et un peu loin des réalités purement économiques et pratiques
10:24 alors qu'au contraire je pense qu'être entrepreneur social et solidaire c'est être hyper hyper pragmatique
10:31 et hyper hyper ancré dans la réalité, parce que sans ça on ne tient pas trois mois.
10:41 Aujourd'hui les jardins de Solène ce sont dix collaborateurs dont huit en situation de handicap.
10:48 L'avenir passe par de nouvelles formes de transformation des produits agricoles
10:53 comme la surgélation et le développement de projets clés en main sur d'autres territoires.
10:59 Alors déjà pour rassurer tout porteur de projet qui aurait un petit peu peur d'y aller et de se lâcher des deux mains
11:06 c'est vraiment important qu'ils puissent savoir qu'ils ne sont pas seuls.
11:12 Et c'est vrai quand on se lance dans un projet on peut se dire qu'on n'a pas le temps d'aller rencontrer
11:19 telle ou telle association ou tel groupe de dirigeants etc.
11:24 Mais en fait c'est essentiel parce que c'est en échangeant qu'on peut connaître les bonnes personnes
11:29 les bonnes structures qui peuvent accompagner des porteurs de projets.
11:32 Et puis l'autre chose là c'est vraiment personnel c'est d'écouter son coeur
11:38 mais c'est pas du tout en mode cucul à praline c'est vraiment hyper important.
11:43 C'est que dans tout le parcours de l'entrepreneur social et solidaire
11:49 il va y avoir 15 000 personnes qui vont lui dire que c'est trop compliqué
11:53 que mais n'importe quoi t'es fou mais pourquoi tu fais ça mais oh et puis tu vas jamais t'en sortir
11:58 et puis là t'as pas vu c'est la crise etc. De ne surtout pas écouter ça
12:03 d'y croire et de s'écouter c'est à dire que tant que son coeur palpite
12:07 tant que quand on en parle on est motivé on a le sourire
12:11 faut foncer et faut surtout pas lâcher.
12:13 Et vraiment j'adore cette citation je crois que c'est ma préférée
12:18 c'est "ils ne savaient pas que c'était impossible alors ils l'ont fait"
12:21 et c'est tellement tellement vrai et pour moi et pour tout porteur de projet
12:26 et pour mes collaborateurs parce qu'il faut quand même que j'en fasse un gros gros big up
12:31 parce que c'est eux les héros du quotidien.
12:34 Voilà tant qu'on sait pas faut y aller, faut foncer et à chaque fois on arrive à se dépasser
12:40 et c'est ça qui fait tous les magnifiques projets d'économie sociale et solidaire qu'on peut avoir en France.
12:51 Vous venez d'écouter Impact Solidaires, un podcast Europe 1 Studio
12:56 en partenariat avec France Active et avec le soutien de Mirova Fondation.
13:01 Production Sébastien Guyot, réalisation Christophe Daviau.
13:06 A très vite pour un prochain épisode sur le site et l'appli Europe 1
13:10 et toutes vos plateformes d'écoute.
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