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Anne-Liz Deba, ancienne victime de harcèlement et créatrice des ateliers Smile, répond aux questions de Dimitri Pavlenko à l'occasion de la Journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire.
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Transcription
00:00 Il est 7h12 sur Europe 1, Dimitri Pavlenko vous recevez ce matin,
00:03 l'étudiante et fondatrice des ateliers SMILE, Anne-Lise Debas.
00:07 Bonjour Anne-Lise Debas.
00:08 Bonjour Dimitri.
00:09 Bienvenue sur Europe 1.
00:10 As-tu peur d'aller au collège ou en récréation à cause d'un ou plusieurs élèves ?
00:14 Est-ce que tu as déjà menti pour ne pas aller en cours à cause d'un ou plusieurs enfants de ta classe ?
00:18 Est-ce que tes notes baissent à cause de ce que tu vis au collège ?
00:21 Voilà, c'est quelques-unes des questions présentes sur la grille d'auto-évaluation,
00:25 c'est ainsi que ça s'appelle, que le ministère de l'Éducation va diffuser à tous les élèves
00:29 du CE2 jusqu'à la terminale pour déceler les cas de harcèlement scolaire,
00:33 c'est la grande cause on peut dire de cette année à l'école.
00:36 Alors vous Anne-Lise, vous avez 22 ans, vous l'avez subi le harcèlement scolaire
00:40 mais alors à des niveaux absolument ahurissants.
00:42 Est-ce que vous pouvez raconter Anne-Lise Debas,
00:45 vous n'êtes pas juste là pour témoigner parce que vous êtes quelqu'un d'extrêmement courageux,
00:48 vous avez remonté la pente, vous aidez les autres aujourd'hui contre le harcèlement
00:52 mais votre histoire tout de même, elle est absolument édifiante,
00:55 elle en dit long sur notre système scolaire.
00:57 Est-ce que vous pouvez partager un peu votre vécu avec les auditeurs d'Europe 1 ?
01:00 - Bien sûr. Alors moi j'ai été victime de harcèlement scolaire
01:03 dès la classe de 6ème jusqu'à mes 18 ans.
01:06 Donc tout a commencé par des insultes sur mes capacités intellectuelles
01:10 parce que malheureusement j'étais dans un collège de quartier
01:12 avec des élèves qui n'aimaient pas travailler, qui n'aimaient pas l'école
01:15 et qui n'aimaient pas non plus l'autorité.
01:16 - On ne va pas dire exactement où c'était mais c'était dans Paris.
01:18 - C'est ça, dans Paris.
01:20 Donc j'étais tout l'inverse d'eux en fait, une petite fille solaire, populaire,
01:23 qui aimait l'école, qui aimait travailler.
01:25 - Et qui avait des bonnes notes. - Et qui avait des bonnes notes, exactement.
01:27 Donc j'ai été prise pour cible pour ces bonnes notes justement.
01:31 - Et c'est ça qui vous valait ? Alors d'abord des insultes,
01:33 et puis c'est monté, crescendo.
01:36 Racontez-nous un peu les pics finalement de ce harcèlement.
01:39 - Oui, donc des insultes, des coups.
01:41 Dès la 5ème, j'ai raconté justement à une surveillante
01:45 que j'étais tabassée dans les couloirs par une dizaine de garçons de ma classe.
01:48 Et elle me dit en rigolant, "écoute Annelise, ce sont des garçons qui sont amoureux de toi,
01:52 laisse tomber, c'est rien."
01:53 Donc moi à ce moment-là, j'ai 12 ans, et je me dis "ah mais c'est ça l'amour en fait,
01:57 des garçons qui me frappent."
01:58 Donc j'ai décidé de ne plus en parler.
02:00 Et malheureusement le harcèlement a continué parce que j'ai été 3 ans dessus
02:03 dans la même classe, c'était des personnes qui me harcelaient.
02:04 Alors même que j'avais demandé à changer plusieurs fois de classe,
02:07 et même de collège, mes demandes ont toujours été refusées.
02:10 Donc en 4ème, là le harcèlement a atteint un stade extrême en fait.
02:15 - Ils vous attendent un soir devant le collège,
02:18 et là ils vous aspergent d'essence ?
02:20 - Oui.
02:21 - Un briquet à la main.
02:22 - C'est ça. Ils m'ont attendue devant l'école,
02:24 ils me remercient d'un bidon d'essence entier sur moi,
02:27 et puis un garçon sort du groupe avec un briquet allumé,
02:30 et il le maintient allumé devant ma tête.
02:32 Ses copains hurlent "suicide-toi, tue-toi, on va te tuer, tu sers à rien, t'es une pute."
02:38 Et là il commence à l'encourager en tapant des mains et en me disant "brûle là, brûle là !"
02:43 Et donc le garçon qui est avec son briquet s'approche de plus en plus de moi,
02:46 tellement il était proche de moi, je pouvais sentir la fumée en fait, la flamme littéralement.
02:51 Et à ce moment-là je pensais que j'allais mourir en fait.
02:53 - Et alors là vous allez porter plainte.
02:55 - Oui.
02:56 - Et alors la réaction de l'institution ? Racontez-nous Anne-Lise Debas, parce qu'on a du mal à comprendre en fait.
03:00 - J'ai porté plainte, ma plainte a été classée sans suite,
03:03 et à la suite de cela j'ai demandé à changer d'établissement pour ma sécurité.
03:07 L'école a refusé que je parte parce que j'étais une bonne élève,
03:09 donc les statistiques de l'école auraient baissé, ce qui était improbable pour eux.
03:13 Donc le rectorat de Paris a décidé de m'accorder un garde du corps.
03:17 - Un garde du corps ?
03:19 - Oui.
03:20 - Il était partout ? - Partout.
03:21 - Y compris en classe ?
03:22 - Oui, il était tout le temps avec moi.
03:24 Le matin il venait me chercher à la maison, il me ramenait chez moi le soir.
03:28 Donc j'étais obligée de venir à l'école à 7h et je partais par la porte de derrière à 18h,
03:32 toujours avec mon garde du corps.
03:34 - Mais ils sont où les adultes pendant toute votre scolarité,
03:37 quand ils vous tabassent ces harceleurs dans les couloirs du collège, ils ne sont pas là ?
03:42 - Souvent les adultes étaient là, mais très souvent les adultes ont fermé les yeux et ne voulaient pas réagir.
03:48 Certains m'ont dit que c'était des jeux d'enfants,
03:50 j'ai pu compter sur trois profs enseignants qui m'ont pris la chose au sérieux,
03:54 et c'est même ces enseignants-là qui ont parlé à ma mère pour lui raconter les faits.
03:58 - Et vos harceleurs, vous les croisez encore aujourd'hui ?
04:01 - Non, le harcèlement s'est vraiment terminé à mes 18 ans,
04:04 lorsque j'ai déménagé pour ne plus être harcelée.
04:07 - Alors aujourd'hui on a l'impression que votre histoire, enfin on l'espère,
04:11 ce ne serait plus possible, on a l'impression que peut-être la politique de l'autruche c'est fini.
04:14 Vous y croyez-vous à une liste de base, ce qui est en train de se passer ?
04:17 - Oui, c'est vraiment un changement, un électrochoc qui est en place,
04:21 notamment grâce au ministre M. Gabriel Attal,
04:24 qui prend vraiment la cause du harcèlement scolaire au sérieux.
04:27 Donc comme vous le rappeliez tout à l'heure, il va y avoir un questionnaire,
04:30 c'est très bien, des cours d'empathie.
04:33 Le questionnaire va permettre notamment d'avoir des chiffres,
04:36 parce que les derniers chiffres, les enquêtes du harcèlement scolaire remontent à 2011,
04:40 soit 12 ans en arrière, ce qui n'est pas possible.
04:42 - Vous avez vu l'association Marion la Main Tendue,
04:44 qui dit "c'est un élève sur cinq".
04:47 - C'est énorme !
04:48 - Il y a 12 millions d'élèves je crois dans le système scolaire français.
04:51 Donc voilà, ça nous donne une idée.
04:52 - C'est plus de 5 élèves par classe, et ça c'est pas possible en fait.
04:55 Justement ce questionnaire va servir à voir combien d'élèves par classe
04:58 sont victimes de harcèlement scolaire,
05:00 et ensuite ça permettra notamment aux enseignants, chefs d'établissement,
05:03 de venir en aide aux élèves harcelés.
05:05 - Racontez-nous vos ateliers, alors smile, sourire,
05:08 comment ça se passe, comment les jeunes viennent à vous,
05:10 est-ce qu'ils se mettent à parler, est-ce que ça les aide à sortir,
05:14 peut-être pas du harcèlement, mais en tout cas de l'enfer,
05:16 dans lequel on s'enferme dans ces cas-là ?
05:18 - Bien sûr, avant de créer mon atelier smile,
05:20 j'ai créé un podcast qui s'appelle également "Smile",
05:22 en référence à mon sourire et à ma bonne humeur.
05:25 Donc mon podcast sert à libérer la parole,
05:27 à accompagner les victimes de violences, notamment les jeunes,
05:29 à s'aimer, à croire en soi,
05:31 et à se reconstruire à la suite de violences.
05:33 Donc effectivement, grâce à mon podcast et à mon compte Instagram,
05:36 il y a beaucoup de personnes qui arrivent à libérer la parole,
05:39 à témoigner et à demander de l'aide.
05:41 Et donc j'ai créé également mon atelier smile,
05:45 dans le but de faire de la sensibilisation auprès des enfants, des jeunes,
05:48 des parents et des adultes, d'une manière générale,
05:50 qui travaillent auprès d'enfants.
05:52 Et donc c'est toujours très bien accueilli,
05:54 beaucoup d'adultes, beaucoup de jeunes, beaucoup d'enfants,
05:56 ont envie de parler, ont envie de libérer la parole.
05:58 Donc ça c'est vraiment merveilleux,
06:00 on voit que le harcèlement est pris au sérieux,
06:02 et je peux écouter et aider, donc ça c'est super.
06:05 - Alors c'est vrai qu'il y a cette oreille que vous proposez,
06:07 et les parents, les signes du harcèlement, comment ça les connaître ?
06:11 Un enfant qui se renferme, qui devient violent, qui se fait du mal,
06:13 qu'est-ce qu'on peut faire quand on est parent ?
06:15 Qu'on voit ça sur ses enfants ?
06:17 - Oui, la première chose je pense qui est essentielle,
06:20 c'est vraiment savoir repérer les signaux du harcèlement scolaire.
06:22 Donc comme vous avez dit, un enfant qui se fait du mal,
06:25 un enfant qui s'isole, un enfant qui mange beaucoup,
06:27 qui ne travaille plus, qui ne sort plus,
06:29 il y a beaucoup de signaux qui poussent à croire qu'un enfant va mal.
06:33 Donc à ce moment-là, effectivement, il faut être un parent,
06:35 une maman, un papa, vigilant ou vigilante,
06:38 et aider son enfant, c'est-à-dire lui parler, l'écouter,
06:41 et tout faire en sorte pour l'accompagner.
06:43 Potentiellement ça va être retirer son enfant de l'école,
06:46 l'accompagner voir un psychologue ou un psychiatre,
06:49 et également l'aider à reprendre des activités petit à petit.
06:53 - Voilà, magnifique exemple de résilience ce matin au micro d'Europe 1.
06:56 Merci Anne-Lise Debas des EBA, je précise,
06:59 si on veut vous retrouver sur les réseaux sociaux,
07:01 vous contacter, si vous avez besoin d'aide,
07:04 vous n'hésitez pas, Anne-Lise est là,
07:05 et bravo pour ce que vous faites et pour qui vous êtes.
07:08 - Merci beaucoup. - Bonne journée à vous, 7h19 sur Europe 1.

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