Le Grand Jury de Pierre Moscovici

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Le Premier président de la Cour des Comptes est l'invité du Grand Jury de 12h à 13h. Il sera question de lutte contre l'antisémitisme, d'inflation et de pouvoir d'achat, du budget et aussi de son livre paru aux éditions Gallimard "Nos meilleures années".
Regardez Le Grand Jury du 12 novembre 2023 avec Olivier Bost.

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Transcription
00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 Le Grand Jury, présenté par Olivier Bost.
00:15 Bonjour à tous et bienvenue dans ce Grand Jury en direct sur RTL et sur Paris 1ère.
00:22 Bonjour, Pierre Moscovici.
00:23 Bonjour.
00:23 Vous êtes le président de la Cour des Comptes.
00:26 Comment voyez-vous et vivez-vous l'insupportable résurgence d'un antisémitisme débridé ?
00:32 Ce sont les mots d'Emmanuel Macron dans une lettre française ce matin.
00:36 Avant les marches de cet après-midi,
00:38 l'antisémitisme vous y avait été confronté dans votre carrière politique.
00:42 Vous le racontez dans un livre, "Nos meilleures années",
00:46 un livre sur votre vie et aussi sur l'effondrement du socialisme.
00:50 Nous y reviendrons et puis nous parlerons des alertes de la Cour des Comptes que vous présidez,
00:54 des alertes pas toujours entendues par ceux qui nous dirigent.
00:57 Bienvenue dans ce Grand Jury, Pierre Moscovici.
00:59 À mes côtés pour vous interroger, Loris Boischaud du Figaro et Pauline Buisson de la rédaction de M6.
01:05 Emmanuel Macron, donc, dans une lettre au français, parle de l'insupportable résurgence d'un antisémitisme débridé.
01:13 Pauline Buisson.
01:13 Oui, Emmanuel Macron qui écrit également "Une France où nos concitoyens juifs ont peur n'est pas la France".
01:19 Partagez-vous cette peur, Pierre Moscovici ?
01:23 Oui et non.
01:25 Je le dis dans ce livre, je suis juif,
01:28 non pas parce que je pratique cette religion, mais parce que je l'ai hérité d'une certaine façon.
01:34 Je suis le fils d'une mère qui a été cachée pendant la guerre par des justes en Lauser,
01:40 d'un père qui était dans un camp de travail en Roumanie.
01:42 Et bien sûr,
01:45 quand on est dans cette situation, on est amené à la fois à ressentir et à réfléchir.
01:49 Il y a de l'antisémitisme en France, il y en a toujours eu.
01:53 La bête immonde de l'antisémitisme n'est pas morte, elle est présente.
01:56 Et il y a en ce moment des actes antisémites qui sont odieux et nombreux sur le territoire.
02:01 Et c'est ce qui justifie cette marche complètement.
02:03 Pour la peur, j'aurais envie que les juifs comme les autres la dépassent.
02:07 Je crois à l'universalisme, je crois en la France, je crois en la République.
02:12 Je crois aussi, comme Pierre Birnbaum l'écrivait dans "Le Figaro", un grand professeur que j'ai connu dans ma jeunesse,
02:18 que la France d'aujourd'hui n'est pas antisémite, que les juifs y ont leur place.
02:22 Et donc je souhaiterais qu'on sache surmonter ça et qu'on sache le surmonter ensemble.
02:26 Et ça encore, c'est un des sens de la marche.
02:28 Ça veut dire quoi, dépasser cette peur ?
02:30 Dépasser cette peur, c'est-à-dire retrouver les conditions de vivre ensemble.
02:34 Ça veut dire aussi éviter les crispations, parce qu'elles sont là de tous côtés.
02:37 Nous sommes dans une période qui nous fait tous réfléchir, nous confronte à nos contradictions,
02:44 nous mine, nous divise, parfois intimement, parfois en nous-mêmes.
02:48 Et bon, il faut retrouver le sentiment que nous faisons communauté et être aussi capable de faire des gestes,
02:54 que ce soit dans la politique nationale ou dans la politique internationale,
02:57 qui permettent de rassembler et d'unir et de dépasser les conflits.
02:59 Oui, ça peut paraître naïf ou trop nuancé, mais c'est ce que je pense.
03:03 Vous venez de parler de votre héritage personnel, c'est ce que vous faites également dans ce livre.
03:07 Vos parents étaient des rescapés de la guerre et de la Shoah.
03:09 Votre père, toute sa vie, c'est ce que vous écrivez, a craint le retour de la tragédie,
03:14 toujours vécue en France dans une grande insécurité, dont forcément je porte la trace indélébile.
03:19 Qu'est-ce que vous voulez dire ?
03:21 Dans une période comme celle-ci, je pense à lui.
03:23 Je me demande ce qu'un homme qui avait connu le mal, qui avait connu le nazisme,
03:28 qui avait été enfermé dans un camp de travail à Bucarest, qui vivait très profondément cela,
03:35 l'antisémitisme pour le coup, il l'éprouvait et il craignait que cela revienne.
03:39 Je pense à ce qu'il éprouverait aujourd'hui.
03:40 Je pense qu'il serait partagé.
03:42 D'un côté, il y aurait la terreur et l'effroi devant ce qui se produit.
03:45 Et de l'autre côté, il y aurait aussi la révolte et le courage qui l'ont amené justement à quitter son pays,
03:51 à venir en France, parce que c'était un pays qui incarnait pour lui les lumières,
03:56 qui était un espoir, qui était un idéal universaliste.
04:00 Je pense que c'est, quand je disais ne pas avoir dépassé la peur, c'est ça.
04:05 La peur, elle est là, elle est dans chacun de nous, elle est chez les juifs.
04:09 Et en même temps, ce qui fait la force, c'est la résilience, c'est la capacité à surmonter,
04:14 c'est la capacité de l'au-delà et c'est porter des valeurs universelles.
04:18 Voilà ce que je ressens.
04:20 Oui, bien sûr, cette insécurité est en moi, comme dans beaucoup.
04:24 Je suis dans une période où je me sens assez bouleversé tous les jours,
04:28 confronté encore une fois à mes incertitudes, mais j'essaie de les dépasser.
04:32 Je les dépasse par la pensée, par l'action, et c'est ce que j'ai toujours voulu faire.
04:35 Avant de revenir sur la marche de cet après-midi, les marches de cet après-midi,
04:39 dans votre carrière politique, justement, vous avez connu cette insécurité,
04:44 cette peur que vous décrivez.
04:46 Est-ce que vous pouvez raconter pour les...
04:48 La peur, je ne l'ai jamais ressentie, justement.
04:50 Non ? L'insécurité peut-être ?
04:52 L'insécurité, oui, et l'antisémitisme, oui.
04:54 Mais justement, il faut les affronter, il faut se confronter, il faut dépasser, il faut surmonter.
05:00 Honnêtement, je l'ai connu peu, même si je sais qu'il était toujours là, forcément.
05:05 Parce que...
05:06 Il y a un épisode en particulier que vous racontez dans ces livres.
05:08 Oui, mais en 1994, c'était ma première élection comme conseiller général à Sochaux.
05:13 À surprise générale, parce que je devais perdre, j'emporte cette élection contre le maire de la ville,
05:18 et je vais au bureau collecteur pour recevoir ma victoire.
05:22 Et là, une dame me prend, elle me dit "Ah, le juif, pourquoi est-ce que tu n'as pas ta kippa ?"
05:28 Je lui réponds, avec l'humour qui caractérise parfois les juifs,
05:30 "C'était dimanche, que je ne suis pas allé à la synagogue, que je ne l'ai pas..."
05:34 C'est-à-dire, je ne l'avais jamais, elle me dit.
05:36 Je me dis "Non, non, mais il faut la mettre !"
05:38 Et à ce moment-là, j'entends une espèce de broie qui monte dans la salle,
05:41 et les gens me disent "Va-t'en le juif, va-t'en le juif !"
05:43 Et ça devient une vraie bronca.
05:45 D'un coup, je vois une foule qui commence à me suivre, j'étais avec un ami,
05:49 nous avançons, pas trop vite pour ne pas donner l'impression d'être paniqué,
05:52 pas trop lentement pour ne pas être rattrapé,
05:54 je descends les grands escaliers de cette mairie très majestueuse,
05:57 nous partons, et après, cette petite bande,
06:00 c'était pas une petite bande en réalité, se met à brûler des pneus,
06:03 comme ça, dans la nuit,
06:05 la défaite face à un juif, tout à coup, réveillait quelque chose
06:09 qui ne s'est pour le coup jamais remanifesté,
06:12 mais qui j'imagine était là, chez les mêmes.
06:14 - A l'époque, vous aviez porté plainte ?
06:16 - Non, pas du tout. Je ne suis jamais du genre à porter plainte, vous savez,
06:19 je parle de ça parce que j'écris ce livre,
06:22 je ne l'ai jamais fait jusqu'à maintenant,
06:24 je suis passé de l'école de Marc Bloch qui disait que
06:26 je ne revendique jamais d'être juif, sauf face à un antisémite,
06:29 mais nous sommes confrontés à ça en ce moment,
06:31 et c'est pour ça qu'il ne faut pas cacher en tout cas ce qu'on est,
06:33 il ne faut pas en avoir honte,
06:35 j'en ai pas honte, je l'assume, je le porte.
06:37 - Pierre Moscovici, vous avez dit, l'antisémitisme est quelque chose d'assez profondément enfoui
06:41 dans certaines consciences, et ne demande qu'à émerger dans certaines conditions,
06:45 nous sommes plus d'un mois après le début
06:47 du conflit entre Israël et le Hamas,
06:50 plus de 1000 actes antisémites ont été recensés sur le territoire,
06:54 est-ce que ces conditions-là d'émergence de l'antisémitisme,
06:56 de recrudescence de l'antisémitisme sont réunies selon vous ?
07:00 - Il y a le recrudescence, il y a les actes,
07:02 et le président de la République a raison de dire
07:04 qu'un pays comme la France, dans lequel les juifs ne se sentent pas en sécurité,
07:08 les juifs ont peur, n'est pas la France que nous connaissons et que nous aimons.
07:12 Et c'est la raison précise pour laquelle il y a cette marche,
07:14 et c'est la raison pour laquelle,
07:16 tout en mesurant les limites
07:18 qu'elle connaît, parfois même les contradictions qu'elle suscite,
07:21 j'irai tout à l'heure marcher, et marcher au premier rang.
07:24 Et je le ferai à la fois à titre personnel,
07:26 mais aussi parce que je représente une institution de la République.
07:28 Je pense que dans une situation comme celle-là,
07:30 les institutions de la République doivent être au premier rang.
07:32 - Pourquoi vous parlez de limite ?
07:34 - Pardonnez-moi, pourquoi vous parlez de limite sur cette manifestation ?
07:37 - Parce que je regarde ce qu'elle suscite,
07:39 et ce que je vois c'est que malheureusement,
07:41 on parle surtout de "qu'il n'y ait pas",
07:45 alors qu'il devrait y être,
07:47 et qu'il y ait, pour des raisons qui sont
07:49 parfois confirmées, parfois approximatives...
07:51 - Il ne devrait pas y être non plus ?
07:53 - Non, je n'ai pas dit ça.
07:55 Parce que quand on fait une marche contre l'antisémisme,
07:57 on devrait avoir tout le monde.
07:59 Ça devrait être, pour le coup,
08:01 une manifestation d'unité nationale.
08:03 Et ce que je constate, c'est qu'on fait surtout des commentaires
08:05 sur les uns ou sur les autres, sur les absences ou sur les présences,
08:07 et qu'on parle peu de ce qui a créé, justement,
08:10 la nécessité de cette marche,
08:12 c'est-à-dire effectivement la résurgence de l'antisémisme...
08:14 - Est-ce que c'est urgent de vous analyser comme une importation
08:16 du conflit entre Israël et le Hamas en France sur le territoire ?
08:19 - C'est ça le grand risque, bien sûr.
08:21 Et ça, c'est ce que nous devons absolument conjurer.
08:24 Ça veut dire que nous devons justement parler aux uns et aux autres.
08:26 - Est-ce que l'importation n'est pas déjà là, finalement ?
08:29 - Elle est là, mais si vous voulez,
08:31 si on laisse cela nous emporter,
08:33 si on laisse cela se diffuser, si on laisse cela se généraliser,
08:35 alors à ce moment-là, nous vivrons une situation extrêmement dangereuse.
08:39 Moi, j'aime la France, c'est le pays que j'ai choisi,
08:42 c'est le pays dans lequel je me suis engagé,
08:44 c'est le pays que j'ai servi depuis maintenant bien longtemps,
08:47 parce que je suis haut fonctionnaire,
08:49 aujourd'hui j'ai été un homme politique pendant longtemps,
08:51 je ne le suis plus,
08:53 et ce pays-là ne doit justement pas tomber dans les clivages
08:56 entre les extrêmes ou dans les oppositions entre communautés.
08:59 Sinon, c'est son fondement même qui est menacé.
09:02 Je pense que nous vivons cette période-là.
09:04 Et c'est ça que je crains, c'est ça que je redoute,
09:06 c'est ça qu'il faut absolument combattre.
09:08 Ce qui veut dire aussi, d'ailleurs,
09:10 c'est combattre du même mouvement,
09:12 l'antisémitisme et le racisme.
09:14 Ne pas accepter, finalement, qu'on oppose les uns aux autres,
09:20 ce qui est ce que certaines formations politiques font, bien sûr.
09:23 Emmanuel Macron a donc fait une lettre aux Français,
09:26 nous l'avons évoqué,
09:28 il ne sera pas cet après-midi à cette marche,
09:31 est-ce que vous le comprenez, est-ce que vous le regrettez ?
09:33 Le chef de l'État a expliqué qu'il n'avait jamais participé à une manifestation.
09:37 Je suis très embarrassé parce que je ne suis plus un homme politique,
09:42 je suis un haut fonctionnaire, je suis président de la Cour des comptes,
09:44 j'ai un devoir de réserve,
09:46 et j'ai quand même une limite qui est de ne pas trop commenter les actes de l'exécutif.
09:50 Là, nous sommes dans une période particulière,
09:52 et je vais vous donner un sentiment personnel,
09:54 celui de l'individu, du citoyen que je suis,
09:56 je comprends qu'il ne soit pas allé à cette manifestation.
09:58 Je comprends aussi ceux qui regrettent qu'il n'y soit pas allé.
10:01 Pardon de cette réponse de Normand,
10:03 mais c'est vrai que ceux qui y sont,
10:07 ceux qui la soutiennent,
10:09 auraient aimé que le chef de l'État soit au premier rang.
10:12 En même temps, dans le contexte que j'évoquais,
10:15 c'est-à-dire un contexte de division malgré tout,
10:17 d'unité nationale imparfaite,
10:18 je comprends aussi qu'il ait souhaité être au-dessus de la mêlée
10:21 et répondre par la lettre qu'il fait.
10:23 Au fond, on le critique de ne pas y être allé ou de ne pas y aller,
10:27 on l'aurait critiqué tout autant d'y aller.
10:30 Et je pense que son rôle, justement, c'est d'incarner,
10:33 le sien, celui du président de la République en général,
10:36 d'incarner l'unité des Français.
10:38 Cette unité, hélas, elle n'est pas parfaite.
10:41 Cette marche, j'y suis, j'y vais, je crois qu'il faut y aller,
10:45 ce n'est pas une marche qui se déroule dans un climat de l'unité parfaite.
10:49 Vous savez, on compare souvent à Carpentras ou à Charlie,
10:52 ce n'est pas le même climat du tout que nous vivons aujourd'hui.
10:55 - La profanation du cimetière juif de Carpentras a tiré en 1990,
10:59 et la tentative Charlie Hebdo en 2015.
11:01 - En 2015, d'abord on était confronté à des drames chauds,
11:05 si j'ose dire, et pas à une espèce d'antisémitisme d'ambiance,
11:08 parce qu'au fond, c'est ça, la manifestation d'aujourd'hui,
11:11 ce n'est pas exactement le même climat, et du coup, dans l'émotion,
11:14 tout le monde y est allé, tout le monde, sauf ceux qui, à l'époque,
11:17 ne faisaient pas foi de combattre l'antisémitisme,
11:20 je parle de l'extrême droite.
11:22 Bon, ce n'est pas tout à fait le même climat.
11:24 D'ailleurs, François Mitterrand n'était pas exactement
11:26 à la manifestation, il l'avait accueilli.
11:28 François Hollande avait organisé, au contraire,
11:30 une énorme manifestation avec des chefs d'État,
11:32 des gouvernements, j'y étais.
11:33 - Ce que vous êtes en train de dire, c'est qu'il n'y a pas de comparaison,
11:35 et notamment que cet après-midi, il ne faut pas se prêter
11:37 à des comparaisons sur la mobilisation.
11:39 - Non, je ne crois pas. Je le dis très franchement,
11:42 je suis complètement à bord de cette marche, j'y vais,
11:45 et je pense que la cause est une cause fondamentale.
11:48 J'aurais souhaité que l'union nationale soit totalement présente.
11:52 Bon, je constate que ce n'est pas complètement le cas,
11:55 et je comprends que le chef de l'État, j'imagine qu'il a réfléchi,
11:58 hésité et pris cette décision.
12:00 Je ne suis pas de ceux qui le critiquent, absolument pas.
12:02 - Vous avez des craintes sur une mobilisation moyenne ?
12:05 - Non, pas du tout. C'est une manifestation, une marche,
12:07 je suis sûr qu'il y aura du monde.
12:09 - Les organisateurs, Yael Brand-Pivet et Gérard Larcher,
12:12 ont lancé cette initiative parce qu'ils s'inquiétaient
12:14 d'une absence de sursaut.
12:15 Vous estimez aussi que la prise de conscience a été trop tardive
12:19 dans la société ?
12:21 - D'une certaine façon, ce qu'on aurait pu souhaiter,
12:23 c'est que cette marche se tienne il y a un mois.
12:26 - Donc trop tardive ?
12:27 - Non, pas trop tardive, mais je ne dis pas que la marche
12:29 est trop tardive, mais disons qu'il est temps, il est grand temps.
12:33 Parce qu'au fond, il faut que cette marche marque un sursaut,
12:38 elle marque une réaction au sens positif du terme,
12:42 face à des dérives qui ne sont pas acceptables.
12:44 Et il ne faut pas, puisqu'on évoque quand même le contexte,
12:47 on évoquait l'importation du conflit israélo-parlistien,
12:50 moi je vais cet après-midi marcher contre l'antisémitisme.
12:53 Et je marche aussi contre le racisme.
12:57 Je marche contre le racisme et l'antisémitisme.
12:59 - Il n'y aura pas de drapeau palestinien,
13:00 ni de drapeau israélien, disaient les organisateurs ?
13:02 - Je ne marche pas pour Israël.
13:04 Dieu sait que quand Israël est touché, je me sens concerné.
13:08 J'ai la moitié de ma famille qui vit,
13:10 parce que la famille de mon père est partie là-bas.
13:12 Mais ne confondons pas tout.
13:15 Justement, n'importons pas nous le conflit israélo-palestinien.
13:19 Soyons sur les fondamentaux.
13:21 Les fondamentaux, c'est une marche contre l'antisémitisme.
13:23 Et aussi contre les pulsions racistes.
13:25 Après, chacun est libre, à l'intérieur de cette manifestation,
13:28 de voir sa conviction sur ce qui se passe aujourd'hui au Proche-Orient.
13:32 - Je vais vous soumettre un chiffre,
13:33 selon un sondage Odoxa pour le Fidiaro, réalisé vendredi.
13:36 69% des Français soutiennent la manifestation d'aujourd'hui contre l'antisémitisme.
13:41 Vous dites 7 Français sur 10, c'est bien,
13:44 ou vous dites 3 Français sur 10 qui ne soutiennent pas la manifestation,
13:47 c'est beaucoup trop haut ?
13:48 - Vous savez, c'est énorme,
13:51 quand 7 Français sur 10 soutiennent une manifestation.
13:54 Ça ne signifie pas d'ailleurs que les 30 autres sont des antisémites.
13:58 Donc arrêtons cela, vous savez.
14:00 Il y a un principe qu'on appelle la loi de Godwin,
14:04 c'est-à-dire on ramène toujours tout,
14:06 la Shoah, Hitler.
14:09 J'ai suffisamment souffert de l'antisémitisme.
14:13 J'ai suffisamment réfléchi à l'antisémitisme
14:15 pour ne pas voir des antisémites partout.
14:17 - Mais pour ne pas tomber dans une forme de manichéisme.
14:19 - Non, il y a certains.
14:20 Et donc je dirais que...
14:21 - Qu'est-ce que ça dit ?
14:22 - Ça dit qu'il y a un très fort soutien à la marche d'abord,
14:25 ça s'est limité comme objet.
14:27 Et la deuxième chose, ça rejoint ce que je disais en citant Pierre Birdemonde,
14:30 la France d'aujourd'hui, elle n'est pas antisémite.
14:32 La France n'est pas antisémite.
14:34 Il y a des actes intolérables.
14:36 Il y a quelque chose d'ambiance qui monte.
14:40 Il y a des endroits, il y a des lieux
14:44 où c'est très difficile d'être juif
14:46 où les communautés vivent dans la peur
14:48 et elles ont raison de le faire.
14:50 Mais il n'y a pas, heureusement,
14:52 cette espèce de vague antisémite qu'on a pu observer.
14:54 Nous ne sommes pas autant de l'affaire Dreyfus.
14:56 - Loris Boischaud.
14:57 - Pierre Mouskovici, c'est une rare exception dans la classe politique française.
15:00 Les principaux dirigeants de la France insoumise
15:02 ne participeront pas à cette marche
15:05 officiellement à cause de la présence du Ration Leon National.
15:07 Ces dirigeants insoumis ont pris d'autres initiatives.
15:10 Notamment ce matin, ils étaient présents au Vélodrome d'Hiver à Paris
15:13 et cette manifestation a d'ailleurs été perturbée.
15:15 Jean-Luc Mélenchon a estimé que cette marche
15:18 organisée par Yael Brunetier et Gérard Larcher
15:21 c'est, je cite, "le rendez-vous des amis du soutien inconditionnel
15:24 au massacre", dit-il, des Palestiniens dans la bande de Gaza.
15:29 Ce sont des mots qui ont choqué une large partie de la classe politique française.
15:32 Est-ce qu'ils vous ont aussi choqué ?
15:34 - Je ne suis pas un membre de la classe politique française.
15:36 Je le redis, je suis à la fois président de la Cour des Comptes
15:38 et s'il vient devant vous, c'est aussi parce que j'ai écrit ce livre
15:41 parce que j'exprime des convictions qui sont des convictions personnelles.
15:43 Donc je vais le dire à titre personnel.
15:45 Sur ce sujet-là, je ne vais pas me prononcer pour le reste,
15:48 je trouve ces positions déplorables, au sens étymologique du terme.
15:52 Je les déplore. Je déplore tout, au fond.
15:56 Je trouve l'ambiguïté du vocabulaire, des discours, des positions
16:00 prises depuis le 7 octobre, depuis ce massacre qui a été commis en Israël,
16:05 depuis ce pogrom qui a tué des civils, des femmes, des jeunes,
16:12 des enfants, des vieillards, de manière atroce.
16:15 Je trouve que l'indifférence qu'ils ont manifestée, l'absence d'empathie,
16:19 vraiment, oui, ça me choque.
16:21 Et c'est vrai qu'il y a aussi des exactions qui sont commises.
16:26 En tout cas, il y a trop de civils qui meurent à Gaza.
16:30 Et l'être humain que je suis ne peut pas considérer qu'il y a d'un côté
16:34 un acte déshumanisé qui s'est produit en Israël et que de l'autre côté
16:38 on peut être indifférent au soin des populations civiles.
16:41 Je ne le suis pas.
16:42 Mais j'entends que la France Insoumise ne parle finalement
16:46 le terme massacre qui, à mon avis, n'est pas approprié.
16:50 Elle l'utilise d'un côté et elle ne l'utilise pas là où il s'est produit,
16:54 c'est-à-dire dans cette tuerie, ce pogrom contre Israël.
16:58 Ça, c'est une chose.
17:00 Et ensuite, quand on voit ce tweet de Jean-Luc Mélenchon,
17:04 le prétexte, le prétexte pour lui, c'est la présence du Rassemblement national.
17:09 Il a compris la vérité, c'est ce qu'il dit.
17:11 Il pense qu'il allait manifester cet après-midi,
17:13 c'est être complice d'un massacre qui est le massacre des populations civiles palestiniennes.
17:16 C'est pour ça que je disais, il ne faut pas lui donner raison.
17:18 Moi, je souhaite que cet après-midi, il n'y ait pas de drapeau israélien,
17:21 qu'il n'y ait pas de slogan pro-israélien,
17:23 que ceux qui ont de la sympathie pour Israël,
17:25 ceux qui ont un avis opposé au sien, ils iront manifester, mais ailleurs.
17:28 Là, c'est une marche républicaine.
17:31 Et donc voilà, quand je lis des propos comme celui du député Guiraud,
17:34 d'hier, qui compare ce qui s'est passé aujourd'hui avec Sabra et Chatilla,
17:40 en mettant Israël innocemment, sans doute, en cause,
17:44 on se dit franchement que la France insoumise a un peu perdu la boussole
17:47 des fondamentaux de la gauche.
17:49 Parce que la gauche, le combat contre l'antisémitisme,
17:52 il lui est consubstantiel, il est dans son ADN.
17:55 En tout cas, il devrait l'être.
17:57 Et donc, je suis très fâché de ce que je vois.
18:00 En même temps, il ne faut pas non plus faire comme si la France tournait
18:02 autour du nombril de Jean-Luc Mélenchon.
18:04 Il y a d'autres sujets, quand même.
18:06 Il y a d'autres partis politiques, il y a d'autres questions.
18:08 - Vous avez bien connu Jean-Luc Mélenchon.
18:10 Est-ce que vous expliquez, vous, ce type de propos par une forme
18:15 de raison électoraliste ?
18:20 C'est-à-dire qu'en clair, il vise un électorat musulman.
18:23 Ou est-ce que pour vous, il y a derrière ça, une forme d'antisémitisme
18:27 larvée d'extrême-gauche ?
18:30 - Ecoutez, ma mère était psychanalyste.
18:33 Moi, je ne le suis pas.
18:35 Donc, je ne vais pas réfléchir à ce qui se passe dans le cerveau
18:38 de Jean-Luc Mélenchon.
18:40 J'ai bien connu Jean-Luc Mélenchon.
18:42 Je ne pense pas qu'à titre personnel, ce soit un antisémite,
18:46 au sens d'une haine virulente et personnelle des Juifs.
18:50 Non, pas du tout.
18:52 C'est un républicain.
18:53 Je pense simplement qu'aujourd'hui, il est dans une stratégie
18:56 de rupture, de tension, d'électoralisme, qui l'empêche
19:02 de revenir à des fondamentaux et qui lui fait utiliser une rhétorique
19:05 qui, elle, pour le coup, fleurte parfois avec des thématiques
19:10 qu'on retrouve dans l'antisémitisme.
19:12 Et d'ailleurs, j'en étais moi-même victime.
19:14 Quand Jean-Luc Mélenchon, il y a une dizaine d'années,
19:16 m'avait dit que je ne parlais plus le français,
19:19 mais le langage de la finance internationale.
19:21 Bon, ça, c'est typique d'une rhétorique qui n'est pas...
19:26 Il faut qu'il... Je veux dire, il faut... Non.
19:28 J'aurais aimé qu'il se retrouve.
19:30 Vous parlez d'antisémitisme classique.
19:32 Est-ce que ça veut dire qu'il y a un nouvel antisémitisme ?
19:34 Est-ce que cet antisémitisme-là a changé d'origine ?
19:38 Si on a parlé tout à l'heure de l'importation,
19:43 du conflit israélio-palestinien, c'est peut-être de ça
19:46 dont il s'agit, mais je pense qu'il faut éviter
19:48 les amalgames de l'autre côté.
19:50 L'islamisme est souvent qualifié de terreau
19:52 d'une nouvelle forme d'antisémitisme.
19:54 Vous savez, on glisse facilement par...
19:57 C'est ce que fait Marine Le Pen.
19:58 Parfois du terrorisme islamiste,
20:00 et puis après, on glisse un peu,
20:02 on va trouver l'immigration massive,
20:03 et à la fin, on trouve l'islam tout court.
20:05 Donc je pense qu'en cette matière,
20:07 non, gardons-nous des amalgames, gardons-nous des amalgames.
20:09 Les Français doivent vivre ensemble,
20:12 et on doit arriver, je le redis, à dépasser tout ça ensemble
20:16 et à refaire communauté nationale.
20:18 Je ne vis pas bien dans une France
20:20 qui se vit comme communautariste
20:22 ou comme l'affrontement de communautés.
20:24 Je ne vis pas bien là-dedans.
20:26 - Sans pour autant parler d'amalgames,
20:28 est-ce que vous analysez qu'une nouvelle forme d'antisémitisme
20:30 s'enracine dans un terreau islamiste ?
20:33 - Ça, sans aucun doute.
20:35 Mais savoir si le terreau islamiste,
20:37 qui est toute la chance, l'islamiste doit être combattu en soi,
20:40 par nous tous.
20:42 L'islamisme radical, s'entend.
20:44 Bon, est-ce que, pour autant,
20:46 ça induit des positions sur l'immigration ?
20:48 On voit bien comme ça les glissements progressifs
20:51 qui amènent à des caractérisations
20:53 que je ne trouve pas très heureuses.
20:55 - En fait, vous dites la même chose qu'Emmanuel Macron
20:57 quand il met en garde la confusion
21:01 entre la défense des Juifs et le rejet des musulmans.
21:04 C'est votre analyse aussi de...
21:06 - J'ai trouvé que ces propos qu'il a tenus au Grand Orient de France
21:09 ne manquaient pas de pertinence.
21:12 J'ai trouvé juste.
21:14 Il faut vraiment, en effet...
21:16 - Mais ça veut dire que la démarche du RN n'est pas sincère.
21:19 C'est-à-dire que quand il défend,
21:21 il se présente aujourd'hui comme premier défenseur des Juifs,
21:24 derrière, c'est pour viser l'immigration
21:28 et l'immigration notamment de...
21:30 - Vous voyez, je reviens d'une seconde,
21:32 mais je vais répondre à votre question.
21:34 C'est là où on voit la difficulté de la période,
21:36 ces contradictions, ces tensions.
21:38 C'est-à-dire que nous passons notre temps à commenter
21:40 ceux qui n'y sont pas pour de mauvaises raisons
21:43 et ceux qui y sont pour des raisons à éclairer.
21:45 On ne parle pas du fond de l'affaire.
21:47 Mais je vais quand même répondre à votre question.
21:49 C'est très compliqué.
21:51 Le RN est un parti qui, aujourd'hui,
21:55 et je le dis pour ceux qui le combattent,
21:57 et il y a bien des motifs de le combattre,
21:59 n'est plus exactement ce qu'il fut, y compris sur cette question.
22:02 Dire que Marine Le Pen et Jean-Marie Le Pen, c'est pareil,
22:05 c'est une simplification qui peut faire plaisir,
22:08 mais c'est une diabolisation qui ne fonctionne pas
22:10 parce qu'il y a des évolutions, incontestablement.
22:12 Il faudrait que ces évolutions aillent jusqu'au bout.
22:14 Et pour qu'elles aillent jusqu'au bout, il faudrait, à mon avis,
22:16 trois conditions.
22:18 La première, c'est d'être très clair sur le passé.
22:21 Ce parti a été fondé par des gens d'extrême droite,
22:26 pour le coup classiques, avec un antisémitisme fondamental,
22:29 et c'était le cas de Jean-Marie Le Pen.
22:31 Et je ne vais pas l'accabler.
22:33 - Mais quand Marine Le Pen a rompu et a exclu son père,
22:35 ce n'est pas justement ce qu'elle a fait ?
22:37 - Non, elle a commis un acte important.
22:39 C'est dans ceci que je dis qu'on ne peut pas confondre
22:41 le RN aujourd'hui, en tout cas Marine Le Pen, avec son père.
22:44 Mais la première condition, c'est ça.
22:46 Et ils n'y sont pas tout à fait.
22:48 Je lisais ce matin une interview de Marine Le Pen dans le JDD
22:50 où elle expliquait un peu "c'est la nuit, tous les chats sont gris".
22:52 Non, la nuit !
22:54 Elle évoquait Georges Bidot comme un des fondateurs du Front National.
22:58 Il l'était, parce qu'il avait été Algérie-Française.
23:01 C'était un grand résistant.
23:03 Mais il y avait quand même la figure fondatrice,
23:05 Marine Le Pen, et ses propos sur du rafroclamatoire,
23:08 les chambres à gaz, point de détail de l'histoire.
23:11 Si ça, ce n'est pas antisémite, il n'y a rien qui se passe.
23:13 Donc la première chose, c'est d'être clair sur le passé.
23:15 La deuxième chose, c'est qu'il faut être clair au présent.
23:17 Ce qui voudrait dire qu'il faudrait quand même faire un peu le ménage.
23:20 Je ne peux pas penser qu'il n'y ait pas au Front National,
23:23 et on le sait, au RN,
23:25 ça amène à des absuces,
23:27 qui ramènent au passé,
23:29 des gens qui ne soient pas toujours d'une clarté totale sur le sujet.
23:32 Il y en a qui ne le sont pas.
23:34 Ils ont même parfois du mal à dire les choses.
23:36 Jordan Badella, il lui a fallu une semaine
23:38 pour dire que Jean-Marie Le Pen était antisémite.
23:40 Encore une fois, s'il n'y en a pas, qui ne l'est pas ?
23:42 C'est pour ça qu'on n'est pas quand même à l'aise
23:44 à manifester avec le RN, y compris sur ce sujet.
23:46 - Mais que dites-vous ? Qu'aujourd'hui, Marine Le Pen
23:48 et les militants du RN ont-ils leur place,
23:50 oui ou non, dans cette manifestation, cet après-midi ?
23:52 - La troisième condition,
23:54 c'est justement d'avoir,
23:56 comment dire, un combat contre l'antisémisme fondamental,
23:59 et non pas instrumentalisé,
24:01 par la volonté, encore une fois,
24:03 de dénoncer les autres,
24:05 autrement dit, les musulmans.
24:07 Nous ne sommes pas, disons que ce n'est pas un parti
24:09 dont l'universalisme me frappe encore.
24:11 Est-ce qu'il a sa place ?
24:13 Et s'il n'avait pas sa place,
24:15 il serait interdit.
24:17 Je ne pense pas qu'il ait sa place au premier rang.
24:19 Je pense qu'il n'est pas malsain
24:21 d'établir une forme de cordon autour de lui.
24:23 Mais je préfère franchement
24:25 que Marine Le Pen prenne les positions qu'elle a prises,
24:27 qu'elle exclue son père du RN,
24:29 qu'elle se déclare hostile à l'antisémitisme,
24:31 que ce qui se passait avant.
24:33 - Mais vous doutez de sa sincérité ?
24:35 - Je pense qu'à titre personnel,
24:37 je l'ai dit, ça m'a valu des tonnes d'insultes
24:39 sur Twitter hier,
24:41 je crois qu'elle, elle,
24:43 elle, personnellement, n'est pas antisémite.
24:45 Mais est-ce que le RN a purgé
24:47 tous les éléments d'antisémitisme ?
24:49 Je ne le crois pas.
24:51 Est-ce que pour autant,
24:53 il est capable de faire une lutte contre l'antisémitisme
24:55 dépourvue de connotations
24:57 différentes,
24:59 et parfois un peu racistes ?
25:01 Je n'en suis pas certain.
25:03 Donc il y a encore des efforts à faire.
25:05 La conversion, disons,
25:07 le mouvement, le changement fondamental,
25:09 il n'est pas totalement accompli.
25:11 Mais quand Marine Le Pen, encore une fois,
25:13 veut participer à cette manifestation
25:15 et combat l'antisémitisme
25:17 et exclut son père de son parti,
25:19 ce ne sont pas des actes anodins.
25:21 Je sais que dans le monde manichéen
25:23 où nous vivons, on va dire encore
25:25 "il y a des diabolismes".
25:27 Mais non, je combats le RN.
25:29 Je l'ai toujours combattu. Il faut le combattre pour des vraies raisons.
25:31 Il faut nommer les choses.
25:33 Derrière ça, il y a une question,
25:35 pas seulement stratégique,
25:37 mais une question politique de fond.
25:39 Est-ce qu'il faut encore combattre
25:41 le RN
25:43 sur le plan moral ?
25:45 Sur ce plan-là ?
25:47 Je ne suis plus, encore une fois, dans la politique.
25:49 Ce n'est pas mon travail.
25:51 Vous avez combattu le RN.
25:53 Oui, oui.
25:55 En 2002, j'ai perdu mon siège
25:57 de quelques 100 voix dans le Doubs,
25:59 une circonscription très ouvrière,
26:01 parce que je fais partie de la manifestation
26:03 par indignation contre Jean-Marie Le Pen,
26:05 alors que des jeunes étaient là
26:07 avec des "F" comme fascistes,
26:09 "N" comme nazis.
26:11 Les électeurs du Front National de l'époque,
26:13 les ouvriers de Sochaux m'avaient dit "ben, gentiment,
26:15 t'es bien gentil, on t'aime beaucoup,
26:17 mais là, non, franchement, tu nous insultes".
26:19 Ça ne marche plus ?
26:21 Les arguments moraux ne marchent plus ?
26:23 Je pense qu'il y a une lassitude de la diabolisation
26:25 et qu'encore une fois, je préférerais nettement,
26:27 si j'étais dans la politique, qu'on soit dans la caractérisation,
26:29 dans la définition,
26:31 qu'on dise de manière précise ce qu'il propose.
26:33 Et je crois franchement
26:35 qu'il y a encore beaucoup, beaucoup
26:37 de motifs pour le combattre.
26:39 Et encore une fois, y compris sur la question
26:41 de l'antisémitisme, il y a encore du terrain à parcourir.
26:43 Merci Pierre Moscovy.
26:47 Si vous restez avec nous, dans un instant,
26:49 la seconde partie de ce Grand Jury.
26:51 Le président de la Cour des Comptes, on va donc parler
26:53 notamment du budget de la France.
26:55 Est-ce que nous sommes vers une voie du redressement
26:57 d'ici 2027 ?
26:59 On en parle dans un instant. A tout de suite.
27:01 Suite du Grand Jury, présenté par Olivier Bost.
27:13 Pierre Moscovy, le président de la Cour des Comptes,
27:17 est notre invité. Pierre Moscovy, avant de revenir sur votre
27:19 livre "Nos meilleures années"
27:21 sorti chez Gallimard, vous nous expliquerez
27:23 ce qu'étaient vos meilleures années.
27:25 On va parler de la situation économique
27:27 actuelle, puisque vous êtes président
27:29 de la Cour des Comptes. La hausse des
27:31 prix ralentit et la croissance
27:33 est légèrement positive, mais les nouvelles
27:35 sont moins bonnes du côté de l'emploi.
27:37 Loris Boischaud. Oui Pierre Moscovy, plus de 17 000
27:39 emplois ont été détruits dans le salariat privé
27:41 ces trois derniers mois. Quant au
27:43 nombre des demandeurs d'emploi,
27:45 il augmente aussi légèrement. Est-ce qu'il y a
27:47 des raisons de s'inquiéter ?
27:49 L'exercice d'après-vision est
27:51 devenu un exercice extrêmement difficile.
27:53 On est très souvent démentis par les faits.
27:55 J'espère l'être positivement.
27:57 Je note quand même que, quand je
27:59 regarde la conjoncture économique mondiale,
28:01 il y a quand même des signaux
28:03 qui ne sont pas très rassurants.
28:05 Il y a des signes de ralentissement, parce que la hausse
28:07 des prix ralentit, ça a un effet positif
28:09 parce que c'est le panier de l'aménagère,
28:11 c'est parce que c'est notre pouvoir d'achat, le pouvoir d'achat de chacun.
28:13 Mais ça vient aussi du
28:15 durcissement des conditions des politiques monétaires
28:17 qui ont un effet de ralentissement
28:19 sur l'activité économique,
28:21 qui donc viennent en quelque sorte brider
28:23 une sorte de surchauffe.
28:25 Et c'est vrai que les prévisions sur l'emploi
28:27 pour l'année 2024
28:29 ne sont pas excellentes.
28:31 La légère remontée du chômage
28:33 pourrait se confirmer.
28:35 Certains indicateurs plus microéconomiques sur le terrain,
28:37 le nombre de
28:39 plans de redressement qui se multiplient
28:41 dans les entreprises, la confiance des entreprises
28:43 montre
28:45 au moins un attentisme.
28:47 Et je ne suis pas
28:49 aussi optimiste, je l'avoue,
28:51 que le gouvernement sur la croissance
28:53 2024. Le gouvernement qui tape sur
28:55 1,4% de croissance en 2024,
28:57 vous considérez que c'est trop optimiste, c'est ça ?
28:59 Le Haut Conseil des Finances Publiques
29:01 que je préside et qui est chargé de donner des avis
29:03 sur les projets de loi de finances
29:05 a en effet considéré que c'était
29:07 un chiffre optimiste. Quand je regarde
29:09 ce qu'on appelle le consensus des prévisionnistes,
29:11 disons tous les instituts de prévision
29:13 économique, ils sont plutôt
29:15 sur 0,8%
29:17 que sur 1,4%. Alors on peut avoir des bonnes
29:19 surprises, il y a certains instituts internationaux
29:21 comme le Fonds Monétaire International,
29:23 comme la Commission Européenne qui ne sont pas si loin
29:25 de 1,4%, personne n'est à 1,4%.
29:27 Mais ce que nous
29:29 observons comme évolution pour le moment
29:31 va plutôt dans le sens d'un tassement
29:33 de la croissance qu'une croissance
29:35 suffisante. Ce qui a un impact
29:37 à la fois bien sûr sur l'activité,
29:39 mais aussi sur le chômage et enfin sur les finances publiques
29:41 parce que 1,4%
29:43 ou 0,8% de croissance, ce n'est pas la même chose.
29:45 Pourquoi ? Parce que les recettes
29:47 fiscales sont assises sur la
29:49 croissance et une croissance plus faible
29:51 génère moins de recettes fiscales et
29:53 moins de recettes fiscales, c'est soit plus
29:55 d'économies en dépenses, soit plus de déficits.
29:57 - Justement, vous dites le budget 2024,
29:59 manque de crédibilité. Alors dans le langage
30:01 plutôt policé de la Cour des Comptes,
30:03 un manque de crédibilité,
30:05 c'est déjà une très forte critique, non ?
30:07 - Non, c'est l'expression d'un doute.
30:09 Je pense deux choses sur nos finances publiques.
30:11 Je pense d'abord que
30:13 leur état actuel n'est pas
30:15 un état satisfaisant. Nous avons dans ce pays
30:17 des déficits qui restent
30:19 trop élevés. Nous sommes aujourd'hui
30:21 à quelques 4,9%. Nous devrions être
30:23 à 4,4%, pas facile
30:25 à atteindre en 2024.
30:27 Nous passerions en dessous de 3%, seulement
30:29 en 2027, là où la totalité
30:31 des pays de la zone euro serait
30:33 déjà en dessous de 2027.
30:35 Et nos objectifs, qui figurent
30:37 dans une loi de programmation de finances publiques, sont, à mon sens,
30:39 trop peu ambitieux
30:41 au regard de ce qu'est la place, le rang, le rôle
30:43 de la France en Europe et dans la zone euro.
30:45 Bon, ça c'est ma première réflexion.
30:47 Puis la deuxième,
30:49 c'est que les efforts qui sont faits
30:51 pour réduire le déficit
30:53 demeurent insuffisants. Et derrière tout ça,
30:55 il y a un grand spectre. Le spectre, c'est le spectre
30:57 de la dette publique. Nous avons une dette publique
30:59 qui est à 108, 109% du PIB
31:01 aujourd'hui, qui ne devrait pas diminuer beaucoup
31:03 si elle ne diminue pas. Et nous sommes déjà,
31:05 déjà, aujourd'hui, à la fin 2023,
31:07 les 3e en Europe.
31:09 Devant nous, si j'ose dire, il y a les Grecs, les Italiens,
31:11 la France. Est-ce que c'est ça le leadership
31:13 que la France veut ? Et puis surtout,
31:15 quel marge de manœuvre a-t-on pour faire
31:17 des dépenses intelligentes, des investissements nécessaires,
31:19 socialement, écologiquement utiles,
31:21 quand on a une charge de la dette, c'est-à-dire
31:23 un remboursement de la dette annuelle énorme ?
31:25 Il est déjà de 57 milliards d'euros
31:27 l'an prochain, il sera de
31:29 84 milliards d'euros en 2027.
31:31 L'année prochaine vous semble
31:33 pas totalement crédible, et
31:35 le redressement global
31:37 des finances de la France, et notamment
31:39 d'ici 2027, c'est la promesse d'Emmanuel
31:41 Macron, d'ici 2027
31:43 de repasser sous les 3% de déficit,
31:45 ça, ça vous semble...
31:47 Quel est le mot que vous employez, là ?
31:49 Non, c'est possible et nécessaire, mais
31:51 simplement, ce que la Cour des Comptes et le
31:53 Conseil disent, c'est qu'il faudra faire des efforts pour y parvenir.
31:55 Est-ce que c'est réaliste, de là, dans les conditions ?
31:57 Je vais y venir, d'abord sur 2024.
31:59 Bon, si la croissance est
32:01 plus faible,
32:03 et si les recettes
32:05 ne sont pas à la hauteur,
32:07 si l'inflation ne diminue pas
32:09 autant qu'on le prévoit, alors à ce
32:11 moment-là, il pourrait y avoir un écart
32:13 qu'il faudrait soit constater,
32:15 soit combler. Si on le constate,
32:17 il faudra travailler plus tard, si on le comble, il faudra...
32:19 C'est ce qu'a dit Jean-René Cazeneuve, le rapporteur
32:21 général du budget, peut-être un projet de loi de finances
32:23 rectificative, à un moment donné, mais il y a quand même un point
32:25 de vigilance, là, c'est pas sur
32:27 des choses énormes. La différence entre
32:29 0,8 et 1,4%
32:31 de croissance, c'est quelques 0,2 points de
32:33 pipe des techniques en termes de déficit. Si on ne serait
32:35 pas à 4,4, on serait à 4,6.
32:37 Mais ça reste beaucoup.
32:39 Ce qui est important pour nous, et pour que ça soit un tout
32:41 petit peu concret, c'est, quand vous parlez d'efforts
32:43 à réaliser,
32:45 qu'est-ce que ça représente ? Parce que derrière,
32:47 est-ce qu'on bascule dans une politique d'austérité
32:49 ou pas ? Non, mais les efforts,
32:51 c'est soit... Vous parlez de 12 milliards, il faudrait faire 12 milliards.
32:53 Les efforts, c'est soit des impôts supplémentaires,
32:55 pour des... Ah non, attendez.
32:57 Là, on va venir aux années suivantes. Pour 2024,
32:59 il n'est pas question de faire 12 milliards de plus.
33:01 Il y a eu des économies cette année.
33:03 Je pense que le ministère des Finances, Bruno Le Maire,
33:05 le gouvernement ont pris conscience de la nécessité
33:07 des endettés. Il y a 16 milliards d'économies
33:09 qui ne sont pas toutes structurelles,
33:11 loin s'en faut, puisqu'il y en a quelques 12 milliards et demi
33:13 qui procèdent, en réalité,
33:15 du... Le fait qu'on a débranché
33:17 des dispositifs post-Covid... - La fin du quoi
33:19 qui l'en coûte. - Voilà, c'est la fin du quoi qui l'en coûte.
33:21 Cette fois-ci, en 2024, enfin, c'est le cas.
33:23 - Un détail près, quand même,
33:25 il y a toujours, par exemple, un chèque pour le carburant.
33:27 - Oui, mais il va être débranché
33:29 d'ici à la fin 2024, en principe.
33:31 Là où ça devient compliqué,
33:33 c'est sur les années 2025, 2026, 2027.
33:35 Pourquoi ? Parce que là, cette année,
33:37 on a fait 16 milliards dont 12,5
33:39 ne sont pas structurelles. C'est-à-dire 3,5
33:41 qui sont structurelles, pardon, techniques structurelles,
33:43 ça veut dire indépendant de la conjoncture. Des vrais.
33:45 Des durs. Pas quelque chose
33:47 qui vient de recettes qui seraient... - Donc là,
33:49 c'était facile. - C'était pas facile
33:51 parce qu'il fallait faire le geste politique,
33:53 mais disons qu'on n'a pas tapé,
33:55 on n'a pas cherché à faire des économies
33:57 ou une maîtrise de dépenses publiques très forte.
33:59 Pour les années suivantes, c'est là où arrivent
34:01 les 12 milliards. À partir de 2025, il faut faire
34:03 12 milliards d'euros d'économies
34:05 pérennes, et donc, il faudra
34:07 non pas reclocher une politique
34:09 d'austérité, mais avoir une vraie
34:11 maîtrise de la dépense publique, ce qui,
34:13 à mon sens, implique une vraie réflexion.
34:15 - 12 milliards d'euros d'économies, ça ne veut rien dire
34:17 pour personne. - Pas grand-chose.
34:19 - Si c'est beaucoup, c'est peu. - Pratique, oui, mais alors,
34:21 justement, si c'est beaucoup, ça veut dire quoi ?
34:23 Qu'est-ce qu'on peut, dans le budget de l'État,
34:25 aujourd'hui, amputer de 12 milliards
34:27 d'euros pour tenir
34:29 ces objectifs ? - Je pense
34:31 que c'est pas exactement comme ça qu'il faut réfléchir, parce que
34:33 si on réfléchit comme ça, on se dit, soit on fait du rabot,
34:35 - Un rabot, qu'est-ce que c'est ? - On enlève un peu partout.
34:37 - C'est -X% partout.
34:39 Ou alors, on fait des coups de marteau, et on dit
34:41 "Tiens, on va viser celle politique ou celle-là."
34:43 De toute façon, indistinct. Ça, c'est la
34:45 logique budgétaire, chère, pure et dure,
34:47 mais c'est pas la meilleure. Celle que je préconise,
34:49 c'est ce que j'appelle la logique,
34:51 et Mme Borne, la première ministre,
34:53 s'engage là-dedans, d'ailleurs,
34:55 elle a visité la Cour des comptes pour y participer,
34:57 de ce qu'on appelle la revue de dépenses publiques. Autrement dit,
34:59 allez regarder la qualité
35:01 de la dépense publique. A quoi ça sert ?
35:03 Je vais prendre quelques exemples.
35:05 Premier exemple qui est le plus
35:07 frappant, c'est celui du logement.
35:09 On dépense en France 2 fois et demi
35:11 plus pour le logement que dans la moyenne
35:13 des pays de la zone euro.
35:15 C'est beaucoup, c'est quelques 35 milliards d'euros.
35:17 Or, on constate qu'il n'y a ni construction,
35:19 ni rotation dans le logement social.
35:21 Ça veut dire que voilà une politique publique
35:23 qui marche mal. Il faudrait aller voir.
35:25 Je ne préconise pas d'économiser
35:27 17 milliards, c'est juste qu'il faut aller voir
35:29 ce qui se passe et peut-être réorienter certains dispositifs.
35:31 Alors le logement, ensuite, est-ce qu'il y a un deuxième exemple ?
35:33 Deuxième exemple, l'éducation nationale.
35:35 Mais oui, nous avons une éducation nationale
35:37 qui est massive,
35:39 impressionnante, imposante, dont nous sommes
35:41 fiers, par rapport aux enjeux dont nous parlions
35:43 dans la première. Et où les profs étaient très mal payés.
35:45 Oui, et il y a
35:47 la question de la laïcité derrière ça.
35:49 Je crois que je suis un grand
35:51 soutien de notre éducation nationale. Mais,
35:53 quand je regarde les performances de notre système
35:55 éducatif dans ce qu'on appelle les classements PISA,
35:57 je constate qu'en termes de réussite,
35:59 ça baisse. Autrement dit, là aussi, on peut améliorer
36:01 la qualité de la dépense. Et je pourrais multiplier
36:03 ces nombres. Je vais en donner un troisième.
36:05 Pardonnez-moi, mais sur l'éducation nationale, par exemple,
36:07 quelle est la solution pour dépenser
36:09 moins d'argent ?
36:11 Ça s'appelle réformer.
36:13 C'est sans doute d'abord donner plus d'autonomie
36:15 aux établissements, c'est davantage décentraliser.
36:17 Ce ne sont pas des choses qui se font d'un coup, justement.
36:19 Ce que je préconise, ce n'est pas
36:21 de taper dans le tas de la dépense
36:23 publique, c'est au contraire de mener des réformes
36:25 de structures. 12 milliards d'économies,
36:27 je reviens à ce chiffre, c'est taper dans le tas
36:29 à un moment ou à un autre. Non, non, non, c'est
36:31 axé. De toute façon, vous savez,
36:33 l'austérité, ce serait de faire diminuer la dépense publique.
36:35 Ça ne sera pas le cas. Ce sera probablement
36:37 arrêter de la faire progresser. Parce que n'oublions pas qu'il y a aussi
36:39 de l'inflation et donc il faut maîtriser
36:41 la dépense publique en volume.
36:43 En volume, c'est-à-dire indépendamment
36:45 de l'inflation. Et je vais donner un troisième exemple,
36:47 c'est ce qu'on appelle les dépenses fiscales.
36:49 Une dépense fiscale,
36:51 c'est une dépense publique, c'est-à-dire c'est des moindres
36:53 recettes, par exemple le crédit d'impôt recherche,
36:55 crédit d'impôt recherche qui est sans doute utile
36:57 et qu'il faut préserver,
36:59 mais peut-être réformer aussi. Et il y en a comme ça
37:01 des centaines qui n'ont pas
37:03 été réexaminées depuis longtemps,
37:05 qui sont là
37:07 sans évaluation depuis des années.
37:09 Je propose que d'une part on les plafonne dans le temps,
37:11 on dit qu'une dépense fiscale c'est 4 ans
37:13 et qu'on aille regarder tous les 4 ans
37:15 ce qui marche et ce qui ne marche pas.
37:17 Et je pense que si on fait cette démarche
37:19 sur l'ensemble des dépenses publiques,
37:21 et il y a aussi la dépense sociale,
37:23 on parviendra à avoir
37:25 moins de dépenses, plus
37:27 intelligentes, plus justes
37:29 et plus efficaces. Vous savez quand on a
37:31 la France, un pays qui a une qualité,
37:33 une capacité
37:35 particulière, c'est qu'elle a 56%
37:37 de dépenses publiques dans le PIB.
37:39 C'est 8% de plus que nos voisins
37:41 de la zone euro. Est-ce que pour autant
37:43 les français sont très satisfaits du service public ?
37:45 Non. C'est ce hiatus-là qui n'est pas
37:47 acceptable. Dépenser
37:49 de plus en plus, je n'ai rien contre la dépense publique.
37:51 Dans la carrière politique
37:53 que j'ai faite, j'étais pendant 30 ans
37:55 socialiste, ce n'était quand même pas
37:57 les ennemis du service public.
37:59 Et donc je pense que le service public,
38:01 je le défends, mais un service public
38:03 qui satisfasse le public.
38:05 Ça, ça veut dire qu'il y a des réformes à faire.
38:07 Comment on a pu avoir des années et des années de rapports
38:09 de la Cour des comptes sur les services publics
38:11 et se réveiller un jour en se disant "les services publics
38:13 sont dans un état lamentable".
38:15 D'abord, la Cour des comptes
38:17 est largement écoutée.
38:19 75% de ses recommandations sont suivies.
38:21 Ensuite, ce n'est pas le gouvernement des juges.
38:23 Donc il faut se tourner vers l'exécutif
38:25 et pas vers la Cour des comptes. Puis troisièmement,
38:27 je pense qu'il y a quelque chose qui s'est passé récemment
38:29 qui a marqué un point d'affliction et il faut l'arrêter
38:31 pour de bon, c'est le "quoi qu'il en coûte".
38:33 Le "quoi qu'il en coûte", ça a été deux choses.
38:35 Ça a été d'abord la nécessité de dépenser
38:37 des centaines de milliards d'euros pour sauver
38:39 les vies, pour sauver l'économie,
38:41 pour sauver les entreprises. Et j'ai été pour,
38:43 et la Cour des comptes a été pour le "quoi qu'il en coûte".
38:45 Le vrai "quoi qu'il en coûte", c'est le "quoi qu'il en coûte" COVID.
38:47 Après, à partir de ce moment-là, il y a eu une sorte de pli
38:49 qui a été pris et c'est là où la dépense publique
38:51 a explosé, qui est de dire
38:53 "un problème, un chèque". Vous l'évoquiez.
38:55 Et je pense qu'il faut
38:57 à la fois arrêter le "quoi qu'il en coûte"
38:59 concret, c'est-à-dire... - Mais on est d'accord
39:01 qu'il y a des soucis dans la justice, qu'il y a des soucis dans l'éducation...
39:03 - Deuxièmement, il faut arrêter... - ...au niveau de la sécurité.
39:05 - Il faut arrêter ce réflexe
39:07 qui consiste à penser que la dépense publique
39:09 est la réponse à tout. C'est faux.
39:11 Et si on dépense trop et si on s'endette trop,
39:13 à la fin, on ne peut plus rien faire. Vous savez, moi,
39:15 ce qui m'obsède, je n'ai jamais été un
39:17 partisan de l'austérité, je ne le deviens pas.
39:19 J'ai toujours pensé que la dette publique était
39:21 une ineptie et un danger
39:23 parce qu'au final, quand on est trop endetté,
39:25 on ne peut pas investir. Nous sommes, face à des investissements,
39:27 à faire. Dans l'hôpital,
39:29 dans l'éducation, en effet, pour des profs
39:31 mieux payés, pour un service public
39:33 qui marche mieux. Et ça, ça coûte
39:35 des dizaines et des dizaines de milliards. Dans l'écologie,
39:37 surtout, la transition écologique.
39:39 Mais le jour où vous avez 84 milliards
39:41 d'euros à rembourser par an de dette publique
39:43 qui ne sert à rien, vous ne pouvez pas
39:45 pour le coup dépenser
39:47 pour ce qui est utile. Et il faut
39:49 se désendetter pour investir.
39:51 C'est ça, mon mot d'ordre.
39:53 Il y a d'un côté un mur d'investissement
39:55 et de l'autre côté une montagne de dette. Si vous ne faites
39:57 pas descendre la montagne de dette, vous ne ferez pas
39:59 monter le mur d'investissement.
40:01 - Vous avez évoqué tout à l'heure au détour d'une phrase
40:03 la hausse des impôts. Est-ce que c'est une
40:05 voie à explorer ? Ce n'est pas la ligne
40:07 du gouvernement à ce stade, mais est-ce que c'est une piste
40:09 qu'il faut explorer ? - Quand j'étais
40:11 ministre des Finances, ça fait maintenant près de 10 ans,
40:13 j'ai prononcé une phrase, il y a 10 ans
40:15 exactement, c'était en
40:17 septembre 2013, sur
40:19 le ras-le-bol fiscal. Et
40:21 c'est un autre chiffre qu'il faut avoir en tête.
40:23 Nous avons les prélèvements obligatoires
40:25 aujourd'hui à 45%, les plus élevés de notre histoire
40:27 et les plus élevés d'Europe. Autrement dit,
40:29 je ne dis pas qu'on ne peut pas toucher aux impôts.
40:31 - Vous êtes en train de dire qu'Emmanuel Macron n'a pas baissé les impôts.
40:33 - Je dis que les prélèvements
40:35 obligatoires n'ont pas baissé. Pourquoi ? Parce que
40:37 les recettes, elles, ont beaucoup
40:39 augmenté avec la croissance. Donc autrement dit,
40:41 il y a eu des baisses d'impôts
40:43 importantes, quelques 50 milliards d'euros,
40:45 mais il y a eu des hausses de prélèvements
40:47 à travers justement la dynamique
40:49 et le dynamisme de la recette.
40:51 Et les prélèvements obligatoires, eux, n'ont pas
40:53 baissé, oui, en effet. Ce qui veut dire
40:55 que moi, je milite pour la stabilité
40:57 fiscale. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas certains impôts
40:59 qu'on peut augmenter. Je vais prendre un exemple, là
41:01 encore, pour me faire comprendre, le rapport
41:03 Fiseli-Ferri-Maffouz.
41:05 A estimé qu'il y avait 30 milliards
41:07 d'euros de transition écologique à financer,
41:09 il a proposé une contribution
41:11 temporaire sur les hauts patrimoines.
41:13 - En ISF vert ?
41:15 - Vous y êtes favorable ? - Non, ce n'est pas un ISF vert.
41:17 Parce qu'un ISF vert, ce serait quelque chose
41:19 de permanent et qui porterait sur toutes
41:21 les fortunes. - C'est temporaire, là ? - Temporaire.
41:23 Je ne sais pas si je suis favorable ou pas favorable.
41:25 Disons que, je pense
41:27 que ce genre de proposition mérite
41:29 un vrai débat citoyen qui n'a pas lieu.
41:31 Il n'a pas lieu. Et, en effet,
41:33 si j'étais extrêmement riche,
41:35 je ne suis pas, je me dirais que d'une certaine façon
41:37 que contribuer
41:39 au financement de la transition écologique,
41:41 c'est un geste qui fait partie
41:43 aussi de la logique de l'entreprise.
41:45 Et une contribution qui peut être utile
41:47 à la société. Ça, c'est des débats qu'on
41:49 pourrait avoir ensemble. Encore une fois,
41:51 je ne le reprends pas... - Ça, ça implique de remettre en cause
41:53 un principe posé par Emmanuel Macron.
41:55 Précisément, depuis 2017,
41:57 il n'y aura pas d'augmentation d'impôts.
41:59 - Notamment pas celui-là,
42:01 et pas de rétablissement de l'ISF.
42:03 Je pense que dans
42:05 des situations exceptionnelles,
42:07 et le rapport Pisaniféri-Mafouz proposait de trouver
42:09 quelques 7 milliards d'euros par an à travers cela,
42:11 la fiscalité, autrement dit,
42:13 n'est pas un instrument fini.
42:15 On a le droit, dans le débat politique,
42:17 je n'y suis plus, d'avoir telle proposition
42:19 ou telle autre. Il y a des propositions
42:21 fiscales de gauche, il y a des propositions fiscales de droite.
42:23 On peut donc jouer sur les curseurs.
42:25 Mais sur le niveau général des prélèments obligatoires,
42:27 non, je ne suggère pas
42:29 d'augmenter les impôts dans ce pays. Je pense qu'il ne le
42:31 faut pas. Je milite pour la stabilité.
42:33 Sur les effets escomptés
42:35 de la réforme des retraites, par exemple,
42:37 qui était une source d'économie
42:39 pour les finances publiques, est-ce que vous considérez
42:41 que ces économies ont été
42:43 surévaluées par le gouvernement ?
42:45 Je n'ai pas
42:47 d'élément qui puisse me permettre
42:49 d'aller dans un sens ou dans un autre. La Cour des comptes
42:51 agit plutôt a posteriori.
42:53 Nous ne sommes pas le Comité d'Orientation, le Conseil d'Orientation
42:55 des Retraites, qui a d'ailleurs
42:57 changé de président.
42:59 Nous sommes la Cour des comptes, et le moment venu, nous nous prononcerons
43:01 je pense, non, qui ne sont pas
43:03 ni sous-estimés ni sur-estimés,
43:05 qui sont significatifs, mais pas non plus
43:07 énormes. En termes financiers,
43:09 je ne me prononce pas sur le...
43:11 Ce n'est pas une réforme qui résout pour toujours
43:13 la situation de nos retraites.
43:15 On y reviendra un jour.
43:17 Peut-être après 2030.
43:19 Parmi les rapports de la Cour des comptes,
43:21 il y en a un qui est sorti cette semaine,
43:23 qui a fait un petit peu parler, des fonctionnaires qui travaillent
43:25 moins de 35 heures par semaine,
43:27 la durée légale aujourd'hui.
43:29 Il y en a encore, c'est ce que pointe
43:31 un rapport, et cela malgré une loi
43:33 de transformation de la fonction publique
43:35 de 2019, qui devait supprimer
43:37 la plupart des dérogations
43:39 qui permettaient de travailler moins de 35 heures.
43:41 Qu'est-ce que vous dites
43:43 de ce rapport ?
43:45 C'est un rapport de la Cour des comptes que j'ai présenté,
43:47 je dis au passage une petite chose pour ceux qui nous écoutent,
43:49 la lecture que je viens d'en faire est exacte.
43:51 Oui, la Cour des comptes est en train de faire,
43:53 je vais même me développer,
43:55 une grande mutation, c'est-à-dire que désormais
43:57 tous les rapports que nous écrivons, tous,
43:59 sont publiés, et certains,
44:01 comme celui-ci, sont présentés par le président de la Cour des comptes,
44:03 autrement dit par moi-même,
44:05 pour justement qu'il touche encore davantage le public.
44:07 Alors là, de quoi s'agit-il ? La loi de transformation
44:09 de la fonction publique de 2019
44:11 est une loi qui
44:13 visait
44:15 à faire en sorte que la durée annuelle,
44:17 ce n'est pas les 35 heures, mais ça revient à 35 heures,
44:19 de 1 607 heures
44:21 par semaine, soit garantie.
44:23 Et il est vrai que les dérogations étaient plutôt
44:25 en dessous, on travaillait plutôt moins.
44:27 Ce que nous avons constaté, 4 ans
44:29 après, c'est que, et dans les
44:31 collectivités territoriales, et dans l'État,
44:33 il y a encore de nombreuses dérogations.
44:35 Qu'est-ce que vous dites que l'État ne fait pas assez pour
44:37 que les collectivités se mettent en conformité,
44:39 par exemple ? Je dis deux choses.
44:41 D'abord que, dans l'État,
44:43 si, sur les collectivités, il y a une pression qui se met en route,
44:45 mais ce n'est pas ça qui est ça.
44:47 Autrement dit, ça crée des inégalités.
44:49 Il y a des gens qui travaillent moins, il y a des gens qui travaillent plus,
44:51 avec les mêmes suggestions, et avec les mêmes traitements.
44:53 Ça, c'est pas normal. Et je n'ai pas à commenter
44:55 le fait de savoir si c'est bien ou si c'est mal,
44:57 c'est la loi. Et nous sommes là pour faire appliquer
44:59 la loi. Ça, c'est la première chose. Et la deuxième chose,
45:01 c'est que l'État,
45:03 en effet, agit sur les collectivités territoriales,
45:05 mais il n'agit pas suffisamment sur lui-même.
45:07 Donc il n'est pas exemplaire ? Non, l'État n'est pas
45:09 exemplaire en la matière.
45:11 Par exemple, on avait
45:13 promis un rapport au Parlement sur l'application
45:15 de cette disposition
45:17 dans la fonction publique d'État,
45:19 qui n'est pas venue. Il était promis pour 2020.
45:21 Nous sommes en 2023.
45:23 Il est temps de le faire. Voilà typiquement
45:25 ce que la Cour des comptes peut apporter. C'est-à-dire que c'est
45:27 aussi, je crois, un aiguillon utile
45:29 qui dit des vérités aux Français. Il faut le savoir.
45:31 Non, cette loi n'est pas appliquée.
45:33 Oui, il y a encore beaucoup de dérogations qui font que
45:35 significatifs de fonctionnaires
45:37 et des collectivités locales, on n'a pas regardé
45:39 l'hôpital, et de l'État
45:41 travaillent moins de
45:43 1 607 heures annuelles. Et il faut
45:45 appliquer cette loi. Et nous avons le sentiment
45:47 qu'on ne le fait pas avec suffisamment de diligence
45:49 et de force. - Alors il y a parfois d'autres rapports
45:51 plus surprenants. Celui sur le maintien
45:53 de Catherine Pégard, Loris Boischaud.
45:55 - Oui, Pierre Mosquif. C'est effectivement Catherine Pégard
45:57 qui est à la tête du château et du
45:59 domaine de Versailles depuis 2011. Pourtant
46:01 officiellement, son mandat s'est achevé
46:03 en octobre 2022, mais elle est maintenue à son
46:05 poste par Emmanuel Macron. Alors
46:07 est-ce que c'est du favoritisme ? Comment
46:09 vous l'interprétez ? - Non, je ne l'interprète pas du tout.
46:11 Je dis simplement ce que dit la Cour des comptes.
46:13 En l'occurrence,
46:15 à savoir qu'elle a dépassé
46:17 à la fois la limite
46:19 d'âge et
46:21 la durée
46:23 de mandat. Elle a trois mandats successifs
46:25 et donc logiquement, il faudrait lui nommer
46:27 un remplaçant. Ça doit arriver, j'espère.
46:29 - D'après vous, l'analyse que vous en faites,
46:31 c'est parce qu'il y a un manque de candidats potentiels
46:33 ou c'est Emmanuel Macron qui, en général, a du mal
46:35 à prendre ce genre de décision ? - Là, pour le coup, ça, c'est pas du tout
46:37 dans le ressort de la Cour des comptes. Nous n'avons pas
46:39 à faire des commentaires sur
46:41 les raisons,
46:43 les amitiés supposées, etc.
46:45 Ça ne s'intéressera pas du tout. Nous constatons.
46:47 Vous savez, le rôle de la Cour des comptes, c'est pas d'être...
46:49 Moi, je ne fais plus de politique.
46:51 Je n'en fais vraiment plus. La Cour des comptes, c'est
46:53 d'être un témoin
46:55 objectif qui objective les sujets pour les
46:57 Français et qui leur explique
46:59 à travers des faits ce que sont les politiques
47:01 publiques. Voilà. C'est un constat.
47:03 Qui d'ailleurs est contesté par le ministère de la Culture,
47:05 je le dis au passage. Mais je pense que
47:07 je soutiens bien sûr la position de la Cour des comptes.
47:09 - Alors, vous avez été aussi épinglé, ce qui est plutôt cocasse
47:11 pour le président de la Cour des comptes, par nos
47:13 rapporteurs de Mediapart, qui ont révélé que
47:15 la Cour des comptes avait réimprimé
47:17 3 000 exemplaires de son dernier
47:19 rapport d'activité à cause d'une photo de vous-même.
47:21 Photo jugée peu frappeuse
47:23 et remplacée... Pardon ?
47:25 - Deux photos. - Deux photos. Vous avez remplacé deux photos.
47:27 Alors, vous allez nous expliquer tout ça.
47:29 Dans une nouvelle version de ce
47:31 rapport, le coût de l'opération, c'est
47:33 10 000 euros. 10 000 euros parce que
47:35 deux photos, vous ne vous convenez pas ? C'est ça ?
47:37 - Pas du tout. Moi, je n'ai pas du tout demandé
47:39 qu'il y ait un deuxième tirage de cette
47:41 plaquette.
47:43 Il y a quelque chose qu'on peut aisément comprendre.
47:45 Nous sommes une institution qui est en contact
47:47 avec le public.
47:49 Je ne veux pas être technique, mais
47:51 un bond à tirer n'avait
47:53 pas été délivré. Il avait été estimé
47:55 que ces deux photos ne correspondaient pas,
47:57 qu'il y en avait une de trop, et que l'autre était totalement
47:59 déformée. Et les
48:01 services de la Cour des comptes ont décidé,
48:03 sans que je le demande, de
48:05 le retirer. - Ce n'est pas un caprice de votre part,
48:07 cette critique Mediapart ? - Non, pas du tout.
48:09 Je ne peux pas dire que la photo, je la
48:11 trouvais formidable. Ce ne serait pas vrai.
48:13 Franchement, j'ai de la bientude. - Sans bon à tirer,
48:15 la Cour des comptes n'aurait pas dû payer.
48:17 - Le problème, c'est qu'on avait
48:19 décidé, pour la première fois,
48:21 d'internaliser, je vais vous dire,
48:23 la production de ce rapport, ce qui, d'ailleurs, nous coûtait 30 000 euros
48:25 de moins, ce qui rendait sans doute les
48:27 services un peu plus à l'aise pour le retirer.
48:29 30 000 euros d'économie, avant tout,
48:31 il faut le dire. Voilà, après, ça correspond
48:33 au papier. Je ne sais pas quoi, parce que
48:35 honnêtement, ce n'est pas une affaire que j'ai suivie.
48:37 Ce que je constate, c'est qu'il y a toujours des bons amis,
48:39 y compris parfois à l'intérieur.
48:41 - Un petit mot avant la fin sur votre
48:43 livre, pour y revenir, nos meilleurs
48:45 aidés aux éditions Gallimard.
48:47 Vous vous montrez extrêmement critique
48:49 avec François Hollande. Vous avez été son ministre
48:51 de l'économie, pour rappel.
48:53 Vous écrivez, il a été un chef d'État, un
48:55 homme d'État convenable, honorable,
48:57 mais un homme politique, un chef politique
48:59 manquant trop souvent d'autorité
49:01 et de leadership. Pour vous, c'est
49:03 François Hollande qui a miné la gauche ?
49:05 - Pas seul.
49:07 Ce livre revient sur, en vérité, 30 années
49:09 de ma vie, 30 années de vie politique
49:11 aussi, pas que. Sur aussi
49:13 ma jeunesse, mon enfance, mes parents.
49:15 C'est un livre personnel.
49:17 Mais puisque vous me posez cette question-là...
49:19 - Est-ce que vous avez vu un monde s'effondrer,
49:21 quelque part, les socialistes,
49:23 quand vous commencez à éditer, jusqu'au moment où vous...
49:27 - J'ai vous écrivé d'ailleurs ce quinquennat fut un échec politique
49:29 massif dont la gauche socialiste ne s'est toujours pas remise.
49:31 - J'ai vu plus que ça. J'ai vu une façon
49:33 de faire de la politique s'effondrer.
49:35 Je constate qu'aujourd'hui, on est effectivement
49:37 dans des débats qui sont extrêmement tendus,
49:39 parce que c'est la radicalité qui l'emporte,
49:41 parce qu'il y a trop peu d'idées,
49:43 et je pense que c'est très inquiétant
49:45 pour le pays. La première phrase
49:47 de mon livre, c'est "La France m'inquiète".
49:49 Et je parle de la France politique aussi.
49:51 On parlait des extrêmes, moi je n'ai pas envie que cela arrive.
49:53 - Mais sur le bilan de François Hollande ?
49:55 - C'est une longue histoire.
49:57 Nous sommes tous les deux des membres de la Cour des comptes,
49:59 on se connaît depuis 40 ans.
50:01 J'ai eu une extrême intelligence,
50:03 j'ai été son directeur de campagne,
50:05 et il a été un candidat formidable, et il le fallait
50:07 pour battre Nicolas Sarkozy.
50:09 Ce n'est pas simple, je le dis.
50:11 - Mais il n'a pas été un bon président.
50:13 - C'est plus compliqué que ça, parce qu'on l'attendait
50:15 comme étant un chef politique très très malin.
50:17 Il avait été 10 ans Premier secrétaire du Parti Socialiste,
50:19 et un homme d'État inexpérimenté.
50:21 Il a été très solide, tenez.
50:23 Voilà, en 2015, face aux attentats,
50:25 très solide, face à Poutine,
50:27 très solide, face aux terroristes, très solide.
50:29 - Mais comme chef politique, je constate qu'il n'a pas toujours donné la bonne guidance,
50:32 que les gouvernements n'ont pas bien fonctionné,
50:34 et que la gauche n'a pas été unie.
50:36 Et qu'à l'arrivée, ça donne qu'il ne peut pas se présenter,
50:38 et 6%.
50:40 Ça, c'est un échec. Vous savez, j'ai discuté tout à l'heure
50:42 avec Marc Bloch, Marc Bloch disait que quand on a une défaite,
50:44 c'est toujours quelque part la défaillance du commandement.
50:47 Il n'en est pas le seul responsable,
50:49 il ne peut pas s'en exonérer.
50:51 Personne, d'ailleurs, ne peut s'en exonérer.
50:53 Mais c'est un bilan avec ses ombres et ses lumières,
50:55 et c'est un homme qui a beaucoup de qualité, d'intelligence, de courage et de dévouement.
50:59 Et qui n'a pas réussi totalement.
51:01 - Les derniers mots, au moins un petit peu positifs.
51:03 Merci Pierre Moscosi pour ce grand jury.
51:05 Bon dimanche à tous et à la semaine prochaine.
51:07 [SILENCE]

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