Politique & Eco n°412 avec Jean-Louis Harouel : Les mensonges de l'égalité

  • l’année dernière
Avec le communisme, nous avons eu la poursuite de l’égalité par le crime, mais l’égalité social-démocrate est l’ombre portée de ce communisme, l’égalitarisme sans le goulag. La forme la plus visible de cette névrose égalitaire est l’enseignement ravagé par le wokisme qui en est un sous-produit, y compris aux Etats-Unis, où le puritanisme des origines ressortit sous l’égalitarisme. Pour la France, le grand prêtre en fut Bourdieu qui en supprimant la méritocratie républicaine a ruiné l’école de la République par l’abaissement généralisé du niveau. En réalité, cette passion dévorante de l’égalité est une religion qui remonte à très longtemps et qui s’enracine dans le gnosticisme, qui nie le réel humain et le millénarisme qui veut le bonheur sur terre hic et nunc par le moyen de l’égalité. Et c’est ainsi que le relativisme permet d’établir une fausse égalité des civilisations et, à terme, la destruction des peuples blancs par le droit-de-l’hommisme.
Or, c’est dans l’inégalité des conditions économiques que sont nées les grandes œuvres philosophiques artistiques et scientifique de Pythagore à Lavoisier de Phidias à Bourdelle. Et c’est, au final, le progrès technique qui permit de vaincre la pauvreté, la démonstration s’appuie sur l’œuvre magistrale de Jean Fourastié. Ainsi donc, l’inégalité est un outil de civilisation, les seules valeurs qui comptent sont la liberté et la sureté, et pour aujourd’hui, ce qui importe le plus, c’est de voir la réalité derrière l’écran du rêve égalitaire.
Jean-Louis Harouel, agrégé de droit, professeur émérite de l’université Panthéon-Assas, est l'invité de "Politique & Eco" pour son ouvrage "Les mensonges de l'égalité : ce mal qui ronge la France et l'Occident".
Transcript
00:00:00 [Générique]
00:00:16 Bonjour à tous, bienvenue sur le plateau de politique et économie.
00:00:20 Je suis heureux, chers téléspectateurs, de vous retrouver en compagnie de mon invité Jean-Louis Arouel.
00:00:27 Jean-Louis, soyez le bienvenu, vous n'êtes pas, évidemment, un étranger pour nos auditeurs,
00:00:34 puisque vous avez, et j'ai le plaisir surtout, de vous inviter pour plusieurs livres,
00:00:41 notamment "Droite et gauche, ce n'est pas fini", "Les droits de l'homme contre le peuple",
00:00:48 et nous avons, j'ai le bonheur de vous connaître depuis la publication en 91, c'était 91,
00:00:55 "Culture et contre-culture".
00:00:57 Alors Jean-Louis Arouel, vous êtes agrégé de droit, professeur émérité de l'université de Panthéon,
00:01:03 à ça, c'est-à-dire Paris 2, Paris 2, c'est bien ça,
00:01:08 et vous venez de publier un nouveau livre pour lequel je vous ai convié aujourd'hui.
00:01:16 Jean-Louis Arouel, "Les mensonges de l'égalité".
00:01:18 Alors, je dis tout de suite à nos téléspectateurs que ça ne va pas plaire à tout le monde,
00:01:23 car nous vivons dans un pays qui a le culte de l'égalité,
00:01:29 qui vit dans un contexte de religiosité égalitariste, et vous êtes très iconoclaste.
00:01:38 Vous allez, au fil de ce livre, nous faire découvrir les mensonges de l'égalité.
00:01:45 Et cette égalité qui relève, je l'ai dit, d'un phénomène religieux,
00:01:51 s'enracine dans le vieux millénarisme qu'on trouve tout au long de notre histoire,
00:01:57 et qui s'oppose évidemment à la vision chrétienne de l'humanité,
00:02:03 une humanité dont le bonheur se situe hors de la terre,
00:02:07 alors que l'égalité doit nous assurer le bonheur sur terre.
00:02:12 C'est bien cela, ne pas ?
00:02:13 C'est la rédemption de l'humanité par l'égalité.
00:02:18 Alors, ça prend des formes à travers le temps.
00:02:20 Ça a été le communisme, c'est maintenant le droit de l'homisme et le wauquisme,
00:02:25 mais c'est toujours ce thème d'une rédemption, d'une libération,
00:02:32 d'un affranchissement de l'humanité par l'égalité.
00:02:37 Et donc le péché, c'est de refuser l'égalité alors ?
00:02:40 Ah ben oui, c'est le mal.
00:02:41 C'est le mal ?
00:02:42 C'est le mal.
00:02:42 Et l'égalité, c'est le bien ?
00:02:43 C'est le bien.
00:02:44 Les inégalités sont le mal ?
00:02:45 Sont le mal, forcément, en toutes circonstances, et c'est ça qui est grave.
00:02:49 Si on ne voit pas que c'est un phénomène religieux,
00:02:52 on aura du mal à entrer dans votre logique.
00:02:55 Parce que, de proche en proche, l'égalitarisme ou l'égalité,
00:03:01 la religion de l'égalité, dans votre livre,
00:03:04 explique tous les malheurs qui nous arrivent.
00:03:07 C'est la clé de nos difficultés actuelles,
00:03:10 et vous allez nous le démontrer tout au long de cette émission.
00:03:14 Alors, on avait essayé avec le communisme.
00:03:17 À quel prix ?
00:03:19 100 millions de morts.
00:03:20 Ouais.
00:03:21 100 millions de morts, oui.
00:03:22 Le communisme, les crimes du communisme, on ne le dit jamais assez,
00:03:26 sont en fait des crimes de l'égalité.
00:03:28 C'est à la recherche d'une égalité toujours plus grande,
00:03:31 toujours plus complète, que le communisme s'est acharné à se polier,
00:03:36 à prendre, à tuer des gens pour établir une société sans propriété.
00:03:44 Et évidemment, pour vivre dans ce rêve,
00:03:49 parce qu'au fond, le problème de la gnose et du millénarisme,
00:03:52 qui sont à l'origine de la religion de l'humanité,
00:03:55 qui sont des hérésies,
00:03:56 le problème de cette pensée gnostico-millénariste,
00:04:00 c'est qu'elle, sa base, c'est qu'on doit refuser la réalité
00:04:04 et s'inscrire dans un monde rêvé,
00:04:05 et essayer de mettre en œuvre ce monde rêvé.
00:04:08 Et pour mettre en œuvre ce monde rêvé, on refuse le monde tel qu'il est.
00:04:13 – Oui, mais alors il faut passer par le cauchemar.
00:04:15 – Et comme le monde tel qu'il est ne réagit pas comme ça,
00:04:17 comme s'y attend le réformateur gnostico-millénariste,
00:04:21 eh bien celui-ci se fâche et à ce moment-là, il tue.
00:04:25 – Il tue ? – Il tue.
00:04:26 – Et donc le rêve devient cauchemar.
00:04:27 – Et le rêve devient enfer, le paradis devient enfer.
00:04:30 Le paradis sur la terre, on nous présente à chaque fois le paradis sur la terre,
00:04:33 et le paradis, ça n'a pas commencé avec le communisme du XXème siècle.
00:04:39 Toutes les fois qu'il y a eu des tendances,
00:04:41 des tentatives communistes à travers l'Histoire,
00:04:43 le paradis qu'on annonçait s'est transformé en enfer.
00:04:45 Ça a été le cas à Münzer par exemple.
00:04:48 – Thomas Münzer, c'était une commentaire.
00:04:50 – Thomas Münzer, "La guerre des paysans" et les anabaptistes de Münzer.
00:04:54 – Oui, mais il y a eu d'autres cas que vous citez dans le livre.
00:04:57 Il y a eu en Angleterre les Lolloths, qui ont fait la même chose.
00:05:01 – Exactement.
00:05:02 – Et puis tout ça remonte un petit peu à un personnage quand même du XIVème siècle,
00:05:07 sauf erreur, c'est Joachim de Fiore.
00:05:10 – XIIème, pardon.
00:05:12 – XIIème, qui rêve justement ce monde d'égalité,
00:05:19 ce salut Ichttnoug sur Terre.
00:05:21 – Chez Joachim de Fiore, on a effectivement…
00:05:27 Alors, ce qui est important chez lui surtout,
00:05:31 c'est que c'est le nœud, il combine les deux hérésies,
00:05:35 du millénarisme et de l'agnose.
00:05:38 Alors le millénarisme, c'est le rêve du paradis sur la Terre,
00:05:42 du paradis matériel, du paradis concret sur la Terre.
00:05:45 L'agnose est une autre hérésie qui consiste à nier la réalité,
00:05:54 à considérer que la matière est le mal,
00:05:58 à rechercher le salut uniquement par l'esprit,
00:06:00 et a priori ces hérésies sont antagonistes, complètement antagonistes.
00:06:04 Mais avec Joachim de Fiore, elles se rejoignent
00:06:07 et leur combinaison va donner la religion de l'humanité.
00:06:09 Elle va d'abord redonner un progressisme religieux,
00:06:12 c'est-à-dire le salut par le troisième âge, l'âge de l'esprit.
00:06:16 Et puis cette idée d'un salut de type religieux va se transformer,
00:06:22 avec la sécularisation de la pensée occidentale,
00:06:26 va se transformer en un salut purement terrestre.
00:06:29 – On trouve ça chez Auguste de Comte au fond, les trois âges de la pensée.
00:06:33 – Tout à fait, c'est les trois âges, absolument, c'est tout à fait ça.
00:06:35 – C'est du Joachim de Fiore,
00:06:38 presque toute la pensée occidentale sort de Joachim de Fiore.
00:06:42 Sa théorie des trois âges a été jusqu'à Marx
00:06:48 le schéma fondamental de la pensée occidentale,
00:06:50 réformiste et progressiste.
00:06:52 Et même Marx lui-même s'inscrit dans ce processus et dans cette logique.
00:06:57 – Parce qu'il y a une eschatologie,
00:06:59 une attente de la société idéale chez Marx.
00:07:02 Donc nous sommes encore dans un contexte religieux finalement.
00:07:05 – Exactement.
00:07:06 Et l'idée que c'est une mécanique inexorable
00:07:09 qui va aboutir à la rédemption de l'humanité vient d'Agnose.
00:07:13 Ça c'est Gnostique.
00:07:15 – Et alors, contrairement à ce qu'on pense,
00:07:17 habitué comme nous le sommes à la guerre froide,
00:07:19 opposition entre le communisme et l'Amérique,
00:07:23 l'Amérique est profondément atteinte par ces formes gnostico-millénaristes.
00:07:30 – Alors en deux temps vous dites, il y a le premier temps puritain.
00:07:35 Expliquez-nous ça un petit peu.
00:07:38 – Au tout début, les États-Unis, les colons,
00:07:43 les puritains qui sont allés s'installer aux États-Unis,
00:07:47 ils pouvaient se diriger vers le communisme.
00:07:50 Il y a eu des tentatives.
00:07:52 – Oui.
00:07:52 – Il y a eu des tentatives communistes,
00:07:53 c'était assez la logique gnostico-millénariste de ces puritains.
00:07:57 Et puis ces tentatives ont échoué et finalement la pensée puritaine
00:08:02 s'est orientée plutôt vers la démocratie que vers le communisme.
00:08:06 Mais néanmoins avec le même esprit millénariste,
00:08:10 avec le même esprit qu'on allait accomplir sur la Terre
00:08:13 et créer sur la Terre le royaume de Dieu.
00:08:15 Alors le royaume de Dieu,
00:08:17 et traditionnellement pour la pensée hérétique européenne,
00:08:20 c'était le communisme.
00:08:22 – Oui.
00:08:22 – Et là, le royaume de Dieu c'est devenu la démocratie.
00:08:25 Mais avec à chaque fois cette nature profondément religieuse.
00:08:30 – Et aussi la caution divine qui est accordée à ceux qui réussissent
00:08:35 et qui ont la richesse.
00:08:36 – Absolument.
00:08:37 – L'élection divine en quelque sorte.
00:08:39 – C'est le royaume de Dieu.
00:08:40 – Voilà.
00:08:40 – C'est le royaume de Dieu.
00:08:42 Et dans le millénarisme, il y avait même l'idée
00:08:44 qu'en créant le royaume de Dieu, Dieu allait venir s'installer,
00:08:46 le Christ allait venir s'installer et régner mille ans.
00:08:49 – Oh, et s'installer en Amérique de préférence.
00:08:51 – Et ça c'est bon.
00:08:53 Je pense que les Américains sont persuadés qu'il est là.
00:08:56 – Oui.
00:08:56 – Pour les protéger, et c'est très bien pour eux d'ailleurs.
00:09:00 Mais, si vous voulez, ce qui est clair aussi,
00:09:03 c'est que dans cette logique religieuse de la démocratie
00:09:07 et donc de l'esprit d'égalité,
00:09:10 tous les mots en matière, par exemple, en manière scolaire,
00:09:13 l'égalitarisme scolaire,
00:09:15 ils trouvent en France ses racines dans les années 1960
00:09:20 avec des gens comme Bourdieu et avec le pédagogisme.
00:09:23 – Oui.
00:09:23 – Mais on en trouve des traces aux États-Unis dès les années 1860.
00:09:27 – Ah oui, c'est très ancien.
00:09:28 – Dès les années 1860, parce que, d'ailleurs, Anna Arendt l'explique bien,
00:09:33 l'esprit de la démocratie,
00:09:35 l'esprit de la démocratie c'est que personne ne soit supérieur à personne.
00:09:38 – Eh oui.
00:09:38 – Donc il ne peut pas y avoir de bons élèves et de mauvais élèves.
00:09:41 – Ah !
00:09:42 – Et ça, c'est l'école américaine avant l'école française.
00:09:45 – Oui, mais enfin, l'école américaine a su résister
00:09:47 au moins jusqu'aux années 60 quand même à cette tendance perverse.
00:09:51 – Elle a… je pense, je ne suis pas un spécialiste de l'histoire de l'éducation aux États-Unis,
00:09:59 mais je pense que dès les années 50, aux États-Unis, l'école…
00:10:02 alors les universités c'était autre chose.
00:10:04 – Oui.
00:10:05 – Mais la formation générale de l'ensemble de la jeunesse était devenue médiocre,
00:10:09 vraiment médiocre, avec ce refus justement, ce refus de la méritocratie.
00:10:14 Le grand problème, si vous voulez, le grand problème de l'égalité,
00:10:18 de l'idéologie égalitaire, c'est qu'au fond, elle refuse la méritocratie.
00:10:22 Et la méritocratie, dans toutes les civilisations du monde qui ont fait quelque chose,
00:10:27 ça a été à chaque fois grâce à la méritocratie.
00:10:31 Eh bien, au nom de l'idée d'égalité, de l'idée démocratique de l'égalité,
00:10:35 les Américains ont cassé la méritocratie de leur système scolaire.
00:10:39 – Oui, parce qu'il y avait quand même cette dimension à l'origine.
00:10:43 Et tout, le self-made man, c'est un méritocrate.
00:10:46 – La société américaine est méritocratique.
00:10:48 – Voilà.
00:10:49 – Mais l'école américaine, justement à cause de ces ferments égalitaires
00:10:56 qui traînent dans la démocratie.
00:10:57 Alors la démocratie a permis le rêve américain, le self-made man,
00:11:02 mais la démocratie également a tué la qualité de l'école.
00:11:06 Je ne parle pas des universités qui interviennent très tard
00:11:09 et pour lesquelles il peut y avoir une réelle sélection.
00:11:11 Mais dans le cadre de l'école américaine, il y a un ferment égalitaire
00:11:16 qui l'a corrompu pas mal, dès les années 1860,
00:11:21 et vous voyez, déjà dans les années 1950,
00:11:23 un rêve considérait que l'école américaine marchait mal.
00:11:26 – Ah oui, dès les années 1860.
00:11:27 – À cause de l'esprit d'égalité.
00:11:28 – Et alors maintenant, ça a gagné de la diversité.
00:11:30 – Ça a gagné de la diversité et ça a empiré.
00:11:33 Parce que s'y sont ajoutés les problèmes ratiaux.
00:11:36 – Oui, alors vous racontez l'histoire de ces minorités noires
00:11:41 à qui on veut enseigner Goethe, Schiller, Shakespeare et Stendhal par exemple,
00:11:49 et qui vont voir le président de l'université et qui disent
00:11:52 "We are tired of your shit".
00:11:54 – Yes, tout à fait.
00:11:55 C'est ce qui s'est passé dans les années 80 à Stanford
00:12:00 lorsque les minorités noires…
00:12:02 C'est un journal étudiant qui a écrit ce texte "We are tired of your shit".
00:12:06 Et le pasteur Jesse Jackson est venu avec 500 manifestants pour les soutenir.
00:12:13 Et du coup, on a supprimé le cours de culture générale.
00:12:16 Parce que le cours de culture générale, à leurs yeux, était vicié,
00:12:20 étant donné que les auteurs enseignés étaient des Blancs.
00:12:23 – Voilà.
00:12:23 – Des Blancs morts, des vieux morts.
00:12:25 – Il a dit "They are all old white males".
00:12:28 – "White males".
00:12:30 – Oui, c'est redoutable parce que du coup,
00:12:32 on privait les Afro-Américains justement de l'accès à la culture.
00:12:36 – Oui, exactement.
00:12:38 De la même façon qu'actuellement avec le wokisme,
00:12:40 et c'est un universitaire noir américain qui l'a mis en évidence.
00:12:44 – Ah oui, de policité.
00:12:46 – Dans la mesure où on considère que l'enseignement des mathématiques
00:12:51 et l'exigence d'un bon niveau en mathématiques
00:12:54 est au fond une forme de privilège blanc, de suprématie blanche.
00:12:57 À ce moment-là, il ne faut pas exiger les petits Noirs.
00:13:00 Et du coup, les petits Noirs n'apprennent pas les mathématiques.
00:13:02 Et cet universitaire noir américain dit qu'on est en train de commettre
00:13:06 à l'égard des élèves noirs américains,
00:13:09 des enfants noirs américains au nom du wokisme,
00:13:11 – C'est criminel.
00:13:12 – Un sacrifice humain.
00:13:13 – Voilà.
00:13:13 – On les prive de ce que Balzac appelait le pain de l'esprit.
00:13:17 – Le pain de l'esprit, oui.
00:13:18 Mais comment est-ce qu'on peut considérer
00:13:20 que les mathématiques puissent être un privilège blanc ?
00:13:25 – Tout simplement parce que empiriquement,
00:13:28 ils constatent que dans les classes telles qu'elles fonctionnent actuellement,
00:13:31 les enfants blancs doivent réussir mieux que les enfants noirs.
00:13:35 Et d'ailleurs, les Asiatiques réussissent encore mieux que les enfants blancs.
00:13:38 – Oui, absolument.
00:13:39 – Donc, dès l'instant que les résultats sont inégaux parmi les publics,
00:13:43 on décrète que c'est un privilège raciste que d'être bon en mathématiques.
00:13:47 Donc, il ne faut pas demander.
00:13:48 On leur demande, à ces pauvres enfants,
00:13:50 on leur demande d'avoir un ressenti sur les mathématiques.
00:13:53 Des choses comme ça.
00:13:54 – Et cet universitaire noir, dont vous avez dû trouver le nom ici.
00:13:59 – J'en oublie le nom, mais il y en a un autre qui s'est distingué aussi.
00:14:04 C'est Thomas Sowell.
00:14:05 – Ah oui, Thomas Sowell.
00:14:06 – Qui est un afro-américain, universitaire noir,
00:14:09 qui dénonce aussi ce wokeisme,
00:14:11 en ce qu'il détruit la capacité de la réflexion
00:14:15 des jeunes Américains qui soient noirs ou blancs.
00:14:16 – Et il ajoute également que l'idée égalitaire et le wokeisme, etc.
00:14:20 a détruit même la famille noire américaine.
00:14:23 – Oui, qui est très éclatée.
00:14:25 – Thomas Sowell accuse vraiment l'esprit égalitaire
00:14:29 appliqué aux Noirs,
00:14:30 appliqué par des dirigeants blancs progressistes aux Noirs.
00:14:35 Il l'accuse d'avoir brisé la famille noire américaine.
00:14:40 – Alors, ce wokeisme, donc, l'égalité responsable du wokeisme
00:14:44 est dans sa racine donc un égalitarisme.
00:14:47 Parce qu'évidemment, il va dénoncer,
00:14:49 il faut être réveillé à tout ce qui fait la différence.
00:14:52 C'est ça, le wokeisme ?
00:14:53 Il faut être réveillé aux discriminations,
00:14:56 aux inégalités de traitement.
00:14:58 Et automatiquement, on cherche, on soupçonne,
00:15:04 c'est un peu du Nietzschéisme prolongé,
00:15:06 c'est une philosophie du soupçon.
00:15:08 Derrière toute situation, il y a forcément quelque part
00:15:10 une rupture d'égalité frauduleuse.
00:15:13 Et on cherche ces ruptures d'égalité,
00:15:14 et on cherche à punir,
00:15:16 on cherche à valoriser ceux qui ont censé en avoir été victimes,
00:15:20 et on cherche à punir ceux qui sont censés
00:15:22 en avoir été les coupables.
00:15:23 – Donc on va faire ce qu'on appelle aux États-Unis
00:15:25 "affirmative action".
00:15:26 – Absolument.
00:15:27 – Et en France, c'est la discrimination positive.
00:15:31 Vous citez le cas tout à fait absolument hallucinant
00:15:35 du lycée Condorcet.
00:15:37 Le lycée Condorcet n'a pris en prépa, classe préparatoire…
00:15:41 – N'a pris en second cycle, je crois.
00:15:44 – En second cycle, oui.
00:15:45 – À partir de la seconde, que des extérieurs.
00:15:48 – Que des extérieurs, tous venus de banlieue.
00:15:52 Mais cette discrimination positive est nocive,
00:15:56 me semble-t-il, pour l'ensemble de l'intelligence,
00:16:00 que l'on soit d'origine immigrée ou que l'on soit d'origine française,
00:16:04 de souche, comme l'on dit.
00:16:05 – Bien sûr.
00:16:05 – C'est un désastre.
00:16:07 Et d'ailleurs, on vous le dit, c'est pour l'heure en tout cas,
00:16:10 la destruction des peuples bords par l'égalitarisme.
00:16:14 – Absolument.
00:16:14 Alors ça, on a détruit…
00:16:16 Si vous voulez, au fond, l'idée de ce livre en général,
00:16:19 c'est qu'à partir du moment où on est dans une société de sécurité,
00:16:23 ce qui me paraît être la base, et de liberté,
00:16:25 ce qui me paraît être les deux piliers d'une société bonne,
00:16:29 à partir du moment où on est dans une société
00:16:30 qui est à la fois une société de sécurité et de liberté,
00:16:33 la recherche de l'égalité sera forcément,
00:16:36 ou presque forcément, une mauvaise chose.
00:16:38 Parce que précisément, parce que l'égalité n'est pas le bien commun.
00:16:44 Le bien commun, ça consiste à avoir de la sécurité, de la liberté,
00:16:49 à avoir du bien-être matériel et moral, à avoir de la prospérité,
00:16:54 à avoir de la richesse intellectuelle et artistique,
00:16:57 et à avoir une continuité démographique.
00:17:00 Une société qui se reproduit dans le temps.
00:17:02 Et c'est ça.
00:17:03 Or, la recherche de l'égalité casse tout ça.
00:17:06 C'est ça le drame.
00:17:07 C'est que la recherche de l'égalité détruit.
00:17:09 Elle détruit la sécurité, elle détruit la liberté,
00:17:12 elle détruit la transmission des savoirs,
00:17:14 elle détruit la continuité démographique,
00:17:17 et elle détruit la richesse culturelle et intellectuelle.
00:17:20 C'est ça qui est terrible.
00:17:21 – Alors, nous allons y venir,
00:17:24 mais vous avez bien conscience, Jean-Louis Harwell,
00:17:27 que vous êtes un iconoclaste,
00:17:30 que vous proférez là votre considération.
00:17:33 – Je suis simplement un humble travailleur de l'esprit
00:17:37 qui s'attache à collecter des informations,
00:17:40 à les assembler, à réfléchir sur elles
00:17:42 et à voir ce qu'on peut en déduire comme réalité.
00:17:46 Je suis vraiment un disciple de Jean Faurassier
00:17:49 qui donnait des leçons de recherche du réel,
00:17:54 recherchit la réalité.
00:17:55 Et il disait toujours qu'il fallait se méfier de la rationalité pure.
00:18:00 Et il citait, il prenait Hegel à contre-exemple.
00:18:05 Il inversait le propos de Hegel, le rationnel réel.
00:18:09 Il disait non, le rationnel n'est pas le réel.
00:18:11 – Voilà.
00:18:12 – Il cherche le réel.
00:18:13 – Alors vous avez cité Faurassier,
00:18:14 ça va nous amener à votre deuxième grand chapitre
00:18:18 sur le problème de la richesse et de la pauvreté.
00:18:20 Parce qu'encore une fois,
00:18:22 vous parlez de l'innocence de la pauvreté.
00:18:26 C'est-à-dire que nos contemporains sont assoiffés d'égalité,
00:18:31 ils voient la richesse des oligarques,
00:18:33 ils voient la richesse des grandes fortunes
00:18:36 et se disent quelque part que les inégalités se creusent
00:18:43 parce qu'il y a plus de pauvres.
00:18:45 Il semblerait qu'il y ait 11 millions de pauvres en France,
00:18:48 ça se détermine à partir d'un salaire médian.
00:18:51 Bon, tout ça est connu.
00:18:52 Et donc, il faut rétablir l'égalité.
00:18:56 Sauf que vous allez nous démontrer, dans ce même chapitre,
00:19:00 que l'origine de la pauvreté, depuis les années 80-90,
00:19:07 en France, réside dans le libre-échange.
00:19:12 Alors là, je pense que c'est tout à fait original de votre part,
00:19:16 parce qu'on perçoit le libre-échange généralement
00:19:18 comme une mesure choisie par les libéraux
00:19:22 parce que c'est moins cher et c'est mieux ailleurs.
00:19:24 Mais c'est une forme d'égalitarisme très poussée.
00:19:28 Alors là, j'aimerais que vous développiez ça.
00:19:29 Absolument, c'est une forme d'égalitarisme parce que
00:19:32 le libre-échange, justement, tourne le dos à la réalité.
00:19:35 Il tourne le dos à la réalité, il ne prend pas en considération
00:19:39 le fait que les coûts de production sont différents selon les pays,
00:19:42 que les niveaux de vie sont différents selon les pays.
00:19:45 Il établit une égalité, il met à égalité tous les travailleurs du monde,
00:19:48 une égalité en concurrence dans tous les domaines de la production.
00:19:53 Résultat, la production à capacité technique égale,
00:19:57 la production s'en va vers les pays où les coûts de production,
00:20:01 les niveaux de vie et donc les coûts de production sont les moins élevés.
00:20:03 Et donc c'est vraiment de l'égalitarisme, c'est vraiment de l'idéologie,
00:20:07 c'est vraiment un refus de prise en compte de la réalité au nom d'une religion.
00:20:11 Et en ça, le libéralisme, qui a de très bons aspects,
00:20:14 le libéralisme devient dangereux quand il fonctionne comme une religion.
00:20:18 Et d'ailleurs, même les pères du libéralisme, même un Adam Smith,
00:20:21 ils ne considéraient pas que le libre-échange
00:20:24 était forcément toujours un bien.
00:20:27 Et il envisageait le protectionnisme comme nécessaire dans certains cas.
00:20:31 Il disait que quand l'industrie nationale, il fonctionnait en termes de nations,
00:20:34 on a cassé, au nom de l'égalitarisme mondialisé,
00:20:40 on n'a plus que des individus à travers le monde,
00:20:43 les nations, l'idéologie des droits de l'homme nie leur existence,
00:20:48 on n'a plus que des individus qui sont tous en concurrence les uns avec les autres,
00:20:51 qui sont censés former une immense fraternité, mais qui en réalité forment une jungle.
00:20:56 Et on les met égalitairement en concurrence Adam Smith,
00:21:01 mais il était encore dans la logique des nations.
00:21:03 Et il pensait que la liberté économique
00:21:07 allait profiter à l'industrie nationale et à la richesse nationale.
00:21:11 Et il disait que lorsque dans une nation,
00:21:13 eh bien, il y a un impôt qui pèse sur la production
00:21:16 et qui rend la production plus élevée que dans le pays concurrent,
00:21:18 il faut un droit de douane.
00:21:20 Et pourtant, c'est un des pères fondateurs du libéralisme.
00:21:24 C'était un homme qui voyait la réalité.
00:21:27 Et de la même façon, il était partisan des actes de navigation.
00:21:30 – Voilà.
00:21:31 – Des actes de navigation qui créent un monopole à l'égal des bateaux en relais
00:21:34 pour le transport des marches ordinaires.
00:21:36 Pourquoi est-ce qu'il était favorable aux actes de navigation ?
00:21:40 Eh bien, parce que c'était un écossais,
00:21:42 et qu'il voyait très bien qu'en un demi-siècle,
00:21:45 en un demi-siècle, à peu près,
00:21:48 le port d'Édimbourg était devenu une ville extrêmement marchande,
00:21:52 puissante, grasse et riche grâce aux actes de navigation.
00:21:56 – Oui.
00:21:56 – Et il savait très bien que la suppression des actes de navigation
00:21:59 aurait ruiné Édimbourg.
00:22:01 – Voilà.
00:22:01 – Donc c'était un réaliste.
00:22:02 – Et parce qu'il voyait aussi la montée en puissance des littéraux français
00:22:06 qui, sous le règne de Louis XV et Louis XVI,
00:22:08 commençaient une ascension maritime qui a été cassée par la Révolution.
00:22:12 Quand on pense à Napoléon,
00:22:13 Napoléon, où est-ce qu'il sent ses conquêtes ?
00:22:16 À l'est des territoires.
00:22:17 Alors que potentiellement, les monarques
00:22:20 avaient déjà orienté une partie de l'économie vers les littéraux.
00:22:24 Il faudra attendre 1960 pour que l'on développe les ports français,
00:22:30 qu'on développe le… bon.
00:22:31 Mais souvent, justement, au bénéfice de la délocalisation.
00:22:35 Et en vous écoutant, je pensais à la Chine,
00:22:38 puisque c'est la principale bénéficiaire.
00:22:41 Et je me disais aussi qu'en vous écoutant,
00:22:43 si on envoyait le wokisme en Chine,
00:22:47 ça abaisserait la méritocratie chinoise.
00:22:50 Parce que la Chine a tous les défauts que l'on veut,
00:22:53 mais on sait que c'est une méritocratie.
00:22:55 – C'est une immense…
00:22:57 C'est la première historiquement des méritocraties.
00:23:00 – Eh oui.
00:23:00 – Avec les concours des grands darino.
00:23:02 – Des grands darino.
00:23:03 – C'est la première méritocratie du monde, la plus ancienne.
00:23:06 – Et alors que si on leur envoie le wokisme,
00:23:08 ils vont baisser leur niveau de compétence.
00:23:10 – Certainement.
00:23:11 – Mais je crois que le wokisme n'est pas prédit mort.
00:23:14 – Ah ben non.
00:23:14 – Les dirigeants chinois, d'ailleurs les dirigeants chinois,
00:23:19 sont tellement conscients du fait que l'égalité détruit les nations
00:23:24 et les civilisations, que les dirigeants chinois
00:23:26 sont en train de remettre en cause le salut,
00:23:30 l'égalité professionnel homme-femme,
00:23:32 qui est une des bases de notre idéologie.
00:23:37 Et ils commencent à susurrer qu'on pourrait peut-être
00:23:40 faire revenir un peu les femmes à la maison.
00:23:42 – C'est redoutable, redoutable.
00:23:44 – Pour faire des enfants.
00:23:45 – Oui, évidemment tout ça c'est très très mal pensé
00:23:50 au regard de la pensée dominante.
00:23:52 Alors ce deuxième chapitre fait un rappel historique
00:23:56 sur le fait que les peuples ont toujours vécu dans la pauvreté, la misère,
00:24:02 que l'agriculture était la base principale,
00:24:06 mais qu'il y avait une population qui vivait de la honte.
00:24:09 Ce sont les seigneurs, et ce sont eux qui créent évidemment les arts,
00:24:16 les lettres, les sciences.
00:24:17 – La science et la science aussi.
00:24:19 – La science avait bien fait.
00:24:20 – Ce qui fait que historiquement le sort des arts, des lettres et de la science
00:24:23 était lié à l'existence de l'inégalité.
00:24:27 S'il avait fallu que des gens comme, pour remonter à l'Antiquité grecque,
00:24:32 comme Pythagore ou comme Thalès,
00:24:35 soient à travailler au champ à partir de 7 ans,
00:24:37 jusqu'à leur mort qui avait toute chance de se produire vers l'âge de 30 ou 40 ans,
00:24:42 eh bien il n'y aurait jamais eu…
00:24:44 – Le théorème de Thalès.
00:24:45 – Rien de tout cela.
00:24:47 Il n'y aurait jamais eu Archimède, il n'y aurait jamais eu Platon,
00:24:49 il n'y aurait jamais eu Aristote,
00:24:50 et d'ailleurs il n'y aurait jamais eu non plus la démocratie grecque.
00:24:53 – Non plus, bien sûr.
00:24:54 Et sous le règne de Louis XV, on n'aurait pas eu Robert Waal,
00:24:59 on n'aurait pas eu Lavoisier,
00:25:02 parce qu'évidemment ils profitaient de l'inégalité.
00:25:05 – L'osium est indispensable à la vie de l'esprit.
00:25:12 Et sans une inégalité qui met un certain nombre d'êtres humains
00:25:20 en situation de liberté de leur temps,
00:25:23 et avec si possible des moyens matériels,
00:25:25 eh bien il ne peut pas y avoir de développement de la vie de l'esprit.
00:25:30 Alors il y aura quand même ce qu'on appelle faussement le ruissellement.
00:25:36 C'est-à-dire que ce ruissellement va bénéficier non pas à ceux
00:25:39 dont est tirée la ressource, mais à toute cette population d'artisans,
00:25:43 d'artistes qui vont construire des châteaux,
00:25:46 qui vont bénéficier de cette richesse.
00:25:50 – Et qui n'auraient pas pu survivre dans la société
00:25:53 parce qu'il n'y avait pas de place pour eux pour cultiver le sol.
00:25:56 – Oui.
00:25:57 – Si tous ces êtres-là avaient dû vivre en l'absence de richesse,
00:26:08 en l'absence d'inégalité, en l'absence de gens qui les emploient,
00:26:12 de très riches qui les emploient,
00:26:13 ils n'auraient pas trouvé à s'employer à la terre
00:26:15 parce que la terre était pleine.
00:26:16 – Oui c'est ça, elle était saturée avec une très faible productivité
00:26:20 et plus la productivité est faible, plus il y a d'hommes.
00:26:22 Et plus on met, par exemple, sur un hectare de blé cultivé à l'ancienne
00:26:30 qui peut être cultivé par 5 personnes si on en met 10,
00:26:33 on n'aura pas deux fois plus de blé.
00:26:34 – Bien sûr.
00:26:35 – Mais on aura des rations plus faibles.
00:26:36 – Voilà, exactement.
00:26:38 Et alors, vous montrez, évidemment, tout au long de cette histoire,
00:26:42 que dès lors que des grandes épidémies se produisent,
00:26:47 eh bien, ceux qui survivent vivent mieux après.
00:26:50 – Oui, c'est terrible.
00:26:52 – C'est une réalité atroce mais en Europe, par exemple,
00:26:59 à partir du milieu du 14ème siècle et pendant deux siècles,
00:27:03 avec la peste noire, le nombre des humains a chuté sur les endroits jusqu'à 50%.
00:27:07 – Oui, c'est ça.
00:27:08 – Eh bien, les survivants, c'est une obsession de la mort,
00:27:11 on vit au milieu de la mort, c'est le temps des danses macabres.
00:27:14 Eh bien, en même temps, les survivants ont eu une vie heureuse,
00:27:19 une vie matérielle heureuse, on ne cultivait que les meilleures terres.
00:27:22 – Voilà.
00:27:23 – Et les travailleurs étaient peu nombreux,
00:27:28 ceux qui s'estimaient suffisamment rétribués se faisaient concéder
00:27:32 par un propriétaire qui ne trouvait pas à faire cultiver ses terres,
00:27:36 se faisaient concéder à une terre un tout petit peu moins productive
00:27:40 que les toutes meilleures terres et ils vivaient très bien.
00:27:42 – Oui.
00:27:42 – Et de ce fait, les niveaux de vie étaient élevés,
00:27:46 les rations alimentaires étaient abondantes,
00:27:49 la consommation alimentaire se diversifiait,
00:27:52 au lieu d'être obligé de vivre pauvrement,
00:27:54 de mourir de faim quasiment avec des céréales et uniquement des céréales,
00:27:59 on vivait matériellement de manière abondante avec des céréales,
00:28:03 des légumes, de la viande et des laitages.
00:28:05 – Eh oui.
00:28:06 – On a pu développer l'élevage.
00:28:07 – Cyniquement, on aurait pu dire "vive les épidémies"
00:28:10 mais on ne le pense pas, ni vous ni moi, mais c'est la loi historique, malheureusement.
00:28:15 Alors, nous allons faire une pause et nous allons aborder justement
00:28:19 le moment où les choses changent, non pas en termes d'égalité ou d'inégalité
00:28:23 mais au moment où le progrès technique va permettre justement
00:28:27 de formidables progrès en matière de subsistance,
00:28:32 c'est-à-dire la révolution industrielle en Europe occidentale.
00:28:35 [Générique]
00:28:39 Alors Jean-Louis Harwell, les mensonges de l'égalité,
00:28:42 ce mal qui ronge la France et l'Occident.
00:28:45 Vous montrez dans les histoires économiques récentes
00:28:50 que la spoliation des riches ne permet pas d'élever le niveau de vie d'une population.
00:28:56 Pourquoi ?
00:28:57 – Parce que le niveau de vie d'une population
00:29:00 repose sur la production de cette population.
00:29:03 On ne peut consommer que ce qu'on produit.
00:29:05 Et la spoliation des riches, par exemple si dans une société agricole,
00:29:14 ancienne, on avait supprimé les richesses de la résocratie,
00:29:20 la production de blé n'aurait pas été augmentée.
00:29:24 Et si on avait redistribué les richesses à la population,
00:29:28 et bien là, simplement, comme les gens auraient eu de l'argent,
00:29:33 mais la quantité de blé aurait été la même,
00:29:36 donc on n'aurait pas mangé plus de blé, mais le prix du blé aurait doublé.
00:29:39 C'est tout.
00:29:40 – Ah oui, et bien voilà, parce que la demande était…
00:29:42 – On bute toujours sur cette réalité du revenu moyen.
00:29:47 Dans une société avec l'égalité, on peut jouer autour du revenu moyen,
00:29:52 mais on ne dépassera jamais, pour l'ensemble de la population, le revenu moyen.
00:29:56 – Par définition.
00:29:57 – Et par exemple, si on avait en 1843 égalisé le revenu de tous les Français,
00:30:05 on aurait eu le revenu du manœuvre de province.
00:30:08 – Ben voilà.
00:30:09 – Alors que l'évolution, et on va y revenir,
00:30:14 a permis une multiplication par 10 de ce revenu moyen.
00:30:18 – Voilà.
00:30:19 Alors, le revenu moyen du manœuvre de province,
00:30:22 c'est un critère que vous tirez de Jean Faurasti.
00:30:24 – Que je tire de Jean Faurasti.
00:30:26 – Et vous vous appuyez pour le deuxième chapitre sur toute l'histoire économique
00:30:30 telle qu'elle est analysée par cet auteur magistral,
00:30:34 qu'on oublie un petit peu aujourd'hui.
00:30:37 On se souvient de lui comme l'auteur des "30 Glorieuses", bien sûr,
00:30:40 la formule qui désigne la croissance de 1945 à 1975.
00:30:44 – On parle également de lui dans les manuels scolaires à propos des trois secteurs.
00:30:47 – Oui, ça, primaire, secondaire, tertiaire, oui, c'est tout.
00:30:51 Or, son œuvre est bien supérieure à tout ce que l'on en sait,
00:30:55 car c'est un auteur très très riche.
00:30:57 – C'est une œuvre immense.
00:31:00 – Inconsidérable, avec des intuitions essentielles, fondamentales.
00:31:04 Alors, la malédiction de la pauvreté est finalement vaincue par le développement.
00:31:08 C'est le progrès technique des savants de la période précédente, quand même.
00:31:15 – Oui, c'est le progrès technique de l'Occident.
00:31:18 L'Europe occidentale a inventé le progrès technique.
00:31:24 Elle a inventé le progrès technique, et ça n'a pas…
00:31:27 ça ne s'est pas fait en…
00:31:28 On pense bien sûr à la révolution industrielle
00:31:31 qui commence en Angleterre au XVIIe siècle.
00:31:34 Mais il y a des racines encore plus anciennes.
00:31:37 À travers tout le Moyen-Âge, il y a des développements,
00:31:40 une augmentation de la productivité, des inventions,
00:31:43 comme l'horloge mécanique qui permet d'acquérir la maîtrise du temps.
00:31:49 On commence à avoir la notion de productivité
00:31:54 dans un délai donné et quantifiable.
00:31:58 – La cloche du monastère qui sonne toutes les heures
00:32:02 permet évidemment aux travailleurs de savoir qu'il a travaillé une heure
00:32:06 et aux patrons de le payer pour une heure.
00:32:09 Une faible paye, nous sommes bien d'accord.
00:32:12 Mais nous avons la mesure du temps.
00:32:14 C'est essentiel, n'est-ce pas ?
00:32:15 – Exactement.
00:32:16 Et ce sont les progrès de la production
00:32:21 qui ont permis l'enrichissement des populations.
00:32:23 Parce qu'on oublie toujours que le mot "pauvre" vient du latin "pauper".
00:32:28 Le latin "pauper" signifie "celui qui produit peu".
00:32:31 Quand on produit peu, on mange peu.
00:32:33 Quand on produit beaucoup, on a une vie plus agréable,
00:32:37 plus aisée, plus facile et plus abondante.
00:32:40 Et on a produit davantage grâce aux progrès techniques
00:32:45 qui… les effets sont prodigieux.
00:32:49 Au 18ème siècle, un manœuvre devait travailler deux heures
00:32:52 – Pour un kilo de pain.
00:32:53 – Pour un kilo de pain.
00:32:54 En 1976, c'était entre une et deux minutes.
00:32:58 – Oui, c'est ça.
00:32:58 – D'ailleurs, c'était devenu tellement peu qu'on a supprimé le pain au kilo.
00:33:02 – Oui, bien sûr.
00:33:02 – Parce que ça ne rapportait plus au boulanger.
00:33:04 – Bien sûr, on vendait un produit, une baguette.
00:33:09 Et alors, on a fait monter ensuite le prix du pain
00:33:11 en augmentant ses variétés, ses quantités.
00:33:14 – En y mettant des noix, des pistaches, du sésame, du sarrasin, etc.
00:33:19 Mais le pain tel que le pain brut, le pain simple,
00:33:24 tel que le peuple l'a mangé et qui a été pendant des millénaires,
00:33:28 eh bien, on a arrêté de le produire en 1976 parce que ce n'était plus assez rentable.
00:33:31 C'était trop peu coûteux à produire.
00:33:34 Et donc, la marge sur un pain devenu si bon marché n'existait plus.
00:33:39 Donc, tous les boulangers auraient dû fermer.
00:33:40 – Et je crois me souvenir même que le prix du pain avait été,
00:33:45 quelque peu, contrôlé par l'État jusqu'à cette date à peu près.
00:33:48 N'est-ce pas ?
00:33:49 – Oui, parce que le prix du pain, il ne faut pas oublier quand même que le pain,
00:33:53 au 19ème siècle, l'objectif des socialistes, c'était le pain gratuit.
00:33:58 – Oui.
00:33:58 – Ce n'était pas la société d'abondance, c'était le pain gratuit.
00:34:02 Ce qui paraissait déjà l'abondance, le pain gratuit.
00:34:04 – Oui, bien sûr, bien sûr.
00:34:06 – Donc, c'était stratégique, le pain.
00:34:07 – Oui. Et donc, il a été, d'ailleurs, Bonaparte avait bien vu
00:34:12 que toutes les poussées populaires correspondaient à une hausse du prix du pain.
00:34:16 – Exactement.
00:34:17 – Et donc, c'est lui qui avait instauré le contrôle des prix
00:34:19 et c'est Raymond Barr qui l'a supprimé.
00:34:22 C'est quand même extraordinaire quand on y pense.
00:34:25 Alors, prix du pain, très important, mais on voit bien que les 30 glorieux se déploient
00:34:33 et au tournant des années 75-80, il se passe quelque chose
00:34:38 par rapport à cette soif de l'égalité.
00:34:43 On a l'impression que la pauvreté revient.
00:34:48 – La pauvreté revient, effectivement, mais ce n'est pas à cause de l'inégalité.
00:34:53 La société française est plus égalitaire actuellement qu'elle ne l'a été.
00:34:59 C'est à cause du fait qu'on ne produit plus assez.
00:35:02 Quand on regarde le produit intérieur brut de la France,
00:35:05 on se rend compte que la production de biens matériels
00:35:09 y occupe une place qui n'a cessé d'être décroissante.
00:35:14 En France, la consommation des Français est fondamentalement construite
00:35:18 à partir de produits qui sont importés.
00:35:21 Et même dans le domaine, la France a été la grande puissance agricole,
00:35:25 traditionnellement en Europe depuis un millénaire,
00:35:28 la France était la grande puissance agricole,
00:35:30 même dans le domaine agricole, la France n'est plus autosuffisante.
00:35:39 Les Français ne mangent plus, ne consomment plus ce qui a été produit en France.
00:35:43 Alors, là, il y a les effets des délocalisations et du libre-échange.
00:35:49 Bien sûr, pour l'industrie des délocalisations,
00:35:51 libre-échange pour l'agriculture,
00:35:53 la pomme polonaise coûte à produire 5 fois moins ou 6 fois moins que la pomme française.
00:35:58 – Et le cochon polonais, la même chose.
00:36:01 – Exactement.
00:36:02 Mais il y a aussi des phénomènes qui renforcent cet appauvrissement,
00:36:09 qui sont les phénomènes liés à l'écologisme.
00:36:12 Parce qu'évidemment, l'écologisme,
00:36:15 en cherchant une production qui soit moins productive,
00:36:20 en combattant le productivisme, automatiquement, il augmente les prix.
00:36:24 – Bien sûr.
00:36:24 – Il augmente les prix de la production.
00:36:26 Et de ce fait, l'agriculture française, plus elle se rapproche,
00:36:30 plus elle revient en arrière, parce qu'au fond, avec l'écologisme,
00:36:33 on revient en arrière.
00:36:34 Alors, sur le plan, je dirais que sur le plan de la civilisation esthétique et morale,
00:36:38 sur le plan de la qualité de vie, ce n'est pas antipathique.
00:36:41 – Oui, ça mérite.
00:36:42 – C'est très agréable d'avoir des vrais poulets fermiers produits à la ferme.
00:36:46 Mais s'il fallait que toute la France se nourrisse
00:36:48 avec des vrais poulets fermiers nourris à la ferme,
00:36:50 personne ne mangerait de poulet.
00:36:51 – Alors rassurez-vous, question poulet,
00:36:55 c'est que nous avons un accord privilégié avec l'Ukraine,
00:36:58 qui, comme vous le savez, est en guerre,
00:37:00 donc on importe massivement des poulets ukrainiens
00:37:03 qui font d'assez médiocres qualités, il faut bien le dire,
00:37:06 qui font concurrence à nos poulets.
00:37:09 Vous voyez que là aussi…
00:37:10 – Tout se conjugue pour faire que ce pays ne produise plus.
00:37:16 Alors, dans le produit intérieur brut,
00:37:19 on a l'impression que ce PIB, au fond, résiste quand même.
00:37:25 – Oui.
00:37:26 – Même si le PIB français a décroché par rapport à l'Allemagne,
00:37:30 on a l'impression qu'il résiste quand même,
00:37:32 mais en réalité, il résiste par des éléments
00:37:36 qui ne sont pas des éléments de vraie richesse, de richesse tangible,
00:37:40 des choses qui sont quantifiées dans le PIB,
00:37:43 qui sont quantifiées à des taux très élevés,
00:37:46 anormalement élevés par rapport à d'autres pays.
00:37:48 – Des artifices.
00:37:48 – Ou alors des choses qui sont très utiles,
00:37:51 qui ont très utile, mais qui ne peuvent pas créer de la richesse
00:37:53 parce que ça ne s'exporte pas.
00:37:55 Bon, l'assistance aux personnes âgées et tout ça,
00:37:59 c'est dans le PIB, c'est très utile, c'est indispensable.
00:38:01 – Bien sûr.
00:38:02 – Ça gonfle le PIB, mais ça ne s'exporte pas,
00:38:04 et ça s'inscrit dans un contexte d'appauvrissement.
00:38:09 Donc on est pauvre non pas à cause des inégalités,
00:38:11 on s'enfonce dans la pauvreté parce qu'on redescend dans le sous-développement,
00:38:15 parce que l'industrie a disparu,
00:38:17 parce que l'agriculture est de moins en moins productive,
00:38:20 et que de ce fait, la richesse nationale, elle décroît.
00:38:24 La production de richesses bien tangibles décroît.
00:38:30 – Et qu'on importe bien plus qu'on n'exporte.
00:38:32 – Et on importe bien plus qu'on n'exporte.
00:38:35 On importe, et on peut importer à condition d'exporter la même bille.
00:38:42 Dès l'instant qu'on importe davantage qu'on n'exporte,
00:38:45 automatiquement on s'endette,
00:38:46 et l'endettement gigantesque de la France,
00:38:49 c'est la conséquence du fait que ce pays vit au-dessus de ses moyens réels.
00:38:53 Malheureusement, il vit au-dessus de ses moyens réels,
00:38:56 et le prix c'est l'endettement.
00:38:58 – Donc le libre-échange, la dette, le déficit public,
00:39:02 le déficit du commerce extérieur sont des conséquences de l'égalité.
00:39:09 – Exactement.
00:39:10 – C'est la thèse qui court tout au long de votre livre,
00:39:13 et qui structure complètement l'ouvrage.
00:39:19 Mais nous abordons maintenant, au-delà de l'économie,
00:39:22 une question essentielle.
00:39:24 Nous avons évoqué le fait que certaines personnes oisives
00:39:29 pouvaient s'adonner aux arts, aux lettres et aux sciences.
00:39:32 Je crois que Lavoisier était fermier général,
00:39:35 et que ça lui permettait d'avoir quelques revenus
00:39:37 pour faire de la physique et de la chimie.
00:39:41 Soit dit en passant, la République, à un moment,
00:39:43 lorsqu'elle l'a fait condamner, a dit
00:39:45 "la République n'a pas besoin de savoir".
00:39:47 – Exactement.
00:39:48 – Donc on voit très bien, là aussi, que le raccourcissement par la gueuse,
00:39:52 c'est une forme d'égalité poussée.
00:39:54 – Et les babouvistes disaient "Périsse, il le faut tous les arts,
00:39:58 pourvu que nous ayons l'égalité réelle".
00:40:00 – Gracchus Baboeuf.
00:40:02 Alors l'épisode Gracchus Baboeuf n'est pas très connu,
00:40:05 et puis il est resté isolé dans l'histoire de la Révolution française,
00:40:11 mais le babouvisme ressent aujourd'hui.
00:40:14 – Oui, on est dans le babouvisme.
00:40:16 Les ZAD, le zadisme est une sorte de babouvisme.
00:40:19 – Voilà, le zadisme.
00:40:21 Et alors, l'inégalité, outil de civilisation,
00:40:26 ça aussi c'est fort et c'est provocateur, Jean-Louis Arouel.
00:40:31 – C'est la vérité, c'est un constat.
00:40:35 À travers l'histoire, l'histoire de la civilisation,
00:40:43 c'est une histoire de l'inégalité.
00:40:46 L'histoire de la civilisation, c'est une histoire de l'inégalité.
00:40:49 Toute la production de richesses artistiques,
00:40:54 intellectuelles et scientifiques a été rendue possible
00:40:58 par le fait qu'il existait dans les sociétés de grandes inégalités,
00:41:02 qu'il y a des gens qui soient étaient très riches
00:41:05 et s'adonnaient directement eux-mêmes à la vie intellectuelle,
00:41:08 ça arrivait, qu'il y avait aussi des gens qui étaient très riches
00:41:12 et qui faisaient travailler des artistes, des savants, des poètes, des littérateurs.
00:41:20 C'est le mécénat.
00:41:21 – Oui.
00:41:22 – Mais que ce soit un cas ou l'autre,
00:41:25 c'est toujours dans l'ambiance d'une société inégalitaire
00:41:32 que se sont déployés les arts, les lettres et les sciences.
00:41:36 Michel-Ange, il n'y aurait pas eu Michel-Ange sans l'inégalité,
00:41:39 il n'y aurait pas eu Léonard de Vinci sans l'inégalité,
00:41:41 il n'y aurait pas eu Mozart sans l'inégalité,
00:41:43 de la même façon que nous le disions tout à l'heure,
00:41:45 il n'y aurait pas eu Thalès, Pythagore, Platon, Aristote ou Archimède sans inégalité.
00:41:50 – Alors je me pose la question, les encyclopédistes,
00:41:53 qui sont quand même à l'origine de la révolution française
00:41:56 et probablement des premiers égalitaristes,
00:41:59 les encyclopédistes, ils étaient riches
00:42:02 pour qu'ils puissent se livrer aux activités de la rédaction de l'encyclopédie ?
00:42:06 – Alors certains étaient riches.
00:42:08 – Voltaire l'était ?
00:42:09 – Certains étaient très riches, Dolbach était riche,
00:42:13 – D'Alembert ?
00:42:14 – D'Alembert non, mais c'était un bâtard,
00:42:19 mais c'était un homme à talent, ça c'était la méritocratie.
00:42:23 La méritocratie et le mécénat, ils étaient protégés,
00:42:26 ils étaient protégés par des gens puissants
00:42:31 ou par leur qualité intellectuelle,
00:42:33 ils accédaient à des prébendes, à des avantages dans la société.
00:42:40 Chanfort par exemple, Chanfort était un homme pauvre,
00:42:44 mais à partir du moment où il a fait jouer sa première pièce de théâtre,
00:42:47 le roi lui a fait une pension, des grands seigneurs lui ont fait des pensions.
00:42:51 Rousseau, Rousseau a été protégé par les grands,
00:42:55 sans les grands, il n'y aurait jamais eu Rousseau.
00:42:58 Ces grands seigneurs, et ils les traitaient comme des chiens,
00:43:01 ces protecteurs richissimes, ils les insultaient,
00:43:05 ils leur adressaient des reproches véhéments,
00:43:08 ils claquaient la porte, ils sont allés chez un autre
00:43:11 qui allait mieux le protéger, enfin…
00:43:13 – On savait qu'il y avait un côté goujat chez Rousseau,
00:43:18 mais c'est un des grands auteurs de…
00:43:19 – C'est un hypersensible évidemment,
00:43:21 mais on n'imagine pas l'œuvre de Rousseau,
00:43:25 ce sont des protecteurs fortunés,
00:43:29 Dubain de Franckheuil par exemple, le grand-père de Georges Sand,
00:43:33 un grand financier de l'ancien régime,
00:43:36 receveur des finances de Metz et d'Alsace,
00:43:40 il a été un des protecteurs de Rousseau.
00:43:43 – Oui, alors justement, Rousseau nous a parlé de l'égalité et de l'inégalité,
00:43:49 il y a un autre auteur contemporain qui parle beaucoup,
00:43:51 qui a fait une histoire de l'inégalité,
00:43:54 et qui ne voit pas ce que vous voyez.
00:43:57 – L'auteur c'est… – Schiedl.
00:43:59 – Voilà c'est ça, Schiedl.
00:44:01 – Il a publié il y a trois ans je crois,
00:44:03 une grande histoire de l'inégalité de la préhistoire à nos jours.
00:44:10 Et c'était une œuvre magnifique, un travail gigantesque,
00:44:14 une somme de connaissances, une somme de réunitions,
00:44:17 et il voit tout ça,
00:44:20 disons qu'il donne dans son livre tous les éléments pour le voir,
00:44:23 mais il ne le dit jamais.
00:44:24 – Oui c'est ça.
00:44:25 – Il ne le dit jamais tout simplement parce qu'il ne veut pas le dire.
00:44:29 Mais il ne veut pas s'engager sur ce terrain dangereux des réalités
00:44:34 qu'il faut qu'on nomme, il ne le nomme pas.
00:44:36 Il donne les éléments pour le voir mais il ne le dit jamais.
00:44:39 – Jean-Louis Raoult le dit,
00:44:41 et il souligne aussi notre dette envers les privilégiés du passé,
00:44:47 qui ont configuré finalement…
00:44:50 – Nous sommes dans une enfance spirituelle.
00:44:52 – Nous sommes en enfance spirituelle, nous sommes…
00:44:55 Disons, ceux d'entre nous qui n'ont pas d'origines aristocratiques connues
00:44:59 sont les descendants, les héritiers de l'immense masse populaire de ce pays.
00:45:07 – Si nous remontons à nos aïeux, nous avons des paysans.
00:45:10 – Normalement on a des paysans.
00:45:13 À une génération X, Y, Z, en remontant,
00:45:16 on sort tous du peuple rural et quelquefois du peuple urbain.
00:45:21 Sauf ceux qui ont des origines familiales aristocratiques attestées.
00:45:27 Et donc nous sommes, par le sang, les héritiers de nos humbles ancêtres,
00:45:35 et par l'esprit, nous sommes les héritiers, les enfants adoptifs
00:45:38 de ces aristocrates et de ces intellectuels qui, grâce à l'inégalité,
00:45:45 ou ces artistes qui ont pu accomplir leur oeuvre grâce à l'inégalité.
00:45:49 – Alors nous avons vu que l'école américaine comme l'école française
00:45:52 sont ravagées par le wokisme, l'égalitarisme, mais la troisième république,
00:45:58 parce que je pense à un aïeul qui était agriculteur, qui était fils de paysan,
00:46:02 mais il a bien réussi à l'école primaire et il a intégré Polytechnique.
00:46:07 Comment justement d'un petit paysan on peut faire un polytechnicien ?
00:46:11 Aujourd'hui, ça me paraît plus difficile que sous la troisième république.
00:46:14 – Ah, beaucoup plus.
00:46:16 – Qu'est-ce qui a fait que la troisième république avait pu… ?
00:46:21 – Parce que la troisième république a gardé intégralement le modèle méritocratique.
00:46:25 – C'est ça.
00:46:26 – Et elle a déclaré, ce qui est faux, mais ce qui a très bien marché,
00:46:30 elle a déclaré que la méritocratie c'était l'égalité.
00:46:33 – Ah oui, c'est ça, voilà.
00:46:35 – Alors que la méritocratie ce n'est pas l'égalité,
00:46:37 mais de manière très intelligente, la société post-révolutionnaire
00:46:44 a conservé le système méritocratique, l'a renforcé,
00:46:48 a généralisé le système des concours et a déclaré que c'était le mode égalitaire,
00:46:54 le mode démocratique de recrutement des élites.
00:46:57 – Qui est aujourd'hui…
00:46:58 – Ce qui n'est pas vrai.
00:46:59 Bourdieu l'a montré que ce n'était pas vrai.
00:47:01 – C'est pas vrai, mais du coup…
00:47:01 – Et en le montrant, il a cassé la mécanique.
00:47:03 – Voilà, et alors le résultat est exactement contraire à ce qu'il s'était espéré,
00:47:08 lui c'est semblable, puisque aujourd'hui on sait
00:47:13 que les enfants de milieu populaire accèdent moins facilement.
00:47:17 – Alors que le même Bourdieu, Pierre Bourdieu, lui-même était de milieu populaire.
00:47:20 – Oui.
00:47:20 – Et il a eu une carrière splendide, splendide grâce à la méritocratie.
00:47:25 Et il a été un des auteurs, un des acteurs de la destruction de sa méritocratie,
00:47:33 et maintenant, comme l'école de la Troisième République était magnifique,
00:47:39 parce qu'elle était exigeante, elle était très dure,
00:47:41 – Oui, bien sûr.
00:47:42 – Elle était extrêmement dure, mais elle était exigeante,
00:47:44 et elle la portait, elle demandait beaucoup des élèves,
00:47:48 et elle leur apportait énormément.
00:47:50 Et dans la mesure où elle leur apportait,
00:47:53 comme il y a une inégalité des intelligences qui est en fait avérée
00:47:56 dans une société donnée, il naissait automatiquement
00:48:00 dans les classes les plus pauvres des enfants très doués, très intelligents.
00:48:05 – D'un fort tapis d'études, oui.
00:48:06 – Les instituteurs, les curés remarquaient ces enfants.
00:48:09 Moi, mon maître Haberbe, quand j'ai été élève à la Faculté de droit dans l'année 1960,
00:48:15 il y a une chose qui ne doit plus tellement exister,
00:48:17 si, il y a Alain Suppiot, mon collègue Alain Suppiot, qui lui est fils d'ouvrier.
00:48:21 Mais c'est devenu maintenant rarissime.
00:48:23 – C'est rarissime, oui.
00:48:24 – À l'époque, à la Faculté de droit, j'ai eu deux professeurs directement.
00:48:28 – Oui, que vous citez.
00:48:28 – Jean Lhomme et Jean Haberbe, tous les deux fils d'ouvrier.
00:48:32 Je connais mieux le cas de Jean Haberbe.
00:48:35 Jean Haberbe était fils d'ouvrier, il a été remarqué par son intelligence,
00:48:39 par son instituteur et remarqué par son intelligence par son curé.
00:48:42 Et le curé et l'instituteur ont fait en sorte d'assurer le travail,
00:48:50 la réussite de ce garçon.
00:48:51 – Et alors là, aujourd'hui…
00:48:53 – Alors comme l'école a maintenant, comme on a transformé l'école
00:48:55 en une machine non plus à transmettre du savoir,
00:48:58 mais à fabriquer une égalité des résultats,
00:49:00 eh bien l'école n'apporte plus assez, ce qu'on appelle l'école de la République,
00:49:04 n'apporte plus assez aux enfants pour que l'enfant très doué
00:49:07 d'un milieu populaire devienne très bon.
00:49:09 – Et pourtant, on avait des cas, vous citez Pompidou,
00:49:12 vous citez, je crois, Péguy.
00:49:14 – Péguy.
00:49:15 – Vous citez, et même, par exemple, on aurait pu citer aussi
00:49:19 un personnage comme Léopold Cédar Saint-Gaure,
00:49:21 qui était à la Cagne de Toulouse avec Pompidou,
00:49:26 et qui a ensuite Normal Sup,
00:49:28 et qui s'y est illustré par la défense de la langue française.
00:49:31 – Exactement.
00:49:33 – Donc, nous avons une machine qui est cassée maintenant, elle est cassée.
00:49:36 – Mais on l'a cassée au nom de l'égalité.
00:49:38 – Voilà.
00:49:39 – C'est en ça que je dis que la recherche de l'égalité
00:49:41 casse la transmission des savoirs, des résultats.
00:49:44 – Alors, nous avons vu destruction d'école,
00:49:48 destruction de l'économie par le libre-échange,
00:49:50 destruction d'industrie, destruction de la richesse,
00:49:53 destruction de la civilisation,
00:49:56 et nous arrivons sur les paradoxes de l'égalité et de l'inégalité.
00:50:00 Vous refaites un retour en arrière sur l'heureuse invention
00:50:07 des sociétés sans esclave et sans clerc, sans serf pardon,
00:50:12 du clerc au contraire, il y en avait dès le Moyen-Âge,
00:50:17 parce que vous dites, évidemment, l'esclavage,
00:50:22 c'était pas bien, c'était très mal même,
00:50:24 mais c'était quand même mieux que l'anthropophagie.
00:50:26 – L'esclavage correspond, toutes les sociétés humaines
00:50:29 ont pratiqué à un moment donné l'esclavage,
00:50:31 et l'esclavage a effectivement correspondu à un progrès,
00:50:35 un progrès d'abord, et tout ça est marqué bien par Auguste Comte,
00:50:39 il est préférable de réduire ses ennemis en esclavage
00:50:43 que de les tuer pour les manger, ce qui était la solution de base.
00:50:48 L'esclavage représente une amélioration.
00:50:51 – Et puis l'esclavage a permis à entraîner aussi,
00:50:54 et Auguste Comte le soulevait bien,
00:50:55 il a apporté la division du travail social.
00:50:58 – Ah oui, ça c'est très important, oui.
00:50:59 – Parce que c'est l'esclavage qui a permis cette division du travail social,
00:51:03 et l'une des conséquences les plus positives
00:51:06 de cette division du travail social,
00:51:10 c'est le travail social intellectuel, artistique, etc.
00:51:14 – Bien sûr, bien sûr.
00:51:16 – Qui a produit un enrichissement intellectuel des sociétés humaines.
00:51:20 – Oui, alors on a coutume de dire que finalement,
00:51:25 c'est le christianisme qui a en partie joué pour l'abolition de l'esclavage,
00:51:29 c'est vrai, mais on dit aussi que le christianisme a inventé l'égalité,
00:51:34 a développé l'égalité, et vous faites un sort à cette pensée.
00:51:37 – Ben, disons que là, je ne crois pas, je ne crois pas,
00:51:41 c'est une affaire qui mérite énormément d'attention,
00:51:45 il faut poser le pro et le contrat,
00:51:47 et il est vrai qu'il y a dans le christianisme une idée d'égalité,
00:51:52 mais ce n'est pas une exigence de l'égalité des conditions terrestres,
00:51:56 il n'y a pas dans le christianisme, à aucun endroit,
00:51:58 une exigence de l'égalité des conditions terrestres.
00:52:02 L'idée égalitaire dont le christianisme est porteur,
00:52:05 c'est le fait que Dieu accorde un intérêt égal à toutes les âmes,
00:52:11 pour les examiner, les juger, les récompenser ou les punir,
00:52:15 et il n'y a pas du tout d'égalité des résultats,
00:52:18 pour les uns, la guéhelle, et pour les autres,
00:52:22 les Champs-Élysées, le paradis terrestre,
00:52:25 il n'y a pas d'égalité des résultats,
00:52:27 mais il y a un intérêt égal dans le christianisme de Dieu
00:52:30 pour toutes les âmes, pour les âmes de tous les humains,
00:52:33 et c'est vrai que ça crée forcément un esprit favorable à l'égalité.
00:52:40 – On pense à la phrase de Saint Paul,
00:52:41 "il n'y a plus ni homme, ni femme, ni grec, ni juif",
00:52:44 mais ça c'est, vous êtes un en Jésus,
00:52:48 vous êtes un en Jésus, c'est cet amour de Dieu pour tous,
00:52:52 cette considération de Dieu pour tous,
00:52:54 mais vous restez une femme, vous restez un homme,
00:52:56 vous restez un juif, vous restez un grec, sur terre.
00:52:58 – Il n'y a pas de discours anti-esclavagiste dans l'évangile ?
00:53:00 – Non, il n'y a pas de discours anti-esclavagiste.
00:53:04 Le christianisme n'est pas une doctrine pour gouverner la société,
00:53:07 c'est une doctrine pour recruter les saints du paradis.
00:53:10 – Oui, c'est…
00:53:12 – Le christianisme, ce n'est pas moi qui le dis, c'est Paul Leven.
00:53:14 Il le dit très bien, le christianisme n'a pas du tout…
00:53:18 et ça c'est moi qui le dis, quand on va à la messe,
00:53:21 ce n'est pas pour demander une société plus égale,
00:53:23 c'est pour demander le salut éternel.
00:53:25 – Oui, j'ai comme l'impression quand même qu'il y a un pape
00:53:28 qui se fourvoie un petit peu sur ce sujet, mais bon…
00:53:32 – Soyons charitables.
00:53:33 – Soyons charitables, et surtout ce n'est pas tout à fait le sujet.
00:53:36 Mais bref, alors cependant,
00:53:40 – Les sociétés occidentales sont quand même moins escalaristes.
00:53:43 – Alors de ce fait, le christianisme n'a pas de charia chrétienne.
00:53:51 – Voilà.
00:53:52 – Il n'y a pas de charia chrétienne, donc il n'y a pas de droit
00:53:54 à s'appliquant à la société prévue par la religion.
00:53:59 Bon, il y a un esprit, un esprit de bienveillance.
00:54:02 – Oui.
00:54:02 – Et sous l'effet de cet esprit de bienveillance,
00:54:07 sous l'effet également des progrès économes,
00:54:12 de certains progrès techniques,
00:54:14 sous l'effet également de l'optimum climatique médiéval.
00:54:17 – Oui, alors…
00:54:18 – Ça joue ça.
00:54:18 – Ah ben oui, bien sûr.
00:54:19 – Ça joue, parce que quand les températures sont meilleures,
00:54:23 eh ben on produit plus.
00:54:24 – Et la petite glaciation moderne sous Louis XIV a été…
00:54:29 – Terrible, terrible.
00:54:30 – Il y a eu deux grandes…
00:54:31 – C'est terrible, c'est terrible.
00:54:32 – De famine et de rentable.
00:54:33 Donc de ce fait, la société a…
00:54:42 la société a…
00:54:44 mais ça commence en fait dès la fin du Bas-Empire en Occident,
00:54:50 on passe de l'esclave en chiourme,
00:54:52 où les esclaves travaillent toute la journée
00:54:56 sous la direction des contremaîtres à la première des champs,
00:54:58 et le soir on les enchaîne, on les enferme,
00:55:01 et quelquefois on les enchaîne dans des prisons nocturnes,
00:55:03 on les isère Gastule.
00:55:05 Ça c'est de l'esclavage en chiourme,
00:55:06 qui était pratiqué par l'Antiquité romaine.
00:55:09 Et au tournant du Bas-Empire et du haut Moyen-Âge,
00:55:13 on va de plus en plus avoir les Servi Caseti, les esclaves chasés,
00:55:17 c'est-à-dire que l'esclave à ce moment-là va avoir une famille,
00:55:20 il va avoir une tenue, il va avoir une cahute,
00:55:22 une tenue, quelques terres, il va cultiver,
00:55:25 il va pouvoir en tirer, s'il est plus actif,
00:55:28 il va pouvoir mieux vivre, travailler en plus.
00:55:30 Évidemment il devra des journées au maître,
00:55:32 il devra des journées de travail au maître,
00:55:34 et il devra des redevances au maître, mais…
00:55:37 – Et ça commence à ressembler au servage là.
00:55:39 – Ça préfigure le servage.
00:55:41 – Le servage qui sera d'ailleurs aboli dès le 15ème siècle.
00:55:43 – Et alors le servage va disparaître dès le 12ème.
00:55:45 – Ah dès le 12ème ?
00:55:46 – Dès le 12ème, 13ème, 12ème, 13ème, au 15ème, 16ème, là on est vraiment…
00:55:52 – Et qu'est-ce qui le fait disparaître le servage alors ?
00:55:54 – Ce qui le fait…
00:55:58 d'abord le servage déjà est une condition très améliorée
00:56:02 par rapport à l'esclavage.
00:56:05 Le serf, il a deux incapacités, le fort mariage et la main morte,
00:56:10 mais en dehors de ça, il a sa tenue, il peut travailler, il peut s'enrichir.
00:56:17 Ce qui a permis la disparition de l'esclavage fondamentalement,
00:56:20 c'est que les esclaves… c'est du servage sourd.
00:56:23 – Ils rachètent.
00:56:24 – Ils sont devenus assez riches pour racheter.
00:56:27 Et en même temps, il y a eu cette expansion démographique,
00:56:30 les hommes sont devenus plus nombreux.
00:56:32 Les hommes sont devenus plus nombreux,
00:56:35 et vous savez aussi pourquoi les hommes sont devenus plus nombreux ?
00:56:37 C'est grâce au fait que dans le cadre de la châtelnie banale,
00:56:42 dans le seigneur, on a créé une paroisse par châtelnie.
00:56:46 – Oui.
00:56:47 – Donc il y avait le seigneur et il y avait le curé.
00:56:49 Et du fait de cet encadrement du châtelain et du curé,
00:56:55 on surveillait l'infanticide.
00:56:57 – Ah oui, c'est ça.
00:56:58 – L'infanticide a duré jusque vers l'an 1000.
00:57:01 – D'accord.
00:57:02 – L'Antiquité se termine vers l'an 1000 à ce niveau-là.
00:57:05 On pratiquait l'infanticide dans les campagnes,
00:57:08 et le seigneur et le curé ont empêché l'infanticide.
00:57:13 La population a augmenté.
00:57:15 – Eh oui, de ce fait.
00:57:16 – Le contexte économique était plutôt plus favorable, climatique.
00:57:20 Les hommes ont pullulé.
00:57:22 Les seigneurs voyaient leurs serfs se sauver pour se réfugier à la ville
00:57:29 où ils devenaient des hommes libres.
00:57:30 Les seigneurs avaient intérêt, les serfs s'enrichissaient.
00:57:33 Certains devaient être très riches.
00:57:34 Par exemple, les serfs de la cathédrale de Notre-Dame de Paris
00:57:42 ont acheté leur liberté très chère.
00:57:45 Ils étaient riches.
00:57:47 Ils avaient des grosses épargnes.
00:57:49 Et les seigneurs ne demandaient qu'à transiger.
00:57:52 – Le droit de la trésorerie.
00:57:53 – Donc on s'est trouvé au XIIIe siècle,
00:57:54 dans une situation inédite dans l'histoire de l'humanité,
00:57:57 une société entière sans esclaves et sans serfs.
00:58:03 Au point que les juristes de la fin du Moyen-Âge
00:58:06 constataient que la France était un pays de liberté
00:58:10 et qu'il ne pouvait pas y avoir d'esclaves en France,
00:58:13 et que celui qui y mettait le pied sur le sol de France était libre.
00:58:15 – Voilà.
00:58:16 Et il y a eu cette phrase, je crois, du grand Condé,
00:58:20 le grand Conferreur, qui répondait…
00:58:23 – Le Duc de Guise.
00:58:24 – Le Duc de Guise, pardon.
00:58:26 C'est le Duc de Guise.
00:58:27 Citez-le.
00:58:29 Il répond…
00:58:31 Je crois que c'est un espagnol qui…
00:58:33 – Un général espagnol.
00:58:34 – Un général espagnol qui lui demande un esclave turc.
00:58:36 Et le Duc de Guise lui répond…
00:58:39 – En ce pays, il n'y a pas d'esclaves.
00:58:40 – Il n'y a pas d'esclaves.
00:58:43 Par contre, il y a d'autres pays où l'esclavage, c'est mal.
00:58:46 – Dans le monde musulman, le monde musulman,
00:58:47 lui n'a connu aucune espèce d'état de rame.
00:58:50 Et c'est là qu'on voit bien l'inégalité des civilisations.
00:58:54 Le monde musulman, lui, n'a connu aucun état de rame.
00:58:57 Le monde musulman a continué à être esclavagiste
00:59:00 jusqu'au moment où les Occidentaux l'ont empêché de continuer.
00:59:04 – Voilà.
00:59:05 – Du fait de la colonisation, d'une part,
00:59:08 et du fait également de la mise en tutelle de l'Empire ottoman.
00:59:11 – Alors, Jean-Louis Araël, nous arrivons à la fin de cet entretien
00:59:15 où vous avez tenu des propos extrêmement neufs et iconoclastes.
00:59:21 Et vous continuez d'ailleurs à la fin en nous disant
00:59:24 que pourquoi discriminer peut-être juste
00:59:29 et les raisons valables d'un traitement inégal ?
00:59:33 J'aimerais que nous concluions là-dessus.
00:59:37 Mais vous en avez dit l'essentiel.
00:59:39 – Oui, absolument, on l'a déjà évoqué.
00:59:42 L'égalité arithmétique n'est pas la justice.
00:59:46 Elle n'est la justice que dans certaines hypothèses.
00:59:48 Nous sommes égaux devant la loi ou devant la loi.
00:59:51 – Vous évoquez cette question.
00:59:53 – Ça c'est Kelsen, c'est le grand juriste autrichien Kelsen
00:59:57 qui évoque l'égalité dans la loi ou l'égalité devant la loi.
01:00:01 Alors, l'égalité devant la loi, c'est en fait le principe de l'égalité.
01:00:06 C'est un système qui est connu de toute la civilisation occidentale,
01:00:11 depuis la Grèce et depuis Rome.
01:00:14 L'égalité dans la loi, c'est une autre chose.
01:00:18 C'est l'obligation que la loi traite de manière arithmétique
01:00:22 tous les individus et tous les sujets auxquels elle s'adresse.
01:00:28 Et Kelsen avait mis cette théorie dans les années 1920,
01:00:35 dans l'espoir que le pouvoir politique puisse disposer
01:00:39 d'un peu plus de liberté dans la gestion des problèmes de réalité
01:00:43 auxquels il avait à faire face.
01:00:45 – Ça veut dire que dans la loi, il peut y avoir des cas et des nuances ?
01:00:50 – Exactement.
01:00:51 – Selon les…
01:00:53 – C'est l'idée qu'au fond, il y a des discriminations justes.
01:00:59 Il y a des discriminations justes parce qu'elles correspondent
01:01:03 à des situations différentes.
01:01:06 Et que l'égalité arithmétique ne s'applique que pour la justice commutative.
01:01:13 – D'accord.
01:01:13 – C'est-à-dire quand il y a échange, par exemple vente, échange,
01:01:17 il faut à ce moment-là que les deux éléments de la vente et de l'échange
01:01:20 soient exactement arithmétiques.
01:01:22 Mais, à ça s'oppose dans tous les autres cas de figure,
01:01:25 l'égalité géométrique qui est la proportionnalité.
01:01:29 – Ah oui.
01:01:30 – Et la proportionnalité, par rapport à…
01:01:33 Le problème de notre époque, le drame de notre époque,
01:01:37 c'est que notre époque met de l'égalité arithmétique
01:01:41 là où il faudrait de la géométrique de la proportionnalité.
01:01:43 – De l'égalité géométrique.
01:01:45 – Et de ce fait, c'est mortel pour la civilisation.
01:01:49 – Voilà.
01:01:49 – C'est mortel pour l'économie, c'est mortel pour la société,
01:01:52 et c'est même mortel pour l'avenir des sociétés occidentales
01:01:56 et des peuples occidentaux dans leur survie démographique.
01:02:00 – Eh bien, c'est un peu votre conclusion.
01:02:03 Merci Jean-Louis Raoult, merci pour votre livre
01:02:07 qui va en étonner plus d'un, "Les mensonges de l'égalité,
01:02:11 ce mal qui ronge la France et l'Occident".
01:02:14 La démonstration est imparable.
01:02:16 – Merci.
01:02:17 – Merci, chers téléspectateurs, à très bientôt.
01:02:20 [Musique]

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