• l’année dernière
Transcription
00:00 Jusqu'à 13h30, les midis d'Occulture.
00:04 Nicolas Herbeau, Géraldine Mosnassavoy.
00:08 Place à la rencontre.
00:11 Aujourd'hui, notre invitée est romancière.
00:13 Son 11e livre est paru pour la rentrée littéraire
00:15 et vient de remporter le grand prix du roman de l'Académie française.
00:19 "Une façon d'aimer", c'est son titre, raconte l'histoire de Madeleine.
00:23 Enfin un bout, un moment de son histoire,
00:25 de femme d'expatriée au Cameroun à la veille de l'indépendance.
00:28 Ce moment, la rencontre avec Yves, un administrateur aux allures d'aventurier,
00:33 aurait pu tout faire basculer de sa vie rangée d'épouse et de mère.
00:36 Mais non.
00:37 Combien de tournants qui n'en sont pas dans la vie d'une femme des années 50 ?
00:41 Combien de tournants qui n'en sont pas en général d'ailleurs ?
00:45 Bonjour Dominique Barberis.
00:46 Bonjour.
00:47 Et bienvenue dans les midis d'Occulture.
00:48 Merci.
00:49 On va revenir Dominique Barberis sur ces moments qui ne basculent pas
00:52 mais qui quand même laissent une trace.
00:55 J'aimerais d'abord savoir pourquoi ce titre "Une façon d'aimer",
00:59 en fait c'est ce terme de façon qui me fascine.
01:02 Qu'est-ce que ça veut dire ?
01:03 Alors, il faut dire d'abord que ça n'était pas le premier titre choisi.
01:07 C'est une demande de l'éditeur, c'est ça ?
01:09 Non, non, pas du tout.
01:10 Il y avait une demande de changement de titre.
01:13 Et c'est moi qui l'ai trouvé.
01:15 Donc c'est un titre que j'assume parfaitement.
01:17 Et il m'est venu à partir d'une phrase qui est plus ou moins citée d'ailleurs dans le roman
01:23 qui est "Le silence est une façon d'aimer".
01:26 Et comme Madeleine est un personnage finalement très silencieux
01:31 et que j'avais conscience d'avoir tenté un roman sur le silence,
01:36 en tout cas sur le silence d'une femme,
01:38 et bien il m'a semblé que voilà ce lien entre l'amour et le silence,
01:43 entre un amour qui peut être éprouvé,
01:47 qui peut être extrêmement vibrant
01:50 et le refus de s'exprimer là-dessus,
01:53 ou en tout cas la discrétion, la pudeur, tout ça me semblait important.
01:56 Et il m'a semblé que le titre pouvait convenir, en tout cas il l'a convenu finalement.
02:00 Mais c'était quoi votre titre au départ ?
02:03 Vous êtes trop indiscret.
02:05 Non, c'est pas trop indiscret.
02:06 J'avais pensé à "Un chagrin de femme" à partir de la formule de Colette
02:12 qui est d'ailleurs citée dans le roman,
02:14 que je trouvais très belle,
02:16 qui est tirée d'un texte de Colette
02:19 qui évoque un petit chagrin sec et aigu de femme
02:23 à partir justement de la déception ou de l'amour
02:27 finement ressenti mais jamais exprimé d'une très jeune femme.
02:31 Et il y avait le mot "chagrin" que j'aime beaucoup personnellement,
02:35 mais qui pouvait orienter...
02:37 Le mot "silence", le mot "chagrin", ça avait une ambiance.
02:39 Qui pouvait orienter peut-être le lecteur
02:42 à quelque chose d'un peu pessimiste et d'un peu sombre,
02:45 mais j'ai compris tout à fait.
02:47 J'en ai eu un second de titre, si vous voulez savoir.
02:49 Oui, je veux tout savoir.
02:51 "Parallèle 4", parce que j'ai beaucoup rêvé à ce dancing
02:55 au bord de la mer et puis que ça rejoignait effectivement
02:58 les données géographiques qui font que Douala se trouve
03:01 sur le quatrième parallèle.
03:03 Mais ça paraissait un peu obscur.
03:05 C'est un peu enigmatique.
03:06 Voilà, donc pas très convenant ou convenable comme titre.
03:10 A quel moment de l'écriture vous viennent les titres,
03:13 vous les notez quelque part au fur et à mesure de l'écriture
03:16 ou c'est à la fin, vous vous dites "voilà, qu'est-ce que j'ai voulu raconter au final ?"
03:19 Je travaille avec un titre provisoire en général.
03:23 Et quand il m'en vient, je change.
03:26 De toute façon, je fais des dizaines de versions.
03:30 Ça n'a pas grande importance et ça dépend.
03:32 Là, le titre, quand même, comme je vous le dis,
03:35 en tout cas le titre définitif, mais venu après,
03:38 il est arrivé pour mon précédent texte, "Un dimanche à Ville d'Avray",
03:41 que le titre, mais c'est exceptionnel quand même, m'arrive avant.
03:45 C'est-à-dire que je veuille écrire un roman pour ce titre-là,
03:49 qui m'est tombé du ciel un jour, alors que je n'avais même pas réalisé
03:54 que c'était un souvenir du titre de ce magnifique film
04:00 que j'avais vu à 17 ans, "Les dimanches de Ville d'Avray".
04:04 Et c'est bien après que je m'en suis aperçue.
04:07 C'est intéressant Dominique Barberis, parce que vous avez dit que
04:09 c'est un roman, une façon d'aimer sur le silence d'une femme.
04:14 Et pourtant, vous avez cité une chanson et il y a énormément
04:18 de chansons citées dans votre livre.
04:21 Vous faites même une playlist à la fin de votre roman.
04:24 Je vous propose, pour qu'on rentre dans le texte,
04:27 d'en écouter un petit mix, un petit mélange.
04:30 Ne pleure pas, bambino
04:37 Je sais bien que tu l'adores, bambino, bambino
04:40 Et qu'elle a des jolis yeux, bambino, bambino
04:43 Mais tu es trop jeune encore, bambino, bambino
04:46 Pour jouer les amoureux
04:49 Ce soir j'attends Madeleine, on prendra le tram 33
04:52 Pour manger des frites, je le gêne, Madeleine, elle aime tant ça
04:55 Madeleine, c'est mon Noël, c'est mon Amérique à moi
04:59 Parce qu'elle est trop bien pour moi, comme dit son cousin Joël
05:02 Mais ce soir j'attends Madeleine, on ira au cinéma
05:05 Je lui dirai des "je t'aime", Madeleine, elle aime tant ça
05:09 Domino, domino
05:14 Le printemps chante en moi Dominique
05:18 Le soleil s'est fait beau
05:22 J'ai le cœur comme une boîte à musique
05:25 J'ai besoin de toi
05:29 De tes mains sur moi
05:32 Pour nous l'aventure commence aujourd'hui
05:36 Puisqu'on se marie
05:38 L'amour qu'on se jure n'est pas garanti
05:42 Mais je dire oui
05:44 Au nom de la loi
05:48 Nous vous déclarons unis par le mariage
05:54 Votre roman Dominique Barberis "Une façon d'aimer"
05:57 commence précisément par cette chanson de Guy Béart
06:01 Pourquoi ce besoin de faire figurer des chansons dans votre roman
06:06 qui quand même, je dois le dire, se présente aussi comme une enquête
06:09 puisque la narratrice part à la recherche des souvenirs perdus de sa tante
06:13 Madeleine, dont on a parlé, qui donc a suivi son mari au Cameroun
06:17 à la veille de l'indépendance du Cameroun en 1960
06:20 et a rencontré Yves, mi-administrateur, mi-aventurier
06:24 Les chansons c'est quelque chose d'un petit peu évanescent
06:27 c'est de l'ordre des sentiments, des sensations
06:29 on est loin de l'enquête de terrain pour reconstituer une vie
06:33 Alors, je ne suis pas tout à fait sûre quand même
06:36 parce que c'est une enquête aussi sur une époque
06:39 et qui cherche à resituer Madeleine dans cette époque
06:42 Vous avez parlé de la première chanson qu'on a entendue
06:48 elle permet aussi d'encadrer, en fait j'encadre la vie de Madeleine
06:56 entre deux chansons, c'est un peu le hasard
06:58 donc celle-ci qui dit la vie d'une femme sage, une histoire sage
07:04 qui débute par le mariage
07:08 et puis la seconde que j'évoque immédiatement après
07:12 qui est cette très belle chanson "Le bal chez Temporel"
07:15 qui évoque un amour qui a trouvé sans doute son expression
07:19 au cours d'un bal et c'est ce qui va se passer pour Madeleine
07:22 donc ça m'avait paru intéressant et amusant d'encadrer la vie de Madeleine
07:27 à la fois dans cette époque et dans ces chansons
07:30 qui sont après tout l'émanation de cette époque
07:33 et il y a autre chose aussi qui a trait aux chansons
07:37 d'abord elles sont liées au fait que mon père en écoutait beaucoup
07:42 et que moi elle m'était très familière
07:45 elles sont liées au fait qu'elles portent l'atmosphère d'une époque
07:49 elles sont liées enfin au fait que, et on y revient
07:54 que Madeleine est une femme silencieuse
07:56 que je parle d'un amour qui ne sera jamais dit
08:00 dont elle ne parlera jamais, dont la narratrice recherche des traces
08:04 dont elle cherche à reconstituer l'histoire mais elle a très peu de choses
08:08 et que finalement cet amour qui n'est pas dit
08:11 il est porté dans le texte, enfin c'est ce que j'ai cherché à faire
08:14 par ces chansons qui sont des chansons sentimentales
08:18 et je trouvais que, il y a cette espèce au fond, l'amour de Madeleine
08:23 il est porté par les chansons, il est porté par le climat étouffant
08:28 mais un peu entêtant de Douala
08:31 et ça s'inscrit dans une espèce d'équilibre
08:36 et puis, dernière chose
08:39 je trouve que l'écriture a beaucoup de rapport avec la musique
08:43 et inscrire le texte de ces chansons
08:47 dont effectivement je donne la liste à la fin du texte
08:50 mais pas du tout par une nécessité
08:53 - Une juridique de citer - Exactement, il a fallu payer les droits
08:58 et c'est normal, et voilà c'était...
09:02 - Alors que moi je l'avais vu vraiment comme une démarche esthétique
09:06 si vous voulez prolonger la lecture de ce livre, écoutez toutes ces chansons
09:11 - Mais c'est vrai aussi, elles sont très belles ces chansons
09:15 elles portent quelque chose
09:17 alors Madeleine en plus a une importance considérable
09:20 parce que le prénom de Madeleine je l'ai choisi
09:22 parce que c'est un prénom d'époque
09:25 parce que j'avais dans ma famille des gens qui s'appelaient Madeleine
09:29 de la génération encore avant d'ailleurs
09:31 et puis, parce qu'il y a cette chanson-là
09:35 qui parle d'une femme un peu distante
09:38 enfin voilà, ça m'amusait de faire cette référence
09:40 et puis il y a une dernière raison
09:43 et que je vais donner, pour laquelle j'emploie ce prénom de Madeleine
09:46 c'est que j'ai été, quand j'étais jeune
09:48 totalement fanatisé par un roman du 19e siècle
09:51 que personne ne lit plus beaucoup
09:53 qui est le Dominique de Fromantin
09:56 dont l'héroïne s'appelle Madeleine
09:59 - Dominique de Fromantin, je le connais parce qu'il a vécu à Sainte
10:02 c'est la ville d'où je viens
10:05 - Fromantin est un auteur Rochelet
10:07 - Je pense que c'est un hasard parce qu'effectivement
10:09 c'est quelqu'un qui n'est très peu lu
10:11 - Il est plus beaucoup lu, c'était d'ailleurs un peintre
10:14 surtout un peintre orientaliste
10:16 et il est l'auteur finalement de textes sur la peinture
10:18 qui sont très bien
10:20 et de ce roman qui a un peu vieilli
10:22 - Dominique comme vous en fait
10:24 - Exactement, mais Dominique est un homme
10:26 mais je me suis beaucoup identifiée quand j'étais jeune
10:29 avec un amour de la campagne, du paysage Rochelet
10:32 et une écriture voluptueuse
10:35 - Alors vous avez dit Dominique Barberis
10:38 qu'il y avait deux personnages
10:41 donc il y a Madeleine, c'est la personne disparue
10:44 c'est l'héroïne mais qui brille d'une certaine manière
10:47 par son absence
10:49 - Elle est morte d'ailleurs
10:51 - Elle est morte au moment où la narratrice fait cette enquête
10:54 et d'ailleurs c'est presque sa mort qui déclenche cette enquête
10:57 qui doit là le Cameroun
10:59 qui n'est pas qu'un décor
11:01 c'est vraiment deux personnages dont l'histoire est en train de basculer
11:04 mais j'aimerais qu'on parle d'un troisième personnage
11:06 qui est la narratrice
11:08 je me suis demandé pourquoi la narratrice
11:10 cherche à percer le secret
11:12 de sa tante, Madeleine
11:14 qu'est-ce qu'il apporte dans cette quête
11:16 à partir de photos
11:18 à partir de bribes, de conversations
11:20 de correspondances et de chansons
11:22 à vouloir percer le secret de cette femme
11:24 qui a disparu
11:26 et morte avec son secret
11:28 - Alors
11:30 je pense qu'il y a de sa part
11:32 elle est quand même apparentée à Madeleine
11:34 elle la voit
11:36 peu d'ailleurs
11:38 c'est vrai de temps en temps
11:40 quand elle joue avec sa cousine Sophie
11:43 - Donc la fille Madeleine
11:45 - Voilà, elle voit cette tante
11:47 et il y a chez Madeleine
11:49 non seulement un silence
11:51 mais aussi une apparence
11:53 c'est une femme coquette
11:55 qui s'habille
11:57 et qui sur les photos que la narratrice
11:59 a conservées, qu'elle a pu voir
12:01 est habillée avec ses robes
12:03 de l'époque que Madeleine taillait
12:05 elle-même - Que vous décrivez extrêmement bien
12:07 des robes à poids, des jupes parachute
12:09 - Parce que ça correspondait
12:11 à ce que je regardais dans les magazines
12:13 quand j'étais enfant
12:15 et voilà, il y a beaucoup de ma mythologie
12:17 personnelle là-dedans
12:19 et que Madeleine, c'est cette blonde
12:21 un peu
12:23 qui se tient
12:25 beaucoup, qui est comme ça
12:27 - Un peu rigide disons-le
12:29 - Un peu rigide, habillée dans ses robes
12:31 très élégantes, a pu fasciner
12:33 la narratrice au point
12:35 qu'elle cherche à deviner si derrière ça
12:37 il n'y a pas un secret
12:39 et au point qu'elle s'y intéresse
12:41 - Alors est-ce que c'est vraiment une enquête ?
12:43 Est-ce que vous vous appelliez
12:45 pour découvrir le secret ?
12:47 Parce que finalement, est-ce que c'est une enquête
12:49 qui vise pour la narratrice à découvrir
12:51 la vérité, à se dire
12:53 toute femme est traversée par un secret, toute existence
12:55 est traversée par un secret ?
12:57 Ou c'est de l'ordre du fantasme de la narratrice
12:59 qui veut se recréer aussi une filiation
13:01 une famille, une filiation aussi féminine ?
13:03 - Oui, on peut le penser, c'est les deux
13:05 certainement, c'est-à-dire "enquête"
13:07 le mot, évidemment, tire après lui
13:09 des connotations policières
13:11 ce n'est pas une enquête policière
13:13 mais en revanche, c'est un roman
13:15 qui est construit sur des fragments
13:17 sur des indices, c'est vrai
13:19 alors, ses robes, ses chansons, etc.
13:21 ses photographies de doigts là
13:23 et c'est un roman qui tourne
13:25 en réalité autour d'un
13:27 personnage énigmatique
13:29 mais bien sûr, il s'agit moins
13:31 de chercher ce qui s'est passé
13:33 que de le réinventer
13:35 et que de parler
13:37 justement de ce silence
13:39 auquel se heurtent
13:41 tous les personnages qui sont
13:43 au contact de Madeleine, même sa mère
13:45 il y a sa mère
13:47 son mari
13:49 il y a deux scènes dans la première partie du roman
13:51 quand même, une scène avant le mariage
13:53 de Madeleine où
13:55 sa mère, un peu perplexe devant
13:57 ce mariage qu'elle décide, comme ça
13:59 un peu brutalement
14:01 au fond, n'ose pas trop lui parler
14:03 parce que ça ne se fait pas
14:05 mais sent bien qu'il y a
14:07 comme une réserve, comme une ombre
14:09 chez sa fille et elle
14:11 essaie de lui parler
14:13 elle y renonce
14:15 et puis finalement, elle pense
14:17 elle se débrouillera bien avec ça
14:19 et puis plus tard
14:21 son mari, qui ne l'est pas encore
14:23 qui est fiancé, dans une scène
14:25 où il l'emmène au bord
14:27 de la Loire, dans un restaurant le soir
14:29 et tout à coup, alors qu'il essaie
14:31 de lui prendre la main
14:33 Madeleine s'assombrit
14:35 retire sa main
14:37 et lui aussi est perplexe
14:39 et il n'y a pas d'explication
14:41 non plus, et je pense qu'on ne peut pas
14:43 aller au bout de l'explication
14:45 et il se console
14:47 ou il explique ça
14:49 avec un lieu commun
14:51 elle est nerveuse, les femmes le sont toutes
14:53 et finalement, personne n'arrive
14:55 à percer
14:57 cette réserve de Madeleine
14:59 Yves Prigent, qu'elle va rencontrer
15:01 pour lequel on devine qu'elle éprouve
15:03 quelque chose, n'ose même pas
15:05 prononcer le mot d'amour
15:07 avec elle, parce qu'il lui dit à un moment
15:09 c'est le plus qu'il lui dira
15:11 j'ai beaucoup d'affection pour vous
15:13 et au fond
15:15 c'est ça qui m'intéressait
15:17 avant tout
15:19 Dominique Barberis, on va écouter
15:21 l'archive d'un grand écrivain
15:23 que vous aimez beaucoup
15:25 il me semble, et qui justement
15:27 parle lui aussi d'une de ses héroïnes
15:29 Je crois
15:31 que Thérèse est l'une de ces femmes
15:33 dont je parlais dans notre dernier
15:35 entretien
15:37 qui
15:39 sont différentes
15:41 différentes
15:43 essentiellement
15:45 de leur milieu natal
15:47 qui
15:49 par le fait de leur naissance
15:51 dans une campagne perdue
15:53 dans une société très restreinte
15:55 n'ont pu choisir
15:57 leur compagnon
15:59 et n'avaient aucune chance
16:01 de trouver
16:03 des êtres
16:05 pareils
16:07 à elles
16:09 et qui par conséquent
16:11 se trouvent
16:13 en fait, et ce n'est pas une image
16:15 emprisonnées derrière des barreaux
16:17 des barreaux vivants
16:19 François Mauriac
16:21 en 1952, l'auteur de
16:23 Thérèse Desquereaux qui est paru en 1927
16:25 et qui parle de son héroïne
16:27 comme enfermée derrière
16:29 des barreaux. Est-ce que vous aviez
16:31 cette référence en tête Dominique Barberis
16:33 quand vous avez
16:35 regardé le portrait de Madeleine
16:37 ou finalement, est-ce que ce n'est pas un portrait
16:39 assez banal de femme de cette époque
16:41 c'est-à-dire un petit peu décalé
16:43 par rapport à son milieu, qui aspire à plus
16:45 mais qui n'en a pas les moyens
16:47 qui n'en a pas la possibilité ?
16:49 Alors, c'est très intéressant
16:51 cette archive
16:53 Alors, effectivement, le personnage
16:55 de Thérèse Desquereaux, c'est pour ça que j'en ai fait
16:57 une lecture de Madeleine
16:59 me paraît intéressant et ce qu'il en dit
17:01 évidemment me parle
17:03 d'une femme qui n'a pas trouvé
17:05 ce qu'elle cherchait
17:07 qui se trouve un peu
17:09 emmurée vivante, je crois que
17:11 ça assonne beaucoup avec le
17:13 personnage de Madeleine, c'est vrai
17:15 en même temps,
17:17 relier ça à l'époque, alors
17:19 Madeleine lit ça parce qu'elle est de son époque
17:21 mais je crois que
17:23 il y a toujours, enfin c'est aussi
17:25 un peu l'option que
17:27 j'avais en écrivant ou en tout cas
17:29 l'idée que je pouvais avoir, il y a toujours
17:31 des femmes emmurées
17:33 vivantes
17:35 c'est à dire
17:37 qui rêvent quelque chose
17:39 qu'elles ne pourront jamais avoir
17:41 et je crois
17:43 que Madeleine, bien sûr
17:45 elle
17:47 elle attend autre chose
17:49 que ce que la vie lui a donné
17:51 que peut-être Yves Prigent lui donnerait
17:53 puisqu'il lui offre tout à coup
17:55 le romanesque, cet homme qui
17:57 s'avance vers vous
17:59 qui vient vous chercher au bord
18:01 de la piste où elle est
18:03 réellement et métaphoriquement
18:05 aussi, parce que c'est quelqu'un qui est toujours au bord
18:07 qui n'arrive pas à s'intégrer
18:09 qui lui dit ça n'a pas d'importance
18:11 que vous ne dansiez pas, je suis là pour ça
18:13 bon voilà
18:15 c'est magique
18:17 mais peut-être aussi
18:19 qu'elle sait que le romanesque
18:21 n'est pas de ce monde
18:23 et j'ai aussi
18:25 voulu parler de ça, j'ai
18:27 voulu parler de ces femmes rêveuses
18:29 je pense qu'il en existe
18:31 toujours, probablement j'en suis une
18:33 qui ne se
18:35 qui rêvent
18:37 qui pensent que la vie est ailleurs
18:39 et que de toute façon la réalité
18:41 ne leur donnera jamais ce qu'elles
18:43 espèrent et il y a ça aussi chez
18:45 Madeleine. Donc le secret de Madeleine
18:47 c'est la déception ?
18:49 la frustration ?
18:51 Non, c'est l'attente
18:53 c'est Duras aussi qui dit
18:55 que quelque part que les femmes sont faites
18:57 d'attentes et je crois
18:59 que cette attente là
19:01 elle ne finit pas, en tout cas
19:03 je ne dis pas que Madeleine
19:05 se résume à ça mais
19:07 que peut-être c'est aussi
19:09 ce qui caractérise Madeleine
19:11 s'il y a de l'attente c'est qu'il y a
19:13 de l'espoir ? ou alors
19:15 c'est une attente
19:17 désespérée ? Non c'est une attente
19:19 c'est l'idée
19:21 que
19:23 je crois que c'est Duras qui le dit, qu'aucun amour
19:25 au monde ne peut tenir lieu de l'amour
19:27 et c'est peut-être ça
19:29 et c'est l'idée que
19:31 voilà
19:33 alors on peut tout lire
19:35 derrière ça, moi je suis une grande lectrice de la princesse de Clèves
19:37 et j'ai pensé
19:39 aussi à la princesse de Clèves
19:41 très modestement parce que pour moi
19:43 c'est un texte majeur
19:45 mais c'est un texte dans lequel
19:47 on voit aussi une femme
19:49 très jeune, plus jeune
19:51 qui ne parle pas
19:53 très peu, qui écoute
19:55 qui cherche à s'orienter
19:57 et qui lorsque
19:59 les choses deviennent possibles
20:01 finalement
20:03 il renonce et je trouve ça très
20:05 émouvant et je trouve
20:07 qu'il y a dans ce renoncement
20:09 une grande beauté
20:11 et une grande
20:13 tristesse aussi, une grande mélancolie
20:15 parce qu'on pense à Madeleine
20:17 on est touché par elle
20:19 en fait et on sent que la narratrice aussi elle a presque
20:21 envie de réparer quelque chose
20:23 de lui rendre honneur en lui disant
20:25 tu étais animée d'un secret
20:27 je ne le connaîtrais peut-être pas, c'est peut-être du fantasme
20:29 mais je le sais, je me suis intéressée à toi
20:31 Oui c'est vrai
20:33 je suis touchée
20:35 c'est vrai personnellement
20:37 par ces femmes
20:39 et au-delà de ces femmes
20:41 ces êtres qui sont
20:43 discrets, qui ne parlent pas
20:45 qui ne font pas beaucoup de bruit
20:47 mais en qui on devine
20:49 une intensité
20:51 présente, une vibration
20:53 et c'est vrai que
20:55 on peut dire que j'ai fait un livre
20:57 sur pas grand chose
20:59 sur
21:01 un amour qui aurait
21:03 été possible mais qui
21:05 n'a pas eu lieu
21:07 sur un pays
21:09 qui n'est plus ce qu'il était
21:11 et qui est en train de finir
21:13 sur des traces
21:15 très très ténues
21:17 mais il y a là-dedans
21:19 et dans une femme comme Madeleine
21:21 une espèce de vibration
21:23 que peut-être seule l'écriture
21:25 peut dire
21:27 parce que pour arriver à exprimer
21:29 justement cette vibration
21:31 qui reste sous cloche
21:33 il faut tous les moyens
21:35 de l'écriture
21:37 et c'est ce que j'ai essayé de lui donner
21:39 C'est quelque chose qui me fascine
21:41 Dominique Barberé, c'est justement d'écrire sur ce
21:43 pas grand chose, sur un presque rien
21:45 et aussi d'une certaine manière
21:47 qu'on pourrait le dire sur l'ordinaire
21:49 parce qu'on parle de ce roman
21:51 "Une façon d'aimer"
21:53 mais c'est presque rien, ces moments qui
21:55 auraient pu tout faire basculer
21:57 mais qui en fait sont restés à l'état d'ébauche
21:59 sur tous les possibles, sur tous les ratés de l'existence
22:01 ça nous concerne tous, ça concerne les femmes
22:03 des années 50, mais aujourd'hui
22:05 les hommes des années 20
22:07 comment on fait pour trouver
22:09 pour cerner
22:11 par l'écriture
22:13 vous l'avez dit, tous les moyens sont possibles de l'écriture
22:15 pour décrire ça, mais quand même
22:17 c'est presque rien à décrire
22:19 où est l'épaisseur ?
22:21 C'est un enjeu qui me fascine
22:23 je suis une grande lectrice de Flaubert
22:25 et une admiratrice enragée
22:27 de Flaubert
22:29 On pourra faire votre bibliographie aussi à la fin, "Ce que la princesse de Clem"
22:31 On la mettra sur la site internet
22:33 Et Flaubert me touche
22:35 précisément dans
22:37 ce rapport au silence
22:39 qui est au coeur de son écriture
22:41 et je dirais que
22:43 c'est ça qui m'a conduite
22:45 à écrire
22:47 ça et aussi
22:49 la manière dont il arrive à nous
22:51 placer devant
22:53 les choses muettes
22:55 de faire ressortir comme ça des moments
22:57 des détails, c'est ça qui
22:59 m'intéresse, et je dirais que mon travail
23:01 commence là, j'ai un territoire dans l'écriture
23:03 qui est finalement assez exigu
23:05 mais il y a aussi
23:07 une grande descriptive aussi
23:09 Oui, des atmosphères, des engins
23:11 Et pour arriver
23:13 à cerner
23:15 ce que Merleau-Ponty
23:17 dit admirablement
23:19 en une formule, en parlant du monde
23:21 sensible, ce qui est
23:23 évident en silence
23:25 en fait, c'est là que je commence à travailler
23:27 moi, c'est à dire, c'est là que
23:29 est mon enjeu, essayer de restituer
23:31 ce qui est évident en silence
23:33 et de là, mon travail
23:35 sur l'écriture
23:37 On trouve souvent chez vous Dominique Barberis, des descriptions
23:39 de fin d'après-midi, de fin
23:41 d'été, je ne me trompe pas ?
23:43 Non, non, pas du tout, je suis obsédée
23:45 par l'arrivée du soir
23:47 Et pourquoi ?
23:49 Je ne sais pas, parce que
23:51 je pense que j'ai une espèce de
23:53 sensibilité épidermique
23:55 au changement
23:57 de l'atmosphère
23:59 et qu'avec la nuit
24:01 avec l'arrivée du soir, quelque chose
24:03 tombe dont je n'arrive
24:05 pas à me remettre
24:07 et j'avais lu, ça fait
24:09 très longtemps, j'étais
24:11 je devais avoir 18, 19 ans
24:13 et attachée déjà
24:15 à m'intéresser un petit peu à l'Afrique, j'avais lu
24:17 ce roman d'Empathé
24:19 Bas qui s'appelle "L'Aventure
24:21 Ambiguë" et il y a une conversation
24:23 et
24:25 qui parlait de l'Africain
24:27 et qui disait
24:29 l'Africain, l'Européen
24:31 pour l'Européen, quand le soir tombe
24:33 il sait que le jour va
24:35 revenir, mais pour l'Africain
24:37 alors vrai ou pas vrai, mais l'idée
24:39 m'avait paru extrêmement belle
24:41 il ne sait pas
24:43 si le soleil va revenir
24:45 si le jour va revenir, et je crois
24:47 qu'il y a quelque chose de ça chez moi
24:49 qui a cette sensibilité là
24:51 et une espèce de chagrin terrible
24:53 qui s'abat sur moi avec la
24:55 tombée du soir et dont je parle
24:57 effectivement dans mes livres et ce qui me fascine
24:59 aussi dans le climat
25:01 d'Ouala et
25:03 c'est cette arrivée
25:05 brutale comme ça de la nuit
25:07 dont
25:09 - Mais qui est très habitée, vous la décrivez très bien
25:11 parce qu'il y a des bruits
25:13 - Oui, elle est pleine de présence
25:15 - Il y a la radio des voisins
25:17 - Oui, c'est-à-dire que j'ai beaucoup rêvé
25:19 à partir de la vie de mes parents
25:21 - Parce que vous êtes née au Cameroun
25:23 - Je suis née au Cameroun
25:25 - Votre père a travaillé là-bas
25:27 donc vous avez été familière
25:29 - Non, moi j'en suis partie, j'avais un an et demi
25:31 - Ah oui, d'accord - Je n'ai aucun souvenir
25:33 mais j'ai beaucoup rêvé
25:35 à ce que c'était que d'être
25:37 dans ces maisons qui étaient quand même entourées
25:39 de végétation, il n'y avait
25:41 pas beaucoup de lumière
25:43 il y avait ces lampes à pression
25:45 autour desquelles tournaient les moustiques
25:47 et finalement, mon paysage
25:49 africain, il n'est pas fait avec grand-chose
25:51 mais il est fait avec le retour
25:53 assez obsédant de ces motifs-là
25:55 - Alors il y a les femmes secrètes
25:57 discrètes, il y a
25:59 la tombée du soir
26:01 et puis il y a les hommes mystérieux
26:03 chez vous Dominique Barberis
26:05 - Voir inquiétant - Voilà, c'est ça
26:07 mais presque dangereux
26:09 est-ce qu'on peut dire
26:11 que c'est ça un petit peu la typologie
26:13 de vos personnages ? - On peut le dire, oui
26:15 parce qu'un certain nombre de mes romans
26:17 notamment l'avant-dernier
26:19 "Un dimanche à Ville d'Avray"
26:21 - "Dans sa vie de la vie"
26:23 - Il provoque le glissement
26:25 comme ça d'une femme
26:27 discrète et rêveuse
26:29 vers
26:31 une relation un peu dangereuse
26:33 avec quelqu'un qu'elle ne cerne pas bien
26:35 et qui l'entraîne pour marcher
26:37 autour des étangs de Ville d'Avray
26:39 - Et qu'est-ce que vous vouliez dire avec ces...
26:41 Voilà, que justement ces moments
26:43 de cette frontière ténue
26:45 il existe une frontière ténue entre
26:47 le mystère et l'inquiétude ?
26:49 - Oui, je crois
26:51 qu'on vit au bord du...
26:53 Enfin, peut-être que je vis au bord
26:55 d'une inquiétude ou en tout cas
26:57 peut-être que je veux parler de ça, oui
26:59 je crois qu'on est toujours...
27:01 On peut toujours être au bord de basculer
27:03 dans quelque chose de dangereux
27:05 en tout cas j'aime ces zones frontières
27:07 et j'ai même des romans
27:09 aussi qui se situent
27:11 à des frontières géographiques
27:13 qui... voilà
27:15 qui indiquent la lisière
27:17 de quelque chose et si j'aime le passage
27:19 j'aime ou j'appréhende
27:21 le passage du jour
27:23 à la nuit, c'est aussi que c'est une
27:25 forme de frontière
27:27 - Et est-ce que vous pourriez aussi...
27:29 Est-ce que vous pourriez dire, Dominique Barry, ce que vous trouvez à la frontière
27:31 d'un genre qui est quand même presque
27:33 le genre policier ?
27:35 C'est-à-dire avec une...
27:37 Dont les personnages sont doubles
27:39 en fait ils sont toujours
27:41 potentiellement criminels
27:43 inquiétants dans le genre policier
27:45 dans le genre policier, pas dans vos romans
27:47 Est-ce que... voilà...
27:49 Vous rêvez pas un petit peu à Agatha Christie finalement ?
27:51 - Je ne sais pas
27:53 je n'écris pas de romans policiers
27:55 mais c'est vrai qu'il y a toujours
27:57 cette inquiétante étrangeté
27:59 des êtres et cette inquiétante
28:01 étrangeté du monde, je crois que je ne les sépare pas
28:03 et c'est pour ça
28:05 que je tourne toujours
28:07 ou en tout cas que des
28:09 schémas parfois vaguement
28:11 policiers, je pense à un de mes romans "Quelque chose
28:13 à cacher"
28:15 qui m'aide aussi à exprimer
28:17 cette inquiétude
28:19 et cette étrangeté
28:21 du monde, je pense que
28:23 oui, le monde
28:25 les gens se présentent
28:27 à moi comme un peu
28:29 opaque, énigmatique
28:31 et c'est ce que j'essaie d'exprimer
28:33 - Mais est-ce que vous avez vraiment envie de percer le mystère ?
28:35 - Non, peut-être pas
28:37 parce qu'il y a quelque chose de très
28:39 comment dire... - C'est plus intéressant de l'esprit
28:41 - ...de presque délicieux, je suis aussi une grande lectrice
28:43 des romancières anglaises
28:45 et j'aime me faire peur dans mes romans
28:47 oui, bien sûr
28:49 - Vis-à-vis du temps
28:51 j'ai une sensation, si vous voulez, que
28:53 les temps
28:55 se superposent, c'est-à-dire que le passé
28:57 se superpose au présent
28:59 et j'ai une sorte de sentiment
29:01 le sentiment que j'ai du temps
29:03 ce n'est pas une nostalgie, c'est une
29:05 impression qu'il y a une sorte
29:07 de temps immobile
29:09 enfin que tout se surimpressionne
29:11 le présent, le passé
29:13 même l'avenir, tout ça forme une surimpression
29:15 en fait
29:17 c'est pas du tout d'ordre intellectuel
29:19 c'est une sorte de sensation presque physique
29:21 que j'éprouve maintenant
29:23 que je n'avais pas éprouvé quand j'étais plus jeune
29:25 mais ce n'est pas à la recherche du temps perdu
29:27 c'est le sentiment qu'il y a une sorte de
29:29 que le temps s'arrête
29:31 enfin c'est très difficile à expliquer
29:33 c'est plutôt cette sensation
29:35 de...
29:37 c'est même pas retrouver le passé
29:39 arriver à une sorte de
29:41 de présent éternel
29:43 enfin c'est une sensation très étrange
29:45 comme si le temps s'était arrêté
29:47 c'était la voix de Patrick Modiano sur
29:49 "Le temps" c'était dans France Culture Radio Libre
29:51 en 2010
29:53 c'est intéressant la manière dont Patrick Modiano
29:55 Dominique Barberis parle du temps parce que
29:57 il cherche même ces mots, on voit bien
29:59 à quel point c'est difficile d'exprimer
30:01 cette superposition des temporalités
30:03 mais un petit peu comme vous Dominique Barberis avec
30:05 tous ces moments au bord, vous avez insisté sur
30:07 votre héroïne qui se tient au bord de la piste de danse
30:09 au bord de sa vie
30:11 sur toutes ses lisières, ses frontières
30:13 je trouve très beau
30:15 très belle plutôt cette
30:17 hésitation sur les mots parce qu'elle nous montre
30:19 à l'évidence ce qui est au coeur
30:21 de l'écriture, c'est-à-dire il est impossible
30:23 d'exprimer de manière logique
30:25 et clairement formulée
30:27 ce qu'on cherche parfois
30:29 et pour revenir
30:31 sur le temps
30:33 c'est vrai que
30:35 mes romans parlent aussi
30:37 beaucoup et essentiellement du
30:39 temps, ils sont souvent tournés
30:41 vers le passé et peut-être
30:43 en ce qui me concerne
30:45 ce glissement du temps
30:47 qui m'effraie terriblement
30:49 et que j'essaie parfois ces moments
30:51 de suspens aussi
30:53 alors que tout va glisser
30:55 - Et vous voulez faire quoi avec l'écriture ?
30:57 Les rattraper ? Les inscrire ? Les figer ?
30:59 - Non, les faire
31:01 sentir ce mouvement du temps
31:03 ce que j'essaie de faire, notamment
31:05 à la fin du roman
31:07 où finalement le reste
31:09 de la vie de Madeleine est évoqué
31:11 d'une manière assez
31:13 accélérée comme
31:15 renvoyer au regret
31:17 de ce qui n'a pas eu lieu
31:19 renvoyer à l'acceptation
31:21 aussi émouvante
31:23 de ce qu'a été sa vie
31:25 à elle, l'amour aussi
31:27 qui l'a unie à sa façon
31:29 à son mari
31:31 et dans cette espèce de glissement
31:33 que j'ai essayé de restituer
31:35 dans l'écriture passe
31:37 je crois beaucoup de ce que je veux dire
31:39 du temps de l'impuissance
31:41 où nous sommes
31:43 à le dire parce qu'il nous
31:45 traverse, il nous transporte
31:47 - Patrick Moyano
31:49 dit le mot "nostalgie"
31:51 qu'est-ce que ça représente la nostalgie pour vous ?
31:53 est-ce que c'est quelque chose de positif ?
31:55 est-ce que c'est quelque chose qui vous rend triste ?
31:57 comment vous l'appréhendez ?
31:59 - Non, je crois que je suis nostalgique
32:01 par essence et
32:03 je pense toujours
32:05 à propos de la nostalgie
32:07 elle me fait écrire
32:09 et je pense toujours à propos de la nostalgie
32:11 à ce texte magnifique
32:13 de Yankelevich
32:15 dans lequel il montre
32:17 que la nostalgie
32:19 est proche de l'amour
32:21 elle n'a rien de rationnel
32:23 c'est-à-dire que le vrai nostalgique
32:25 j'aime beaucoup ça, n'est pas celui
32:27 qui va regretter la côte d'Azur
32:29 ou Monaco ou Venise
32:31 mais celui qui va regretter
32:33 un lieu que personne ne voit
32:35 qui n'a aucune beauté
32:37 qui n'en a que pour lui
32:39 parce que finalement
32:41 la nostalgie, elle a à voir avec le temps
32:43 ce que regrette le nostalgique
32:45 c'est le temps, quel qu'il ait été
32:47 et je trouve ça très très beau
32:49 très juste et finalement
32:51 en me penchant sur quelqu'un comme Madeleine
32:53 et sur cette époque
32:55 c'est ça aussi que je veux dire
32:57 Vous avez parlé des hésitations
32:59 Dominique Barberis à dire
33:01 on l'a entendu avec Patrick Modiano
33:03 vous aussi à propos de ses frontières
33:05 de ses lisières, mais vous êtes écrivaine
33:07 donc vous hésitez peut-être
33:09 à dire mais vous n'hésitez pas
33:11 à écrire
33:13 l'écriture c'est un travail douloureux justement
33:15 à cause de ces hésitations, vous avez parlé tout à l'heure
33:17 de diversion du texte, c'est ça ?
33:19 Oui, mais quand je dis 10
33:21 je suis assez loin de la vérité
33:23 plutôt 20
33:25 Oui, c'est-à-dire que je travaille
33:27 par fragments
33:29 et qu'ensuite
33:31 j'ai une vague idée
33:33 quelquefois pas du tout
33:35 et que tout ça s'organise
33:37 selon une cohérence
33:39 probablement très profonde
33:41 et qui n'apparaît qu'à la fin
33:43 où parfois je peux articuler
33:45 les morceaux du texte de manière très
33:47 rapide mais au bout de 2
33:49 à 3 ans de travail
33:51 et oui c'est douloureux
33:53 parce qu'arriver à une expression
33:55 juste ou à comme dirait
33:57 Ponge, et cette fois j'allais chercher
33:59 du côté des poètes une expression
34:01 réussie, c'est un travail
34:03 énorme, j'ai l'impression
34:05 moi qui suis très bavarde
34:07 de parler toujours à côté
34:09 et ça n'est qu'en écrivant
34:11 que j'arrive à dire
34:13 les choses mais au prix d'un
34:15 travail extrêmement
34:17 laborieux, au prix
34:19 ça fait presque 30 ans que j'écris
34:21 au prix d'une mise au point
34:23 de ce que j'appelle pour moi-même
34:25 l'instrument, au prix d'une
34:27 discipline, je pratique beaucoup
34:29 la danse, je l'ai beaucoup pratiqué
34:31 j'ai beaucoup d'admiration pour les danseurs
34:33 et pour ce travail de la barre
34:35 qui va finir par leur faire
34:37 produire un geste
34:39 juste, voilà, et c'est
34:41 pareil dans tous les arts
34:43 et je pense que le roman en est un
34:45 et c'est pareil dans l'écriture
34:47 - Comment vous savez que vous avez trouvé le mot juste ?
34:49 La formule juste ?
34:51 - Alors, bon, j'écris
34:53 je réécris
34:55 quelques fois j'écris trois pages
34:57 il ne restera que trois lignes
34:59 donc
35:01 c'est un travail
35:03 infini
35:05 alors quand est-ce que je sais que je suis
35:07 arrivée à la justesse
35:09 et bien quand ayant posé le texte
35:11 pendant un certain temps sans y revenir
35:13 le relisant
35:15 il me renvoie
35:17 l'émotion qui était la mienne
35:19 quand j'ai tenté de l'écrire
35:21 - Ça c'est le moment où vous vous dites
35:23 - Voilà, voilà, et je ne donne
35:25 mon texte que quand je suis
35:27 parfaitement satisfaite
35:29 et je dirais
35:31 non pas peu importe les retours que j'en ai
35:33 je suis très heureuse des retours que j'en ai
35:35 mais avant tout
35:37 il s'agit d'une justesse
35:39 par rapport à moi
35:41 - Mais est-ce qu'on est vraiment satisfait de soi ?
35:43 même avec un grand prix du roman de l'Académie française
35:45 - Même avec un grand prix du roman de l'Académie française
35:47 c'est une reconnaissance
35:49 c'est comment dire
35:51 la certitude que j'ai touchée
35:53 des gens, que mon travail
35:55 n'a pas été vain
35:57 mais évidemment
35:59 ça n'élimine aucun des doutes
36:01 que je peux avoir
36:03 ni surtout les doutes que je peux avoir
36:05 quant à la qualité de ce que je vais écrire
36:07 après
36:09 - Merci beaucoup Dominique Barberis
36:11 de vous on peut donc lire "Une façon d'aimer"
36:13 c'est très beau, lisez-le
36:15 vous allez voir justement l'attention portée
36:17 à l'atmosphère, aux détails
36:19 c'est disponible aux éditions Gallimard
36:21 pour finir Dominique Barberis vous avez le choix entre
36:23 deux chansons, soit vous pouvez écouter
36:25 une chanson sur Nantes, d'où vient votre héroïne
36:27 soit une chanson sur Douala
36:29 où va votre héroïne, laquelle vous choisissez ?
36:31 - Vous allez choisir Barbara
36:33 - Ah bah on ne dit pas
36:35 c'est peut-être autre chose sur Nantes
36:37 - Ah c'est peut-être autre chose, alors prenons plutôt
36:39 dans ce cas une chanson sur Douala
36:41 alors chanson d'un chanteur qui vient de Douala
36:43 * Extrait de "Une façon d'aimer" de Dominique Barberis *
36:45 * Extrait de "Une façon d'aimer" de Dominique Barberis *
36:47 * Extrait de "Une façon d'aimer" de Dominique Barberis *
36:49 * Extrait de "Une façon d'aimer" de Dominique Barberis *
36:51 * Extrait de "Une façon d'aimer" de Dominique Barberis *
36:53 * Extrait de "Une façon d'aimer" de Dominique Barberis *
36:55 * Extrait de "Une façon d'aimer" de Dominique Barberis *
36:57 * Extrait de "Une façon d'aimer" de Dominique Barberis *
36:59 * Extrait de "Une façon d'aimer" de Dominique Barberis *
37:01 * Extrait de "Une façon d'aimer" de Dominique Barberis *
37:03 * Extrait de "Une façon d'aimer" de Dominique Barberis *
37:05 * Extrait de "Une façon d'aimer" de Dominique Barberis *
37:07 * Extrait de "Une façon d'aimer" de Dominique Barberis *
37:09 * Extrait de "Une façon d'aimer" de Dominique Barberis *
37:11 * Extrait de "Une façon d'aimer" de Dominique Barberis *
37:13 * Extrait de "Une façon d'aimer" de Dominique Barberis *
37:35 * Extrait de "Une façon d'aimer" de Dominique Barberis *
37:45 * Extrait de "Une façon d'aimer" de Dominique Barberis *
37:47 * Extrait de "Une façon d'aimer" de Dominique Barberis *
37:49 * Extrait de "Une façon d'aimer" de Dominique Barberis *
37:51 * Extrait de "Une façon d'aimer" de Dominique Barberis *
37:53 * Extrait de "Une façon d'aimer" de Dominique Barberis *
37:55 * Extrait de "Une façon d'aimer" de Dominique Barberis *
37:57 * Extrait de "Une façon d'aimer" de Dominique Barberis *
37:59 * Extrait de "Une façon d'aimer" de Dominique Barberis *
38:01 * Extrait de "Une façon d'aimer" de Dominique Barberis *
38:03 Merci Nicolas, à demain !
38:05 -Merci.

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